les items de - Etudiant

publicité
LES ITEMS DE
DÉCEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 10
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 11
ITEM 25
ITEM 40
ITEM 159 ITEM 196
Soins
psychiatriques
sans consentement
Douleurs abdominales
aiguës chez la femme
enceinte
Aménorrhée
Coqueluche
Douleur et épanchement
articulaire. Arthrite
d’évolution récente
ITEM 246
Prévention primaire
par la nutrition
chez l’adulte et l’enfant
Supplément au tome 65 - numéro 10 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Les items de
larevuedupraticien
VOL. 65 n DÉCEMBRE 2015
Items
11
314, Bureaux de la Colline,
92213 Saint-Cloud Cedex
Tél. : 01 55 62 68 00 Fax : 01 55 62 68 12
[email protected]
www.larevuedupraticien.fr
Alain Trébucq (6903) [email protected]
DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
RÉDACTEUR EN CHEF
Jean Deleuze
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Marie-Aude Dupuy
SECRÉTARIAT DE LA RÉDACTION
Patricia Fabre
Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François
Cordier, Claude-François Degos, Richard Delarue, Jean
Deleuze, Olivier Fain, Bernard Gavid, Alexandre Pariente,
Alain Tenaillon
A COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Hélène Esvant
RELECTEURS ET CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2014-2015
P. Bartolucci, J. Belaisch-Allart, J.-F. Bergmann, P. Bey,
O. Bouchaud, B. Cariou, D. Choudat, P. Couratier,
N. Danchin, Y. Dauvilliers, X. Deffieux, J.-C. Delchier,
J.-R. Delpero, F. Desgrandchamps, F. Doz, I. Durrieu,
M. Ferreri, T. Girard, C. Glorion, O. Gout, C. Gras-Le Guen,
P. Guggenbuhl, A. Hartemann, K. Hoang-Xuan, D. Houssin,
C. Isnard-Bagnis, X. Jouven, D. Lebeaux, V. Leblond,
C. Lepage, O. Lortholary, J.-L. Mas, G. Meyer, J.-F. Nicolas,
J. Orgiazzi, P. Parize, É. Pautas, L. Peyrin-Biroulet,
P.-F. Plouin, G. de Pouvourville, B. Riou, C. Robert,
J. Sahel, P. Tattevin, M. Tauber, C. Tourette-Turgis, P. Yeni
DÉCEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 10
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 11
ITEM 25
ITEM 40
ITEM 159 ITEM 196
Soins
psychiatriques
sans consentement
Douleurs abdominales
aiguës chez la femme
enceinte
Aménorrhée
Coqueluche
25
246
159
40
196
DIRECTION GÉNÉRALE-DIRECTION DES PUBLICATIONS
COMITÉ DE LECTURE ET DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
LES ITEMS DE
Douleur et épanchement
articulaire. Arthrite
d’évolution récente
ITEM 246
Prévention primaire
par la nutrition
chez l’adulte et l’enfant
Sommaire
Supplément au tome 65 - numéro 10 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément
@ FOTOLIA
Item 11 • e127-130
Soins psychiatriques sans consentement
Mental health treatment without consent
Mélanie Voyer, Carol Jonas†, Jean-Louis Senon
COMITÉ D’HONNEUR
Item 25 • e131-138
RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE
Douleurs abdominales aiguës chez la femme enceinteAcute abdominal pain in pregnant woman
Dominique Laplane
Chantal Trévoux (6806) [email protected]
Charlotte Laplane, Claude d’Ercole
DIRECTRICE ARTISTIQUE
Cécile Formel
Item 246 • e139-147
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Cristina Hoareau
Prévention primaire par la nutrition
chez l’adulte et l’enfant
RÉDACTEURS-RÉVISEURS
Virginie Laforest, Jehanne Joly
Primary prevention through nutrition
in adults and in children
Émilie Morcrette, Ariane Sultan, Antoine Avignon
larevuedupraticien®
› FOCUS Item 246 • e148
est une publication de GLOBAL MÉDIA SANTÉ SAS
Principal actionnaire : ATMED SAS
www.globalmediasante.fr
L’alimentation santé
Healthy eating
Émilie Morcrette, Ariane Sultan, Antoine Avignon
Item 159 • e149-153
Capital de 4 289 852 e
Durée de 99 ans à compter du 30.03.99
N° de commission paritaire : 0220 W 90254
Impression RAS
Villiers-le-Bel (95400)
Coqueluche
Pertussis Nicole Guiso, Jacques Gaillat
› FOCUS Item 159 • e154
Prévention de la coqueluche
Prevention of pertussis
Nicole Guiso, Jacques Gaillat
Item 40 • e155-161
Aménorrhée
Amenorrhea Valérie Scarabin-Carré, Naouel Ahdad-Yata
› FOCUS Item 196 • e162
La ponction articulaire
La revue adhère à la charte de formation médicale
continue par l’écrit du Syndicat de la presse et de l’édition
des professions de santé (SPEPS) et en respecte les règles.
(Charte disponible sur demande).
Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec
la direction.
Les liens d’intérêts des membres du Comité
de lecture et de rédaction scientifique sont
consultables sur www.larevuedupraticien.fr
(Qui sommes-nous ?).
Joint aspiration
Lauren Brunier-Agot, Michel de Bandt
Item 196 • e163-168
Douleur et épanchement articulaire. Arthrite d’évolution récente
Joint pain an effusions
Lauren Brunier-Agot, Michel de Bandt
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 11
SOINS PSYCHIATRIQUES
SANS CONSENTEMENT
Dr Mélanie Voyer1, Dr Carol Jonas2†, Pr Jean-Louis Senon3
1. Psychiatre et légiste, PH, CHU et CH Henri-Laborit, Poitiers, France
2. Psychiatre des Hôpitaux, docteur en droit, CHU Tours, France
3. Professeur de psychiatrie, université de Poitiers, France
[email protected]
Soins psychiatriques sans consentement
chez l’adulte : la loi du 5 juillet 2011
objectifs
PRINCIPES DE LA LOI DE JUILLET 2011 :
argumenter les indications,
les modalités d’application et les conséquences
de ces procédures ;
HOSPITALISATION PAR ORDONNANCE DE
PLACEMENT PROVISOIRE : argumenter
les indications, les modalités d’application
et les conséquences de ces procédures.
I
l est interdit d’intervenir sur le corps humain sans consen­
tement. Néanmoins, en psychiatrie, certaines pathologies
peuvent entraîner des troubles du jugement, des altérations
dans le rapport à la réalité qui ne permettent pas au patient de
consentir aux soins. Aussi, la loi a-t-elle prévu des dispositions
particulières pour autoriser des soins psychiatriques lorsque la
pathologie du patient le justifie.
Ces dispositions particulières ont été mises en place, avec la
loi du 30 juin 1838, qui prévoyait deux modalités d’hospitalisa­
tion sous contrainte, dans des établissements dédiés aux soins
psychiatriques : le placement volontaire (à la demande de l’en­
tourage) et le placement d’office (à la demande des autorités
préfectorales). Ces deux modalités ont été reprises dans la loi du
27 juin 1990 qui prévoyait que la modalité d’hospitalisation en
psychiatrie la plus fréquente devait être l’hospitalisation « libre »
avec consentement du patient, et réorganisait des soins sous
contrainte, en « hospitalisation à la demande d’un tiers » ou en
« hospitalisation d’office ».
Récemment, la loi du 5 juillet 2011, modifiée par la loi du 27 sep­
tem­bre 2013, a entraîné de nombreux changements dans les
modalités de soins sans consentement.
Principes de la loi du 5 juillet 2011
La loi du 5 juillet 2011 introduit de nouvelles mesures pour les
soins sans consentement en psychiatrie. Cette modification de la
loi de 1990 a été effectuée sous la pression de la jurisprudence
du Conseil constitutionnel, du Conseil d’État et de la Cour euro­
péenne des droits de l’homme (CEDH). En effet, la Constitution
française mais également la CEDH prévoient que la privation de
liberté doit faire l’objet d’un contrôle judiciaire afin de garantir au
citoyen le respect de sa liberté individuelle et que toute privation
de liberté doit pouvoir faire l’objet d’un recours dans un délai
bref, et qu’il doit être donné au malade la possibilité de présenter
des observations.
C’est pour répondre à cette nécessité de mise en conformité
de la loi avec la Constitution et la CEDH que la loi du 5 juillet
2011 a été votée en procédure d’urgence.
Cette loi, modifiée par la loi du 27 septembre 2013, a introduit
de nouvelles mesures pour les soins sans consentement.
1.Le contrôle du juge des libertés et de la détention au plus tard
au 12e jour et tous les 6 mois
Le juge de la liberté et de la détention (JLD) assure le contrôle
de la régularité des hospitalisations sans consentement sur la
forme (délai de saisine du JLD, certificats, demande du tiers…).
Il doit être saisi, au plus tard au 8e jour, par le directeur de l’éta­
blissement pour une audience au 12e jour. Il reçoit alors le pa­
tient au cours d’une audience qui, depuis la loi de 2013, doit se
dérouler préférentiellement dans une salle dédiée au sein de
l’hôpital. La loi prévoit que cette audience soit publique, sauf si
une demande de huis-clos est effectuée pour risque d’atteinte à
l’intimité. Le patient doit être assisté d’un avocat.
Le juge valide ou invalide les soins sans consentement et s’il
décide de la levée d’hospitalisation il peut donner un délai de
24 heures à l’établissement pour mettre en place un programme
de soins ambulatoires sous contrainte, si celui-ci est médicale­
ment justifié.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e127
RR Item 11
SOINS PSYC HIAT R IQU E S SANS C ONSE NT E ME NT
2.La mise en place d’une période initiale de soins et d’observations
Cette période d’observation de 72 heures vise à une meilleure
évaluation de la pathologie psychiatrique du patient et à une re­
cherche du consentement aux soins ; elle impose d’effectuer un
examen somatique dans les 24 heures afin d’éliminer une pa­
thologie organique et d’inciter le patient à accepter les soins.
3.La création des soins ambulatoires sous contrainte
Ces soins ambulatoires sous contrainte peuvent être mis en
place dès la fin de la période initiale d’observation de 72 heures
d’hospitalisation complète.
Ces soins ambulatoires doivent faire l’objet d’un « programme
de soins », établi par écrit, explicitant les modalités de prise en
charge : hospitalisation de jour, à temps partiel, centre d’activité
thérapeutique, consultations, visites à domicile, ainsi que le lieu
des soins et la périodicité de ceux-ci.
4.L’instauration de soins pour péril imminent sans tiers (ASPPI)
Lorsqu’il est impossible de recueillir la demande d’un tiers et
qu’il existe un « péril imminent » pour le patient, le directeur de
l’établissement de soins spécialisés peut prononcer une admis­
sion à des soins sans consentement sans tiers, si aucun tiers n’a
pu être trouvé ou n’accepte de signer une demande.
5.Le renforcement des droits de patients :
La loi met en place une obligation d’information des patients
sur leurs droits et les voies de recours à chaque temps des soins.
Elle impose le recueil des observations des patients sur les dé­
cisions qui les concernent.
Modalités d’instauration des différentes mesures
de soins sans consentement
Les certificats médicaux de ces différentes mesures doivent
dater de moins de 15 jours. Ils doivent être « motivés », c’est-àdire décrire la symptomatologie mais également en quoi celle-ci
entraîne la nécessité de soins et empêche le consentement.
1.SPDT : soins psychiatriques, sur décision du directeur
d’établissement, à la demande d’un tiers
Elles sont définies à l’article L3212-1-II-1 du code de santé
publique. Cette procédure est applicable s’il est mis en évidence
des troubles mentaux nécessitant des soins assortis d’une sur­
veillance constante justifiant l’hospitalisation complète et que le
patient ne peut consentir aux soins en raison de ses troubles
mentaux.
Elle nécessite :
––une demande manuscrite d’un tiers (membre de la famille du
malade, personne ayant des relations avec le malade sans ap­
partenir au personnel de l’établissement prenant en charge la
personne, le tuteur ou curateur) accompagnée d’un justificatif
de l’identité du demandeur (copie de la carte d’identité) ;
––deux certificats médicaux datant de moins de 15 jours dont
l’un doit être réalisé par un médecin n’appartenant pas à l’éta­
blissement accueillant le malade. Ces certificats doivent constater
l’état mental de la personne malade, les caractéristiques de sa
maladie et la nécessité de recevoir des soins.
e128
2.SPDTU : soins psychiatriques, sur décision du directeur
d’établissement, à la demande d’un tiers en urgence
Cette modalité est prévue à l’article L3212-3 du code de santé
publique, en cas d’urgence, lorsqu’il existe un risque grave d’at­
teinte à l’intégrité du malade.
Dans ce cas, un seul certificat initial est requis pour prononcer
l’hospitalisation sous contrainte.
Il peut être réalisé par un médecin de l’établissement accueillant
le malade.
Il est joint à la demande manuscrite du tiers.
3.SPPI : soins psychiatriques, sur décision du directeur
d’établissement, sans tiers en cas de péril imminent
Prévu à l’article L3212-1-II-2 du code de santé publique, cette
modalité de soin permet, lorsqu’il existe un péril imminent pour
la santé de la personne et qu’il s’avère impossible d’obtenir une
demande d’un tiers, que le directeur d’établissement prononce
l’admission sous contrainte.
Cela nécessite, au préalable, la rédaction, par un médecin
extérieur à l’établissement accueillant le malade, d’un certificat
indiquant les caractéristiques de la maladie du patient et la né­
cessité de recevoir des soins, ainsi que son absence de consen­
tement.
Dans ce cas, le directeur de l’établissement d’accueil a l’obli­
gation d’informer, dans un délai de 24 heures, la famille du pa­
tient, son tuteur ou curateur ou toute personne ayant des rela­
tions antérieures avec la personne malade et lui donnant qualité
pour agir dans l’intérêt de celle-ci.
4.SPDRE : soins psychiatriques à la demande
du représentant de l’État
Ces mesures sont prononcées par arrêté du représentant de
l’État dans le département, s’il est constaté l’existence de
troubles mentaux nécessitant des soins et un comportement
compromettant la sûreté des personnes ou pouvant porter at­
teinte de façon grave à l’ordre public (article L3213-1 du code
de santé publique).
Ils nécessitent :
––un certificat médical circonstancié, ne pouvant émaner d’un
psychiatre exerçant dans l’établissement d’accueil. Il décrit les
troubles et en quoi ceux-ci compromettent la sûreté des per­
sonnes ou portent atteinte de façon grave à l’ordre public ;
––un arrêté préfectoral motivé.
En cas de danger « imminent » pour la sûreté des per­
sonnes, l’article L3213-2 prévoit que le maire ou les commis­
saires de police à Paris peuvent, sur la base d’un avis médical
attestant la situation de danger imminent pour la sûreté des
personnes et l’existence d’un trouble mental, prendre toutes
les mesures provisoires nécessaires, notamment une hospi­
talisation sous contrainte. Cette situation doit être référée,
dans les 24 heures, au représentant de l’État dans le dépar­
tement, qui prononce, s’il y a lieu, un arrêté d’admission en
soins psychiatriques (soins psychiatriques à la demande du
représentant de l’État).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Soins psychiatriques sans consentement
POINTS FORTS À RETENIR
Contrôle des soins en hospitalisation sous contrainte par
le juge des libertés et de la détention (JLD), le 12e jour de
l’hospitalisation avec audience du juge à l’hôpital.
Mise en place des soins sans consentement sans tiers
en péril imminent, en absence de tiers.
Création des soins ambulatoires sous contrainte.
Multiplication des certificats.
Période initiale de soins et d’observation
de 72 heures
Au cours de cette période de 72 heures, le patient doit béné­
ficier d’au moins deux examens psychiatriques et d'un examen
somatique.
Un examen somatique est obligatoire dans les 24 heures sui­
vant l’admission. Il ne donne pas lieu à un certificat mais doit être
consigné rigoureusement, par écrit, dans le dossier médical. Il
est adapté à l’état du patient et peut être réalisé dans les ser­
vices d’urgence.
Un certificat par un médecin psychiatre dans les 24 heures
suivant l’admission et avant le 3e jour, doit constater l’état mental
du patient et confirmer ou non la nécessité de maintenir les
soins.
Le psychiatre ne peut être celui ayant rédigé les certificats
d’admission. De plus, en cas de soins psychiatriques, sur déci­
sion du directeur d’établissement, à la demande d’un tiers en
urgence et soins psychiatriques, sur décision du directeur d’éta­
blissement, sans tiers en cas de péril imminent, deux psychiatres
différents doivent rédiger les certificats de 24 et 72 heures .
Lorsque les deux certificats ont conclu à la nécessité de main­
tien des soins psychiatriques, le certificat de 72 heures doit pro­
poser la forme de la prise en charge qui doit suivre cette période
initiale de soins : hospitalisation complète ou soins ambulatoires
sous contrainte avec un programme de soin accompagnant le
certificat.
Modalités de maintien de la mesure
À l’issue de cette période initiale de 72 heures, les mesures
peuvent être maintenues par le directeur d’établissement, sur
décision médicale, pour des périodes d’un mois, renouvelable
pour les soins sur décision du directeur d’établissement. La loi
du 5 juillet 2011 avait prévu un certificat entre J5 et J8 pour le
maintien des soins, qui a été supprimé par la loi du 27 sep­
tembre 2013.
Un avis motivé du psychiatre traitant doit être adressé par le
directeur de l’établissement au juge de la liberté et de la déten­
tion pour saisine, avant le 8e jour.
Pour les soins à la demande du représentant de l’État, les ar­
rêtés prévoient le maintien de la mesure pour une durée d’un
mois à la suite de la période initiale de 72 heures puis pour une
durée de 3 mois, puis pour des périodes maximales de 6 mois
renouvelables.
Un psychiatre doit effectuer, chaque mois, un certificat médical
circonstancié qui précise l’évolution des troubles et la nécessité
ou non du maintien des soins et la modification ou non des mo­
dalités de prise en charge.
Au-delà d’une période d’un an de soins continus, le maintien
de la mesure nécessite une évaluation du patient par un collège
composé de trois membres de l’établissement : un psychiatre
participant à la prise en charge du patient, un psychiatre ne par­
ticipant pas à la prise en charge du patient, et un représentant
de l’équipe pluridisciplinaire participant à la prise en charge du
patient.
Modifications de prise en charge
Dans le cadre de soins psychiatriques, sur décision du direc­
teur d’établissement, à la demande d’un tiers ou soins psychia­
triques, sur décision du directeur d’établissement, sans tiers en
cas de péril imminent, l’instauration d’un programme de soins
peut être effectué à tout moment, au-delà de la période initiale
de 72 heures. Le psychiatre rédige alors un certificat médical
circonstancié, précisant l’évolution de la symptomatologie du
patient et le programme de soins, avec les modalités de prise en
charge prévues et en concertation avec le patient.
De la même façon, si le psychiatre traitant constate que l’état
mental du patient n’est plus compatible avec le programme de
soins, il rédige un certificat circonstancié qu’il transmet au direc­
teur de l’établissement, proposant une hospitalisation complète.
Dans le cadre de soins psychiatriques à la demande du repré­
sentant de l’État, si le psychiatre traitant énonce dans un certifi­
cat qu’une hospitalisation complète n’est plus nécessaire et
propose un programme de soins, le directeur de l’établissement
doit en référer, dans les 24 heures, au représentant de l’État
dans le département. Celui-ci doit statuer dans un délai de 3 jours
suivant la réception du certificat. L’arrêté doit préciser la forme
de la prise en charge, si besoin en joignant le programme de
soins établi par le psychiatre. En attendant la décision du repré­
sentant de l’État, le patient reste en hospitalisation complète.
Modalités de levée de la mesure
Il existe deux modalités principales de levée des mesures de
soins psychiatriques sous contrainte.
1.Sur avis du psychiatre
La levée de la mesure nécessite un certificat circonstancié d’un
psychiatre, qui doit mentionner l’évolution des troubles ou leur
disparition.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e129
RR Item 11
S OINS PSY C HIAT R IQU E S SANS C ONSE NT E ME NT
Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
CAS CLINIQUE
QUESTION 3
M. B, âgé de 25 ans, est hospitalisé aux urgences, à la suite d'une tentative de suicide par pendaison.
L'examen somatique et les examens complémentaires sont normaux. M. B est opposant à l'entretien
psychiatrique, il vous dit qu'il ne comprend pas pourquoi il n'est pas mort, qu'il va recommencer car
de toute façon on ne peut rien pour lui, que depuis que son amie l'a quitté il y a deux mois, rien ne va plus,
qu'elle était la seule à le comprendre. Il existe une consommation d'alcool de plus en plus importante car
cela l'empêche de penser et cela l'aide à trouver le sommeil. M. B présente une tension interne importante et
il vous demande rapidement quand il va pouvoir rentrer chez lui et refuse toute aide de votre part.
Quelle procédure d'hospitalisation allez-vous mettre
en place et selon quelle modalité ?
Rédigez le certificat initial.
QUESTION 1
QUESTION 2
Quelles sont les possibilités de prise en charge
thérapeutique pour ce patient, justifiez.
Vous arrivez à joindre les parents de M. B.
qui sont d'accord pour une hospitalisation.
QUESTION 4
En l'absence de tiers disponible, quelle possibilité
auriez-vous pour la prise en charge de ce patient ?
Retrouvez toutes les réponses
et les commentaires sur
www.etudiants.larevuedupraticien.fr
OK
En soins psychiatriques, sur décision du directeur d’établisse­
ment, à la demande d’un tiers ou soins psychiatriques, sur décision
du directeur d’établissement, sans tiers en cas de péril imminent,
le directeur de l’établissement lève la mesure dès que le psychiatre
prenant en charge le patient en fait mention dans son certificat.
