LÉGIONELLOSE Julien Drevon, Jean-Christophe Navellou, Gaël Piton, Gilles Capellier Service de Réanimation Médicale, hôpital J. Minjoz, 21 boulevard Flemming, 25030 Besançon, France. INTRODUCTION L’apparition de cas groupés de légionellose est un sujet d’information récurrent pour le grand public. Des épidémies périodiques dans diverses régions entraînent des enquêtes épidémiologiques de grande envergure qui permettent parfois de retrouver la source de contamination. Les tours aéroréfrigérantes des complexes industriels sont souvent mises en cause. Les premiers cas de légionellose en tant que tels ont été identifiés à la suite d’une enquête épidémiologique du Center for Disease Control (CDC) en 1976. Des cas groupés de pneumopathies sévères avaient alors touché une population de vétérans américains de la légion résidant dans un même hôtel et avaient fait 29 morts. L’agent infectieux responsable fut découvert en 1977 : Legionella pneumophila. Le système de climatisation mal entretenu de l’hôtel était la source de contamination [1]. D’autres bactéries semblables ont été découvertes par la suite, classées dans le groupe des legionellaceae, elles sont responsables des légionelloses. On a pu mettre rétrospectivement en cause ces bactéries dans certaines épidémies antérieures [2]. 1. BACTÉRIOLOGIE Les légionelles sont des bactéries bacilles gram négatifs, aérobie strict. On distingue 48 espèces et 70 sérogroupes. 1.1. RÉSERVOIRS Le réservoir est essentiellement hydrique. La bactérie est saprophyte des milieux hydriques naturels, son développement est amplifié dans les milieux aménagés par l’homme (conduites d’eau chaude, pommeaux de douche, tours aéroréfrigérantes). La croissance de la bactérie dépend du milieu environnant. Les conditions idéales de développement sont un pH neutre, une température de 37°C et la présence d’autres micro-organismes. 578 MAPAR 2006 En effet Legionella spp utilise les amibes et d’autres protozoaires pour se multiplier, ceux-ci apportant le substrat énergétique et nutritif. De plus ces protozoaires protégent les bactéries qui pourront supporter des variations de températures et de pH importantes [3]. Le biofilm que l’on peut retrouver dans les canalisations mal entretenues est un facteur de multiplication des protozoaires. Les bactéries ainsi protégées par les protozoaires et le biofilm résistent aux mesures habituelles de désinfection des installations d’eau courante [4]. 1.2. PATHOGÉNICITÉ Legionella pneumophila est la principale bactérie pathogène pour l’homme. Legionella pneumophila sérogroupe 1 est responsable de 80 % des pneumopathies à Légionelle, suivi par le sérogroupe 6. La distribution des sérotypes est très différente selon le type de légionellose. En effet, pour les cas nosocomiaux, on retrouve 35,9 % de sérotypes non 1 [5]. On dénombre 22 espèces pathogènes. Le pouvoir pathogène des légionelles dépend des structures de surface. Parmi ces structures de surface, on retrouve une lipopolysaccharide (LPS) qui contient une endotoxine, le « macrophage infectivity potentiator protein » (mip proteine) », la protéine majeure (outer membrane porin), des pili et un flagelle pour certaines bactéries. Tous ces facteurs de virulence combinés vont contribuer à permettre le passage des légionelles dans le macrophage alvéolaire pour se répliquer. Cette capacité de pénétration à l’intérieur du macrophage alvéolaire conditionnerait en partie la virulence de la bactérie. En effet, les Legionella pneumophila mutantes, incapables de pénétrer le macrophage, présentent une virulence moindre [6]. Cependant la bactérie survit aussi dans le milieu extracellulaire : on la retrouve dans l’alvéole, mais en moins grand nombre. 