Légionellose

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LÉGIONELLOSE
Julien Drevon, Jean-Christophe Navellou, Gaël Piton,
Gilles Capellier
Service de Réanimation Médicale, hôpital J. Minjoz, 21 boulevard Flemming, 25030 Besançon, France.
INTRODUCTION
L’apparition de cas groupés de légionellose est un sujet d’information récurrent pour le grand public. Des épidémies périodiques dans diverses régions
entraînent des enquêtes épidémiologiques de grande envergure qui permettent
parfois de retrouver la source de contamination. Les tours aéroréfrigérantes des
complexes industriels sont souvent mises en cause.
Les premiers cas de légionellose en tant que tels ont été identifiés à la
suite d’une enquête épidémiologique du Center for Disease Control (CDC) en
1976. Des cas groupés de pneumopathies sévères avaient alors touché une
population de vétérans américains de la légion résidant dans un même hôtel
et avaient fait 29 morts. L’agent infectieux responsable fut découvert en 1977 :
Legionella pneumophila. Le système de climatisation mal entretenu de l’hôtel
était la source de contamination [1].
D’autres bactéries semblables ont été découvertes par la suite, classées
dans le groupe des legionellaceae, elles sont responsables des légionelloses.
On a pu mettre rétrospectivement en cause ces bactéries dans certaines épidémies antérieures [2].
1. BACTÉRIOLOGIE
Les légionelles sont des bactéries bacilles gram négatifs, aérobie strict. On
distingue 48 espèces et 70 sérogroupes.
1.1. RÉSERVOIRS
Le réservoir est essentiellement hydrique. La bactérie est saprophyte des
milieux hydriques naturels, son développement est amplifié dans les milieux
aménagés par l’homme (conduites d’eau chaude, pommeaux de douche, tours
aéroréfrigérantes). La croissance de la bactérie dépend du milieu environnant.
Les conditions idéales de développement sont un pH neutre, une température
de 37°C et la présence d’autres micro-organismes.
578
MAPAR 2006
En effet Legionella spp utilise les amibes et d’autres protozoaires pour
se multiplier, ceux-ci apportant le substrat énergétique et nutritif. De plus ces
protozoaires protégent les bactéries qui pourront supporter des variations de
températures et de pH importantes [3]. Le biofilm que l’on peut retrouver dans
les canalisations mal entretenues est un facteur de multiplication des protozoaires. Les bactéries ainsi protégées par les protozoaires et le biofilm résistent aux
mesures habituelles de désinfection des installations d’eau courante [4].
1.2. PATHOGÉNICITÉ
Legionella pneumophila est la principale bactérie pathogène pour l’homme.
Legionella pneumophila sérogroupe 1 est responsable de 80 % des pneumopathies à Légionelle, suivi par le sérogroupe 6. La distribution des sérotypes est
très différente selon le type de légionellose. En effet, pour les cas nosocomiaux,
on retrouve 35,9 % de sérotypes non 1 [5].
On dénombre 22 espèces pathogènes. Le pouvoir pathogène des légionelles dépend des structures de surface. Parmi ces structures de surface, on
retrouve une lipopolysaccharide (LPS) qui contient une endotoxine, le « macrophage infectivity potentiator protein » (mip proteine) », la protéine majeure (outer
membrane porin), des pili et un flagelle pour certaines bactéries. Tous ces facteurs
de virulence combinés vont contribuer à permettre le passage des légionelles
dans le macrophage alvéolaire pour se répliquer. Cette capacité de pénétration
à l’intérieur du macrophage alvéolaire conditionnerait en partie la virulence de la
bactérie. En effet, les Legionella pneumophila mutantes, incapables de pénétrer
le macrophage, présentent une virulence moindre [6]. Cependant la bactérie
survit aussi dans le milieu extracellulaire : on la retrouve dans l’alvéole, mais en
moins grand nombre.