En soins psychiatriques à la demande du représentant de l’État,
le directeur de l’établissement en réfère dans les 24 heures au re­
présentant de l’État qui doit statuer dans un délai de trois jours.
Le représentant de l’État n’est pas tenu de suivre les conclusions
du psychiatre et peut décider le maintien en hospitalisation. Il en
informe alors le directeur de l’établissement qui demande l’avis
d’un deuxième psychiatre. Si les deux avis convergent, le repré­
sentant de l’État doit ordonner la levée de la mesure.
2.Sur demande du juge des libertés et de la détention (JLD)
Le juge des libertés et de la détention peut ordonner la levée
totale immédiate de la mesure de soins sans consentement,
mais également laisser aux soignants un délai de 24 heures pour
permettre la mise en place d’un programme de soins, si cela
s’avère nécessaire.
Hospitalisation par ordonnance de placement
provisoire : les soins sans consentement
destinés aux mineurs
Les dispositions de la loi de 2011 s’appliquent rarement aux
mineurs. Les titulaires de l’autorité parentale peuvent leur imposer
des soins en recueillant leur avis selon leur âge.
L’ordonnance de placement provisoire décidée par un juge
des enfants (JE) est pour le mineur une alternative aux soins
sans consentement de la loi du 5 juillet 2011. En effet, les soins
e130
psychiatriques, sur décision du directeur d’établissement, à la
demande d’un tiers ne peuvent s’appliquer aux mineurs car ils
renvoient à la forme habituelle de l’hospitalisation d’un mineur
qui est à la demande des titulaires de l’autorité parentale. En
revanche, les soins psychiatriques à la demande du représen­
tant de l’État sont possibles pour le mineur, mais dans des cir­
constances très exceptionnelles.
Il existe deux modalités d’ordonnance de placement provisoire :
––l’ordonnance de placement provisoire pénale : elle peut être
décidée dans le cadre d’une procédure pénale, quel qu’en soit
le stade (enquête préliminaire, instruction, jugement). Elle im­
pose alors au mineur, avec ou sans l’accord de la famille, une
hospitalisation en service de psychiatrie, sans qu’un certificat
d’un médecin préalable ne soit nécessaire ;
––l’ordonnance de placement provisoire civile : instituée par l’ar­
ticle 375-3 du Code civil, elle permet au juge des enfants de
placer un mineur dans un établissement de soins. Pour des
soins psychiatriques, la loi Kouchner du 4 mars 2002 prévoit
que la décision de placement provisoire ne peut être prise
qu’après un avis médical circonstancié d’un médecin extérieur
à l’établissement d’accueil. Elle est limitée à une durée initiale
de 15 jours, qui peut être renouvelée pour une durée d’un
mois après avis d’un psychiatre de l’établissement. Elle peut
être ordonnée sans le consentement du mineur et sans le
consentement des titulaires de l’autorité parentale.•
Retrouvez le Message de l'auteur www.etudiants.larevuedupraticien.fr
M. Voyer, C. Jonas et J.-L. Senon déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 25
DOULEURS ABDOMINALES
AIGUËS CHEZ LA FEMME
ENCEINTE
Dr Charlotte Laplane, Pr Claude d’Ercole
CHU de Marseille, service de gynécologie obstétrique, hôpital Nord, 13015 Marseille, France
claude.d'[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER une douleur abdominale aiguë
chez une femme enceinte.
IDENTIFIER les situations d’urgence.
PLANIFIER leur prise en charge.
L
a douleur abdominale aiguë chez la femme enceinte est
une situation extrêmement fréquente, et doit faire éliminer
différents diagnostics pouvant mettre en jeu la santé de la
mère et de l’enfant. Il faut en identifier rapidement la cause et le
degré d’urgence et particulièrement évaluer le retentissement fœtal.
Pour cela, la consultation doit se dérouler en deux temps importants : un interrogatoire policier et un examen clinique complet.
Toute douleur abdomino-pelvienne aiguë chez la femme enceinte survenant en début de grossesse doit faire éliminer en
priorité une grossesse extra-utérine et, au troisième trimestre de
grossesse, il faut savoir évoquer un hématome rétroplacentaire.
Il faut toujours penser en première intention aux pathologies
pouvant mettre en cause le pronostic materno-fœtal.
Dans un second temps, après avoir éliminé les urgences vitales, l’interrogatoire et l’examen clinique permettront au clinicien de s’orienter vers une cause digestive, urinaire, obstétricale
ou gynécologique.
Interrogatoire
C’est une étape essentielle de la consultation qui permet
d’orienter rapidement le clinicien. Il faut recueillir les antécédents
médicaux et chirurgicaux de la patiente, rechercher les caractéristiques exactes de la douleur : date, circonstances (effort, rapport sexuel), mode d’apparition de la douleur (brutale ou progressive), siège, intensité, irradiation, horaire (paroxystique, continue).
On recherche des signes fonctionnels évocateurs d’une cause
en particulier : troubles du transit, signes urinaires, sensation de
fièvre.
Il faut évidemment faire le point sur la situation obstétricale :
antécédents, terme exact, évolution et suivi de la grossesse, présence de mouvements actifs fœtaux, de contractions utérines,
de pertes liquidiennes et de métrorragies.
Devant toute fièvre, il faut demander à la patiente si elle a voyagé
récemment et dans quel pays, si elle a des animaux à domicile,
si des personnes de son entourage sont malades, et rechercher
des signes associés à la fièvre.
Examen clinique
Tout d’abord, il faut prendre les constantes de la patiente :
pouls, pression artérielle, température, puis réaliser une palpation abdominale soigneuse, quadrant par quadrant, en commençant par les zones indolores ; on recherche une douleur
provoquée, une défense, une contracture, une masse abdo­
minale. On réalise une palpation et un ébranlement des fosses
lombaires.
L’examen gynécologique comprend la palpation utérine, la
mesure de la hauteur utérine, le tonus utérin, les mouvements
actifs fœtaux. L’examen au spéculum recherche un écoulement
de liquide amniotique, des métrorragies, une leucorrhée. On
réalise un toucher vaginal évaluant le col utérin (longueur, ouverture, position, consistance, présentation du mobile fœtal) et
éventuellement un toucher rectal.
Devant toute fièvre, il faut rechercher un point d’appel, une porte
d’entrée.
La bandelette urinaire fait partie de l’examen clinique. Elle
recherche la présence de leucocytes et de nitrites signant une
infection urinaire, ou une protéinurie en cas de pré-éclampsie
(dont une des complications gravissimes peut être l’hématome
rétroplacentaire).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e131
RR Item 25
DOUL E UR S AB DOMINAL E S AIGU Ë S C HE Z L A F E MME ENC EINTE
Examens complémentaires
Évaluation du bien-être fœtal
Quel que soit le terme, on réalise une échographie abdominale
et/ou endovaginale : au premier trimestre, il faut éliminer une
grossesse extra-utérine en affirmant que la grossesse est bien
intra-utérine. Au deuxième et troisième trimestre, on évalue le
bien-être fœtal par l’analyse des mouvements actifs fœtaux et
de la quantité de liquide amniotique. On recherche la position du
placenta, la présentation fœtale et l’intégrité utérine.
On réalise enfin une mesure du col utérin ou cervicométrie par
échographie endovaginale entre 24 semaines d’aménorrhée
(SA) et 34 SA à la recherche d’une menace d’accouchement
prématuré (col < 25 mm).
On réalise avant 26 SA une tocométrie externe évaluant la présence de contractions utérines ; à partir de 26 SA on enregistre
le rythme cardiaque fœtal à la recherche d’anomalies (ralentissements, tachycardie ou bradycardie fœtale) par enregistrement
électro-cardio-tocographique (monitoring).
Bilan maternel
Selon l’orientation étiologique, on réalise chez la patiente un
prélèvement sanguin : groupe sanguin, rhésus, hémogramme,
CRP, ionogramme, fonction rénale, bilan hépatique complet,
amylase, lipase, glycémie. On réalise un prélèvement vaginal
selon l’orientation étiologique.
Si la bandelette urinaire est positive, on effectuera un examen
cytobactériologique des urines (ECBU) en systématique.
Devant toute fièvre supérieure à 38,5 °C, on réalisera des hémocultures avec recherche systématique de Listeria monocytogenes.
Enfin, selon le contexte, on peut réaliser une échographie abdominale et rénale, un bilan préopératoire et une consultation
d’anesthésie en cas d’indication chirurgicale.
FIGURE 1
e132
Grossesse extra-utérine : signe direct (masse embryonnée latéro-utérine).
En cas de suspicion de rupture prématurée des membranes
non évidente cliniquement (liquide amniotique réduit, pertes vaginales liquidiennes modérées), il peut être réalisé un test biochimique de détection de liquide amniotique sur les pertes vaginales (Actim PROM ou test à la diamine oxydase).
Étiologie
Causes obstétricales
1.Au premier trimestre de grossesse
Une douleur abdomino-pelvienne en début de grossesse doit
faire évoquer une grossesse extra-utérine (GEU) jusqu’à preuve
du contraire ou une menace de fausse couche spontanée.
La grossesse extra-utérine est évoquée devant la triade diagnostique métrorragies + douleurs abdominales + retard de règles.
Les facteurs de risque sont liés à tout ce qui peut provoquer
des lésions tubaires : antécédent de salpingite, de grossesse
extra-utérine, de chirurgie tubaire et abdomino-pelvienne, l’endo­
métriose tubaire et la compression extrinsèque des trompes par
un processus tumoral pelvien, par exemple. Enfin, le tabac, la
pilule microprogestative, les techniques d’assistance médicale à
la procréation (FIV), l’utérus distilbène sont des facteurs de
risque reconnus. Le dispositif intra-utérin (DIU) n’est pas un facteur de risque de grossesse extra-utérine, mais il prévient moins
bien la grossesse extra-utérine que la grossesse intra-utérine.
L’examen clinique retrouve un abdomen sensible ou une douleur
localisée annexielle.
Au toucher vaginal, l’utérus est de plus petite taille que ne le
voudrait le terme de grossesse ; parfois, on retrouve une masse
latéro-utérine ou une sensibilité à la palpation du cul-de-sac de
Douglas (cri du Douglas) ; les métrorragies sont en général
sépia et de faible abondance, mais la présentation clinique de la
grossesse extra-utérine est très hétérogène allant de la patiente
asymptomatique au choc hémorragique.
Deux examens complémentaires sont indispensables : le dosage
quantitatif du taux sanguin d’hormone chorionique gonadotrope
(hCG), ainsi que l’échographie pelvienne par voie abdominale et
endovaginale à la recherche de signes directs et indirects de
grossesse extra-utérine.
Dans une grossesse normale, le taux d’hCG double toutes les
48 heures. Une évolution insuffisante ou une stagnation de ce
taux oriente vers une grossesse extra-utérine.
En général, à partir d’un taux  1 500 UI/L, un sac gestationnel
doit être visualisé à l’échographie.
Le signe direct échographique est la visualisation d’une image
annexielle ou latéro-utérine : sac gestationnel (comprenant parfois
l’embryon et la vésicule vitelline) ou hémato-salpinx (fig. 1).
Les signes indirects sont la vacuité utérine, un endomètre épais
et gravide, un épanchement dans le cul-de-sac de Douglas plus
ou moins important, massif en cas d’hémopéritoine signant une
rupture tubaire.
La localisation ampullaire est la plus fréquente (60 %).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
A
B
FIGURE 2 Grossesse extra-utérine : signes indirects. A : pseudo-sac gestationnel.
B : épanchement du cul-de-sac de Douglas.
Un pseudo-sac gestationnel peut être visible : il s’agit d’une
accumulation de sang dans la cavité utérine. C’est une lacune
anéchogène, à contours irréguliers, hypotonique, sans couronne trophoblastique hyperéchogène (fig. 2).
Evidemment, il ne contient ni embryon ni vésicule vitelline, il faut
donc absolument rechercher une grossesse extra-utérine.
Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. Le traitement peut être médical par injection de méthotrexate, ce qui
nécessite un suivi assez long jusqu’à négativation des hCG et
permet d’optimiser les chances de conservation tubaire.
Ce traitement est recommandé si les hCG sont < 5 000 UI/L,
si la grossesse extra-utérine est peu ou pas symptomatique,
qu’elle n’est pas visible à l’échographie, ou que l’hématosalpinx
est < 4 cm, que la patiente est observante et comprend bien les
enjeux du traitement et de la surveillance et enfin qu’elle ne présente pas de contre-indication au méthotrexate.
Le traitement chirurgical consiste à réaliser une cœlioscopie
sous anesthésie générale pour faire une salpingotomie (traitement
conservateur) en première intention. La patiente sera informée
au préalable du risque de laparoconversion et du risque de salpingectomie (traitement radical).
Le traitement chirurgical est indiqué en première intention devant des hCG > 5 000 UI/L, un hématosalpinx > 4 cm à l’échographie, une hémodynamique instable, une contre-indication au
traitement par méthotrexate ou une impossibilité de suivi en
ambulatoire (patiente non observante, barrière de la langue…).
Il faut toujours vérifier le groupe sanguin et le rhésus de la patiente ; si le rhésus est négatif, il faut réaliser une injection de
gammaglobulines anti-D dans les 72 heures en prévention de
l’allo-immunisation fœto-maternelle.
La menace de fausse couche spontanée (FCS) précoce :elle est définie
par l’expulsion d’un fœtus avant qu’il ne soit viable (terme < 22 SA
ou poids < 500 g selon l’Organisation mondiale de la santé.
C’est la première cause de métrorragies du premier trimestre.
Elle peut être précoce (1er trimestre de grossesse) ou tardive.
Les anomalies chromosomiques en sont la cause principale.
Le diagnostic clinique est suspecté devant la présence de
douleurs abdominales aiguës à type de crampes ou de règles
douloureuses, au spéculum des métrorragies de sang rouge et
des caillots, au toucher vaginal une modification du col jusqu’à
son ouverture.
L’échographie confirme l’emplacement de la grossesse qui est
intra-utérine, l’absence d’activité cardiaque, ou la visualisation
d’un sac gestationnel aplati et hypotonique. Il faut évidemment
éliminer une grossesse extra-utérine. Le traitement dépend du
terme ; avant 8 SA, il est possible d’adopter une attitude expectative, ou un traitement médical par misoprostol (Cytotec) ;
après 8 SA ou en cas de fausse couche spontanée hémorragique ou de rétention de débris trophoblastiques ou échec du
traitement médicamenteux, on réalisera une aspiration endoutérine. Dans tous les cas, le groupe rhésus de la patiente doit
être vérifié.
2.Au troisième trimestre de grossesse
L’hématome rétro-placentaire (HRP) o
u « décollement prématuré
du placenta normalement inséré » est la première cause à évoquer
devant une douleur abdominale aiguë au 3e trimestre de grossesse.
L’hématome rétroplacentaire survient dans 3 contextes :
––il peut survenir chez une patiente présentant une pré-éclampsie
ou une hypertension artérielle gravidique (3 à 5 % des prééclampsies sévères se compliquent d’hématome rétro-placentaire) ;
––il peut s’agir d’un hématome rétroplacentaire inaugural, révélant
une pathologie vasculaire placentaire ;
––il peut être secondaire à un accident de la voie publique ou à
un traumatisme abdominal.
Le pronostic vital du fœtus est engagé à très court terme car
il se produit un hématome entre le placenta et l’utérus, ce qui
provoque une interruption des échanges materno-fœtaux. Il existe
un risque de coagulopathie associée.
Le diagnostic est clinique : douleur abdominale brutale en coup
de poignard, ventre de bois (hypertonie utérine), métrorragies de
sang noir, état de choc, anomalies sévères du rythme cardiaque
fœtal, voire mort in utero.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e133
RR Item 25
DOUL E UR S AB DOMINAL E S AIGU Ë S C HE Z L A F E MME ENC EINTE
Dans ce cas-là, l’échographie ne doit pas retarder la prise en
charge ; il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. Si
le fœtus est vivant, le traitement repose sur une extraction fœtale
en urgence par césarienne sous anesthésie générale et doit être
associé à une réanimation maternelle (recherche et correction
de troubles de la coagulation).
La menace d’accouchement prématuré (MAP)est diagnostiquée devant
des contractions utérines régulières et douloureuses et une modification cervicale avant 37 SA. La prématurité représente 7,4 %
des naissances et représente la première cause de morbidité et
de mortalité périnatales. Environ la moitié des prématurités sont
spontanées, l’autre moitié étant d’indication médicale.
Parmi les nombreux facteurs de risque, on retrouve des causes
maternelles : antécédents personnels de menace d’accouchement prématuré, de fausse couche spontanée, âge < 18 ans ou
> 35 ans, conditions de vie et travail pénibles, tabac, toxiques,
infections, anémie, diabète, traumatisme abdominal, malformation
utérine, béance cervico-vaginale, fibromes, antécédent de conisation.
Les causes fœtales sont les causes de surdistension utérine
(grossesse multiples, hydramnios) et les causes liées à l’œuf
(rupture prématurée des membranes, chorio-amniotite, anomalies placentaires).
Le diagnostic est réalisé grâce à l’interrogatoire et à l’examen
clinique : le terme exact doit être calculé, on objective la présence
de contractions par la palpation de l’utérus qui devient tonique,
le col se modifie (il s’efface, se ramollit, se centre et s’ouvre).
Un bilan infectieux complet est réalisé (hémogramme CRP,
prélèvement vaginal, BU/ECBU) ainsi que la recherche de liquide
amniotique au moindre doute (test à la diamine oxydase ; Actim
PROM). En cas de fièvre : hémocultures avec recherche de
Listeria monocytogenes et examens orientés.
Le monitoring permet d’enregistrer le rythme cardiaque fœtal
et la présence de contractions. L’échographie endovaginale retrouve un col raccourci (< 25 mm) et recherche une protrusion
de la poche des eaux (fig. 3).
Il s’agit d’une urgence thérapeutique ; en cas de menace
d’accouchement prématuré, la patiente doit être hospitalisée
dans une maternité de niveau de soin adapté au terme de la
grossesse. Le traitement repose sur un traitement étiologique et,
entre 24 et 34 SA, on met en place une tocolyse par bêta-2mimétiques, anticalciques ou antagonistes de l’ocytocine après
avoir éliminé une chorio-amniotite. On réalise une corticothérapie anténatale par deux injections de corticoïdes IM à 24 heures
d’intervalle (réduction de 40 % de la mortalité néonatale ; de
50 % de la maladie des membranes hyalines responsable de
détresse respiratoire aiguë ; réduction des hémorragies intraventriculaires cérébrales néonatales et des entérocolites ulcéronécrosantes).
Si l’accouchement est imminent avant 32 SA, on discute d’un
traitement par sulfate de magnésium pour améliorer le pronostic
neurologique de l’enfant.
e134
A
B
FIGURE 3
Échographie du col. A : col normal ; B : col raccourci.
La pré-éclampsie sévère :la pré-éclampsie est définie après 20 SA
par une pression artérielle > 14/9 et une protéinurie  0,3 g/24 h
ou > 2 croix à la bandelette urinaire.
La sévérité est définie par une HTA > 16/10, une atteinte rénale avec oligurie (< 500 mL/24 h) ou une créatinine > 135 μmol/L
ou une protéinurie > 5 g/L ; un œdème aigu du poumon, une barre
épigastrique persistante ou un HELLP syndrome ; une éclampsie
ou des troubles neurologiques, une thrombopénie < 100 G/L, un
hématome rétroplacentaire ou un retentissement fœtal.
La douleur épigastrique violente en barre est le classique signe
de Chaussier, traduisant une micro-angiopathie thrombotique
localisée (thrombose des sinusoïdes hépatiques) ; il peut annoncer
une éclampsie imminente. En cas de douleurs de l’hypochondre
droit ou de douleurs épigastriques, on recherche grâce à l’échographie un hématome sous-capsulaire du foie, avec risque de
rupture spontanée du foie (complication exceptionnelle).
Le traitement de la pré-éclampsie sévère repose sur l’extraction
fœtale en urgence et l’arrêt de la grossesse.
Les autres causes de douleurs abdominales liées à une cause obstétricale restent rares.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
La rupture utérine est exceptionnelle en dehors du travail et
survient quasiment toujours sur un utérus cicatriciel ; elle se traduit par une douleur abdominale brutale violente en cours de
travail et s’accompagne fréquemment de métrorragies et d’anomalies du rythme cardiaque fœtal. Le traitement est une urgence
et consiste à réaliser une laparotomie en urgence pour extraire
l’enfant et réparer les lésions utérines (fig. 4).
La stéatose hépatique aiguë gravidique (SHAG) : elle est rare
et grave, et caractérisée sur le plan histologique par une stéatose
microvacuolaire des hépatocytes de la région centro-lobulaire.
Cliniquement, la patiente présente des nausées et des vomissements et une polyuro-polydipsie caractéristique. Une asthénie,
un ictère et des douleurs abdominales sont associés au tableau
clinique. Sur le plan biologique, on observe une insuffisance
hépatique, des troubles de la coagulation (coagulation intravasculaire disséminée) et une insuffisance rénale. Si on laisse évoluer
la stéatose hépatique aiguë gravidique apparaît une encéphalopathie hépatique. La prise en charge est l’accouchement immédiat,
même en cas de mort fœtale in utero (MFIU), associé à une réanimation maternelle. Dans les cas extrêmes, une transplantation
hépatique peut s’avérer nécessaire.
A
Causes gynécologiques
1.Torsion d’annexe
Elle survient en général sur une annexe porteuse d’un kyste
ovarien.
En dehors de la grossesse et au premier trimestre de grossesse, la douleur est brutale, violente, intolérable, unilatérale et
peut être déclenchée par un effort sportif ou un rapport sexuel.
