Progrès en Urologie (1999), 9, 61-64 Formation des personnels à la prévention des infections nosocomiales en urologie Michèle HUANG Cadre Infirmier Hygiéniste, CHI, Montfermeil RESUME Nous sommes tous concernés : • Tous types d’établissements • Tous services • Toutes spécialités - médicales - paramédicales INTRODUCTION miologiques ont rendu sa véritable place à l’infection nosocomiale avec sa part réductible et malheureusement sa part inévitable compte tenu des risques inhérents à la spécificité des soins et à la fragilité du patient. La prévention des infections nosocomiales concerne l’ensemble des intervenants d’un service. Elle concerne aussi bien les praticiens que les infirmières, les aidessoignantes et les agents des services. Il est important cependant de ne pas envisager la formation du personnel sous l’angle d’une seule unité. Le patient, soumis à des examens divers, est amené à circuler dans plusieurs services, et à rencontrer des soignants aux spécialités différentes. Différencier l’infection nosocomiale urinaire de l’infection en urologie n’est pas souhaitable et est difficile. L’infection en urologie va toucher un type de soins bien cernés en un lieu géographique délimité mais ce serait oublier l’importance du taux d’infection nosocomiales des infections urinaires que les patients soient suivis en urologie ou non. Dans un souci d’efficacité, toute formation concernant la prévention des infections urinaires doit s’adresser à l’ensemble du personnel soignant d’un établissement sans oublier les services médico-techniques. L’infection urinaire doit concerner tous les soignants et tous les établissements, qu’ils soient aigus ou de moyen et long séjours. Trop souvent encore, le taux d’infection urinaire vient en tête des taux d’infections nosocomiales des autres sites. Alors que l’application des règles d’hygiène et de techniques de soins éprouvées permet une diminution sensible de ce taux. LA PLACE DE L’INFECTION URINAIRE AU SEIN DES INFECTIONS NOSOCOMIALES Un douloureux constat: l’infection urinaire représente souvent le taux le plus élevé des infections nosocomiales alors que des mesures éprouvées ne sont pas encore mises en place. Le rôle du soignant : Son rôle est essentiel dans la prévention. Celle-ci peut être : L’infection nosocomiale en urologie : • primaire : s’applique dès l’entrée du patient à l’hôpital et dès les premiers soins. Parfois sujet brûlant d’actualité, l’infection nosocomiale existe depuis longtemps. Il y a peu de temps encore, elle était souvent méconnue par le personnel ou considérée comme normale, comme un mal inévitable. • secondaire : s’applique à tout patient déjà infecté pour prévenir l’infection - des autres sites chez un même patient Aujourd’hui, les nombreuses études et enquêtes épidé61 et - la diffusion des bactéries aux autres patients FORMATION DES PERSONNELS A LA PREVENTION DES INFECTIONS NOSOCOMIALES EN UROLOGIE La plupart des soignants ont une bonne connaissances des possibilités de transmissions d’un patient à un autre. Cependant les possibilités de contaminer un site différent chez un même patient est souvent méconnue. Le plan de formation 1. PREALABLES Le complément de la formation de base : a) La responsabilité b) Le lavage des mains c) Actualisation des connaissances de base d) L’organisation des soins La formation de base des soignants : Une grande diversité d’enseignement : le recours ou non à des hygiénistes, la formation à l’hygiène des enseignants dans les instituts Une diffusion de pratiques consensuelles encore nais sante : 2. L’APPLICATION PRATIQUE - CIBLER : a) Protocole ou fiche technique b) Déterminer c) Prévoir d) Insister sur • le rôle du C.T.I.N. et des C.CLIN • les congrès • les sociétés savantes Ces organisations sont souvent à la source de la diffusion des documents de références, mais l’application pratique atteint-elle le soignant de base ? 