2. LA LÉGIONELLOSE EN FRANCE
2.1. RÉSEAU DE SURVEILLANCE
La légionellose est une maladie à déclaration obligatoire depuis 1987. Cette
déclaration obligatoire permet un meilleur recensement de la maladie en France
par l’Institut national de veille sanitaire via la DDASS. Un centre national de
référence (CNR) a été instauré en France (basé à Lyon), qui centralise tous les prélèvements positifs pour la légionellose. Le CNR établi alors un profil génomique
de ces souches et constitue une banque de données permettant de comparer
les souches responsables de cas clinique à des souches environnementales. Il
existe donc un double recueil de données : d’une part clinique, par la déclaration
obligatoire à l’InVS et d’autre part biologique, par le CNR. Un réseau européen
analogue (EWGLI : European Working Group for Legionella Infections) regroupe
36 pays européens, et permet, entre autres, de définir des cas de légionellose
importée lorsqu’un patient a voyagé, dans les 10 jours précédant la maladie.
2.2. EPIDÉMIOLOGIE
Il y a eu 1 202 cas de légionellose en France en 2004. Le nombre de cas en
France ne cesse d’augmenter chaque année depuis 1987. Il existe une majoration
importante des cas depuis 1997. Cette augmentation de cas est liée d’une part,
à l’apparition du diagnostic rapide par antigénurie et d’autre part, à une action
Pathologie infectieuse
579
de sensibilisation des cliniciens à la maladie. Il existe une variation saisonnière
des cas avec un pic pendant l’été et une diminution du nombre de cas en hiver.
L’incidence est de 2/100 000 habitants en France en 2004, ce qui est au-dessus
de la moyenne européenne (1/100 000) [7].
Parallèlement à l’augmentation du nombre de cas de légionellose (avec
en moyenne une augmentation de 24 % par an depuis 1997), on observe une
diminution des cas nosocomiaux.
En Europe, les légionelloses nosocomiales représentent 9 % des cas, 38 %
sont communautaires, 20 % sont associées à une notion de voyage et pour
33 % des cas l’exposition est inconnue [8].
Le taux de mortalité est compris entre 10 et 15 %. Cependant, chez l’immunodéprimé, ce taux passe à plus de 40 % en l’absence de traitement et entre
5 et 30 % avec un traitement adapté.
3. TRANSMISSION À L’HOMME
La transmission à l’homme se fait par inhalation d’aérosols d’eau contaminée. La taille des gouttelettes contaminantes doit être inférieure à 5 µm pour
pouvoir atteindre les alvéoles pulmonaires. Il n’existe pas de contamination par
la voie digestive, la transmission ne peut se faire par l’intermédiaire d’aliments
ou de boissons contaminés, sauf en cas de micro-inhalation (cette source de
contamination est suspectée mais non démontrée). Il existe souvent des cas
groupés de légionellose qui ne résultent pas d’une contamination interhumaine
mais environnementale. La légionellose n’est pas contagieuse.
Les principales sources d’infection, réservoirs de légionelles, sont les systèmes d’installation d’eau chaude et les tours aéroréfrigérantes de l’industrie. Les
installations des établissements thermaux sont plus rarement mises en cause.
A l’hôpital, les dispositifs de traitement par aérosols ont été la source de cas de
légionelloses nosocomiales. Depuis, il est obligatoire d’utiliser de l’eau stérile
pour alimenter ce genre de matériel. Les douches, habituellement assimilées à
une source de contamination, seraient un facteur protecteur. Cette observation
paradoxale serait expliquée par le fait que les patients capables de prendre une
douche ont des critères de gravité moindres (patients ambulatoires, moins de
risque d'inhalation) [9].
4. FACTEURS FAVORISANTS
En France, les données épidémiologiques récoltées grâce aux déclarations
obligatoires à l’institut de veille sanitaire ont permis d’identifier des facteurs
favorisants. Il ressort de façon constante depuis 1997 que les cancers, les hémopathies, les traitements par corticoïdes et immunosuppresseurs, le diabète et
le tabac sont des facteurs favorisants.