À l’examen clinique, la palpation abdominale est très douloureuse avec une défense en regard de la torsion. Les touchers
pelviens sont très douloureux et permettent parfois de palper la
torsion.
L’échographie pelvienne est très douloureuse au passage de
la sonde et montre souvent un ovaire œdématié, augmenté de
volume, comportant un kyste ovarien volumineux. Le Doppler
peut montrer un arrêt de la vascularisation.
Au troisième trimestre, le diagnostic peut être plus difficile. Le
recours à l’IRM est parfois nécessaire.
Le traitement est chirurgical. La cœlioscopie en urgence dans les
6 heures est la voie d’abord privilégiée : on réalise une détorsion
de l’annexe et une kystectomie. En l’absence de recoloration après
détorsion, une annexectomie est parfois nécessaire (la patiente
est prévenue du risque de laparotomie et d’annexectomie).
2.Rupture de kyste ovarien
Elle est possible, parfois suite à un rapport sexuel ; la douleur
pelvienne est d’apparition brutale, de résolution spontanée et
complète en quelques jours. L’échographie ne retrouve le plus
souvent qu’une lame liquidienne dans le cul-de-sac de Douglas
avec des ovaires normaux. Le traitement est médical et nécessite parfois, en cas de rupture de kyste hémorragique, une prise
en charge chirurgicale cœlioscopique.
B
FIGURE 4
Rupture utérine.
3.Nécrobiose aseptique de fibrome
C’est un accident fréquent favorisé par la grossesse qui s’explique par une mauvaise vascularisation du fibrome entraînant
son ischémie. Cliniquement, la patiente est subfébrile (38-38,5 °C)
et a des douleurs abdominales intenses. Le fibrome est augmenté
de taille, ramolli et douloureux. La biologie retrouve un petit syndrome inflammatoire et l’échographie permet un diagnostic facile :
la douleur est située en regard du fibrome qui apparaît augmenté
de volume avec un aspect en cocarde (zone centrale de nécrose
entourée d’une couronne d’œdème).
Le traitement est strictement médical : repos, vessie de glace
et antalgiques.
Causes urinaires
1.Infection urinaire
C’est une situation très fréquente chez la femme enceinte et
elle est responsable d’une morbidité importante (menace d’accouchement prématuré, rupture des membranes, complications
infectieuses) justifiant son dépistage mensuel par une bandelette
urinaire.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e135
RR Item 25
DOUL E UR S AB DOMINAL E S AIGU Ë S C HE Z L A F E MME ENC EINTE
C’est l’infection la plus fréquente au cours de la grossesse ;
elle est favorisée par des facteurs mécaniques (compression par
l’utérus des voies urinaires, reflux vésico-urétéral par étirement
des uretères), des facteurs hormonaux (la progestérone entraîne
une diminution du péristaltisme urétéral ainsi qu’une hypotonie
des voies urinaires et les estrogènes induisent une hyperhémie
vésicale favorisant l’adhérence des germes sur l’urothélium), des
facteurs chimiques (glycosurie, alcalinisation des urines, pullulation
microbienne vulvo-périnéale gravidique), et des facteurs non
spécifiques (diabète, infections vaginales, antécédent d’infections
urinaires, malformation des voies urinaires).
Les germes responsables sont comparables à ceux retrouvés
dans la population normale : les bacilles à Gram négatif, Escherichia coli (75 %), Proteus mirabilis, Klebsiella pneumoniæ, et les
cocci à Gram positif (5 %).
Trois tableaux différents sont possibles :
––la bactériurie asymptomatique, qui peut conduire dans 30 à
50 % des cas à une infection symptomatique. Deux cultures
sont positives avec la même bactérie. Elle doit être traitée par
un antibiotique adapté à l’antibiogramme par voie orale pendant 5 jours (durée pour la nitrofurantoïne = 7 jours). Il faut
apprendre les règles hygiéno-diététiques indispensables à la
patiente pour éviter les risques de récidive et contrôler l’ECBU
8-10 jours après la fin du traitement ;
––la cystite aiguë gravidique est de diagnostic clinique, et se traduit par des signes fonctionnels urinaires à type de pollakiurie,
brûlures mictionnelles, hématurie et des douleurs pelviennes
sans fièvre. Le bilan biologique est normal. L’ECBU avec antibiogramme est un examen indispensable, et le traitement probabiliste doit être débuté (céfixime, nitrofurantoïne) sans attendre
les résultats de l’antibiogramme et secondairement adapté. Il
faut contrôler l’ECBU 8-10 jours après la fin du traitement et
réaliser un ECBU mensuel jusqu’à l’accouchement. Les traitements de 3 jours et les traitements en dose unique ne sont pas
recommandés ;
––la pyélonéphrite aiguë est de symptomatologie beaucoup plus
bruyante : fièvre, frissons, signes fonctionnels urinaires, douleur
lombaire le plus souvent à droite avec une douleur provoquée
à l’ébranlement, contractions utérines provoquées par la fièvre.
Mais dans certains cas, les symptômes peuvent se limiter à
une fièvre isolée. L’ECBU en urgence fait le diagnostic, l’échographie vésico-rénale est indispensable pour rechercher une
complication ainsi que le bilan du retentissement fœtal.
Il faut hospitaliser en urgence la patiente et commencer un
traitement antibiotique probabiliste par voie veineuse. Le traitement par une céphalosporine de 3e génération est recommandé
en 1re intention par voie veineuse ; après 48 heures d’apyrexie,
on réalise un relais per os avec un antibiotique adapté à l’antibiogramme. La durée totale du traitement est de 14 jours au moins ;
on recommande un contrôle de l’ECBU 48 heures après le début
de l’antibiothérapie et 8-10 jours après la fin du traitement, puis
tous les mois jusqu’à l’accouchement.
e136
Elle peut être à l’origine d’une menace d’accouchement prématuré. Dans ce cas-là, il faudra associer aux antibiotiques une
tocolyse et une corticothérapie prénatale.
2.Colique néphrétique
Elle se traduit par une douleur lombaire unilatérale intense irradiant aux organes génitaux externes. Elle est préférentiellement
localisée à droite à cause de la dextrorotation de l’utérus. La
patiente ne trouve pas de position antalgique. Le diagnostic est
posé grâce à l’échographie : on retrouve une dilatation des cavités pyélo-calicielles. Le traitement repose sur des antalgiques
et des antispasmodiques. En cas de crise hyperalgique résistante aux antalgiques de palier 3, d’insuffisance rénale ou de
complications infectieuses, on doit réaliser une dérivation des
urines en urgence par sonde double J ou néphrostomie.
Causes digestives
1.Appendicite
C’est l’urgence abdominale la plus fréquente chez la femme
enceinte. Elle survient le plus souvent au 2e trimestre de grossesse,
mais le diagnostic reste difficile du fait de la symptomatologie qui
peut être inhabituelle ou atténuée ; il existe une grande hétérogénéité des symptômes. Le risque principal d’une appendicite
est l’évolution vers la perforation puis la péritonite généralisée
qui met en jeu le pronostic vital : la mortalité est de 0,1 % dans
les formes non compliquées, elle est de 1,5 à 5 % en cas de
perforation appendiculaire. Le pronostic est directement lié à la
précocité du diagnostic et du traitement.
Par ailleurs, même si l’appendicectomie est un acte courant,
ce geste chirurgical peut entraîner des complications spécifiques
(péritonite par lâchage du moignon, abcès postopératoire) et
des complications liées à tout acte de chirurgie abdominale
(phlébite, embolie pulmonaire, hémorragie, infection au niveau
de l’incision, de la sonde urinaire, d’une voie veineuse, occlusion
et bride intrapéritonéale).
Pendant la grossesse, la fréquence de l’appendicite n’est pas
augmentée (0,5-1/1 000 grossesses), mais son diagnostic est
rendu difficile en raison de la modification de la position du cæcum : l’utérus gravide le refoule vers le haut. Le diagnostic différentiel avec une pyélonéphrite ou avec cholécystite aiguë peut
être difficile. La gravité de l’appendicite chez la femme enceinte
est liée au retard diagnostique et à une plus grande tendance à
la diffusion péritonéale.
Elle est suspectée devant des douleurs fébriles du quadrant
abdominal inférieur droit. La douleur à la décompression et la
défense doivent être recherchées.
À la biologie, on retrouve une hyperleucocytose qui n’est pas
spécifique (élévation physiologique des globules blancs durant
la grossesse) et une augmentation de la CRP. Devant l’insuffisance des critères clinico-biologiques, et afin d’éviter une chirurgie
inutile, la réalisation d’une imagerie est recommandée.
L’échographie, le scanner et l’imagerie par résonance magnétique
sont 3 techniques capables de faire le diagnostic d’appendicite
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Douleurs abdominales aiguës chez la femme enceinte
POINTS FORTS À RETENIR
Identifier rapidement la cause et le degré d’urgence
et évaluer le retentissement fœtal.
Toute douleur abdominale aiguë chez la femme enceinte
au premier trimestre est une grossesse extra-utérine jusqu’à
preuve du contraire.
Au troisième trimestre : toujours penser à l’hématome
rétro-placentaire en raison de sa gravité.
Les infections urinaires et pyélonéphrites aiguës sont
fréquentes en cours de grossesse : une bandelette urinaire doit
être systématiquement réalisée lors de toute consultation et un
ECBU doit être systématique en cas de douleur abdominale.
L’appendicite aiguë est un diagnostic difficile qui peut être
retardé et se compliquer de fausse couche ou d’accouchement
prématuré ; ce diagnostic doit être facilement évoqué.
Discuter la réalisation d’une corticothérapie maternelle
entre 24 et 34 semaines d’aménorrhée devant toute infection
maternelle ou signe d’irritation péritonéale.
Les douleurs abdominales ligamentaires sont des douleurs
chroniques localisées dans les plis inguinaux ; elles sont
physiologiques et chroniques.
Bilan complémentaire minimal : biologie maternelle,
ECBU, monitoring, échographie obstétricale (cervicométrie
avant 34 SA.)
aiguë. Le cliché d’abdomen sans préparation n’a aucune place
dans ce diagnostic. Chez la femme enceinte, on privilégie l’échographie en raison de son caractère non irradiant. Elle permet, de
plus, d’éliminer des diagnostics différentiels gynéco­
logiques.
L’appendicectomie peut être réalisée par cœlioscopie ou par laparotomie selon la technique de McBurney ; le choix entre les
deux techniques dépend du terme et de l’habitude du chirurgien.
2.Cholécystite aiguë
Il s’agit de la deuxième urgence abdominale la plus fréquente
lors de la grossesse, touchant entre 1/1 600 et 1/10 000 grossesses. Les principales complications sont l’infection (péritonite,
septicémie, choc septique), la lithiase de la voie biliaire principale, et la pancréatite aiguë.
Les symptômes retrouvés sont des nausées et des vomissements, une intolérance aux graisses, et une douleur intense
dans l’hypochondre droit. On recherche le signe de Murphy, qui
est positif (douleur à la palpation de l’hypochondre droit à l’inspiration profonde). Les diagnostics différentiels sont fréquents
(syndromes hépato-gravidiques, hépatite aiguë, pyélonéphrite,
pancréatite, pathologies cardiaques). On peut observer des
anomalies biologiques comme une augmentation de la bilirubine
et des transaminases, mais c’est l’échographie qui est l’examen
clé pour établir le diagnostic. Le traitement consiste en une cholécystectomie par cœlioscopie, quel que soit le terme.
3.Pancréatite aiguë
Elle survient surtout au troisième trimestre de grossesse ou
dans le post-partum, et touche de 1/1 000 à 1/3 000 femmes
enceintes. Elle est liée essentiellement à la lithiase biliaire. La
clinique retrouve une douleur épigastrique brutale, à irradiation
postérieure, des nausées et des vomissements ; la position antal­
gique se fait classiquement en « chien de fusil ».
La biologie retrouve une augmentation de l’amylase et de la
lipase. L’échographie abdominale est réalisée en systématique à
la recherche de modifications biliaires et pancréatiques. La prise
en charge est identique à celle réalisée en dehors de la grossesse :
hospitalisation, mise à jeun, traitement médical et au maximum
réanimation médicale.
4.Autres causes digestives
Elles sont plus rares et sont orientées par la clinique et la paraclinique.
La constipation est un symptôme fréquent, surtout au 3e trimestre de grossesse. Elle peut être responsable de douleurs
abdominales chroniques ; un toucher rectal doit être systématiquement réalisé à la recherche d’un fécalome.
L’occlusion intestinale se traduit par un arrêt des matières et
des gaz, des nausées et des vomissements. Les douleurs abdominales sont diffuses et intenses, associées à un météorisme
abdominal. Le traitement est médical ou chirurgical selon la
cause de l’occlusion.
La colique hépatique se traduit par une douleur aiguë en hypochondre droit, sans fièvre et sans ictère. Les signes cliniques et
le traitement sont les mêmes qu’en dehors de la grossesse.•
›››
C. Laplane déclare n'avoir aucun lien d'intérêts.
C. d’Ercole déclare être membre du DSMB dans le cadre d’études pour le laboratoire LFB
et être consultant pour le laboratoire Ferring.
+
POUR EN SAVOIR ●
Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF),
conférence nationale des PU-PH en gynécologie-obstétrique.
Campus national de gynécologie obstétrique. TICEM-UMVF.
SPILF 2014. Diagnostic et antibiothérapie des infections urinaires
bactériennes communautaires de l’adule et la femme enceinte.
Foie et grossesse, « Liver and pregnancy » 32es Journées nationales,
Paris, 2008.
Formes graves de pré-éclampsies, recommandations formalisées d’experts
communes, 2009 (www.sfar.org).
Collège français de chirurgie générale, viscérale et digestive.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e137
RR Item 25
DOUL E UR S AB DOMINAL E S AIGU Ë S C HE Z L A F E MME ENC EINTE
Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
CAS CLINIQUE
Madame L., 34 ans, G3P0, est admise aux urgences à 28 SA pour douleurs abdominales.
Dans ses antécédents, deux fausses couches spontanées précoces, une anémie par carence
martiale supplémentée par du Tardyferon (dernière hémoglobine à 10 g/dL le mois dernier).
Elle vit avec son mari dans un immeuble au 3e étage sans ascenseur, et travaille
comme boulangère. Elle est connue de votre service, et son suivi a été régulier et sérieux.
Elle devait avoir sa consultation du 7e mois dans 15 jours. Ses sérologies virales sont négatives,
elle est immunisée contre la toxoplasmose et son groupe est B rhésus négatif. À l’admission
ses constantes sont normales, elle est apyrétique. La bandelette urinaire retrouve 2 croix de
B
leucocytes et 2 croix de nitrites. Le toucher vaginal retrouve un col court, mou, ouvert à 2 doigts.
QUESTION 1
QUESTION 4
QUESTION 8
Quels sont les facteurs de risque de menace
d’accouchement prématuré (MAP) retrouvés ?
Son monitoring est le suivant (fig. A).
Quelle en est votre interprétation ?
QUESTION 2
QUESTION 5
Vous pensez à une cystite aiguë gravidique. Quels
examens paracliniques allez-vous réaliser en
première intention ?
Votre externe a réalisé une échographie
du col et vous donne le cliché suivant (fig. B).
Quelle en est votre interprétation ?
QUESTION 3
QUESTION 6
Malgré vos efforts, la patiente échappe
à tout traitement et se met en travail.
Son col s’efface et s’ouvre à 6 cm.
Ses contractions la font atrocement souffrir,
« elle n’en peut plus » et demande la mise
en place d’une péridurale.
Quels en sont les effets secondaires
et les complications ?
L’ECBU et le prélèvement vaginal sont en cours,
la recherche d’agglutinines irrégulières revient
négative. Quel est le germe le plus fréquemment
retrouvé dans les infections urinaires chez la
femme enceinte ?
Quelle est votre prise en charge en urgence ?
QUESTION 9
QUESTION 7
La patiente désire de plus amples
renseignements sur la péridurale.
La patiente est inquiète, elle vous demande quels
vont être les effets des corticoïdes sur son bébé.
QUESTION 10
Finalement, la patiente accouche
par voie basse d’un enfant transféré
en réanimation pour détresse respiratoire
néonatale. La patiente remonte en chambre
après 2 heures de surveillance sans
saignements. Les constantes sont bonnes,
le périnée est intact.
Quelles sont vos consignes ?
QUESTION 11
A
La patiente désire allaiter, mais elle est perdue
car son bébé est en réanimation, elle ne sait
pas si cela va être possible. Vous la rassurez
en lui proposant la prescription d’un tire-lait
et en lui donnant les conseils d’usage.
Lors de sa première séance, elle ressent
de violentes douleurs abdominales.
Quel est votre diagnostic ?
Retrouvez toutes les réponses et les commentaires sur www.etudiants.larevuedupraticien.fr
e138
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 246
PRÉVENTION PRIMAIRE
PAR LA NUTRITION
CHEZ L’ADULTE ET L’ENFANT
Dr Émilie Morcrette1, 2, Pr Ariane Sultan1, 2, 3, Pr Antoine Avignon1, 2, 3
1. Université de Montpellier, France
2. CHU de Montpellier, Montpellier, France
3. PhyMedExp, université de Montpellier, Inserm U1046, CNRS UMR9214, Montpellier, France
[email protected]
Effets de l’alimentation sur la santé des populations
objectifs
CONNAÎTRE les effets de l’alimentation et de
l’activité physique sur la santé des populations.
ARGUMENTER la promotion d’une alimentation
équilibrée (définition, modalités, soutien
motivationnel).
EXPLIQUER les différents types d’activité
physique, les évaluer.
Introduction
La seconde moitié du xxe siècle a vu s’opérer une véritable
mutation dans la santé avec la transition des maladies aiguës
aux maladies chroniques non transmissibles, au premier rang
desquelles se trouvent les maladies cardiovasculaires, le diabète
de type 2, le cancer et les maladies respiratoires chroniques. Les
maladies chroniques non transmissibles sont intimement liées à
l’environnement, au mode de vie et au vieillissement, et sont
désormais responsables en France de 85 % de la mortalité et de
plus de 70 % des dépenses de santé. La faible activité physique, la sédentarité et l’alimentation inadaptée représentent,
avec le tabagisme et l’usage nocif de l’alcool, les principaux
facteurs de risque, voire les principales causes des maladies
chroniques non transmissibles. À l’échelle planétaire, on impute
environ 3,2 millions de décès par an à une activité physique
insuffisante et environ 1,7 million de décès à une faible consommation de fruits et légumes. Alimentation, activité physique et
lutte contre la sédentarité sont par conséquent des clés de
voûte de la prévention primaire des maladies chroniques non
transmissibles et constituent la base d’un vieillissement actif en
bonne santé.
Les données épidémiologiques suggèrent fortement l’existence
d’un lien entre, d’un côté, la consommation d’aliments et de
nutriments spécifiques ou de profils alimentaires et, de l’autre,
les marqueurs intermédiaires (poids, pression artérielle, résistance à l’insuline et hyperglycémie), les cancers, les maladies
cardiovasculaires et le diabète de type 2. Les résultats d’essais
randomisés confirment ces données observationnelles pour un
certain nombre d’aliments ou nutriments. Ainsi, à l’échelle mondiale, de faibles apports alimentaires en fruits, légumes, céréales
complètes, noix, graines oléagineuses et un apport alimentaire
élevé en sel sont chacun d’entre eux estimés responsables de
1,5 % à plus de 4 % de la morbidité globale.
Effets d’aliments et de nutriments spécifiques
sur la santé des populations
1.Graisses alimentaires
L’alimentation apporte essentiellement des triglycérides, source
d’acides gras et du cholestérol (exclusivement par les produits
animaux).
Classification biochimique des acides gras : il existe :
–– les acides gras saturés, qui ne possèdent aucune double liaison ;
––les acides gras mono-insaturés, qui possèdent une seule double
liaison ;
––les acides gras polyinsaturés, qui possèdent plusieurs doubles
liaisons ;
––les acides gras trans, acides gras insaturés, dont au moins une
double liaison est en position trans, contrairement aux acides
gras insaturés synthétisés par l’organisme, dont les doubles
liaisons sont en position cis.
Classification physiologique des acides gras : il existe :
––les acides gras indispensables : nécessaires au développement
et au bon fonctionnement du corps humain, mais que le corps
ne sait pas fabriquer ;
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e139
RR Item 246
PR É VE NT ION PR IMAIR E PAR L A NU T R IT ION C HE Z L’A DULTE ET L’ ENFA NT
TABLEAU 1
––les acides gras conditionnellement indispensables : essentiels
pour la croissance et les fonctions physiologiques cellulaires
mais qui peuvent être fabriqués à partir de leur précurseur s’il
est apporté par l’alimentation ; ils sont requis si leur précurseur
est absent ;
––les acides gras non indispensables ou non essentiels.
Les acides gras indispensables et conditionnellement indispensables constituent les acides gras essentiels dont on compte deux
grandes familles :
––les acides gras polyinsaturés oméga 6 (ou n-6), dont le précurseur
indispensable est l’acide linoléique (LA). Son dérivé majoritaire
est l’acide arachidonique, conditionnellement indispensable ;
–– les acides gras polyinsaturés oméga 3 (ou n-3), dont le précurseur
indispensable est l’acide alphalinolénique (ALA), à partir duquel
peuvent être synthétisés les acides eicosapentaénoïque (EPA)
et docosahexaénoïque (DHA). Le DHA ne peut être synthétisé
en quantité suffisante par l’être humain pour répondre à ses
besoins et est ainsi considéré comme indispensable, alors que
l’EPA est conditionnellement indispensable.