3. L’APPLICATION PRATIQUE 2° temps ÉVALUATION : a) Vérifier la mise en place b) Audit des pratiques – Épidémiologie Une place variable accordée à l’hygiène selon les spé cialités : proportionnellement importante dans le cursus des infirmiers ou des aides-soignants, beaucoup moins pour les praticiens ou certaines professions paramédicales comme les manipulateurs en radiologie 1. PREALABLES : Le complément de la formation de base : Une quasi méconnaissance de l’épidémiologie et des mesures des risques a) La responsabilité : Il faut resituer les compétences et la responsabilité du soignant tant sur l’accomplissement du soins que sur la prévention des infections nosocomiales. Pour ce faire, il est bon de faire références aux décrets qui régissent la profession ou aux définitions de fonctions internes à l’établissement. Il n’est pas exclu d’informer différents partenaires du contenu de ces décrets. Une meilleure connaissance des professions en terme légaux permet de mieux délimiter les devoirs et compétences des différents partenaires intervenant auprès du patient. De nombreux protocoles commencent d’ailleurs par faire référence à des points précis de ces décrets. A titre d’exemple pour la profession infirmière : --> décrets de compétence • décret n°93-345 du 15 mars 1993 relatif aux actes professionnels e à l’exercice de la profession d’infirmier • décret n°93-221 du 16 février 1993 relatif aux règles professionnelles des infirmiers et infirmières b) Le lavage des mains : Un grand classique mais un rappel nécessaire pour toute formation: les méthodes de lavage des mains et leur fréquence. La formation au lavage des mains doit s’accompagner d’un équipement minium pour pouvoir LA FORMATION DU PERSONNEL A LA PREVENTION DES INFECTIONS NOSOCOMIALES EN UROLOGIE Vient en complément de la formation de base: la formation doit cependant comprendre des rappels pour aplanir la diversité des formations de bases et leur évolution dans le temps. Elle doit être: • adaptée à l’application pratique: • adaptée au public concerné: un même soin peut concerner des catégories professionnelles très différentes. Il ne faut ni les oublier (un soin concerne les soignants qui entourent le patient mais il y a aussi des intervenants extérieurs sans oublier les services techniques qui assurent la maintenance du matériels, le personnel qui suit les commandes...) ni tenir un discours uniforme (donc vague et inadapté) • continue : les techniques évoluent, les gens changent, les transmissions s’effritent, les habitudes reprennent le dessus. Pour un même soin, il faut effectuer des injections de rappel à intervalles réguliers. 62 appliquer ces mesures : la proximité d’un point d’eau et l’équipement en savon et essuie-mains de ce point d’eau. Pour les soins requérant une asepsie rigoureuse, les commandes de robinet fémorales ou au pied sont indispensables. Les mesures standards préconisent le port des gants lors de la manipulation des liquides biologiques. Il y a souvent une systématisation du port de gants pour les soins en urologie. Si cette attitude correspond bien aux précautions nécessaire pour le soignant, elle entraîne parfois un relâchement en ce qui concerne les mesures d’hygiène et surtout le lavage de mains. Dans la prévention des infections en urologie, il est donc important d’insister sur la nécessitée du lavage de mains qu’il y ait eu port de gants ou non. c) Actualisation des connaissances générales : La formation du personnel doit comprendre des rappels concernant la désinfection et la stérilisation. Aussi bien dans leur limites que dans les règles et normes qu’impliquent ces deux termes. Il suffit parfois d’un maillon défaillant pour réduire à néant la qualité d’un soin ; particulièrement lorsque celui-ci requière du matériel stérile. La notion de stérilité ou de désinfection est souvent considéré comme un état presque ‘statique’ alors qu’au niveau microbien, il est particulièrement “instable”. Le personnel soignant n’a pas toujours la connaissance des normes qui régissent la notion de désinfection et de stérilisation. Pourtant elles sont souvent citées et ont y fait référence. De plus, il y a maintenant l’apparition des nouvelles normes et ceux qui étaient formés ont perdus leur repères. Il est nécessaire de permettre au personnel de