2. LA LÉGIONELLOSE EN FRANCE 2.1. RÉSEAU DE SURVEILLANCE La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1987. Cette déclaration obligatoire permet un meilleur recensement de la maladie en France par l’Institut national de veille sanitaire via la DDASS. Un centre national de référence (CNR) a été instauré en France (basé à Lyon), qui centralise tous les prélèvements positifs pour la légionellose. Le CNR établi alors un profil génomique de ces souches et constitue une banque de données permettant de comparer les souches responsables de cas clinique à des souches environnementales. Il existe donc un double recueil de données : d’une part clinique, par la déclaration obligatoire à l’InVS et d’autre part biologique, par le CNR. Un réseau européen analogue (EWGLI : European Working Group for Legionella Infections) regroupe 36 pays européens, et permet, entre autres, de définir des cas de légionellose importée lorsqu’un patient a voyagé, dans les 10 jours précédant la maladie. 2.2. EPIDÉMIOLOGIE Il y a eu 1 202 cas de légionellose en France en 2004. Le nombre de cas en France ne cesse d’augmenter chaque année depuis 1987. Il existe une majoration importante des cas depuis 1997. Cette augmentation de cas est liée d’une part, à l’apparition du diagnostic rapide par antigénurie et d’autre part, à une action Pathologie infectieuse 579 de sensibilisation des cliniciens à la maladie. Il existe une variation saisonnière des cas avec un pic pendant l’été et une diminution du nombre de cas en hiver. L’incidence est de 2/100 000 habitants en France en 2004, ce qui est au-dessus de la moyenne européenne (1/100 000) [7]. Parallèlement à l’augmentation du nombre de cas de légionellose (avec en moyenne une augmentation de 24 % par an depuis 1997), on observe une diminution des cas nosocomiaux. En Europe, les légionelloses nosocomiales représentent 9 % des cas, 38 % sont communautaires, 20 % sont associées à une notion de voyage et pour 33 % des cas l’exposition est inconnue [8]. Le taux de mortalité est compris entre 10 et 15 %. Cependant, chez l’immunodéprimé, ce taux passe à plus de 40 % en l’absence de traitement et entre 5 et 30 % avec un traitement adapté. 3. TRANSMISSION À L’HOMME La transmission à l’homme se fait par inhalation d’aérosols d’eau contaminée. La taille des gouttelettes contaminantes doit être inférieure à 5 µm pour pouvoir atteindre les alvéoles pulmonaires. Il n’existe pas de contamination par la voie digestive, la transmission ne peut se faire par l’intermédiaire d’aliments ou de boissons contaminés, sauf en cas de micro-inhalation (cette source de contamination est suspectée mais non démontrée). Il existe souvent des cas groupés de légionellose qui ne résultent pas d’une contamination interhumaine mais environnementale. La légionellose n’est pas contagieuse. Les principales sources d’infection, réservoirs de légionelles, sont les systèmes d’installation d’eau chaude et les tours aéroréfrigérantes de l’industrie. Les installations des établissements thermaux sont plus rarement mises en cause. A l’hôpital, les dispositifs de traitement par aérosols ont été la source de cas de légionelloses nosocomiales. Depuis, il est obligatoire d’utiliser de l’eau stérile pour alimenter ce genre de matériel. Les douches, habituellement assimilées à une source de contamination, seraient un facteur protecteur. Cette observation paradoxale serait expliquée par le fait que les patients capables de prendre une douche ont des critères de gravité moindres (patients ambulatoires, moins de risque d'inhalation) [9]. 