Exemples de contenu en graisse
d’aliments courants
Aliment
Contenu en lipides (%)
Lait entier UHT
3,6
Crème de lait
33
Fromage frais 40 %
8
Yaourt nature
1
Fromage à pâte cuite
29
Fromage à pâte crue
25
Viandes
❚❚Agneau
❚❚Bœuf
❚❚Porc
❚❚Cheval
❚❚Steak 5 %
20
20
25
3
5
Poissons
❚❚Maigre (merlan, sole, colin, truite, morue,
dorade, mollusques, les crustacés, etc.)
❚❚Demi-gras (sardine, rouget, maquereau, etc.)
❚❚Gras (anguille, hareng)
e140
0,5-5
5-10
10-15
Œuf
11
Jaune d’œuf
31
Charcuteries
10-45
Parmi les acides gras non essentiels, on trouve l’acide oléique
(acides gras mono-insaturés majoritaires dans l’alimentation) et
les acides gras saturés, dont les acides laurique, myristique et
palmitique athérogènes en excès (tous les acides gras saturés
ne sont pas athérogènes).
Les aliments riches en lipides :les graisses alimentaires sont d’origine
végétale et animale. Parmi les graisses d’origine végétale, on
distingue les huiles « fluides », liquides à température ambiante (arachide, olive, tournesol, colza, soja, maïs, pépins de raisin.) et les
huiles « concrètes », solides à température ambiante (palme, coprah).
Les graisses animales sont soit d’origine laitière (lait, crème,
beurre, fromages, etc.), soit apportées (viandes et poissons) ou
extraites (saindoux de porc, suif de bœuf, suif de mouton, graisse
d’oie et de canard) des animaux terrestres ou marins (huiles de
hareng, sardine, saumon, etc.). Certains produits transformés (viennoiseries, barres chocolatées, etc.) en contiennent beaucoup
(« graisses cachées »). La teneur lipidique d’aliments courants
est présentée dans le tableau 1.
De façon schématique, on peut retenir que :
––les viandes et produits laitiers sont sources d’acides gras saturés ;
––les poissons ne contiennent jamais d’acides gras saturés ;
––les poissons de mer (surtout des mers froides) contiennent des
acides gras polyinsaturés n-3 à longue chaîne (EPA et DHA) ;
en règle générale, les poissons d’élevage ne contiennent pas
d’acides gras polyinsaturés n-3 ;
––un poisson gras reste plus maigre que la majorité des viandes
et ne contient jamais d’acides gras saturés.
Les lipides visibles sont ceux contenus dans les corps gras alimentaires ou matières grasses. On les divise en 3 groupes :
––les graisses animales, crème (30 % de lipides) et beurre (80 %
de lipides). Les acides gras saturés sont prédominants ( 60 %
des acides gras totaux) alors que les acides gras polyinsaturés
sont moins représentés (2 %). Le cholestérol est très présent
(250 mg/100 g de beurre en moyenne), de même que la vitamine A et à moindre échelle la vitamine D ;
––les huiles végétales : elles se caractérisent par leur composition
en acides gras. L’huile d’olive est une source importante d’acides
gras mono-insaturés (70-75 %), l’huile de colza constitue également une source d’acides gras mono-insaturés ( 60 %) et
apporte des acides gras essentiels ( 8 % d’ALA). L’huile d’arachide contient une proportion significative d’acides gras saturés
( 20 %). Les huiles de maïs, tournesol, pépins de raisin, soja
et noix sont riches en acides gras polyinsaturés (55-70 % des
acides gras totaux). Les principales huiles sources d’ALA sont
l’huile de noix ( 12 %), l’huile de colza ( 8 %) et l’huile de
soja ( 7 %) ;
––les margarines : émulsion d’une phase aqueuse dans une phase
grasse ( 80 % de lipides). Composition variable en fonction
des graisses de départ utilisées.
Les sources d’acides gras trans sont :
–– d’origine naturelle : produits d’origine laitière et viande de ruminants ;
––d’origine technologique, synthétisés via des procédés industriels
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
TABLEAU 2
Recommandations en acides gras
pour l’adulte consommant 2 000 kcal/j
Acides gras
ANC*
Acides gras indispensables
❚❚acide linoléique
4 %
❚❚Acide α-linolénique
1 %
❚❚Acide docosahexaénoïque, DHA
250 mg
Acides gras non indispensables
❚❚Acide eicosapentaénoïque, EPA
250 mg
❚❚Acides laurique + myristique + palmitique
≤ 8 %
❚❚Acides gras saturés totaux
≤ 12 %
❚❚Acide oléique
15-20 %
* Apports nutritionnels conseillés.
comme l’hydrogénation des huiles végétales : retrouvés dans
de nombreux produits alimentaires transformés comme les
viennoiseries, les pizzas, les quiches, certains plats cuisinés, etc.
Les acides gras trans d’origine technologique sont considérés
comme athérogènes, ce qui n’est pas démontré pour les acides
gras trans d’origine naturelle.
Apports nutritionnels conseillés en lipides : on retient que :
––les recommandations sur la répartition des macronutriments
dans l’alimentation reposent sur un faible niveau de preuves
scientifiques ;
––ces recommandations, en France, sont en cours de révision et
donc susceptibles de changements ;
––c’est la surcharge énergétique totale, plus que la proportion
représentée par les différents macronutriments et les lipides au
sein de celle-ci, qui présente des effets néfastes pour la santé.
Ceci étant considéré, à ce jour en France, la part recommandée
des lipides dans l’apport énergétique total est de 35 à 40 %. La
consommation spontanée est en règle générale supérieure
(43 % des adultes et 34 % des enfants ont des consommations
supérieures).
Des apports nutritionnels conseillés sont également proposés
pour les acides gras indispensables (LA, ALA, DHA), l’EPA, l’acide
oléique, les 3 acides gras saturés athérogènes et l’ensemble
des acides gras saturés (tableau 2).
Ces recommandations sont pour l’adulte ; des recommandations
spécifiques ont également été établies pour la femme enceinte et
allaitante, et le nourrisson.
Principaux effets des graisses alimentaires sur la santé : ce sont :
––les acides gras polyinsaturés n-3 : la consommation de poisson
ou d’EPA et de DHA diminue les taux de triglycérides, la mortalité par mort subite et la mortalité cardiovasculaire ; possible
réduction du risque de déclin cognitif ; intérêt de l’EPA pour la
prévention de la dépression à tout âge ; apports adéquats en
acides gras polyinsaturés (DHA) pendant les phases précoces
du développement fœtal déterminants pour la santé mentale
de l’individu et ses capacités psychiques ;
––les acides gras saturés : apport excessif associé au risque coronarien ; alimentation pauvre en acides gras saturés et riche
en acides gras mono-insaturés et acides gras polyinsaturés
associée à une faible mortalité coronarienne ;
––les acides gras mono-insaturés : effet favorable de l’acide oléique
(huile d’olive) sur le profil lipidique en remplacement d’un excès
d’acides gras saturés ;
––acides gras polyinsaturés : faible apport en acide linoléique
(n-6) défavorable sur le plan du risque cardiovasculaire, de même
qu’un apport excessif ; des apports élevés (> 5 % de l’apport
énergétique) induisent un rapport n-6/n-3 trop élevé (> 5).
––les acides gras trans : risque accru d’événements cardiovasculaires associé aux acides gras trans d’origine technologique
et aux acides gras trans totaux.
Si le lien est avéré entre la consommation énergétique et le
risque d’un certain nombre de cancers (côlon), la nature et la
proportion des lipides ne semblent pas en cause.
2.Glucides alimentaires
Classification et sources de glucides alimentaires : on distingue les
glucides simples (saccharose, glucose et fructose) et les glucides
complexes (oligosaccharides, amidon, polysaccharides non
amylacés). Les produits contenant naturellement une forte proportion de glucides simples sont les fruits, le lait, le miel et tout
autre produit naturellement sucré. Les glucides complexes digestibles sont naturellement présents dans les féculents (céréales, pain), les légumineuses (haricots secs, pois, lentilles, etc.),
ainsi que dans les pommes de terre. Les fibres alimentaires, glucides complexes non digestibles, proviennent, quasi intégralement, des produits d’origine végétale, fruits, légumes et produits
céréaliers complets.
Effets des glucides sur la santé :les glucides constituent une source
essentielle d’énergie. Les principaux effets bénéfiques pour la
santé des glucides sont :
––la consommation de fibres alimentaires est associée à une réduction du risque de diabète de type 2 et de maladies coronariennes et à une amélioration du transit intestinal ;
––la consommation de glucides simples ajoutés, notamment
sous forme de boissons (jus de fruits, sodas, etc.) est associée
au développement du surpoids et de l’obésité chez les enfants
et les adolescents par le biais du déséquilibre énergétique induit
(la réponse à la sensation de soif doit être un apport d’eau et
non de boissons sucrées) ;
––la consommation d’aliments et de boissons riches en sucres
ajoutés est associée à une plus faible consommation de micro­
nutriments ;
––la consommation de sucres comme le saccharose est associée
aux caries dentaires.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e141
RR Item 246
PR É VE NT ION PR IMAIR E PAR L A NU T R IT ION C HE Z L’A DULTE ET L’ ENFA NT
Il n’y a en revanche pas de relation démontrée sur les points
suivants :
––la consommation de glucides simples ou proportion de glucides dans l’alimentation et incidence des principales maladies chroniques non transmissibles, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires, cancer ;
––l’index glycémique, charge glucidique et santé chez le sujet sain.
Apports nutritionnels conseillés en glucides : comme mentionné
ci-dessus, les recommandations sur la répartition des macronutriments dans l’alimentation reposent sur un faible niveau de
preuve et sont en cours de révision. À ce jour, les recommandations en France sont d’augmenter la consommation de glucides,
afin d’atteindre 50 à 55 % des apports énergétiques totaux. Un
apport entre 45 et 65 % de glucides paraît cependant compatible avec un bon état de santé. En dessous de cette fourchette,
il est très difficile de répondre aux recommandations concernant
l’apport en fibres (25 g/j), alors qu’à l’extrémité supérieure de la
fourchette une surconsommation de glucides pourrait favoriser
une augmentation des triglycérides plasmatiques.
D’un point de vue pratique, il est recommandé :
––de privilégier les glucides complexes, source d’amidon ;
––d’augmenter de 50 % la consommation de fibres alimentaires
contenues dans les fruits, les légumes et les produits céréaliers complets ;
––de réduire de 25 % la consommation de glucides simples et
particulièrement les glucides simples ajoutés ;
––de consommer les glucides au cours de repas structurés et
sous forme solide.
3.Protéines alimentaires
Les sources protéiques alimentaires : les protéines alimentaires
sont divisées en protéines animales (viande, poisson, laitage et
œufs) et en protéines végétales (céréales et légumineuses). La
richesse en protéines des aliments varie considérablement (pain
 2,7 % ; viande  18 % ; fromage et légumes secs  25 %).
La qualité de la protéine est importante à considérer. Classiquement, les protéines végétales sont de qualité inférieure aux
protéines animales en raison d’une digestibilité plus basse et
d’un moindre contenu en acides aminés essentiels, en particulier lysine et acides aminés soufrés (méthionine). Il est cependant
possible d’obtenir un apport en acides aminés essentiels suffisant avec des protéines végétales, en prenant soin de combiner
des protéines dont l’acide aminé limitant n’est pas le même
(protéines de céréales pauvres en lysine et protéines de légumineuses pauvres en acides aminés soufrés).
Apports nutritionnels conseillés en protéines : pour l’adulte en bonne
santé, les apports nutritionnels conseillés en protéines sont de
0,83 g/kg/j. L’apport nutritionnel conseillé en protéines varie selon les âges et les situations. Chez l’enfant, l’adolescent, la
femme enceinte et la femme qui allaite, l’apport conseillé en protéines est plus élevé. Sauf alimentation particulière, dans les
pays développés, les habitudes alimentaires atteignent l’apport
conseillé sans difficulté.
e142
Chez la personne âgée, l’apport nutritionnel conseillé est de
1 g/kg/j. À partir d’un certain âge, l’appétit ayant souvent tendance à diminuer, il convient de veiller à ce que l’apport protéique
soit suffisant.
Il n’existe pas de limite supérieure d’apport en protéines mais
entre 2,2 g/kg/j et 3,5 g/kg/j, l’apport peut être considéré
comme élevé et, au-dessus de 3,5 g/kg/j, il peut être considéré
comme très élevé. Ces apports élevés ne peuvent être recommandés, si ce n’est pour des durées très brèves (moins de 6 mois)
et sous surveillance médicale en raison du risque rénal.
4.Sel
Une consommation de moins de 5 g/j chez l’adulte contribue
à faire baisser la pression artérielle et le risque de maladies cardiovasculaires, d’accident vasculaire cérébral et d’infarctus du myocarde.
En revanche, une forte consommation de sel représente un
facteur de risque pour le cancer de l’estomac et l’hypertension
artérielle qui est elle-même un facteur de risque pour les accidents
vasculaires cérébraux, les autres pathologies cardiovasculaires,
l’insuffisance rénale chronique et le cancer du rein. Dans les pays
qui avaient une forte consommation traditionnelle de sel comme
la Finlande et le Japon (consommation journalière > 20 g/j), la
diminution de cette dernière a été associée à une diminution des
cancers de l’estomac et des accidents vasculaires cérébraux
hémorragiques.
La plupart des gens consomment trop de sel, de 9 à 12 g/j en
moyenne, soit deux fois l'apport maximal recommandé de 6 g/j.
5.Vitamines, oligo-éléments et minéraux
Un apport adapté en vitamines, oligo-éléments et minéraux
est également fondamental pour un bon état de santé. Il apparaît hors du sujet de cet item de traiter l’ensemble des risques
liés à un apport non adapté en chacun de ces nutriments. Du fait
de leur importance en termes de santé publique, nous traiterons
ici uniquement du calcium et de la vitamine D (ostéoporose), de
la vitamine B9 ou acide folique (anomalies de fermeture du tube
neural) et du fer (anémie de la femme).
Calcium et vitamine D : la vitamine D et le calcium sont essentiels
dans la prévention de l’ostéoporose. La vitamine D peut réduire
d’autres risques pour la santé tels que le diabète de type 2 et les
troubles du système immunitaire.
Les apports nutritionnels conseillés en calcium sont de :
––enfants de 4 à 6 ans : 700 mg/j, de 7 à 9 ans : 900 mg/j,
9 à 19 ans : 1 200 mg/j ;
––adultes : 900 mg/j ;
––personnes âgées et femmes ménopausées : 1 200 mg/j ;
Les apports nutritionnels conseillés en vitamine D sont de :
––enfants 1-3 ans : 10 mg/j ;
––enfants 4-19 ans et adultes : 5 mg/j ;
––personnes âgées : 10 mg/j.
Les sources alimentaires de vitamine D sont essentiellement les
produits de la mer (foie de morue, hareng, maquereau, etc.).
Pour le calcium, il s’agit de produits laitiers, eaux minérales, fruits
et légumes secs.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Prévention primaire par la nutrition chez l’adulte et l’enfant
POINTS FORTS À RETENIR
Il existe un lien fort entre d’un côté la consommation
d’aliments et de nutriments spécifiques ou de profils
alimentaires et, d’un autre côté, les marqueurs intermédiaires
(poids, pression artérielle, résistance à l’insuline et hyperglycémie),
les cancers, les maladies cardiovasculaires et le diabète de type 2.
La surcharge énergétique est un des déterminants essentiels
du lien entre alimentation et maladies chroniques. Le contrôle
de la quantité totale d’énergie à ingérer représente donc un
véritable défi et devra se faire en se fondant sur des notions
physiologiques telles que la faim et la satiété.
La nature même des lipides apportés par l’alimentation joue
un rôle plus important que la part de l’apport énergétique qu’ils
représentent au sein des macronutriments.
Dans le cadre d’une alimentation santé, les principaux
nutriments et aliments à limiter sont : les graisses saturées
(graisses animales mais aussi palme et coprah), les acides gras
trans industriels (quiches, pizzas et certains plats industriels),
les glucides simples (produits sucrés, sodas), le sel (charcuteries,
fromages, plats industriels, biscuits apéritifs).
Dans le cadre d’une alimentation santé, les principaux
nutriments et aliments à favoriser sont : les acides gras monoinsaturés, l’acide oléique (huile d’olive), les acides gras oméga 3
végétaux (huile de colza, huile de noix) et plus encore animaux
(poissons gras des mers froides), les fibres alimentaires, les
vitamines et oligo-éléments (fruits et légumes), le calcium et la
vitamine D (produits de la mer, produits laitiers, eaux minérales),
les folates (foies, jaune d’œuf, etc.), le fer (viandes).
La vitamine D est principalement synthétisée au niveau de la
peau sous l’influence des UV à partir du 7-déhydrocholestérol
puis métabolisée au niveau du foie en 25-hydroxycholécalciférol
et du rein en 1,25-dihydroxy-vitamine D.
Folates (vitamine B9) : la carence en folates constitue un facteur
de risque pour les anomalies de fermeture du tube neural. Ainsi,
il est important de s’assurer du statut en folates des femmes en
âge de procréer par une nutrition adaptée. Une supplémentation
systématique de toutes les femmes qui envisagent une grossesse à court terme, par une dose de 0,4 mg/j d’acide folique,
est néanmoins préconisée. Les femmes à risque (antécédent de
grossesse avec anomalie de fermeture du tube neural et traitement par certains médicaments antiépileptiques) doivent bénéficier d’une supplémentation à la dose de 5 mg/j dès qu’elles
envisagent une grossesse.
Les apports nutritionnels conseillés en acide folique sont de
300 µg/j chez l’adulte et les adolescents, de 150 à 250 µg/j chez
les enfants selon la tranche d’âge et de 400 µg/j chez la femme
enceinte.
Les aliments les plus riches en vitamine B9 sont les foies, la
levure alimentaire, le jaune d’œuf, l’échalote, les escalopes
végétales à base de soja ou certains aliments enrichis en cette
vitamine (céréales du petit déjeuner ou biscuits).
Fer :la carence en fer conduit, à un stade très avancé, à l’anémie
ferriprive. Les conséquences d’une carence modérée sont moins
bien définies :
––réduction de la capacité physique et des performances intellectuelles ;
––moindre résistance aux infections ;
––perturbations au cours de la grossesse ;
––anomalies dans le maintien de la température corporelle ;
––augmentation de l’incidence des maladies cardiovasculaires,
du diabète de type 2 et des cancers digestifs.
Les apports nutritionnels conseillés en fer sont de 9 mg/j pour
l’homme et 16 mg/j pour la femme non ménopausée. Ils varient
de 7 à 14 mg/j chez les enfants de 3 à 17 ans.
Les aliments les plus riches en fer sont les produits carnés
(viandes essentiellement rouges mais aussi blanches, abats et
charcuteries) qui représentent respectivement 20 % et 16 % du fer
ingéré par les adultes et les enfants. Les autres aliments contribuant à l’apport en fer sont le pain (10 %) et les légumes (9 %). Chez
les enfants, les céréales du petit déjeuner contribuent également
à 11 % du fer consommé.
Alcool :la consommation d’alcool est associée à de nombreuses
maladies et aux accidents traumatiques. Une consommation modérée d’alcool est inversement corrélée au risque de maladies
cardiovasculaires et de diabète de type 2 (bénéfices surtout observés
lorsque le risque cardiovasculaire est élevé). Mais la consommation
massive et rapide d’alcool (binge drinking) pourrait augmenter le
risque de maladies cardiovasculaires et hépatiques.
La consommation d’alcool est également associée à une augmentation du risque de cancers de la sphère oro-laryngo-pharyngée et œsophagienne, du côlon-rectum, du sein et du foie
(dès la consommation régulière de 1 verre par jour).
Apport énergétique
La surcharge énergétique et ses conséquences que sont le
surpoids et l’obésité représentent un problème de santé publique
à travers les nombreuses complications induites tels que décès
prématuré, diabète de type 2, hypertension artérielle, dyslipidémie,
maladies cardiovasculaires, accidents cérébrovasculaires, troubles
digestifs (lithiases vésiculaires), troubles respiratoires, goutte, arthrose et certains types de cancers.
La prévention de l’obésité passe par l’équilibre de la balance
énergétique à travers une promotion de la dépense énergétique
par l’activité physique et la limitation des prises énergétiques.
L’équilibre de la balance énergétique dépend avant tout de l’ap-
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e143
RR Item 246
PR É VE NT ION PR IMAIR E PAR L A NU T R IT ION C HE Z L’A DULTE ET L’ ENFA NT
port énergétique, quelles que soient les proportions de macronutriments, lipides, glucides et protides dans l’alimentation. Il est
ainsi possible d’avoir une certaine flexibilité dans cette répartition
en fonction des préférences des individus tout en maintenant un
poids stable et sans effets délétères pour la santé. Les apports
nutritionnels conseillés pour les lipides (35-40 % des apports
énergétiques totaux) et les glucides (50-55 % des apports énergétiques) ne sont donc que des repères qui, comme nous l’avons
dit, sont en cours de redéfinition.
Il est très difficile de déterminer un niveau énergétique pour un
individu, et il semble de loin préférable de se fier à des notions
physiologiques telles que la faim et la satiété pour adapter les
apports énergétiques.
La limitation de la taille des portions servies permet de limiter
les prises caloriques qui leur sont proportionnelles.
Il est également conseillé de limiter les aliments à forte densité
énergétique, ainsi que l’apport calorique sous forme liquide (sodas),
même si le niveau de preuve en faveur de ces mesures reste faible.
Profils alimentaires et santé des populations
1.Alimentation occidentale (Western diet)
Les méthodes d’élevage et les procédés de transformation
alimentaire ont fortement modifié les consommations alimentaires
dans les pays occidentaux au cours des dernières décennies.
L’alimentation occidentale est ainsi caractérisée par la présence
de produits laitiers, de céréales raffinées, de sucres raffinés, d’huiles
raffinées, de sel et de graisses animales. C’est la conjonction de
ces modifications associées aux autres modifications environnementales plutôt qu’un facteur nutritionnel donné qui participe au
développement des maladies chroniques.