Il est intéressant de remarquer que la première épidémie de légionellose
diagnostiquée comme telle à Philadelphie en 1976 a touché des personnes
présentant ces facteurs favorisants.
Un facteur favorisant au moins n’a été retrouvé que chez 72 % des cas de
légionellose en France en 2004, ce qui implique que, dans 28 % des cas, aucun
facteur favorisant n’est retrouvé.
580
MAPAR 2006
Tableau I
Facteurs favorisants parmi les cas de légionellose survenus
en France 2001-2004 [7]
2001
Nb %
807
Nombre total des cas déclarés
Facteurs favorisants* :
Cancer/hémopathie
90
11
Corticoïdes/immunosupres98 12
seurs
Diabète
78
10
Tabagisme
319 40
Autres**
170 22
* non mutuellement exclusif
** respiratoire, cardiaque, éthylisme, VIH
2002
Nb %
1021
2003
Nb %
1044
2004
Nb %
1202
114
11
101
10
112
9
112
11
96
9
113
9
118
422
210
11
41
21
117
439
225
11
42
22
157
556
209
13
46
17
5. CLINIQUE
Le terme de légionellose regroupe toutes les manifestations cliniques dont
les légionelles sont responsables. On distingue principalement les pneumopathies à légionelle et la fièvre de Pontiac. Les autres formes d’infection sont
exceptionnelles. En effet, il a été décrit des infections extra-pulmonaires telles
que des infections de sites opératoires (contamination par de l’eau souillée) et
des endocardites.
La période d’incubation se situe entre 2 et 10 jours. Des périodes d’incubation plus longues, jusqu’à 19 jours, ont été observées, notamment lors d’une
épidémie aux Pays-bas en 1999 [10].
5.1. TABLEAU CLINIQUE
Le tableau clinique de la légionellose est celui d’une pneumopathie. Les
signes cliniques classiques d’orientation pour la légionellose comme les céphalées, la confusion, la toux sèche ou la diarrhée sont des signes cliniques que
l’on retrouve aussi fréquemment dans les pneumopathies à pneumocoque [11].
Ces signes cliniques ne doivent donc pas être pris en compte dans la prise en
charge initiale d’une pneumopathie car ils ne sont pas discriminants. L’absence
d’amélioration d’une pneumopathie sous ß-lactamines doit faire penser fortement à une légionellose.
Les pneumopathies communautaires à légionelle sont au deuxième rang des
agents étiologiques des pneumopathies communautaires hospitalisées en réanimation : la mortalité (en réanimation) atteint 18 à 30 %. Des facteurs pronostiques
ont été identifiés sur des petites séries, un score APACHE II > 15 à l’admission
et une natrémie ≤ 136 mmol seraient des facteurs de surmortalité [12].
5.2. TABLEAU RADIOLOGIQUE
Plusieurs études ont prouvé qu’il n’y avait pas de spécificité radiologique
permettant d’orienter vers le diagnostic de pneumopathie à légionelle.
Pathologie infectieuse
581
Classiquement, la présentation radiologique de la pneumopathie à légionelle
est celle d’une pneumopathie multilobaire rapidement progressive. Il existe
initialement un infiltrat qui cède la place à une zone de condensation [13].
On retrouve toutefois, des images avec infiltrations parsemées « patchy »
(78 %), des infiltrats confluents (2 %) ou des infiltrats interstitiels (18 %). La
distribution peut être unilobaire (60 %), multilobaire (28 %) et bilatérale (16 %).
Un épanchement pleural est possible (24 %) [14].
5.3. TABLEAU BIOLOGIQUE
Le tableau biologique classique de la légionellose comprend une hyponatrémie, une hypophosphorémie, une insuffisance rénale, une augmentation des
CPK et/ou une cytolyse hépatique. Tous ces désordres biologiques sont aussi
retrouvés dans les pneumopathies à pneumocoque. La biologie ne peut donc être
un facteur discriminant de la nature bactériologique de la pneumopathie [15].