s’y retrouver, notamment pour les produits de désinfection. Le critère de choix et de reconnaissance d’un produit ne doit plus être l’odeur ou la couleur. Les sociétés mettent au point de nouveaux matériaux limitant l’adhérence bactérienne. Le personnel soignant doit aussi être informé de ces progrès même sous la forme d’un tableau comparatif. Certains soins en urologie pouvant relever de la seule décision du soignant, il doit pouvoir choisir autrement que ‘par habitude’ ou ‘on fait toujours comme ça. d) L’organisation des soins : L’organisation du travail dans le déroulement d’un soin est souvent méconnu. Comment appliquer des règles d’asepsies sur un plan de travail restreint, mal disposé dans un environnement peu propice. Que ce soit pour la pose d’une sonde urinaire ou le nettoyage et la désinfection d’un endoscope, le plan de travail et son organisation doit permettre de répondre aux exigences du protocole. l’organisation du plan de travail doit répondre aussi à des critères d’ergonomie facilitant l’application du protocole. La règle du plus propre au plus sale: La prévention des infections passe aussi par la personnalisation des soins et la disparition des soins dits “en série”. En regroupant plusieurs soins auprès d’un même malade, il faut donc que les soignants puissent organiser ces soins afin de respecter la règle du plus propre au plus sale. Chaque équipe et chaque soignant doit avoir une organisation des soins qui permette de respecter cette règle. L’organisation des soins auprès d’un seul patient relève de l’infirmière mais l’organisation du service incombe au cadre de santé et à l’équipe soignante. La disparition des soins en série : Dans cet ordre d’idée, le personnel doit comprendre et intégrer dans son organisation qu’on ne peut assurer des soins individualisés et relever toutes les diurèses du service exactement à la même heure! 2. L’APPLICATION PRATIQUE : CIBLER a) Protocole ou fiche technique ? Contexte légal : en principe, la fiche technique est un guide d’exécution d’une série de gestes ou de tâches, tandis que le protocole a une valeur légale. Les soignants ont donc l’obligation d’appliquer un protocole ‘à la lettre’ si celui-ci remplis les conditions suivantes: • un lieu : celui de l’application du protocole. Un protocole n’est donc pas interchangeable d’un établissement à un autre. • une date : pour en finir avec les protocoles vieillots inadaptés et donc caduques • signature et validation : le signataire prend la responsabilité du contenu du protocole. Il en est la référence. Il ne peut donc pas y avoir de protocole diffusés par des laboratoires. réactualisation: il est recommandé de vérifier et revalider les protocoles tous les ans. c’est aussi une garantie pour le soignant qui a obligation de l’appliquer. b) Déterminer : • les moyens nécessaires à la mise en place : - matériel de soins : un nouveau matériel doit être mis en place ? Les commandes et approvisionnements sont-ils déjà prêts lors de la formation? - maintenance des appareils : L’introduction d’appareil allant du lave-bassin au lave-endoscope a permis d’améliorer l’hygiène des soins. Cependant les performances des ces appareils doivent être évalués soigneusement et le personnel doit être sensibilisé à l’utilisation de ces appareils à sa maintenance. Ce qui signifie : 1. un cahier des charges sur l’utilisation du matériel lors qui choix qui impliquera une procédure d’utilisation. Que dire des lave-bassins qui servent aussi de lave-instruments ? Ou des laves-endoscopes utilisés pour les endoscopes pour les cavités stériles, alors que ces appareils ne permettent pas le rinçage à l’eau stérile ? 63 2. une maintenance par les services techniques qui doivent être informés de l’achat d’un tel matériel, participer à son implantation et être formés à son entretien et sa maintenance. La maintenance et le renouvellement des filtres doivent être validés par le pharmacien. 