4. FACTEURS FAVORISANTS En France, les données épidémiologiques récoltées grâce aux déclarations obligatoires à l’institut de veille sanitaire ont permis d’identifier des facteurs favorisants. Il ressort de façon constante depuis 1997 que les cancers, les hémopathies, les traitements par corticoïdes et immunosuppresseurs, le diabète et le tabac sont des facteurs favorisants. Il est intéressant de remarquer que la première épidémie de légionellose diagnostiquée comme telle à Philadelphie en 1976 a touché des personnes présentant ces facteurs favorisants. Un facteur favorisant au moins n’a été retrouvé que chez 72 % des cas de légionellose en France en 2004, ce qui implique que, dans 28 % des cas, aucun facteur favorisant n’est retrouvé. 580 MAPAR 2006 Tableau I Facteurs favorisants parmi les cas de légionellose survenus en France 2001-2004 [7] 2001 Nb % 807 Nombre total des cas déclarés Facteurs favorisants* : Cancer/hémopathie 90 11 Corticoïdes/immunosupres98 12 seurs Diabète 78 10 Tabagisme 319 40 Autres** 170 22 * non mutuellement exclusif ** respiratoire, cardiaque, éthylisme, VIH 2002 Nb % 1021 2003 Nb % 1044 2004 Nb % 1202 114 11 101 10 112 9 112 11 96 9 113 9 118 422 210 11 41 21 117 439 225 11 42 22 157 556 209 13 46 17 5. CLINIQUE Le terme de légionellose regroupe toutes les manifestations cliniques dont les légionelles sont responsables. On distingue principalement les pneumopathies à légionelle et la fièvre de Pontiac. Les autres formes d’infection sont exceptionnelles. En effet, il a été décrit des infections extra-pulmonaires telles que des infections de sites opératoires (contamination par de l’eau souillée) et des endocardites. La période d’incubation se situe entre 2 et 10 jours. Des périodes d’incubation plus longues, jusqu’à 19 jours, ont été observées, notamment lors d’une épidémie aux Pays-bas en 1999 [10]. 5.1. TABLEAU CLINIQUE Le tableau clinique de la légionellose est celui d’une pneumopathie. Les signes cliniques classiques d’orientation pour la légionellose comme les céphalées, la confusion, la toux sèche ou la diarrhée sont des signes cliniques que l’on retrouve aussi fréquemment dans les pneumopathies à pneumocoque [11]. Ces signes cliniques ne doivent donc pas être pris en compte dans la prise en charge initiale d’une pneumopathie car ils ne sont pas discriminants. L’absence d’amélioration d’une pneumopathie sous ß-lactamines doit faire penser fortement à une légionellose. Les pneumopathies communautaires à légionelle sont au deuxième rang des agents étiologiques des pneumopathies communautaires hospitalisées en réanimation : la mortalité (en réanimation) atteint 18 à 30 %. Des facteurs pronostiques ont été identifiés sur des petites séries, un score APACHE II > 15 à l’admission et une natrémie ≤ 136 mmol seraient des facteurs de surmortalité [12]. 5.2. TABLEAU RADIOLOGIQUE Plusieurs études ont prouvé qu’il n’y avait pas de spécificité radiologique permettant d’orienter vers le diagnostic de pneumopathie à légionelle. Pathologie infectieuse 581 Classiquement, la présentation radiologique de la pneumopathie à légionelle est celle d’une pneumopathie multilobaire rapidement progressive. Il existe initialement un infiltrat qui cède la place à une zone de condensation [13]. On retrouve toutefois, des images avec infiltrations parsemées « patchy » (78 %), des infiltrats confluents (2 %) ou des infiltrats interstitiels (18 %). La distribution peut être unilobaire (60 %), multilobaire (28 %) et bilatérale (16 %). Un épanchement pleural est possible (24 %) [14]. 5.3. TABLEAU BIOLOGIQUE Le tableau biologique classique de la légionellose comprend une hyponatrémie, une hypophosphorémie, une insuffisance rénale, une augmentation des CPK et/ou une cytolyse hépatique. Tous ces désordres biologiques sont aussi retrouvés dans les pneumopathies à pneumocoque. La biologie ne peut donc être un facteur discriminant de la nature bactériologique de la pneumopathie [15]. L’insuffisance rénale, par mécanisme immuno-allergique est retrouvée dans 35 % des cas de pneumopathie à légionelle. 