L’insuffisance rénale, par mécanisme immuno-allergique est retrouvée dans
35 % des cas de pneumopathie à légionelle.
5.4. SCORES SÉMIOLOGIQUES (SCORE DU WINTHROP - UNIVERSITY
HOSPITAL)
Ce score prend en compte différents aspects cliniques, biologiques et
radiologiques d’une pneumopathie. Le score obtenu indique la probabilité d’une
pneumopathie à légionelle (peu probable, probable, hautement probable). La
sensibilité (78 %) et la spécificité (65 %) médiocre de ce score ne permettent
pas de l’utiliser en pratique clinique.
6. MOYENS DIAGNOSTIQUES
Le diagnostic biologique de légionellose est difficile. La séroconversion
n’intervient que 6 à 10 semaines après l’infection. Ce mode diagnostique n’a
donc qu’un intérêt rétrospectif. L’utilisation en pratique courante de l’antigénurie
(AgU) a simplifié la démarche diagnostique par rapport à la culture et la recherche
en immunofluorescence directe sur des prélèvements pulmonaires. L’AgU a été
intégrée pour la définition des cas confirmés.
6.1. DÉFINITION DE CAS
Assocaition d'une penumopathie et d'éléments biologiques.
• Cas confirmé
- Isolement de Legionella dans un prélèvement clinique
- Et/ou augmentation du titre d’anticorps (multiplié par 4) avec un deuxième
titre minimum de 128
- Et/ou présence d’antigène soluble urinaire ;
- Et/ou immunofluorescence directe positive.
• Cas probable
- Titre unique d’anticorps élevé (> 256).
• Cas nosocomial certain
- Cas hospitalisé durant la totalité de la période d’incubation (10 jours)
• Cas nosocomial probable
- Cas hospitalisé durant une partie de la période d’incubation.
582
MAPAR 2006
6.2. CULTURE
La culture de prélèvements pulmonaires permet un diagnostic de certitude.
La spécificité est de 100 %. C’est l’examen de référence.
La culture permet la comparaison des souches retrouvées chez les patients
aux souches environnementales et donc de détecter des cas groupés ou des
épidémies. La sensibilité est faible 40 à 60 %. La culture se fait sur des milieux
spéciaux et demande une préparation initiale spécifique pour la recherche de
légionelles.
6.3. SÉROLOGIE ELISA
La séroconversion survient au moins 3 semaines après l’infection et jusqu’à
10 semaines, ce qui en fait une méthode diagnostique rétrospective. La sensibilité est de 75 % et la spécificité de 95 % pour des opérateurs entraînés.
6.4. RECHERCHE D’AGU (IMMUNOCHROMATOGRAPHIE SUR MEMBRANE)
La spécificité est de 99 % après concentration des urines. On retrouve l’Ag
dans les urines 3 jours après les premiers symptômes. Il a été décrit des cas de
faux négatifs pour des infections nosocomiales, les tests ayant été faits peut être
trop tôt [11, 16]. La sensibilité est de 56 à 80 % en fonction du taux d’incidence
de Legionella pneumophila sérotype 1 (Lp1).
6.5. IMMUNOFLUORESCENCE DIRECTE
Elle se fait sur des prélèvements pulmonaires (crachats, LBA). Le résultat
est rapide (quelques heures). La sensibilité varie dans la littérature de 25 à
75 %, la spécificité dépend de l’opérateur et atteint 95 % pour les laboratoires
entraînés.
Il existe des réactions croisées avec d’autres bactéries responsables de
pneumopathie, notamment avec Pseudomonas fluorescens, Bacteroides fragilis,
Bordetella pertussis ou Bordetella bronchiseptica [17].