La consommation de viande rouge et de charcuteries, très
présentes dans l’alimentation occidentale, est associée au risque
de cancer colorectal.
2.Alimentation méditerranéenne
Le régime méditerranéen traditionnel est caractérisé par
l’abondance de céréales complètes, de fruits et de légumes,
d’ail, d’oignon, d’épices et d’aromates, d’huile d’olive et par une
faible consommation en acides gras saturés, la consommation
quotidienne de légumineuses, de noix et de graines, une
consommation faible de produits laitiers, une consommation de
poisson (plusieurs fois par semaine), une consommation limitée
de poulet et d’œufs (quelques fois par semaine), la consommation limitée d’aliments sucrés (quelques fois par semaine), la
consommation très limitée de viande rouge (quelques fois par
mois), un apport calorique quotidien raisonnable (de 1 800 à
2 500 calories par jour) et une consommation faible d’alcool ou
une consommation modérée de vin rouge durant les repas.
Les études épidémiologiques et les essais randomisés contrôlés
ont démontré les effets bénéfiques de l’alimentation méditerranéenne
sur la prévention des maladies chroniques non transmissibles,
sur la santé en général et également sur la qualité de vie. Elle
constitue actuellement le prototype d’une alimentation santé.
e144
3.Notion de transition nutritionnelle
La transition nutritionnelle fait référence au passage très rapide
d’une alimentation traditionnelle à une alimentation occidentale
avec une chute parallèle de l’activité physique dans les pays en
développement. Conjuguée à l’urbanisation, l’industrialisation,
aux changements de l’environnement socio-économique et à la
mondialisation, elle est à l’origine d’une explosion de l’obésité et
de l’ensemble des maladies chroniques non transmissibles
dans les pays concernés.
Argumenter la promotion d’une alimentation équilibrée
Définition
1.« Alimentation équilibrée » ou « alimentation santé »
C’est l’alimentation qui permet un apport alimentaire répondant
aux besoins nutritionnels de l’organisme, constituant ainsi un
gage de bonne santé.
L’alimentation doit apporter une quantité suffisante d’énergie
et des différents macronutriments (protéines, lipides, glucides) et
micronutriments (vitamines, minéraux et oligo-éléments) pour
assurer la couverture de l’ensemble des besoins de l’organisme.
2.Besoin nutritionnel
C’est la quantité minimale d’un nutriment, à apporter de façon
régulière, qui satisfait à un critère d’adéquation spécifique à ce
nutriment et qui est nécessaire à l’organisme pour maintenir un
développement et un état de santé normaux sans perturber le
métabolisme des autres nutriments.
Les besoins permettent d’assurer la constitution et le maintien
des réserves, un fonctionnement physiologique optimal et une
prévention des maladies. Ils sont individuels et influencés par de
nombreux facteurs, notamment le sexe, l’âge, l’état physiologique (croissance, grossesse, allaitement), l’activité physique,
ainsi que par des caractéristiques spécifiques à chaque individu,
dont certaines sont encore mal connues.
3.Apports nutritionnels conseillés
Il n’est pas techniquement possible d’évaluer précisément les
besoins de chaque individu au sein d’une population donnée. Aussi,
les instances scientifiques ont défini des valeurs repères qui permettent
la couverture des besoins de groupes d’individus (adolescents,
personnes âgées, femmes enceintes, etc.). En France, ces valeurs
sont appelées « apports nutritionnels conseillés » ou ANC.
Modalités
Les aliments ont été répartis dans 7 groupes ou catégories en
fonction de leurs caractéristiques nutritionnelles (tableau 3). C’est
en mangeant toutes sortes de produits issus de chaque groupe
d’aliments, du lait et des produits laitiers, de la viande et du poisson, du pain, des corps gras, des céréales et des légumineuses,
des légumes et des fruits, du sucre et des produits sucrés accompagnés de boissons que notre organisme pourra, à travers
une période donnée (le plus souvent la semaine), et grâce à des
menus variés, réaliser un équilibre alimentaire satisfaisant.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
TABLEAU 3
Groupes d’aliments
Groupe
Nom (principales caractéristiques nutritionnelles)
1
Lait et produits laitiers (protéines animales, calcium, vitamines B2, A, D)
2
Viandes, poissons, œufs (protéines animales, fer, vitamines B1, B2, A)
3
Corps gras (lipides, énergie, vitamines A et D)
4
Céréales et dérivés, pommes de terre, légumes secs (glucides, énergie,
protéines végétales, fibres)
5
Légumes frais, fruits (vitamine C, minéraux, eau, fibres, glucides)
6
Sucre et produits sucrés (glucides simples, énergie)
7
Boissons
En effet, si les besoins nutritionnels et les apports nutritionnels
conseillés sont en règle générale exprimés sur une base journalière, la référence à la journée et a fortiori au repas pour l’équilibre
alimentaire n'est pas justifiée par des bases scientifiques pour
ce qui concerne la plupart des nutriments.
La véritable problématique porte alors non pas sur le choix des
aliments mais sur la quantité totale d’énergie à ingérer qui doit
se fonder avant tout sur le respect de notions physiologiques
telles que la faim et la satiété, plus que sur le respect de règles
strictes imposées de l’extérieur.
Soutien motivationnel
Le comportement alimentaire s’installe précocement chez l’enfant.
Il est le fruit d’une éducation, d’une relation émotionnelle et affective,
et d’un environnement social. Il répond à une triple fonction :
–– homéostatique (subvenir aux besoins énergétiques et nutritionnels) ;
––hédonique (subvenir à des besoins d’ordre affectif et émotionnel
en lien avec une sensation de plaisir) ;
––symbolique (participer aux processus relationnels et culturels).
Il résulte donc d’habitudes profondément ancrées dans la personnalité de l’individu et est toujours difficile à changer dans la
durée.
La prescription et le conseil en diététique nécessitent une approche empathique, centrée sur la personne, prenant en compte
les stades de motivation au changement et fondée sur les principes
de l’éducation thérapeutique. L’approche se fait par étapes avec :
––évaluation de la motivation et des freins au changement ;
––évaluation de la consommation alimentaire spontanée ;
––détermination d’objectifs réalistes adaptés et progressifs en
accord avec le patient ;
––suivi de l’application des conseils et renforcement de la motivation du patient.
L’ensemble de ces points a été abordé de façon détaillée dans
un numéro précédent de la revue à propos de l’item 247 auquel
nous renvoyons le lecteur.
Effets de l’activité physique sur la santé
des populations
Les bénéfices de l’activité physique pour la santé des individus
et des populations à tous les âges de la vie sont démontrés,
quels que soient l’âge et le sexe.
Les principaux bénéfices de la pratique régulière d’une activité
physique, même d’intensité modérée, en termes de prévention
primaire sont :
––diminution de la mortalité ;
––augmentation de la qualité de vie ;
––prévention des principales maladies chroniques non transmissibles ;
–– assurer une croissance harmonieuse chez l’enfant et l’adolescent ;
––prévention de l’ostéoporose, notamment chez la femme ;
––maintien de l’autonomie des personnes âgées ;
––aide au contrôle du poids corporel chez l’adulte et l’enfant ;
––amélioration de la santé mentale (anxiété, dépression).
Les bénéfices de l’activité physique ne doivent pas en faire
oublier les risques ! Ces derniers sont minimisés par le respect
de précautions élémentaires, un suivi médical adapté et un encadrement compétent.
Les principaux risques liés à la pratique d’une activité physique
(surtout sportive) sont :
––lésions aiguës (fracture, luxation, traumatisme crânien, rupture
des ligaments croisés, entorse) ;
––lésions chroniques (tendinite de l’épaule pour la natation, tendinopathies du genou et de la cheville pour le vélo ou la course à
pied) ;
––risque de surmenage des cartilages de croissance chez l’enfant ;
––risque d’addiction à l’activité sportive (surtout sportive).
Différents types d’activité physique et leur évaluation
Différents types d’activité physique
L’activité physique inclut tous les mouvements effectués dans
la vie quotidienne et ne se réduit pas à la seule pratique sportive.
Les principales caractéristiques d’une activité physique donnée
sont l’intensité, la durée, la fréquence et le contexte dans lequel
elle est pratiquée.
L’activité physique est considérée dans 3 situations principales :
––activités professionnelles ;
––activités domestiques et de la vie courante (p. ex. transport) ;
––activités de loisirs (incluant les activités sportives).
On distingue les effets de l’exercice en « aigu » de ceux induits
par la pratique régulière. Il est également important d’intégrer les
notions de condition physique, d’entraînement physique, d’aptitude
physique et de sédentarité (tableau 4).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e145
RR Item 246
PR É VE NT ION PR IMAIR E PAR L A NU T R IT ION C HE Z L’A DULTE ET L’ ENFA NT
TABLEAU 4
L’activité physique et la sédentarité sont deux notions différentes
et indépendantes du comportement associées respectivement
de façon favorable et défavorable à l’état de santé.
On distingue les activités physiques courtes et intenses, qui
sollicitent principalement le métabolisme anaérobie (en absence
d’oxygène), des activités prolongées qui mettent en jeu principalement le métabolisme aérobie (en présence d’oxygène).
Un exercice sera dit inframaximal si sa puissance est inférieure
à la puissance maximale aérobie. L’aptitude à prolonger ce type
d’exercice correspond à l’endurance. L’aptitude à réaliser un
exercice supramaximal, c’est-à-dire supérieur à la puissance
maximale aérobie, correspond à la notion de résistance.
Définitions des différentes notions liées
à l’activité physique
Terme
Activité
physique
Sport
Sédentarité
Entraînement
physique
Condition
physique
e146
Définition
Tout mouvement corporel produit par la contraction
des muscles squelettiques entraînant une augmentation
de la dépense d’énergie au-dessus de la dépense de repos
(englobe les loisirs, les déplacements tels que la marche ou
le vélo, les activités professionnelles, les tâches ménagères,
les activités ludiques, les sports ou l’exercice planifié,
dans le contexte quotidien familial ou communautaire)
Forme particulière d’activité physique se présentant
sous forme de jeux individuels ou collectifs, donnant
généralement lieu à une compétition, pratiqués
en observant certaines règles précises
État dans lequel les mouvements sont réduits au minimum
et la dépense énergétique est à peu près égale au
métabolisme de repos (regarder la télévision, travailler
sur un ordinateur, jouer avec des jeux vidéo et, de façon
générale, être assis ou couché)
Activité physique planifiée, structurée, répétée
dont le but est d’améliorer ou de maintenir les capacités
physiques d’un individu
Niveau d’entraînement physique et psychologique
minimum nécessaire pour satisfaire aux exigences
d’une activité physique donnée.
Aptitude
physique
Capacités globales (cardiorespiratoires, ostéomusculaires
et psychologiques) d’un individu à réaliser une activité
physique donnée
Puissance
maximale
aérobie
Plus petite puissance d’exercice qui entraîne la
consommation maximale d’oxygène que le sujet est capable
d’atteindre (VO2 max)
Évaluation des différents types d’activité physique
L’activité physique habituelle est décrite de manière quantitative
et qualitative. Il existe 4 principaux moyens d’évaluation de l’activité physique : calorimétrie indirecte, carnets et questionnaires,
compteurs de mouvements, marqueurs physiologiques.
1.Carnet (ou journal) d’activité physique
C’est une méthode analogue à celle du carnet alimentaire correspondant au report par le sujet de ses activités sur un carnet
à intervalles réguliers.
2.Questionnaires
Auto-administrés ou remplis lors d’un entretien, c’est la méthode
d’évaluation la plus répandue. Les questions portent sur les différents types d’activité physique (professionnelles, domestiques,
loisirs, sport, ou des activités spécifiques), à l’aide de réponses
ouvertes ou fermées. Les données recueillies peuvent concerner
la période des 24 heures, 7 jours ou 12 mois précédents. Pour traduire l’activité physique en dépense énergétique, il existe des tables
indiquant le coût énergétique approximatif de nombreuses activités.
3.Podomètre
Il permet de mesurer le nombre de pas effectués par un sujet et
représente le plus simple des compteurs de mouvement. Il ne
mesure que le nombre de pas et ne permet pas d’évaluer l’intensité du mouvement ni la dépense énergétique liée à l’activité physique. La précision dans l’estimation du nombre de pas effectués
et de la distance parcourue est variable en fonction des modèles.
4.Accéléromètre
Lors du mouvement, le tronc est soumis à des accélérations
et décélérations proportionnelles à la force musculaire exercée
et donc à l’énergie dépensée. Des accéléromètres portables diffusés commercialement, de dimensions comparables aux podomètres, permettent de mesurer ce signal.
5.Cardiofréquencemètre
C’est une méthode fondée sur l’existence d’une relation linéaire
entre la fréquence cardiaque et la consommation d’oxygène chez
un individu soumis à un exercice de puissance progressivement
croissante. Pour convertir les données de fréquence cardiaque
en dépense énergétique, une calibration individuelle est nécessaire. Elle consiste à déterminer, pour chaque sujet, la relation
entre fréquence cardiaque et consommation d’oxygène lors
d’exercices standardisés. La cardiofréquencemétrie est souvent
utilisée lors de programmes d’entraînement suivi.
Prescrire / Conseiller une activité physique
La prescription d’une activité physique sera toujours personnalisée et après évaluation du patient dans sa globalité. Elle est
réalisée en fonction de sa motivation, de ses obstacles, de ses
capacités physiques. Un bilan médical préalable, notamment
cardiovasculaire, peut être nécessaire en fonction de l’âge, des
facteurs de risque ou de la pathologie. Pour une approche détaillée de la prescription de l’activité physique, nous renvoyons le
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
lecteur à l’item 247 traité dans un précédent numéro de cette revue.
Nous nous limiterons ici à rappeler les recommandations de
l’Organisation mondiale de la santé (OMS).
L’adulte de tout âge devrait pratiquer une activité physique :
––d’intensité modérée (marche rapide, c’est-à-dire 6 km/h) ;
––d’au moins 30 minutes ;
––si possible tous les jours de la semaine (au moins 2 h 30 par
semaine) ;
––en une ou plusieurs fois (30 min ou 3  10 min, p. ex.) ;
––au cours de loisirs ou lors des gestes de la vie courante.
Les activités physiques supplémentaires ou d’intensité supérieure
apportent des bénéfices supplémentaires (effet dose-réponse).
Les personnes n’atteignant pas ces objectifs ont tout de même
un bénéfice à pratiquer une activité en fonction de leurs capacités.
Chez l’enfant, l’OMS recommande la pratique d’au moins 60 minutes
par jour d’activité physique modérée à soutenue, qu’elle soit réalisée sous forme de déplacements, de jeux, de loisirs, de sport
ou de tâche ménagère.
Conclusions
La nutrition, au sens large, c’est-à-dire englobant l’activité physique et l’alimentation, est l’un des principaux déterminants de la
santé. Elle constitue à ce titre une cible de choix pour la prévention
primaire, et ce dès le plus jeune âge. L’alimentation et l’activité
physique sont cependant les résultats d’habitudes profondément
ancrées dans la personnalité de l’individu et donc toujours difficiles
à changer. Il est essentiel que le discours du soignant s’adapte à la
personne concernée et parte de ses habitudes. Les conseils remis
par le soignant, dans la mesure du possible en partenariat avec la
personne, feront preuve de pragmatisme et seront le compromis
entre une base scientifique sur laquelle il est indispensable de
s’appuyer, une expérience clinique et un vécu.•
É. Morcrette, A. Sultan et A. Avignon déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
http://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_1301349/fr/maladies-chroniquesune-vision-renovee-du-parcours-de-soins. 2014.
Ezzati M1, Riboli E. Behavioral and dietary risk factors for non communicable
diseases. N Engl J Med 2013 Sep 5;369(10):954-64.
Actualisation des apports nutritionnels conseillés pour les acides gras.
Rapport d’expertise collective. Mai 2011. Édition scientifique. https://www.
anses.fr/sites/default/files/documents/NUT2006sa0359Ra.pdf. Accès le
28 novembre 2015.
Expertise collective, activités physiques : contexte et effet sur la santé,
Inserm, 2008. www.inserm.fr/content/.../activite_physique_contextes_
effets_santé.pdf. Accès le 17 janvier 2015.
Métrat S, Sultan A, Avignon A. Item 247 – Modifications thérapeutiques du
mode de vie (alimentation et activité physique) chez l’adulte et l’enfant. Rev
Prat 2015 (mars);65(1):415-23.
Message de l'auteur
La nutrition est une discipline transversale, et les
questions touchant à la prévention primaire peuvent
s’intégrer dans des dossiers progressifs transversaux,
concernant de nombreuses disciplines comme la
cardiologie, la cancérologie, la neurologie, la diabétologie
ou d’autres. Les questions les plus classiques portent
sur les conseils à remettre chez une personne à haut
risque de présenter une pathologie chronique en lien
avec la nutrition, notamment du fait d’antécédents
familiaux (obésité, diabète de type 2, maladies
cardiovasculaires) ou de terrain à risque avéré par la
présence d’une surcharge pondérale, une augmentation
du tour de taille, une hypertension artérielle, etc.
Il pourrait être demandé à l’étudiant :
➜ à partir d’une enquête alimentaire, de déterminer
les aliments à limiter dans le cadre d’une prévention
cardiovasculaire, d’un diabète de type 2 ou du cancer ;
➜ à partir d’une enquête alimentaire, de déterminer
les aliments à favoriser dans un but de prévention
cardiovasculaire, d’un diabète de type 2 ou du cancer ;
➜ à partir d’une enquête alimentaire, de déterminer
les aliments à favoriser dans le cadre d’une prévention
de l’ostéoporose ;
➜ à partir d’un « carnet d’activité physique »,
de déterminer si une personne atteint les objectifs
en termes d’activité physique ; de lui remettre des
conseils adaptés pour atteindre ces objectifs ;
➜ chez une femme en âge de procréer, de donner des
conseils adaptés pour éviter les anomalies de fermeture
du tube neural ou pour prévenir la carence en fer ;
➜ de donner les bases d’une « alimentation santé » ou
« alimentation équilibrée » permettant un vieillissement
actif en bonne santé ;
➜ de définir les stratégies à mettre en œuvre en vue
de favoriser une « alimentation santé » chez un patient ;
➜ de donner les recommandations d’activité
physique pour un adulte en bonne santé et d’en préciser
les bénéfices.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e147
RR
FOCUS
Item 246
Voir l’item complet page e139
et sur larevuedupraticien.fr
L’alimentation santé
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr Émilie Morcrette1, 2, Pr Ariane Sultan1, 2, 3, Pr Antoine Avignon1, 2, 3
1. Université de Montpellier, France
2. CHU de Montpellier, Montpellier, France
3. PhyMedExp, université de Montpellier, Inserm U1046, CNRS UMR9214, Montpellier, France
[email protected]
I
l est maintenant bien démontré que la nutrition prise au sens
large, intégrant l’alimentation et l’activité physique, joue un
rôle déterminant dans la genèse, l’entretien, l’aggravation et les
conséquences des principales maladies chroniques non transmissibles (maladies cardiovasculaires, diabète de type 2, cancer
et maladies respiratoires chroniques), en France comme dans
l’ensemble des pays industrialisés mais aussi émergents. Ces
maladies chroniques constituent la première cause de mortalité
à l’échelle de la planète, et leur prévalence ne cesse d’augmenter.
Quelques chiffres permettront de bien prendre conscience de
l’importance de la problématique en France1 :
–– 365 500 nouveaux cas de cancers en 2011, représentant un coût
pour la Sécurité sociale estimé, en 2010, à 13,2 milliards d’euros ;
––180 000 décès cardiovasculaires par an (32 % des décès),
dont 25 % affectent des personnes de moins de 75 ans ;
––2,5 millions de personnes diabétiques traitées médicalement
en 2007 (3,95 % de la population totale), représentant 12,5 milliards d’euros en termes de dépense de santé ;
–– 15 % de la population adulte présentant une obésité en 2012, avec
des coûts de santé estimés à 4 milliards d’euros par an en 2008.
On peut y ajouter 3 millions de femmes souffrant d’ostéoporose, les fractures du col du fémur ayant conduit à 73 500 séjours
hospitaliers chez les plus de 65 ans en 2008.
Bien sûr, ces maladies chroniques sont multifactorielles et font
entrer en jeu des facteurs génétiques, biologiques, environnementaux et comportementaux. Il est ainsi difficile de mesurer
précisément l’impact relatif des facteurs nutritionnels, mais tous
les arguments suggèrent qu’il est important, soulignant la place
de la prévention nutritionnelle, qu’elle soit primaire ou secondaire.
Sur le plan de la prévention primaire, les grandes lignes des stratégies nutritionnelles à mettre en place sont actuellement bien
définies et s’appuient sur une alimentation dite « équilibrée »,
terme auquel nous préférons celui « d’alimentation santé », couplée
à une activité physique régulière et à une diminution du temps de
sédentarité en forte augmentation au cours des dernières décennies, notamment à travers le temps passé derrière un écran.
Les grands principes de l’alimentation santé reposent sur des
nutriments/aliments à limiter et d’autres à favoriser. Parmi les
principaux nutriments à limiter, on compte les graisses saturées
(graisses animales mais également huile de palme et coprah),
e148
les acides gras trans industriels (quiches, pizzas et certains plats
industriels), les glucides simples (produits sucrés, sodas), le sel
(charcuteries, fromages, plats industriels, fromages, biscuits
apéritifs), alors qu’au nombre de ceux à favoriser on retrouve les
acides gras mono-insaturés, l’acide oléique (huile d’olive), les
acides gras oméga 3 végétaux (huile de colza, huile de noix) et
plus encore animaux (poissons gras des mers froides), les fibres
alimentaires, les vitamines et oligo-éléments (fruits et légumes),
le calcium et la vitamine D (produits de la mer, produits laitiers,
eaux minérales), les folates (foie, jaune d’œuf, etc.), le fer (viandes).