5.4. SCORES SÉMIOLOGIQUES (SCORE DU WINTHROP - UNIVERSITY HOSPITAL) Ce score prend en compte différents aspects cliniques, biologiques et radiologiques d’une pneumopathie. Le score obtenu indique la probabilité d’une pneumopathie à légionelle (peu probable, probable, hautement probable). La sensibilité (78 %) et la spécificité (65 %) médiocre de ce score ne permettent pas de l’utiliser en pratique clinique. 6. MOYENS DIAGNOSTIQUES Le diagnostic biologique de légionellose est difficile. La séroconversion n’intervient que 6 à 10 semaines après l’infection. Ce mode diagnostique n’a donc qu’un intérêt rétrospectif. L’utilisation en pratique courante de l’antigénurie (AgU) a simplifié la démarche diagnostique par rapport à la culture et la recherche en immunofluorescence directe sur des prélèvements pulmonaires. L’AgU a été intégrée pour la définition des cas confirmés. 6.1. DÉFINITION DE CAS Assocaition d'une penumopathie et d'éléments biologiques. • Cas confirmé - Isolement de Legionella dans un prélèvement clinique - Et/ou augmentation du titre d’anticorps (multiplié par 4) avec un deuxième titre minimum de 128 - Et/ou présence d’antigène soluble urinaire ; - Et/ou immunofluorescence directe positive. • Cas probable - Titre unique d’anticorps élevé (> 256). • Cas nosocomial certain - Cas hospitalisé durant la totalité de la période d’incubation (10 jours) • Cas nosocomial probable - Cas hospitalisé durant une partie de la période d’incubation. 582 MAPAR 2006 6.2. CULTURE La culture de prélèvements pulmonaires permet un diagnostic de certitude. La spécificité est de 100 %. C’est l’examen de référence. La culture permet la comparaison des souches retrouvées chez les patients aux souches environnementales et donc de détecter des cas groupés ou des épidémies. La sensibilité est faible 40 à 60 %. La culture se fait sur des milieux spéciaux et demande une préparation initiale spécifique pour la recherche de légionelles. 6.3. SÉROLOGIE ELISA La séroconversion survient au moins 3 semaines après l’infection et jusqu’à 10 semaines, ce qui en fait une méthode diagnostique rétrospective. La sensibilité est de 75 % et la spécificité de 95 % pour des opérateurs entraînés. 6.4. RECHERCHE D’AGU (IMMUNOCHROMATOGRAPHIE SUR MEMBRANE) La spécificité est de 99 % après concentration des urines. On retrouve l’Ag dans les urines 3 jours après les premiers symptômes. Il a été décrit des cas de faux négatifs pour des infections nosocomiales, les tests ayant été faits peut être trop tôt [11, 16]. La sensibilité est de 56 à 80 % en fonction du taux d’incidence de Legionella pneumophila sérotype 1 (Lp1). 6.5. IMMUNOFLUORESCENCE DIRECTE Elle se fait sur des prélèvements pulmonaires (crachats, LBA). Le résultat est rapide (quelques heures). La sensibilité varie dans la littérature de 25 à 75 %, la spécificité dépend de l’opérateur et atteint 95 % pour les laboratoires entraînés. Il existe des réactions croisées avec d’autres bactéries responsables de pneumopathie, notamment avec Pseudomonas fluorescens, Bacteroides fragilis, Bordetella pertussis ou Bordetella bronchiseptica [17]. 6.6. POLYMÉRASE CHAIN REACTION (PCR) La PCR est un outil très sensible permettant de détecter de très faible quantité d’ADN. En outre elle retrouve toutes les espèces de légionelles. Elle a été développée initialement pour les études environnementales. Elle ne fait pas partie des critères de définition de cas. Sa rapidité d’exécution pourrait changer la conduite à tenir pour l’antibiothérapie empirique des pneumopathies communautaires surtout si elle est associée à la détection d’autres germes responsables de pneumopathies dites atypiques. Le facteur limitant est le coût de la méthode. 