6.6. POLYMÉRASE CHAIN REACTION (PCR)
La PCR est un outil très sensible permettant de détecter de très faible
quantité d’ADN. En outre elle retrouve toutes les espèces de légionelles. Elle
a été développée initialement pour les études environnementales. Elle ne fait
pas partie des critères de définition de cas. Sa rapidité d’exécution pourrait
changer la conduite à tenir pour l’antibiothérapie empirique des pneumopathies
communautaires surtout si elle est associée à la détection d’autres germes
responsables de pneumopathies dites atypiques. Le facteur limitant est le coût
de la méthode.
6.7. PART DES DIFFÉRENTES MÉTHODES DIAGNOSTIQUES
Depuis 1997, la part du diagnostic par AgU ne cesse de progresser, aux
dépens de la culture et de l’IFD. Il représente 86 % des diagnostics de légionellose en 2004. L’AgU a participé à l’augmentation du nombre de cas de légionellose
déclaré, cependant alors que l’utilisation de l’AgU n’a pas progressé depuis 3 ans
le nombre de cas de Légionelle est toujours en hausse (Figure 1) [7].
La recherche de l’AgU permet de diagnostiquer uniquement les légionelloses
dues à Lp1. Si Lp1 est responsable de la majorité des légionelloses déclarées,
Pathologie infectieuse
583
il faut souligner que seul Lp1 est recherché dans 86 % des cas (86 % des diagnostics de légionellose par recherche d’AgU).
%
70
60
50
40
30
20
10
0
Culture
Séroconversion
Ag urinaire
1995 1996 1997 1998 1999 2000 2001 2002 2003
années
Figure 1 : répartition des cas de légionellose déclarés par type de diagnostic,
France 1995-2003 (Source : Institut de veille sanitaire).
En 2004, parmi les 117 cas diagnostiqués uniquement par sérologie et pour
lesquels l’espèce était rapportée, 11 cas étaient d’une autre espèce que Legionella pneumophila et pour 40 cas, un autre sérogroupe que Lp1 était identifié,
il s’agissait de Legionella pneumophila 2, 3, 4, 5 et 6 [7]. Cette culture n’est pas
systématique et par exemple à Besançon, la culture n’est effectuée que si l’AgU
est positive ou si la demande est spécifiée. On tend donc ainsi à ne rechercher
que Lp1 et à sous-estimer la fréquence des autres espèces.
La culture reste nécessaire car entre 1980 et 1989, 45,6 % des cas prouvés
de légionellose par culture et déclaré au CDC n’étaient pas Lp1 [18].
Il existe une variation géographique d’incidence de certaine espèce. La connaissance des sérogroupes de légionelles retrouvés dans les réseaux d’eau de
l’hôpital et de l’environnement des malades permet d’orienter la recherche.
Il faut insister sur la nécessité d’identifier les souches et les sérotypes de
légionellose pour détecter les épidémies et les cas groupés.
6.8. AVANTAGES ET INCONVÉNIENTS DES DIFFÉRENTES MÉTHODES
DIAGNOSTIQUES
Tableau II
Avantages et inconvénients des différentes méthodes diagnostiques [19]
Méthodes
Sensibilité
Spécificité
Avantages
Ag soluble
urinaire
56-80
%
99 %
Rapide
Positivité précoce
Posivité même sous TT
Diagn. et TT précoces
Dimin. mortalité
Culture
60 %
100 %
Gold standard.
Toutes espèces
3-5 j.
Sérologie
80 %
IFD
25 %
97-99 % Epidémiologique
65 %
Rapide
Inconvénients
L.p.1
Cher,
En routine ?
Risque de sous diagn.
des autres L.
Milieux spéciaux
Demande spécifique
Négativation rapide
Peu sensible sous TT
Peu d’intérêt en aigu
Labo spécialisés
Réactions croisées
584
MAPAR 2006
Ce tableau est tiré des recommandations de la société de pneumologie
de langue française et de la société de pathologies infectieuses de langue
française.