3. l’inclusion de l’utilisation de ce matériel dans l’organisation des soins. - le nettoyage et la désinfection de ces matériels : intérieurs et extérieurs. Trop souvent ces appareils ‘laveurs’ sont considérés à tord comme “ autolaveurs” - protection du personnel Outre le rappel des précautions standards, il faut penser à la protection du personnel vis à vis des agents chimiques comme la glutaraldéhyde avec un port de gants adaptés, des lunettes et une ventilation suffisante de la pièce. • l’ergonomie des gestes et l’organisation du travail: abordés de manière générale au chapitre précédent, ce point doit maintenant concerner directement le soin. • les personnes concernées: l’application du protocole va concerner les soignants qui vont directement l’appliquer mais aussi les équipes extérieures qui vont intervenir auprès du patients ainsi que le personnel qui assure la maintenance du matériel. Il faut donc établir une liste très complète des personnes à formés et sur quels points précisément. c) Prévoir : • le temps de formation au protocole : “nous sommes tous concernés” Lorsque le soin concerne un grand nombre de patients répartis sur plusieurs services, le temps de formation en est d’autant plus long. Mais ce temps consacré est indispensable. • la vérification de l’application pratique : le détail qui tue Même un protocole bien conçu, pensé et diffusé peut être mis en échec pour un détail final. Comment parler d’organisation de travail et de règles d’hygiène s’il n’y a même pas un lavabo pour se laver les mains ou de plan de travail pour déposer le matériel ? Ces différents points sont souvent en étroite relation. Ce sont ceux-là qui portent la différence d’un protocole à l’autre. Ce sont ces points qui mettront en avant les critères de qualités du soin. 3. L’APPLICATION PRATIQUE : 2° temps : EVA LUER a) Vérifier la mise en place du protocole : • aménagement des locaux • mise en place des appareils et cahier des charges du suivi et de la maintenance • approvisionnement du matériel • organisation du travail • respect du contenu du protocole ou des temps forts de la fiche technique N’y a-t-il pas au moment de la mise en place un point important qui n’avait pas été vu lors de la préparation du protocole au cours des formations. Le personnel doit avoir une participation active lors de cette phase, prolongement de leur formation. Cette participation doit même être sollicitée. b) Audit des pratiques : • période et fréquence prévue dès la mise en place du protocole Cet audit fait partie de la formation. Le protocole sert de référentiel et il est important de mesurer l’écart au référentiel à distance de la mise en place du protocole et de la formation. Enquête épidémiologique : • prévalence ou incidence CONCLUSION La formation est indispensable. Aucun protocole, aussi parfait soit-il ne pourra être appliqué que s’il est expliqué et compris. L’adhésion des soignants et des différents intervenants peut s’obtenir au travers de la formation. L’importance de l’infection urinaire parfois est mal évaluée par le personnel soignants et surtout les risques associés à des gestes trop souvent banalisés. Le maître mot en matière de prévention de l’infection urinaire serait: “ ne pas banaliser ”. Le sondage urinaire est un reflet de cet état car les risques sont souvent sousestimés par le personnel et les techniques comme le sondage vésical clos méconnues. Par extension, tous les soins, même à risques élevés, n’ont pas toujours l’attention qu’ils méritent. Les règles d’asepsie parfois méconnues pour une simple sonde à demeure ne reprennent pas leur juste place pour les sondes à canaux multiples ou les endoscopes. Le nombre de canaux multiplie les risques. L’introduction d’une sonde ou d’un endoscope dans une cavité stérile nécessite une organisation des soins permettant de respecter les règles d’asepsies. • l’évaluation Elle est encore trop souvent oubliée. Elle demande presque autant d’énergie et de temps que l’élaboration même du protocole avec sa formation. Elle est cependant indispensable tant pour la réactualisation du protocole et au vu d’une application adéquate que pour l’accréditation. d) Insister sur : • les temps forts et les points faibles • la différence avec les anciennes pratiques 64