6.7. PART DES DIFFÉRENTES MÉTHODES DIAGNOSTIQUES Depuis 1997, la part du diagnostic par AgU ne cesse de progresser, aux dépens de la culture et de l’IFD. Il représente 86 % des diagnostics de légionellose en 2004. L’AgU a participé à l’augmentation du nombre de cas de légionellose déclaré, cependant alors que l’utilisation de l’AgU n’a pas progressé depuis 3 ans le nombre de cas de Légionelle est toujours en hausse (Figure 1) [7]. La recherche de l’AgU permet de diagnostiquer uniquement les légionelloses dues à Lp1. Si Lp1 est responsable de la majorité des légionelloses déclarées, Pathologie infectieuse 583 il faut souligner que seul Lp1 est recherché dans 86 % des cas (86 % des diagnostics de légionellose par recherche d’AgU). % 70 60 50 40 30 20 10 0 Culture Séroconversion Ag urinaire 1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003 années Figure 1 : répartition des cas de légionellose déclarés par type de diagnostic, France 1995-2003 (Source : Institut de veille sanitaire). En 2004, parmi les 117 cas diagnostiqués uniquement par sérologie et pour lesquels l’espèce était rapportée, 11 cas étaient d’une autre espèce que Legionella pneumophila et pour 40 cas, un autre sérogroupe que Lp1 était identifié, il s’agissait de Legionella pneumophila 2, 3, 4, 5 et 6 [7]. Cette culture n’est pas systématique et par exemple à Besançon, la culture n’est effectuée que si l’AgU est positive ou si la demande est spécifiée. On tend donc ainsi à ne rechercher que Lp1 et à sous-estimer la fréquence des autres espèces. La culture reste nécessaire car entre 1980 et 1989, 45,6 % des cas prouvés de légionellose par culture et déclaré au CDC n’étaient pas Lp1 [18]. Il existe une variation géographique d’incidence de certaine espèce. La connaissance des sérogroupes de légionelles retrouvés dans les réseaux d’eau de l’hôpital et de l’environnement des malades permet d’orienter la recherche. Il faut insister sur la nécessité d’identifier les souches et les sérotypes de légionellose pour détecter les épidémies et les cas groupés. 6.8. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES DIFFÉRENTES MÉTHODES DIAGNOSTIQUES Tableau II Avantages et inconvénients des différentes méthodes diagnostiques [19] Méthodes Sensibilité Spécificité Avantages Ag soluble urinaire 56-80 % 99 % Rapide Positivité précoce Posivité même sous TT Diagn. et TT précoces Dimin. mortalité Culture 60 % 100 % Gold standard. Toutes espèces 3-5 j. Sérologie 80 % IFD 25 % 97-99 % Epidémiologique 65 % Rapide Inconvénients L.p.1 Cher, En routine ? Risque de sous diagn. des autres L. Milieux spéciaux Demande spécifique Négativation rapide Peu sensible sous TT Peu d’intérêt en aigu Labo spécialisés Réactions croisées 584 MAPAR 2006 Ce tableau est tiré des recommandations de la société de pneumologie de langue française et de la société de pathologies infectieuses de langue française. La combinaison de ces différents tests diagnostiques permet d’avoir une sensibilité optimale dans la détection des légionelloses. 7. TRAITEMENT Les recommandations sur l’antibiothérapie préconisée pour le traitement de la légionellose datent de la première épidémie reconnue en 1976. Une étude rétrospective de l’épidémie de Philadelphie avait montré une diminution de la mortalité de 50 % pour les patients traités par érythromycine comparé aux malades ayant reçu une ß-lactamine. L’érythromycine est alors devenu le traitement de référence. De nouvelles molécules sont apparues depuis, et leur efficacité est reconnue. Cependant il n’existe pas d’études cliniques prospectives randomisées prouvant la supériorité d’une molécule sur une autre. L’évaluation de la sensibilité de la bactérie aux différents antibiotiques est difficile du fait de la nature de la bactérie. Quatre méthodes différentes sont utilisées pour évaluer l’efficacité d’un