L’alimentation occidentale, de type industriel, s’éloigne assez
souvent de ces grands principes alors que le régime méditerranéen
traditionnel (céréales complètes, fruits et légumes, huile d’olive,
légumineuses, graines, poisson, faible consommation de produits
laitiers, de viande et de vin avec un apport calorique quotidien
« raisonnable ») constitue un modèle d’alimentation santé.
Si les grandes lignes de l’alimentation santé sont bien définies,
toute la problématique du soignant sera de motiver les personnes
à modifier leur comportement alimentaire et d’activité physique.
Il est à ce titre important de garder à l’esprit que le comportement
alimentaire s’installe précocement chez l’enfant et qu’il est le
fruit d’une éducation, d’une relation émotionnelle et affective et
d’un environnement social. Les objectifs doivent donc être progressifs, en prenant en compte les habitudes alimentaires de
base et en s’appuyant sur les techniques de l’entretien motivationnel. Le médecin sera le plus souvent amené à accepter un
compromis entre les connaissances scientifiques et le vécu du
patient, aidé de son expérience clinique.•
É. Morcrette, A. Sultan et A. Avignon déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
Rapport rédigé par le Pr Hercberg S. Propositions pour un nouvel élan
de la politique nutritionnelle française de santé publique dans le cadre
de la stratégie nationale de santé. Première partie : mesures concernant
la prévention nutritionnelle.
http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_Hercberg_15_11_2013.pdf
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 159
COQUELUCHE
Dr Nicole Guiso1, Dr Jacques Gaillat2
1. Institut Pasteur, Centre national de référence de la coqueluche et autres bordetelloses, 75024 Paris Cedex 15 France
2. Service des maladies infectieuses, Centre hospitalier Annecy-Genevois, 74374 Pringy Cedex France
[email protected]
[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER une coqueluche.
CONNAÎTRE l’attitude thérapeutique
et PLANIFIER le suivi du patient.
CONNAÎTRE les recommandations en termes
de prévention de la coqueluche.
Introduction
Malgré l’efficacité remarquable de la vaccination coquelucheuse
généralisée à partir de 1959, la maladie est toujours endémique.
La surveillance épidémiologique systématique avait été supprimée
en France en 1986 en raison de la presque totale disparition des
cas de coqueluche. Cependant, suite à une première enquête à
l’hôpital Trousseau puis à une enquête nationale en 1993-1994,
il a été mis en évidence, d’une part, que l’immunité induite par la
maladie, toute comme celle induite par la vaccination, ne protégeaient pas à vie et, d’autre part, que la vaccination des très
jeunes enfants uniquement avait induit un changement de transmission de la maladie. D’une transmission enfant à enfant, on
observait maintenant une transmission adultes-adolescents à
nouveau-nés. Pour cette raison, un centre national de référence
(CNR) de la maladie a été créé en 1993, et un réseau de surveillance, le réseau RENACOQ, comportant 43 centres hospitaliers
pédiatriques et le CNR, coordonné par l’Institut de veille sanitaire
(InVS), a été mis en place. Ce réseau a montré, depuis presque
20 ans, la poursuite du caractère cyclique de la maladie tous les
3-5 ans, malgré la haute couverture vaccinale, et surtout confirmé
la transmission de la maladie des adultes vers les nourrissons de
moins de 2 mois non vaccinés. Le corollaire a été de mettre en
place des rappels vaccinaux, chez l’adolescent en 1998, puis en
2004 pour les adultes jeunes ayant des projets parentaux, mais
aussi pour tous ceux se trouvant dans l’entourage de ce nouveau-né (méthode dite du cocooning).
Le vaccin coquelucheux à germes entiers (vaccin Ce) composé
de bactéries inactivées à la chaleur a été remplacé dans les années
2000 par un vaccin coquelucheux dit acellulaire (Vaccin Ca), car
ne comprenant que quelques protéines bactériennes purifiées et
inactivées provenant de Bordetella pertussis, la bactérie agent de
la coqueluche. Ce vaccin a été développé en raison des effets
secondaires induits par le vaccin Ce qui ne permettaient pas
son utilisation pour des rappels vaccinaux. Circule également
B. parapertussis, l’autre agent de la coqueluche, pour lequel le
vaccin coquelucheux acellulaire n’apporte pas de protection, et
qu’il convient de surveiller bien que son incidence soit beaucoup
plus faible que celle des infections dues à B. pertussis.
Le diagnostic clinique de la maladie est difficile surtout chez
les personnes vaccinées depuis plusieurs années qui sont susceptibles de refaire une coqueluche plus ou moins symptomatique. En effet, la maladie ne protège pas à vie, on peut faire une
coqueluche plusieurs fois dans sa vie. Le diagnostic biologique
de confirmation est important. Cependant, sa fenêtre de réalisation est limitée aux 3 semaines où Bordetella peut être mis en
évidence à partir du naso-pharynx. Cette fenêtre est souvent
dépassée si on ne pense pas au diagnostic devant une symptomatologie de toux persistant plus de 7 jours. C’est souvent à
partir des cas secondaires que le diagnostic du cas index sera
fait secondairement. En effet, la maladie est hautement contagieuse (R0 = 15-16).
Le traitement curatif ou prophylactique a fait l’objet de recommandations récentes et doit être appliqué afin d’éviter la propagation de Bordetella. La prévention repose sur la vaccination
avec l’adaptation du calendrier vaccinal aux nouvelles donnes
épidémiologiques et susceptibles d’évoluer dans le temps.
Diagnostic clinique de la coqueluche
La coqueluche est une maladie de connaissance récente
puisqu’elle a été décrite pour la première fois par Guillaume de
Baillou au xvie siècle. Elle est due à des bactéries à Gram négatif,
B. pertussis ou B. parapertussis, toutes les deux issues de
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e149
RR Item 159
COQU E L UC HE
PCR-RT : matériel génétique de la bactérie détectable
Culture : bactéries détectables
FIGURE
Schématisation de la coqueluche.
B. bronchiseptica, la bactérie provoquant des infections respiratoires chez un grand nombre de mammifères (rhinite atrophique du porc, toux des chenils…). Son nom varie selon les
pays mais celui qui est certainement le plus adapté pour
décrire la maladie d’un sujet non immun est le nom chinois :
« la toux des 100 jours ».
La clinique assez stéréotypée est schématisée dans la figure :
on peut la résumer à une toux non fébrile qui dure, elle est
`quinteuse, souvent avec reprise inspiratoire (chant du coq), et
se modifie au fil du temps. Il est important de souligner la longue
période sans symptôme suivie d’une période de symptômes
totalement atypiques, avant la longue période de toux.
Formes du vacciné
Formes cliniques
Les formes cliniques diffèrent selon l’âge, en particulier celles
du nourrisson, et selon le passé vaccinal.
Formes du nourrisson C’est un tableau de toux quinteuse prolongée et cyanosante
sans le classique chant du coq. Les formes graves concernent le
nourrisson. En 2013, 94 % des nourrissons de moins de 6 mois
ont été hospitalisés et 30 % en réanimation en raison de complications. Un décès est survenu dans 3 % des cas. Il s’agissait de
coqueluches malignes avec défaillance multiviscérale.
Formes de l’adulte C’est avant tout une toux qui persiste au-delà de 7 jours sans
cause évidente et dont la symptomatologie peut être plus ou
moins évocatrice. Sa survenue dans un contexte épidémique
doit attirer l’attention.
Les 11 questions clés du diagnostic chez un adulte venant
consulter pour une toux sont pour 9 d’entre elles focalisées sur
les caractéristiques cliniques de la toux et les 2 dernières sur leur
contexte épidémiologique :
e150
1 / Toussez-vous depuis plus de 7 jours, sans fièvre, et votre
toux a-t-elle tendance à s’aggraver ?
2 / Votre toux est-elle plus importante la nuit et vous empêchet-elle de dormir ?
3 / Toussez-vous par quintes ?
4 / Votre toux s’accompagne-t-elle de vomissements ?
5 / Avez-vous du mal à reprendre votre respiration ?
6 / Votre visage devient-il bleu, congestionné, lorsque vous
toussez ?
7 / Avez-vous ressenti une douleur violente au niveau des
côtes lors d’une quinte de toux ?
8 / Pour les femmes. Souffrez-vous de fuites urinaires ?
9 / Pour les patients fumeurs ou présentant un asthme, une
broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), un reflux
gastro-œsophagien ou une mucoviscidose. Les caractéristiques
de votre toux ont-elles changé par rapport à d’habitude ?
10 / Avez-vous été en contact il y a 2 ou 3 semaines avec une
personne qui toussait comme vous ? La durée de la toux du cas
index est en effet importante pour distinguer une coqueluche
d’une virose banale.
11 / Une personne de votre entourage s’est-elle mise à tousser
2 ou 3 semaines après vous avoir vu ?
Bien que moins grave que chez l’enfant, la coqueluche peut être
responsable de syncope (ictus laryngé), fractures de côtes voire
de vertèbres, ainsi que d’incontinence chez l’adulte. Ces complications sont d’autant plus fréquentes qu’il s’agit de personnes
âgées. Des épidémies en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) ont été décrites et posent le
problème de la prévention dans ces structures de soins.
Elles ont été individualisées essentiellement chez des adolescents ou adultes jeunes. Elles surviennent chez les vaccinés en
raison de la baisse de la protection vaccinale au fil du temps,
mais il persiste un certain degré de protection. Les non-vaccinés
sont plus à risque de faire une coqueluche grave que les vaccinés. Ces vaccinés font une coqueluche moins grave avec moins
d’hospitalisations que les non-vaccinés. La persistance de la
toux est plus courte, souvent inférieure à 20 jours, que pour les
non-vaccinés, ce qui augmente le risque de ne pas évoquer ce
diagnostic.
L’existence de cas secondaires est un élément clé pour penser
au diagnostic.
Diagnostics biologiques de la coqueluche
Les diagnostics biologiques sont basés sur un prélèvement
naso-pharyngé (aspiration ou écouvillon) dont les modalités se
trouvent sur le site du CNR : http://www.pasteur.fr/recherche/unites/
film_cnr/prelev.swf
Les Bordetella sont directement mises en évidence par deux
méthodes, culture et PCR en temps réel (PCR-TR).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Coqueluche
POINTS FORTS À RETENIR
La coqueluche est une maladie très contagieuse et
dramatique pour les âges extrêmes de la vie. Ce n’est pas
qu’une maladie pédiatrique.
La maladie ne protège pas à vie : on peut avoir la coqueluche
trois fois dans sa vie.
Des rappels vaccinaux adolescents et adultes sont
nécessaires, comme pour le tétanos et la diphtérie, qui ne
peuvent se faire qu’avec des vaccins coquelucheux acellulaires.
Culture : elle se pratique uniquement pendant les 2 premières
semaines de toux avec une sensibilité de l’ordre de 60-70 % en
début de la période de toux mais diminuant rapidement par la
suite. L’isolement se fait en 5-7 jours sur des milieux spécifiques
dits de Bordet-Gengou ou Regan-Lowe avec nécessité de signaler le pourquoi de la recherche au laboratoire. L’importance
de la culture est de faire un diagnostic spécifique de la bactérie
du genre Bordetella à l’origine de la maladie. L’envoi des isolats
cliniques au CNR est essentiel pour suivre leur évolution sous
pression vaccinale. Actuellement 15 % des isolats de B. pertussis
et 100 % des isolats de B. parapertussis n’expriment plus la
pertactine, un des antigènes composant certains vaccins acellulaires. Ces données sont importantes pour pouvoir estimer la
durée de la protection induite par les vaccins coquelucheux. Enfin, même si les isolats cliniques résistants aux macrolides et
cotrimoxazole sont exceptionnels en France, leur incidence augmente en Asie. L’isolement des bactéries est indispensable pour
suivre l’évolution de la sensibilité aux antibiotiques.
La PCR-TR :c’est la technique qui permet la détection du matériel
biologique de la bactérie à l’origine de la maladie. C’est l’autre
moyen diagnostique remboursé par la Sécurité sociale, maintenant pratiqué dans la plupart des laboratoires. La PCR-RT est
l’outil le plus sensible (la limite de détection est de l’ordre de la
bactérie), elle est positive durant les 3 premières semaines. Son
défaut est sa moindre spécificité avec la détection notamment
de B. holmesii, surtout chez les adolescents et adultes. Un complément de diagnostic peut être justifié et l’envoi au CNR permet
de préciser l’espèce de Bordetella supposée en cause.
La sérologie n’a plus d’indication car d’interprétation beaucoup
trop incertaine, elle n’est plus remboursée par la Sécurité sociale.
Quand on pense à la coqueluche devant une toux persistante
il est souvent trop tard pour faire un diagnostic de certitude sur
le cas index et pour le traiter. Cette limite de 3 semaines est
essentielle à garder en mémoire, et c’est souvent sur les cas
secondaires que la preuve diagnostique est faite. On peut ainsi
faire le diagnostic de cas épidémiologiques (contact auprès
d’un cas documenté microbiologiquement et ayant des manifestations cliniques de toux en particulier).
Diagnostic différentiel
C’est celui d’une toux prolongée souvent étiquetée post-infectieuse notamment pour les bactéries atypiques (Mycoplasma
pneumoniæ et Chlamydophila pneumoniæ, mais aussi les infections virales (adénovirus, rhinovirus, virus respiratoire syncytial, influenzæ et para-influenzæ pour les plus fréquents). Tous
ces tableaux cliniques ont en commun un tableau initial plus ou
moins aigu et surtout souvent fébrile faisant place progressivement à une toux intermittente, parfois quinteuse, rarement émétisante, déclinant progressivement et s’espaçant dans le temps.
Toutes les autres causes de toux persistante à radiographie
pulmonaire normale mais non infectieuse sont à évoquer : asthme
atypique, reflux œsophagien (le reflux est favorisé par les efforts
de toux et ainsi explique une toux persistante après un tableau
initial d’allure infectieuse), sinusite chronique ; enfin les causes
médicamenteuses, en particulier les inhibiteurs de l’enzyme de
conversion. Il s’agit souvent de toux chroniques persistant plus
de 3 mois.
Le contexte de BPCO peut faire errer le diagnostic, la recherche
d’une cause endo-bronchique est évaluée par endoscopie, en
particulier une tumeur.
Beaucoup plus rarement il s’agit de maladies de système, avec
en particulier un syndrome inflammatoire et des manifestations
extra-pulmonaires fréquentes.
Le plus souvent la coqueluche est, pour des raisons épidémiologiques et de prise en charge, notamment pour la prévention,
répartie en cas suspects ou confirmés. Les cas suspects sont ceux
caractéristiques avec une toux typique depuis plus de 7 jours ou
très évocatrice d’une coqueluche, une hyperlymphocytose et
l’absence d’autre cause. Les cas confirmés sont soit cliniques
en cas de toux typique (v. cas suspects mais de plus de 14 jours),
soit biologiques avec culture ou PCR positives, soit épidémio­
logiques correspondant à un cas secondaire sans (encore) de
documentation microbiologique mais survenant après un contact
dans les 3 semaines précédant le début de la toux avec un cas
index qui lui est dûment confirmé.
Traitement et suivi du patient coquelucheux
Traitement curatif
Il doit être commencé dès les premiers jours de la phase de
toux pour diminuer les symptômes cliniques, sinon il n’a aucun
intérêt. Son objectif est de réduire l’intensité et la durée de la
coqueluche et surtout de limiter le risque de transmission. La
personne est considérée comme non contagieuse après le
5e jour de traitement (3 jours en cas de traitement avec l’azithromycine).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e151
RR Item 159
COQU E L UC HE
Qu'est-ce qui peut tomber
à l'examen ?
CAS CLINIQUE
Une enfant de 3 mois n’ayant reçu qu’une seule
vaccination, gardé par ses grands-parents
pendant les vacances scolaires, tousse, vomit
mais n’a pas de fièvre.
Le médecin traitant prescrit une PCR-RT
qui se révèle positive.
QUESTION
Quelles sont les mesures que doit recommander
ce médecin aux niveaux du traitement de l’enfant
et de sa vaccination et du traitement
et de la vaccination de l’entourage ?
Retrouvez toutes les réponses et les commentaires sur
www.etudiants.larevuedupraticien.fr
Les bêtalactamines sont totalement inactives sur B. pertussis
ou B. parapertussis (elles ne sont d’ailleurs pas non plus actives
sur les bactéries atypiques cause de toux persistante), et de fait
ne devraient jamais être prescrites dans le contexte d’une toux
persistante.
L’érythromycine a été remplacée pour des raisons de tolérance
par deux autres macrolides qui sont actuellement recommandés
en première intention :
––la clarithromycine 15 mg/kg/j pendant 7 jours en 2 prises
quotidiennes, les doses n’excèdant pas 500 mg 2 fois par jour,
y compris chez l’adulte ;
––l’azithromycine 20 mg/kg en pédiatrie et pas plus de 500 mg
chez l’adulte, en 1 prise quotidienne pendant 3 jours en raison
de la très longue demi-vie dans l’organisme.
Les contre-indications sont celles liées aux macrolides. Récemment il a été proposé une alternative chez les enfants ayant
un risque d’allongement du QT ou en cas de cardiopathie sousjacente.
Le cotrimoxazole est administré à raison de 6 mg/kg en deux
prises quotidiennes ou de 320 mg par jour en 2 prises quotidiennes
de triméthoprime pendant 14 jours chez l’adulte.
e152
Traitement symptomatique
Il concerne essentiellement le nourrisson qui doit être hospitalisé, et en particulier ceux admis en unité de soins intensifs en
raison de formes graves. L’hospitalisation permet une surveillance
adaptée en particulier cardio-respiratoire et des soins de drainage
bronchique (aspiration, postures, alimentation adaptée). Une assistance respiratoire peut être nécessaire dans les formes les plus
graves.
Prévention
Différents aspects sont à considérer : la prévention vaccinale
et le respect du calendrier vaccinal à l’échelle de la population,
et la prévention autour d’un cas mettant en jeu non seulement la
vaccination mais également l’antibioprophylaxie selon les antécédents de vaccination ou de coqueluche maladie dans l’entourage du ou des cas initiaux.
Vaccins anticoquelucheux
De 1959 à 1998, seul le vaccin Ce a été utilisé. Ce vaccin s’est
montré très efficace dans certains pays comme les États-Unis,
la France ou le Royaume-Uni, et a permis la chute drastique de
l’incidence de la maladie. Cependant, ce vaccin est difficile à
produire de façon reproductible, comme il a été observé au
Canada ou aux Pays-Bas, et il induit des effets secondaires,
certes tous réversibles, mais qui ont limité son emploi dans
certains pays, et surtout empêche son emploi pour des rappels
vaccinaux tout au long de la vie. À partir de 1998, les vaccins Ca,
beaucoup moins réactogènes, ont été mis sur le marché dans le
but d’introduire un rappel vaccinal chez l’adolescent. Mais, à
partir de 2002-2003, le vaccin Ce a été remplacé par le vaccin Ca même pour la primo­vaccination. Les vaccins Ca sont
composés soit de deux antigènes de B. pertussis (toxine pertussique [PT] et hémaglutinine filamenteuse [FHA]), soit de 3 anti­
gènes (PT, FHA et pertactine [PRN]), soit de 5 protéines (PT,
FHA, PRN), et de 2 protéines fimbriales [FIM]). Ces vaccins sont
spécifiques de B. pertussis. Ils sont tous associés à d’autres
valences vaccinales, diphtérie, tétanos, poliomyélite (vaccins
quadrivalents), Hæmophilus influenzæ de type b (vaccins pentavalents) et hépatite B (vaccins hexavalents) selon les temps du
calendrier vaccinal.
Recommandations du calendrier vaccinal 2015
Primo-vaccination du nourrisson à 2 mois (8 semaines) et 4 mois.
Rappels à 11 mois et 6 ans.
Rappels à 11-13 ans et 25 ans (si pas de rappel dans les 5 ans) avec
des vaccins tétravalents contenant des quantités d’anatoxine
diphtérique et de protéines coquelucheuses plus faibles. Le
rappel est recommandé jusqu’à 39 ans (cette limite d’âge supérieure n’est pas retenue par les recommandations nord-américaines qui vont au-delà de cet âge).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Cocooning : il s’agit de vacciner les personnes susceptibles de
contaminer les nourrissons avant qu’ils ne soient eux-mêmes
correctement vaccinés, les adultes avec projet parental et les
personnes supposées être en contact étroit avec des enfants de
moins de 6 mois. Ceci peut concerner les grands-parents, les
membres de la famille, les nourrices, les baby-sitters. Le taux de
vaccination reste faible chez les couples parentaux malgré la
mise en place du cocooning en 2004. Le but étant avant tout de
protéger les nourrissons dans les 2-3 premiers mois de vie. Devant la recrudescence des cas, la vaccination de la mère pendant la grossesse a été proposée aux États-Unis d’Amérique, en
Belgique, au Royaume-Uni, en Suisse et aux Pays-Bas, pays où
la couverture vaccinale de la population était plus faible qu’en
France. L’impact d’une telle politique vaccinale est encore à
évaluer, en particulier sur la réponse immune aux vaccins administrés chez le nourrisson à 8 semaines.
Les indications de vaccination de l’adulte concernent également les professionnels de santé, les personnels soignants dans
leur ensemble (y compris en EHPAD), les filières étudiantes en
santé, les professionnels chargés de la petite enfance, de
baby-sitting. Les rappels se font à 25, 45 et 65 ans avec un
vaccin dTPca. On n’est donc plus limité à une seule dose chez
l’adulte. On note que l’intervalle de 20 ans entre chaque dose
dépasse la durée de protection par le vaccin. Là encore, le taux
de vaccination des personnels de santé est notoirement insuffisant,
25 % des médecins en activité et environ 40 % des étudiants en
médecine.