La combinaison de ces différents tests diagnostiques permet d’avoir une
sensibilité optimale dans la détection des légionelloses.
7.
TRAITEMENT
Les recommandations sur l’antibiothérapie préconisée pour le traitement
de la légionellose datent de la première épidémie reconnue en 1976. Une étude
rétrospective de l’épidémie de Philadelphie avait montré une diminution de la
mortalité de 50 % pour les patients traités par érythromycine comparé aux malades ayant reçu une ß-lactamine. L’érythromycine est alors devenu le traitement
de référence. De nouvelles molécules sont apparues depuis, et leur efficacité
est reconnue. Cependant il n’existe pas d’études cliniques prospectives randomisées prouvant la supériorité d’une molécule sur une autre.
L’évaluation de la sensibilité de la bactérie aux différents antibiotiques est
difficile du fait de la nature de la bactérie. Quatre méthodes différentes sont
utilisées pour évaluer l’efficacité d’un antibiotique. La méthode in vitro avec des
cultures de légionelles sur des milieux spéciaux ne permet pas de préjuger de
l’activité in vivo de la molécule du fait du caractère intracellulaire de la bactérie.
En effet, les ß-lactamines, très efficaces in vitro, sont inefficaces in vivo car ne
pénétrant pas dans la cellule. La seconde méthode est la culture de légionelles
dans des cellules (macrophages alvéolaires) : cette méthode évalue l’activité
intracellulaire des antibiotiques. La corrélation avec les études animales est
bonne. La troisième méthode utilise un modèle animal (les cochons d’inde). Ces
animaux sont infectés et traités. L’activité d’une molécule chez l’animal serait
un bon témoin de l’activité chez l’homme. Finalement, la dernière méthode est
l’essai clinique. Il n’existe malheureusement que de très petites séries permettant
d’évaluer cliniquement l’efficacité des différents antibiotiques. L’incidence faible
de la légionellose rend difficile une étude sur une grande série.
Les trois classes d’antibiotiques, utilisées pour le traitement de la légionellose, sont les macrolides, les quinolones et la rifampicine.
7.1. LES MACROLIDES
L’érythromycine est le traitement historique de la légionellose. Elle est
cependant moins efficace, in vitro, que la clarythromycine et l’azythromycine
sur un modèle extra-cellulaire et intracellulaire.
L’érythromycine a une ototoxicité et des effets secondaires gastro-intestinaux non négligeables pour les posologies de 2 à 4 g par jour utilisées dans le
traitement de la légionellose.
L’azithromycine semble être le macrolide de choix dans le traitement de
la légionellose. Son efficacité in vitro et in vivo dans le modèle animal est la
meilleure des macrolides. Il existe un effet post antibiotique de 5 jours, il est
bactéricide (l’érythromycine est bactériostatique) et sa concentration intracellulaire est supérieure aux autres antibiotiques. Cependant il n’existe pas de forme
intraveineuse de l’azithromycine en France.
Pathologie infectieuse
585
7.2. LES QUINOLONES
L’activité de plusieurs quinolones a été testée in vitro sur des modèles intra
et extra-cellulaires. La ciprofloxacine, la levofloxacine, l’ofloxacine, la sparfloxacine
et la trovofloxacine sont des molécules ayant une bonne activité sur légionella
pneumophila, avec une bonne pénétration intra-cellulaire et avec des CMI basses.
Un effet post antibiotique a été observé avec la sparfloxacine. Quelques échecs
de traitement ont été observés avec la ciprofloxacine et l’ofloxacine mais utilisés à
des doses inadéquates ou chez des patients immunodéprimés. La trovofloxacine
et la sparfloxacine semblent être les quinolones de choix dans le traitement de
la légionellose étant donné leur effet post antibiotique, leur CMI basse, et leur
pénétration intra-cellulaire.
7.3. AUTRES MOLÉCULES
La rifampicine a une activité extra et intra-cellulaire contre la légionellose.
Son utilisation est recommandée en association pour limiter l’émergence de
mutants résistants.