antibiotique. La méthode in vitro avec des cultures de légionelles sur des milieux spéciaux ne permet pas de préjuger de l’activité in vivo de la molécule du fait du caractère intracellulaire de la bactérie. En effet, les ß-lactamines, très efficaces in vitro, sont inefficaces in vivo car ne pénétrant pas dans la cellule. La seconde méthode est la culture de légionelles dans des cellules (macrophages alvéolaires) : cette méthode évalue l’activité intracellulaire des antibiotiques. La corrélation avec les études animales est bonne. La troisième méthode utilise un modèle animal (les cochons d’inde). Ces animaux sont infectés et traités. L’activité d’une molécule chez l’animal serait un bon témoin de l’activité chez l’homme. Finalement, la dernière méthode est l’essai clinique. Il n’existe malheureusement que de très petites séries permettant d’évaluer cliniquement l’efficacité des différents antibiotiques. L’incidence faible de la légionellose rend difficile une étude sur une grande série. Les trois classes d’antibiotiques, utilisées pour le traitement de la légionellose, sont les macrolides, les quinolones et la rifampicine. 7.1. LES MACROLIDES L’érythromycine est le traitement historique de la légionellose. Elle est cependant moins efficace, in vitro, que la clarythromycine et l’azythromycine sur un modèle extra-cellulaire et intracellulaire. L’érythromycine a une ototoxicité et des effets secondaires gastro-intestinaux non négligeables pour les posologies de 2 à 4 g par jour utilisées dans le traitement de la légionellose. L’azithromycine semble être le macrolide de choix dans le traitement de la légionellose. Son efficacité in vitro et in vivo dans le modèle animal est la meilleure des macrolides. Il existe un effet post antibiotique de 5 jours, il est bactéricide (l’érythromycine est bactériostatique) et sa concentration intracellulaire est supérieure aux autres antibiotiques. Cependant il n’existe pas de forme intraveineuse de l’azithromycine en France. Pathologie infectieuse 585 7.2. LES QUINOLONES L’activité de plusieurs quinolones a été testée in vitro sur des modèles intra et extra-cellulaires. La ciprofloxacine, la levofloxacine, l’ofloxacine, la sparfloxacine et la trovofloxacine sont des molécules ayant une bonne activité sur légionella pneumophila, avec une bonne pénétration intra-cellulaire et avec des CMI basses. Un effet post antibiotique a été observé avec la sparfloxacine. Quelques échecs de traitement ont été observés avec la ciprofloxacine et l’ofloxacine mais utilisés à des doses inadéquates ou chez des patients immunodéprimés. La trovofloxacine et la sparfloxacine semblent être les quinolones de choix dans le traitement de la légionellose étant donné leur effet post antibiotique, leur CMI basse, et leur pénétration intra-cellulaire. 7.3. AUTRES MOLÉCULES La rifampicine a une activité extra et intra-cellulaire contre la légionellose. Son utilisation est recommandée en association pour limiter l’émergence de mutants résistants. Testés in vitro, les streptogramines ont de fortes concentrations intra-cellulaires et une activité intra et extra-cellulaire contre la bactérie. Les kétolides ont aussi une activité contre la légionellose dans les modèles intra et extra-cellulaires, ainsi que dans le modèle animal (pneumopathie du cochon d’inde). Les données cliniques sont encore attendues pour ces deux dernières molécules. Un schéma thérapeutique dans le traitement des légionelloses a été édité par l’AFSSAPS en février 2002 : • Gravité légère à modérée : macrolide ou fluoroquinolone. • Gravité élevée et/ou immunodépression : association éventuelle de 2 molécules au sein des 3 types de molécules suivantes (érythromycine, spiramycine/ciprofloxacine, lévofloxacine, ofloxacine / rifampicine). L’Infectious