Un cas est contaminant pendant 21 jours en dehors de tout
traitement antibiotique, 5 jours après le début de la clarithromycine, et après 3 jours avec l’azithromycine (même si la toux n’est
pas pour autant résolue !)
Prévention autour d’un ou de plusieurs cas
Vaccination
L’objectif est non seulement d’éviter des cas secondaires en
traitant le (ou les) cas index mais aussi de faire une prévention directe pour les cas contacts. Les mesures sont celles de la limitation de la transmission, d’une part, en mettant en place en institution des mesures barrières de type respiratoire (gouttelettes) et,
d’autre part, en instaurant une antibioprophylaxie aux sujets exposés associée à une vaccination selon le statut vaccinal de la (ou
des) personne(s) à partir de leur carnet de vaccination. Une personne est considérée comme protégée si, avant 11 mois, elle a
reçu 2 doses de vaccin et, à partir de 11 mois, la dose de rappel ;
pour les plus grands, le rappel doit être à moins de 5 ans ; pour
les adolescents et les adultes, tous ceux ayant reçu une dose
depuis moins de 5 ans, quel que soit le statut vaccinal antérieur.
Les mesures dépendent du caractère isolé ou groupé (au
moins 2 cas prouvés en tenant compte des délais d’incubation),
selon le niveau d’exposition, les contacts rapprochés (pour l’essentiel les personnes vivant sous le même toit, ou flirts, ou pensionnaires et professionnels de la même halte-garderie ou
crèche) ou occasionnels (personnes âgées en institution ayant
été soignées par une personne atteinte de la coqueluche,
contact au sein du milieu de travail, partage d’activités scolaires,
etc.). Il faut garder en mémoire que la coqueluche est hautement
transmissible, égale à la rougeole, 8 fois plus que la grippe.
Le carnet de vaccination est vérifié systématiquement, tous
ceux chez qui il n’est pas à jour bénéficieront d’une dose dTPca
ou DTPCa, suivant l'âge. Chez un adulte ayant reçu un vaccin
dTP, il est recommandé d’attendre un mois avant de lui faire
l’injection de dTPca.
Pour les cas en milieu de soins ou crèches notamment, il est
nécessaire de réunir les parties prenantes pour établir la stratégie
de recherche des cas secondaires et mettre en place les mesures
préventives nécessaires.•
Mesures d’isolement
Pour les cas traités au domicile, tout contact est interdit avec
toute personne susceptible d’être à risque, d’autant plus s’il
s’agit de nourrissons non encore vaccinés, de sujets immunodéprimés, de porteurs de pathologie pulmonaire chronique ou
de femmes enceintes.
En cas d’hospitalisation, l’isolement en chambre seul est de
rigueur ainsi que la mise en place de prévention gouttelettes.
Les personnels soignants devraient être à jour de leur vaccination.
L’éviction dépend de la date du début du traitement (v. supra).
Antibioprophylaxie
Elle utilise les mêmes antibiotiques selon le même schéma que
pour les traitements curatifs. Si jamais un sujet exposé présente
des symptômes, il faut le considérer comme un cas et l’isoler
(v. supra). Sinon il n’y a pas d’indication d’isolement des sujets
mis sous antibioprophylaxie.
L’antibioprophylaxie est systématique pour les sujets contacts
proches, elle est prescrite chez les contacts occasionnels s’ils
sont à risque. Elle n’est dans tous les cas prescrite que si le
contact remonte à moins de 21 jours, correspondant à la période potentielle d’incubation.
N. Guiso ne déclare aucun lien d’intérêts.
J. Gaillat déclare avoir participé à un groupe de travail sur la coqueluche financé par Sanofi
Pasteur MSD.
+
POUR EN SAVOIR ●
HCSP. Conduite à tenir devant un ou plusieurs cas de coqueluche. Collection
avis et rapports. Juillet 2014 : www.hcsp.fr
Calendrier des vaccinations et recommandations vaccinales 2015. Site du
ministère de la Santé : www.sante.gouv.fr
CNR. [email protected].
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e153
RR
FOCUS
Item 159
Prévention de la coqueluche
Dr Nicole Guiso1, Dr Jacques Gaillat2
Voir l’item complet page e149
et sur larevuedupraticien.fr
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
1. Institut Pasteur, Centre national de référence de la coqueluche et autres bordetelloses, 75024
Paris Cedex 15 France
2. Service des maladies infectieuses, Centre hospitalier Annecy-Genevois, 74374 Pringy Cedex France
[email protected]
[email protected]
L
a coqueluche est une infection respiratoire humaine, gravissime pour le nouveau-né et parfois compliquée chez les
personnes à risque telles que la femme enceinte, les personnes
âgées et les personnes immunodéprimées. Cette maladie, très
contagieuse, n’est pas qu’une maladie pédiatrique. Elle n’est
pas immunisante à vie et peut atteindre l’homme plusieurs fois
dans sa vie. L’isolement de ses agents étiologiques, la bactérie
Bordetella pertussis ou parapertussis, a permis la mise au point
des vaccins dits à germes entiers (ou vaccins Ce) car composés
de suspensions bactériennes inactivées, spécifiques de B. pertussis. Certains vaccins Ce se sont montrés très efficaces. Dès
l’introduction de la vaccination généralisée des jeunes enfants,
l’incidence de la mortalité et de la morbidité due à la coqueluche
a donc drastiquement diminué. Cependant, cela n’a pas été le
cas dans tous les pays démontrant la difficulté de fabriquer ces
vaccins de façon reproductible. De plus, trente ans après l’introduction de cette vaccination généralisée des jeunes enfants, un
changement de transmission de la maladie, d’enfants à enfants
versus adolescents-adultes à nourrissons, a été observé. La nécessité de faire des rappels vaccinaux est devenue urgente. Cependant, l’utilisation des vaccins Ce pour des rappels vaccinaux
n’était pas possible, ces vaccins étant trop réactogènes. Grâce
à la caractérisation des protéines intervenant dans la pathogénicité de B. pertussis, un nouveau type de vaccin, dit acellulaire
(ou vaccins Ca), car composé de protéines bactériennes purifiées, a été développé. Les rappels vaccinaux ont été rendus
possibles grâce à la mise sur le marché de ces vaccins Ca depuis 1998. La France a été un des premiers pays à introduire un
vaccin pour les adolescents et, depuis 2004, pour les adultes
(stratégie du cocooning). Depuis 2015, le calendrier vaccinal
(www.sante.gouv.fr) recommande une vaccination, avec un vaccin Ca, à 2 mois (8 semaines) et 4 mois ; un rappel à 11 mois et
6 ans. Des rappels sont aussi recommandés à 11-13 ans,
25 ans, ainsi qu’à tous les adultes dans l’entourage d’un nouveau-né (stratégie du cocooning) avec un vaccin ca contenant
une quantité réduite de protéines bactériennes par rapport aux
vaccins de l’enfant. Pour les personnels de santé et toutes les
professions entraînant un contact avec un nouveau-né, un rappel est recommandé à 25 ans, 45 ans et 65 ans. Ces modifications du calendrier vaccinal sont dues à l’évolution de l’épidémiologie de la maladie et de la connaissance de la durée de
e154
l’immunité vaccinale. Néanmoins, une surveillance est toujours
indispensable. La surveillance en France est une surveillance
hospitalière (réseau RENACOQ composé de 43 centres hospitaliers pédiatriques représentant 30 % des hospitalisations) et le
Centre national de référence à l’Institut Pasteur coordonné par
l’Institut de veille sanitaire. Cette surveillance permet de déterminer l’incidence de la maladie chez les moins de 6 mois hospitalisés et les caractéristiques des contaminateurs. Elle passe par
l’utilisation de diagnostics biologiques spécifiques.
La clinique typique est caractérisée par une phase sans symptôme ou avec des symptômes de rhinorrhée atypiques de 10 à
20 jours sans fièvre. Ensuite arrive la toux par quintes, à recrudescence nocturne, avec cyanose, vomissements, reprise inspiratoire
difficile (chant du coq, sauf chez le nourrisson). La clinique peut
être atypique chez les jeunes adultes anciennement vaccinés.
Les diagnostics biologiques, remboursés par la Sécurité sociale, sont la culture et la PCR en temps réel (PCR-RT). Les deux
sont pratiqués sur un prélèvement naso-pharyngé (aspiration ou
écouvillon). La culture se pratique uniquement pendant les deux
premières semaines de toux. Elle est nécessaire pour analyser
l’évolution de la bactérie sous pression vaccinale et sa susceptibilité aux antibiotiques. La PCR-RT peut se pratiquer pendant
les trois premières semaines de toux. Elle est plus sensible que
la culture mais moins spécifique car elle peut reconnaître
d’autres bactéries, telle B. holmesii, bactérie opportuniste détectée principalement chez les adolescents et les adultes. En
cas de doute concernant le diagnostic, le CNR peut permettre
d’identifier l’espèce bactérienne dont il s’agit. Si le patient tousse
depuis plus de 3 semaines, la maladie étant très contagieuse, il
est recommandé de faire un prélèvement chez une personne
ayant commencé à tousser 10 à 20 jours après le cas index.
Lors d’un cas de coqueluche confirmé, le traitement préconisé
est un traitement par clarithromycine ou azithromycine ou en
2e intention cotrimoxazole/triméthoprime. L’éviction est de 3 à
5 jours suivant l’antibiotique utilisé. Les personnes de l’entourage du cas, n’ayant pas été vaccinées dans les cinq dernières
années, sont aussi traitées afin de couper la transmission de la
maladie (www.hcsp.fr).
N. Guiso ne déclare aucun lien d’intérêts.
J. Gaillat déclare avoir participé à un groupe de travail sur la coqueluche financé par Sanofi
Pasteur MSD.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 40
AMÉNORRHÉE
Dr Valérie Scarabin-Carré1,2, Dr Naouel Ahdad-Yata1
1. Service de gynécologie-obstétrique et de médecine de la reproduction, hôpital Antoine-Béclère, 92140 Clamart, France
2. Université Paris-Sud, UMRS 1018, Inserm, 94270 Villejuif, France
[email protected]
objectifs
ARGUMENTER les principales hypothèses
diagnostiques et JUSTIFIER les examens
complémentaires pertinents.
L’
aménorrhée primaire se définit comme l’absence
d’apparition des règles après l’âge de 16 ans. L’aménorrhée secondaire est l’absence de règles depuis au
moins 3 mois chez une femme en âge de procréer antérieurement
réglée. La prévalence de l’aménorrhée en France est de 3 à 4 %
en dehors de toutes les situations physiologiques telles que la
grossesse, l’allaitement et la ménopause. La première cause à
évoquer devant une aménorrhée secondaire est la grossesse.
Rappel physiologique
L’apparition des premières règles se traduit physiologiquement
par le début de l’activité ovarienne via l’activation de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Cette activation se traduit par une sécrétion pulsatile de la GnRH par l’hypothalamus qui entraîne une
synthèse de FSH et de LH par l’hypophyse. L’activité ovarienne
est définie par son caractère cyclique lié au recrutement mensuel
d’un follicule destiné à l’ovulation et perdure jusqu’à épuisement
de la réserve ovarienne folliculaire. Les menstruations nécessitent
une intégrité anatomique et fonctionnelle des voies génitales et
de l’axe hypothalamo-hypophysaire. Elles correspondent à une
desquamation de l’endomètre qui apparaît lors de la chute des
estrogènes 15 jours après l’ovulation ou lors de fluctuations anarchiques de l’estradiol en cas d’absence d’ovulation.
Aménorrhée primaire
Démarche diagnostique
1.Clinique
Une cause génétique est le plus souvent retrouvée en cas
d’aménorrhée primaire. L’interrogatoire peut rapidement orienter
vers un diagnostic étiologique, notamment l’enquête familiale. Il
est important de rechercher :
––les antécédents familiaux de retard pubertaire, d’anosmie, de
ménopause précoce, de retard mental ;
––les antécédents personnels de maladie chronique, de chirurgie
pelvienne, chimiothérapie et/ou radiothérapie ;
––l’existence de douleurs pelviennes cycliques : penser à l’imperforation hyménéale avec hématocolpos ;
––des troubles du comportement alimentaire ;
––des signes fonctionnels associés : céphalées et/ou troubles
visuels orientant vers une pathologie hypophysaire, anomie
(syndrome de Kallmann).
À l’examen clinique, on recherche l’existence ou non de signes
pubertaires. Le début de la puberté est marqué par une poussée
mammaire survenant à un âge moyen de 10 ans, suivi par le développement de la pilosité axillaire et pubienne. La ménarche apparaît
en général 2 ans après le démarrage de la puberté. Le statut
pubertaire évalué selon le stade de Tanner orientera la démarche
diagnostique. La courbe de croissance staturo-pondérale doit
être analysée, à la recherche notamment d’une accélération de
la croissance, se manifestant un an avant les premières règles.
D’autres éléments sont à rechercher à l’examen clinique :
––poids, taille, indice de masse corporelle (IMC) ;
––examen des organes génitaux externes :
. recherche d’une hypertrophie clitoridienne ;
.signes d’ambiguïté sexuelle (micropénis, vagin borgne, présence de deux petites masses dans les creux inguinaux ou les
grandes lèvres) ;
. examen de l’hymen vérifiant sa perméabilité ;
. toucher rectal : douloureux en cas d’hématocolpos ;
. toucher vaginal si la patiente n’est pas vierge pour vérifier la
présence de l’utérus (si absence, penser à un syndrome de
Rokitansky ou d’insensibilité aux androgènes) ;
––syndrome dysmorphique, notamment la petite taille, orientant
vers un syndrome de Turner ;
–– signes cliniques d’hyperandrogénie : acné, hirsutisme (hyperplasie
congénitale des surrénales, tumeur sécrétant des androgènes) ;
––examen mammaire : recherche d’une galactorrhée provoquée.
2.Examens complémentaires
La prescription des examens complémentaires est orientée
par l’existence ou non des caractères sexuels secondaires. En
première intention, un dosage de la prolactinémie et de la TSH
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e155
RR Item 40
A MÉ NORRHÉ E
permet de rechercher une hyperprolactinémie et une hypothyroïdie.
Pour distinguer l’insuffisance ovarienne primitive de la pathologie
hypothalamo-hypophysaire, un dosage de FSH est réalisé. Si la
FSH est élevée (> 20 UI/L), on s’oriente vers une insuffisance
ovarienne primitive. Dans ce cas, il est nécessaire de réaliser un
caryotype à la recherche d’un syndrome de Turner. Une FSH
normale ou diminuée (< 10 UI/L) évoque un hypogonadisme hypo­
gonadotrope. Dans les deux cas, le taux d’estradiol est bas
(< 20 pg/mL).
Une échographie pelvienne par voie sus-pubienne (endovaginale
si la patiente est non vierge) confirme la présence d’un utérus,
évalue sa taille et sa morphologie. Il mesure également la taille et
le volume des ovaires. Une IRM pelvienne peut être réalisée si les
ovaires ou l'utérus sont mal visualisés à l’échographie. En cas
d’absence d’utérus, il convient de prescrire un caryotype. En fonction du résultat, on s’oriente vers une insensibilité aux androgènes
(46, XY) ou un syndrome de Rokitansky (46,XX).
Une IRM hypophysaire est à effectuer en cas de FSH diminué
et/ou d’hyperprolactinémie, à la recherche d’une tumeur hypophysaire. En cas d’anosmie, une agénésie des bulbes olfactifs
oriente vers un syndrome de Kallmann.
La fig. 1 propose un algorithme diagnostique en cas d’aménorrhée primaire.
Diagnostic étiologique
1.Absence de caractères sexuels secondaires et causes centrales :
hypogonadisme hypogonadotrope
En l’absence de développement mammaire et de pilosité pubienne, le taux de FSH oriente le diagnostic étiologique. Un taux
normal ou diminué de FSH (< 10 UI/L) oriente vers un hypo­
gonadisme hypogonadotrope et un taux supérieur à 20 UI/L
suggère une insuffisance ovarienne primitive.
Hypogonadisme hypogonadotrope acquis :l’IRM hypophysaire permet
de rechercher un adénome hypophysaire ou une autre tumeur
cérébrale comme un craniopharyngiome, un gliome, un germinome,
un méningiome ou un hamartome. Cliniquement, des céphalées
et/ou des troubles visuels peuvent orienter vers un processus
expansif. L’hypogonadisme hypogonadotrope peut être isolé ou
s’associer à d’autres déficits anté-hypophysaires qu’il convient
de dépister, notamment l’insuffisance corticotrope, thyréotrope
et somatotrope. En cas d’adénome hypophysaire, un prolactinome doit être évoqué devant une hyperprolactinémie. Un hyper­
corticisme ou une acromégalie doivent également être recherchés.
Hypogonadisme hypogonadotrope congénital : on sépare :
––l’hypogonadisme hypogonadotrope congénital avec anosmie :
syndrome de Kallmann. Le syndrome de Kallmann est rare
chez les femmes comparé aux hommes (1/50 000 femmes vs
1/8 000 respectivement). C’est un hypogonadisme hypogonado­
trope associé à une anosmie liée à une agénésie des bulbes
olfactifs, secondaire à un défaut de migration des neurones à
GnRH. L’anosmie peut être dépistée par une olfactométrie, et
l’IRM hypophysaire centrée sur les bulbes olfactifs confirme le
e156
diag­nostic en retrouvant une agénésie. Il n’existe pas d’autre
déficit hypophysaire associé. Cette maladie génétique a un
mode de transmission variable : liée à l’X (gène KAL1) [seulement chez les hommes], autosomique dominante ou récessive. Des mutations ont été mises en cause dans plusieurs
gènes impliqués dans la migration des neurones à GnRH
(FGFR1, PROK2, PROKR2, CHD7) ;
––l’hypogonadisme hypogonadotrope congénital sans anosmie :
en l’absence d’anosmie, l’hypogonadisme hypogonatrope peut
être dû à des anomalies génétiques limitant la sécrétion (GPR54,
DAX1, leptine, leptine-R, TAC, TACR3, ghréline) ou l’action de
la GnRH par mutation du récepteur de la GnRH. Le récepteur
GPR54 présent sur les neurones à GnRH permet aux kisspeptines de moduler la sécrétion de GnRH. La mutation de GPR54
entraîne un hypogonadisme isolé dont le phénotype est variable.
Un hypogonadisme associé à une obésité sévère évoque une
mutation du gène de la leptine ou de son récepteur. La mutation
du gène DAX1 est responsable d’un hypogonadisme associé
à une hypoplasie des surrénales. Son mode de transmission
est lié à l’X, mais quelques cas seulement ont été décrits chez
les femmes.
Maladies chroniques et carences nutritionnelles : les maladies chroniques telles que les syndromes de malabsorption (maladie de
Crohn, rectocolite hémorragique), l’insuffisance rénale ou hépatique peuvent entraîner un hypogonadisme hypogonadotrope.
Des troubles du comportement alimentaire comme l’anorexie
mentale doivent également être recherchés.
Retard pubertaire simple : malgré sa fréquence, il reste un diag­
nostic d’élimination. Il peut être évoqué devant des antécédents
familiaux de puberté tardive. Le bilan hormonal retrouve un hypo­
gonadisme hypogonadotrope, et l’imagerie hypophysaire est
normale. L’évaluation de l’âge osseux par une radiographie de la
main et du poignet permet de confirmer le début de la puberté
avec l’apparition de l’os sésamoïde du pouce.
2.Absence de caractères sexuels secondaires et causes
périphériques : insuffisance ovarienne primitive
L’absence des caractères sexuels secondaires associée à un
taux de FSH élevé oriente soit vers une insuffisance ovarienne
antérieure au début de la puberté, soit vers une anomalie du
développement du tissu ovarien (dysgénésie gonadique).
Le syndrome de Turnerreprésentant 1/2 500 naissances féminines
est une dysgénésie gonadique responsable d’une insuffisance
ovarienne primitive (ou prématurée en cas d’aménorrhée secondaire). Elle est associée à un syndrome dysmorphique inconstant
caractérisé par une petite taille, un cou court palmé avec une
implantation basse des cheveux, une voûte palatine ogivale, un
thorax en bouclier, un écartement des mamelons, des nævi
pigmentaires, un cubitus valgus et un raccourcissement des
4es métacarpiens. Des malformations rénales ou cardiovasculaires
peuvent également être retrouvées, comme un rein unique ou en
forme de fer à cheval ou une coarctation aortique, ou encore une
valve aortique bicuspide. Le diagnostic est génétique et carac-
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
AMÉNORRHÉE PRIMAIRE
THS / Prolactine
Présence de caractères sexuels secondaires
oui
non
Utérus absent
Utérus présent
Caryotype
Hématocolpos
FSH ➘ ou N, E2 ➘
FSH ➚ E2 ➘
Hypogonadisme hypogonadotrope
Insuffisance ovarienne primitive
Caryotype
46, XX
46, XY
oui
non
45, X
46, XX
Syndrome
de
Rokitansky
Syndrome
d'insensibilité
aux
androgènes
Imperforation
hyménéale
Cloison
vaginale
Exploration
aménorrhée
secondaire
Syndrome
de Turner
Autres causes
d'insuffisance
ovarienne
primitive
FIGURE 1
Algorithme diagnostique devant une aménorrhée primaire.
térisé par un caryotype (45,X), qui peut se présenter également
sous la forme de mosaïque (45,X /46,XX).La puberté peut être
spontanée dans 10 % des cas (principalement pour les formes
mosaïques), mais l’insuffisance ovarienne apparaît souvent précocement. Même si quelques cas de grossesses spontanées
ont été rapportés, un recours à l’assistance médicale à la procréation avec don d’ovocyte est souvent nécessaire. Cette prise
en charge n’est réalisée qu’en l’absence de contre-indication
cardiaque à la grossesse. Si l’insuffisance ovarienne n’est pas
trop avancée, une technique de préservation de la fertilité par
congélation d’ovocytes ou de cortex ovarien peut s’envisager.