Testés in vitro, les streptogramines ont de fortes concentrations intra-cellulaires et une activité intra et extra-cellulaire contre la bactérie.
Les kétolides ont aussi une activité contre la légionellose dans les modèles
intra et extra-cellulaires, ainsi que dans le modèle animal (pneumopathie du
cochon d’inde). Les données cliniques sont encore attendues pour ces deux
dernières molécules.
Un schéma thérapeutique dans le traitement des légionelloses a été édité
par l’AFSSAPS en février 2002 :
• Gravité légère à modérée : macrolide ou fluoroquinolone.
• Gravité élevée et/ou immunodépression : association éventuelle de
2 molécules au sein des 3 types de molécules suivantes (érythromycine,
spiramycine/ciprofloxacine, lévofloxacine, ofloxacine / rifampicine).
L’Infectious Diseases Society of America (IDSA) en 2003 recommande [20] :
• Patient hospitalisé : azithromycine ou fluoroquinolone (moxifloxacine, gatifloxacine ou levofloxacine)
• Patient non hospitalisé : antibiotiques acceptables : érythromycine, doxycycline,
azithromycine, clarythromycine ou fluoroquinolone.
La durée de traitement recommandée par l’AFSSAPS est de 14 à 21 jours
chez l’immunocompétent et jusqu’à 30 jours chez l’immunodéprimé ou dans
les formes sévères.
L’IDSA recommande 10 à 21 jours de traitement suivant le statut immunitaire,
la sévérité, le délai de traitement et la réponse initiale. La durée de traitement
peut être abaissé à 5 à 8 jours pour l’azythromycine et 7 à 10 jours pour la
télithromycine (pour les formes non sévères).
Les molécules et les nouvelles classes d’antibiotiques ont très certainement
une place à prendre dans le traitement des légionelloses, cependant leur efficacité reste à valider en clinique.
586
MAPAR 2006
8. PRÉVENTION
Seule la voie aérienne par inhalation d’aérosol contaminé a été démontrée
pour la transmission de la légionellose. La prévention de la légionellose va donc
s’appuyer sur l’éradication des sources d’aérosol contaminant. Dans les établissements sanitaires, la prévention va reposer sur le contrôle des légionelles
dans les réseaux d’eau. Il faut pour cela maintenir une température dans les
conduites d’eau chaude (60°C à la production et 50°C aux différents points
d’usage), supprimer les dépôts organiques (détartrage) et surtout maintenir une
surveillance des taux de bactéries (Unités formant colonies : UFC par L) dans
les prélèvements d’eau (<1 000 UFC.l-1).
Les tours aéroréfrigérantes industrielles sont soumises à une maintenance
régulière permettant leur désinfection.
La surveillance épidémiologique permet de dépister parfois précocement
les réservoirs qui sont les points de départ des épidémies de légionellose. La
surveillance, la maintenance et la prévention des risques de légionellose sont
régies par des lois, arrêtés et circulaires ministériels.
CONCLUSION
Bien que les méthodes diagnostiques aient évolué depuis 1976, la légionellose est encore une maladie sous diagnostiquée : l’antigénurie ne permet de
détecter que les légionella pneumophila de type 1, alors que les légionelloses
nosocomiales et de l’immunodéprimé sont le plus souvent liées à un autre
sérotype. Cette notion doit nous faire prendre conscience de l’importance de la
culture comme méthode diagnostique pour rechercher les légionelles autres que
Légionella pneumophila et pour la détection précoce d’épidémie. La légionellose
doit être recherchée et prise en compte pour le traitement des pneumopathies
nosocomiales. Il n‘y a pas d’argument clinique, biologique ou radiologique qui
permet d’orienter devant une pneumopathie vers une légionellose. Enfin, les
nouvelles molécules (nouvelles quinolones, kétolides…) doivent être évaluées
en pratique clinique avant de modifier les recommandations actuelles.
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