Diseases Society of America (IDSA) en 2003 recommande [20] : • Patient hospitalisé : azithromycine ou fluoroquinolone (moxifloxacine, gatifloxacine ou levofloxacine) • Patient non hospitalisé : antibiotiques acceptables : érythromycine, doxycycline, azithromycine, clarythromycine ou fluoroquinolone. La durée de traitement recommandée par l’AFSSAPS est de 14 à 21 jours chez l’immunocompétent et jusqu’à 30 jours chez l’immunodéprimé ou dans les formes sévères. L’IDSA recommande 10 à 21 jours de traitement suivant le statut immunitaire, la sévérité, le délai de traitement et la réponse initiale. La durée de traitement peut être abaissé à 5 à 8 jours pour l’azythromycine et 7 à 10 jours pour la télithromycine (pour les formes non sévères). Les molécules et les nouvelles classes d’antibiotiques ont très certainement une place à prendre dans le traitement des légionelloses, cependant leur efficacité reste à valider en clinique. 586 MAPAR 2006 8. PRÉVENTION Seule la voie aérienne par inhalation d’aérosol contaminé a été démontrée pour la transmission de la légionellose. La prévention de la légionellose va donc s’appuyer sur l’éradication des sources d’aérosol contaminant. Dans les établissements sanitaires, la prévention va reposer sur le contrôle des légionelles dans les réseaux d’eau. Il faut pour cela maintenir une température dans les conduites d’eau chaude (60°C à la production et 50°C aux différents points d’usage), supprimer les dépôts organiques (détartrage) et surtout maintenir une surveillance des taux de bactéries (Unités formant colonies : UFC par L) dans les prélèvements d’eau (<1 000 UFC.l-1). Les tours aéroréfrigérantes industrielles sont soumises à une maintenance régulière permettant leur désinfection. La surveillance épidémiologique permet de dépister parfois précocement les réservoirs qui sont les points de départ des épidémies de légionellose. La surveillance, la maintenance et la prévention des risques de légionellose sont régies par des lois, arrêtés et circulaires ministériels. CONCLUSION Bien que les méthodes diagnostiques aient évolué depuis 1976, la légionellose est encore une maladie sous diagnostiquée : l’antigénurie ne permet de détecter que les légionella pneumophila de type 1, alors que les légionelloses nosocomiales et de l’immunodéprimé sont le plus souvent liées à un autre sérotype. Cette notion doit nous faire prendre conscience de l’importance de la culture comme méthode diagnostique pour rechercher les légionelles autres que Légionella pneumophila et pour la détection précoce d’épidémie. La légionellose doit être recherchée et prise en compte pour le traitement des pneumopathies nosocomiales. Il n‘y a pas d’argument clinique, biologique ou radiologique qui permet d’orienter devant une pneumopathie vers une légionellose. Enfin, les nouvelles molécules (nouvelles quinolones, kétolides…) doivent être évaluées en pratique clinique avant de modifier les recommandations actuelles. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES [1] Fraser DW, Tsai TR, Orenstein W, Parkin WE, Beecham HJ, Sharrar RG et al. Legionnaires’ disease: description of an epidemic of pneumonia. N Engl J Med 1977;297(22):1189-1197 [2] McDade JE, Shepard CC, Fraser DW, Tsai TR, Redus MA, Dowdle WR. Legionnaires’ Disease. Isolation of a bacterium and demonstration of its role in other respiratory diseases. N Engl J Med [297], 1197-1203. 1977.) [3] R, Holler C, Sussmuth R, Gundermann KO. Effect of salt concentration and temperature on survival of Legionella pneumophila. Lett Appl Microbiol 1998;26(1):64-68 [4] Ohno A, Kato N, Yamada K, Yamaguchi K. Factors influencing survival of Legionella pneumophila serotype 1 in hot spring water and tap water. 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