La carence estrogénique liée à l’insuffisance ovarienne primitive
peut être responsable à long terme d’une ostéoporose ou d’une
augmentation du risque cardiovasculaire. Un traitement hormonal
substitutif doit systématiquement être prescrit pour prévenir ces
risques.
3.Caractères sexuels secondaires présents
La présence de caractères sexuels secondaires témoigne de
la présence de gonades fonctionnelles et d’une activité estrogénique. L’étiologie est orientée par l’examen clinique et l’imagerie
pelvienne (échographie, voire IRM) à la recherche d’une malformation utérovaginale.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e157
RR Item 40
A MÉ NORRHÉ E
Si l’utérus est présent, un hématocolpos peut être diagnostiqué
cliniquement ou à l’échographie. Il peut ainsi orienter vers une
imperforation hyménéale ou une cloison vaginale transverse secondaire à une incomplète fusion du canal müllerien vaginal
avec le segment du sinus urogénital. S’il n’existe pas d’hématocolpos, il faut alors suivre la démarche diagnostique d’une aménorrhée secondaire.
Si l’utérus est absent, deux diagnostics sont à évoquer.
Syndrome de Rokitansky : c'est une pathologie rare dont la prévalence est de 1/5 000 naissances féminines. Il résulte d’une activation anormale de l’hormone anti-müllérienne (AMH) ou d’une
anomalie de son récepteur qui entraîne une régression des canaux
de Müller. Le diagnostic est évoqué devant l’absence d’utérus et
l’agénésie du tiers supérieur du vagin associé à un caryotype
féminin normal (46, XX).
Syndrome d’insensibilité aux androgènes : cette pathologie liée à l’X
extrêmement rare est à évoquer devant un caryotype masculin
(46,XY). Les taux de testostérone sont normaux, mais il existe un
défaut de liaison entre la testostérone et le récepteur des androgènes, responsable d’un phénotype féminin en cas de forme
complète. L’aromatisation de la testostérone en estradiol engendre un développement mammaire normal. Le vagin est hypoplasique, et il existe une faible pilosité axillaire et pubienne.
Les testicules peuvent être présents dans les creux inguinaux,
les grandes lèvres ou dans l’abdomen et ne contiennent pas de
cellules germinales. Ils sécrètent néanmoins l’AMH responsable
de la régression des canaux de Müller. Devant le risque élevé de
gonadoblastome, une gonadectomie doit être envisagée dès
que possible.
Aménorrhée secondaire
Clinique
L’aménorrhée secondaire est le plus souvent due à une pathologie acquise. La grossesse est la première cause à évoquer.
Une fois éliminée, le diagnostic étiologique est très rapidement
orienté par un interrogatoire et un examen clinique bien menés.
L’interrogatoire permet de détailler l’histoire pubertaire, l’ancienneté de l’aménorrhée, les caractéristiques des cycles antérieurs
(durée, régularité) en dehors de toute prise de contraception
hormonale. Il est très fréquent de retrouver à l’interrogatoire une
spanioménorrhée primaire qui a été masquée par la prise d’une
pilule, d’où l’importance d’explorer une irrégularité des cycles si
celle-ci se prolonge deux ans après la ménarche.
L’aménorrhée secondaire peut être la conséquence d’une maladie chronique, telle qu’une hypothyroïdie ou un hypercorticisme
dont les signes cliniques doivent être recherchés.
Une galactorrhée spontanée ou provoquée oriente vers une
hyperprolactinémie. Elle peut être due à une prise médicamenteuse
(neuroleptiques, certains antidépresseurs ou antihypertenseurs) ou
secondaire à une pathologie hypothalamo-hypophysaire. Un
syndrome tumoral caractérisé par des céphalées et/ou des
e158
troubles visuels oriente vers un processus expansif (macro­
adénome hypophysaire, craniopharyngiome…). Des signes
d’insuffisance corticotrope, thyréotrope et somatotrope peuvent
y être associés.
Des signes de carence estrogénique tels que bouffées de chaleur, sueurs nocturnes ou encore sécheresse vaginale font suspecter une insuffisance ovarienne prématurée. Cette cause est à
évoquer devant des cycles courts inférieurs à 25 jours précédant
l’aménorrhée secondaire. L’insuffisance ovarienne peut être
d’origine iatrogène en cas d’antécédent de chimiothérapie ou de
radiothérapie pelvienne ou liée à un vieillissement prématuré ovarien d’origine génétique (principalement syndrome de Turner,
syndrome de l’X fragile), auto-immun ou idiopathique. Des antécédents familiaux de retard mental chez les garçons orientent
vers le syndrome de l’X fragile. Si la mère a été ménopausée
précocement, une origine génétique peut être suspectée.
Des variations pondérales récentes doivent également être recherchées. Elles orientent plutôt vers une origine hypothalamique
fonctionnelle liée le plus souvent à un apport calorique insuffisant
en lipides ou à une hyperactivité physique. La mesure du poids
et de la taille associée au calcul de l’IMC est nécessaire pour
dépister une éventuelle carence nutritionnelle.
La présence de douleurs pelviennes cycliques peut faire suspecter une cause utérine, particulièrement en cas d’antécédent
de geste endo-utérin (interruption de grossesse par aspiration,
hystéroscopie opératoire). Un antécédent d’hémorragie de la
délivrance peut évoquer un syndrome de Sheehan se caractérisant par une nécrose hypophysaire.
Les signes d’hyperandrogénie clinique (hyperséborrhée, acné
et hirsutisme) orientent par argument de fréquence vers le syndrome des ovaires polykystiques. Ils sont parfois associés à des
signes de virilisation (hypertrophie clitoridienne, raucité de la
voix, alopécie des golfes frontotemporaux, hypertrophie musculaire) pouvant faire suspecter une hyperplasie congénitale des
surrénales. L’apparition brutale de ces symptômes doit faire
suspecter une tumeur sécrétante des androgènes.
Test aux progestatifs
Un test aux progestatifs peut être prescrit afin d’évaluer l’imprégnation estrogénique de l’endomètre. Il consiste en l’administration d’un progestatif pendant 10 jours. Ce test est positif
en cas d’apparition des règles dans les 5 jours suivant l’arrêt du
progestatif. Néanmoins, ce test s’avère négatif en cas de carence
estrogénique profonde, et cela indépendamment de la cause.
Ainsi, il a peu de valeur dans l’orientation du diagnostic étiologique.
Examens complémentaires
Un dosage des β-hCG plasmatiques doit être réalisé afin d’éliminer une grossesse avant toute autre exploration. Comme
pour l’aménorrhée primaire, un dosage de TSH, prolactinémie,
FHS, LH et estradiol est requis en première intention. Le dosage
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Aménorrhée
POINTS FORTS À RETENIR
Le premier diagnostic à éliminer devant une aménorrhée
secondaire est la grossesse !
Le syndrome des ovaires polykystiques est l’une
des causes les plus fréquentes d’aménorrhée secondaire
mais reste un diagnostic d’élimination.
Devant une aménorrhée primaire et en l’absence
de caractères sexuels secondaires, le taux d’estradiol
est toujours bas, et c’est la FSH qui permet de distinguer
un déficit gonadotrope d’une dysgénésie gonadique.
Devant une insuffisance ovarienne prématurée et une petite
taille, il faut toujours évoquer le syndrome de Turner.
Une aménorrhée associée à des signes de virilisation
d’apparition brutale doit faire suspecter une tumeur sécrétante
des androgènes.
des gonadotrophines permet de discriminer une origine centrale
ou périphérique. Un hypogonadisme hypogonadotrope est diagnostiqué devant un estradiol diminué (< 20 pg/mL) associé à
des FSH et LH normales ou basses. Dans ce cas, une IRM hypo­
physaire doit être prescrite pour rechercher un processus expansif tumoral.
Une insuffisance ovarienne est évoquée devant une élévation
de la FSH (> 20 UI/L) associée à un estradiol bas (< 20 pg/mL).
Si ces dosages hormonaux sont normaux et/ou s’il existe des
signes d’hyperandrogénie clinique, une hyperandrogénie biologique doit être recherchée en dosant la testostérone totale, la
Δ4-androsténédione et la 17-OH-progestérone.
La fig. 2 propose un algorithme diagnostique devant une aménorrhée secondaire.
Démarche étiologique
1.Causes centrales : hypogonadisme hypogonadotrope
Hypogonadisme hypogonadotrope d’origine organique : l’hyperprolactinémie est une cause fréquente d’aménorrhée responsable de
20 % des anovulations. Elle engendre une insuffisance gonadotrope par diminution des pulses de GnRH par l’hypothalamus.
Une fois les causes évidentes écartées (grossesse et prise médi­
camenteuse), l’IRM hypophysaire retrouve le plus souvent un
micro-adénome. Une hyperprolactinémie de déconnexion peut
également apparaître en cas de processus tumoral expansif
(macroadénome hypophysaire, craniopharyngiome, gliome du
chiasma, méningiome) ou d’infiltration de la tige pituitaire par
des maladies inflammatoires (sarcoïdose, histiocytose).
En l’absence d’hyperprolactinémie, un hypogonadisme gonado­
trope peut également être retrouvé. Il peut être secondaire à une
radiothérapie encéphalique ou de la base du crâne. Dans tous
les cas, il justifie la prescription d’une IRM hypophysaire à la recherche d’un processus tumoral expansif ou d’une hypophysite
secondaire à une maladie inflammatoire infiltrant la région hypothalamo-hypophysaire. Une insuffisance anté-hypophysaire associée (insuffisance corticotrope, thyréotrope et somatotrope)
doit être systématiquement recherchée afin d’être substituée.
Plus rarement, un syndrome de Sheehan peut être évoqué en
cas d’antécédent d’hémorragie de la délivrance. Il s’agit d’une
nécrose hypophysaire survenant dans le post-partum se caractérisant par l’absence d’un retour de couches et de montée laiteuse, associé à une insuffisance anté-hypophysaire globale.
Mais le plus souvent l’aménorrhée du post-partum peut être liée
à une hypophysite auto-immune.
Hypogonadisme hypogonadotrope d’origine fonctionnelle : c
ette cause
fréquente chez les adolescentes est liée à une diminution de la
pulsatilité de la GnRH qui induit une sécrétion hypophysaire
moins importante de la FSH et de la LH. Ce mécanisme s’explique en partie par une diminution de la leptine qui accompagne
les états de privation alimentaire comme l’anorexie mentale ou
dans les régimes pauvres en matière grasse chez des femmes
avec un indice de masse corporelle normal. Un déficit très profond entraîne une carence estrogénique importante, se traduisant
souvent à l’échographie pelvienne par un utérus hypotrophique
± associée à des ovaires de petite taille pauvres en follicules
antraux.
2.Aménorrhée associée à une hyperandrogénie
Syndrome des ovaires polykystiques (SOPK) : cette pathologie représente la première cause d’infertilité et concerne 5 à 10 % des
femmes. Ce syndrome est le plus souvent retrouvé chez des
femmes en surpoids ou obèses, mais peut être présent même
avec un indice de masse corporelle normal. Il peut s’accompagner de troubles métaboliques, notamment d’insulinorésistance,
de diabète de type 2 ou encore de dyslipidémie, pouvant induire
à long terme une augmentation du risque cardiovasculaire. Sa
présentation clinique variable associe une production excessive
d’androgènes à un dysfonctionnement ovarien caractérisé par
une oligo- ou anovulation. Le bilan hormonal retrouve souvent
une LH supérieure à la FSH. C’est un diagnostic d’élimination
qui nécessite l’exclusion de la maladie de Cushing, d’une hyperprolactinémie, d’une tumeur sécrétant des androgènes et d’un bloc
enzymatique surrénalien. Selon le consensus de Rotterdam, le
diagnostic peut être établi devant la présence d’au moins 2 critères sur 3 :
––oligo- et/ou anovulation ;
––hyperandrogénie clinique et/ou biologique (testostérone totale
et/ou Δ4-androstènedione augmentées) ;
––à l’échographie pelvienne : présence d’au moins 12 follicules
de 2 à 9 mm sur chaque ovaire et/ou augmentation du volume
ovarien supérieur à 10 mL.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e159
RR Item 40
A MÉ NORRHÉ E
AMÉNORRHÉE SECONDAIRE
positif
b-hCG
Grossesse
négatif
Bilan hormonal : estradiol, FSH LH, prolactinémie, testostérone
FSH ➘ (ou N)
E2 ➘
Hyperprolactémie
Hypogonadisme
hypogonadotrope
Origine
non médicamenteuse
IRM
hypophysaire
T > 1,5 ng/mL
T < 1,5 ng/mL
Insuffisance ovarienne
primitive
normale
Tumeur
ou lésion
infiltrante
hypothalamohypophysaire
Hypogonadisme
hypogonadotrope
fonctionnel
Adénome à
prolactine
Hyperprolactinémie à
déconnexion
Caryotype
Tumeur
sécrétant
des
androgènes
17OHP N
17OHP ➚
45, X
46, XX
Syndrome
des ovaires
polykystiques
Hyperplasie
congénitale
des surrénales
Syndrome
de Turner
X fragile
Causes
auto-immunes
iatrogènes
Algorithme diagnostique devant une aménorrhée segondaire.
Les mécanismes à l’origine de ce syndrome sont mal connus,
et le traitement est uniquement symptomatique.
Hyperplasie congénitale des surrénales à révélation tardive (HCS) :l’hyper­
plasie congénitale des surrénales dans sa forme non classique a
une présentation clinique similaire au syndrome des ovaires
polykystiques et doit être exclue avant d’établir un diagnostic de
syndrome des ovaires polykystiques. Cette maladie autosomique
récessive est le plus souvent due à un déficit enzymatique partiel
en 21-hydroxylase qui limite la synthèse de cortisol et d’aldostérone. Il en résulte une augmentation de la 17-OH-progestérone
e160
FSH ➚
E2 ➘
IRM
hypophysaire
anormale
FIGURE 2
FSH et E2 N
Hyperandrogénie
responsable d’une hyperandrogénie liée à l’élévation de la testo­
stérone et de la Δ4-androsténédione. Le diagnostic est suspecté
devant une valeur basale de la 17-OH-progestérone supérieure
à 2 ng/mL et confirmé par un taux supérieur à 10 ng/mL après
un test au Synacthène. Une forme hétérozygote peut être évoquée
devant une valeur entre 5 et 10 ng/mL après test au Synacthène.
Il est important ensuite de déterminer le type de mutation par géno­
typage à la recherche notamment d’une mutation « sévère ». En
effet, cette anomalie pourrait être transmise à la descendance et
entraîner une forme classique grave si le conjoint est hétérozygote.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
CAS CLINIQUE
Mme A. se présente à votre consultation pour une
absence de règles depuis 4 mois. Elle est âgée de
28 ans et vit en couple. Elle a eu ses premières règles
à l’âge de 12 ans et a pris la pilule de 17 à 25 ans. Elle
utilise des préservatifs comme moyen de
contraception et ne prend aucun traitement. Son
indice de masse corporelle est à 18 kg/m². Elle joue
au badminton 8 heures par semaine.
Elle a de l’acné au moment des règles
et se plaint de quelques poils sur le menton.
Elle vous confie que sa mère a été ménopausée
à l'âge de 40 ans.
Que vous attendez-vous à retrouver
sur son bilan hormonal ?
QUESTION 2
Sa prolactine est augmentée à 150 ng/mL.
Quel examen prescrivez-vous ?
Quel diagnostic proposez-vous par argument
de fréquence ? Quels autres diagnostics sont
à envisager ?
QUESTION 3
QUESTION 1
Quels examens complémentaires prescrivez-vous ?
Quel est le premier diagnostic à évoquer ?
Le premier diagnostic est écarté. En poursuivant
votre interrogatoire, vous apprenez que ces cycles
sont irréguliers depuis plusieurs mois.
QUESTION 4
À la lecture des résultats, vous concluez à un
hypogonadisme hypogonadotrope.
QUESTION 5
QUESTION 6
Si la prolactine avait été normale et ce dernier
examen sans particularité, qu’auriez-vous suspecté
dans ce contexte d’insuffisance gonadotrope ?
QUESTION 7
Vous retrouvez finalement un adénome
hypophysaire de 5 mm. Quels autres examens
prescrivez-vous ?
Retrouvez toutes les réponses et les commentaires sur www.etudiants.larevuedupraticien.fr
Syndrome de Cushing : ce diagnostic différentiel du syndrome
des ovaires polykystiques doit être suspecté devant une hyper­
androgénie associée à une hypertension artérielle et à une importante prise de poids récente. Le diagnostic peut être déterminé par un dosage du cortisol libre urinaire des 24 heures et/ou
un test de freinage minute à la dexaméthasone.
Tumeur sécrétant des androgènes : une tumeur doit être suspectée
devant une hyperandrogénie sévère d’apparition brutale associée à des signes de virilisation et un taux élevé de testostérone
(> 1,5 ng/mL) et/ou de Δ4-androstènedione. Une tumeur surrénalienne doit être recherchée par un scanner des surrénales devant
une élévation de la SDHEA ± associée à un hypercorticisme. Si
la SDHEA est normale, une échographie et/ou IRM pelvienne sera
réalisée pour dépister une tumeur ovarienne. Le plus souvent,
ces examens ne sont pas concluants, et un cathétérisme des
veines ovariennes peut être pratiqué afin de détecter une petite
tumeur non visible à l’imagerie.
3.Insuffisance ovarienne prématurée (IOP)
Liée à l’épuisement du capital folliculaire, elle peut se traduire
cliniquement par une aménorrhée primaire ou secondaire. Les
dosages hormonaux mettent en évidence une élévation des
concentrations des gonadotrophines, notamment la FSH, associée à un taux d’estradiol bas.
Cause génétique :le syndrome de Turner dans sa forme mosaïque
et le syndrome de l’X fragile sont les causes génétiques les plus
fréquemment retrouvées. Le syndrome de l’X fragile est lié à la
mutation du gène FMR1, consistant en une répétition anormale
d’un triplet CGG. Il s’agit de la première cause de retard mental
chez le garçon. En cas de mutation avérée, un conseil génétique
est préconisé pour les autres membres de la famille afin d’éviter
la transmission d’un retard mental. Cause auto-immune : une auto-immunité peut être suspectée si
l’insuffisance ovarienne est associée à d’autres pathologies endo­
crines auto-immunes, comme le diabète de type 1, une dysthyroïdie ou une insuffisance surrénale. Elle peut s’intégrer dans une
poly­endocrinopathie de type 1 (associant une hypoparathyroïdie,
une candidose cutanéo-muqueuse et une insuffisance surrénale)
ou de type 2 (syndrome APECED : autoimmune polyendocrinopathy candidiasis ectodermal dystrophy).
Cause iatrogène : une chirurgie ovarienne pour kystes ovariens
ou torsion de l’ovaire peut entraîner une altération du capital folliculaire à l’origine d’une insuffisance ovarienne prématurée. Une
aménorrhée secondaire peut également faire suite à une radiothérapie pelvienne ou une chimiothérapie. Les agents alkylants
sont les plus gonadotoxiques. Ils induisent une apoptose des
follicules, une altération stromale et une fibrose ovarienne. Ces
mécanismes entraînent une insuffisance ovarienne responsable
d’une diminution de la fertilité. L’aménorrhée peut être transitoire
ou définitive en fonction du type, de la dose et du nombre de
cycles de chimiothérapie utilisés. Une préservation de la fertilité
avec congélation d’ovocytes, d’embryons ou de cortex ovarien
doit systématiquement être proposée avant un traitement potentiellement gonadotoxique. Si l’insuffisance ovarienne est avérée, un traitement hormonal substitutif est préconisé en l’absence de contre-indication.
4.Aménorrhées secondaires d’origine utérine
Cette cause doit être suspectée devant l’absence de grossesse,
un bilan hormonal normal et un test aux progestatifs négatif. Il
peut s’agir d’une sténose cicatricielle du col ou de synéchies
utérines étendues séquellaires d’une chirurgie endo-utérine.•
V. Scarabin-Carré et N. Ahdad-Yata déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e161
RR
FOCUS
Item 196
Voir l’item complet page e163
et sur larevuedupraticien.fr
La ponction articulaire
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr Lauren Brunier-Agot, Dr Michel de Bandt
Service de rhumatologie, hôpital Pierre-Zobda-Quitman, BP 632 Chum Fort-de-France-La Meynard,
97261 Fort-de-France, Martinique, France
[email protected]
[email protected]
Ponction articulaire
Mécanique
Inflammatoire
Cellules < 500/mm3
Cellules > 2 000/mm3
Examen microbactériologique +
✓ Arthrose
✓ Lésions
méniscales
✓ Ostéonécrose
✓ Algodystrophie
✓ Arthrite septique
Cristaux +
✓ Arthrite
microcristalline
Hémorragique
Cristaux et microbactériologie –
✓ Recherche
rhumatisme
inflammatoire
chronique
✓ Lésions ligamentaire
ou ostéo-articulaire
✓ Chondrocalcinose
✓ Synovite villonodulaire
✓ Troubles de coagulation
FIGURE 1 Ponction articulaire. NB : Il existe une zone d’incertitude entre 500 et 2 000 éléments/mm3 où on ne peut classer le liquide en inflammatoire ou mécanique
avec certitude. NB : On peut parfois observer une cellularité très importante (exemple > 50 000/mm3) dans des arthrites non septiques (cristallines, psoriasiques…).
C
et examen est primordial afin d’orienter et de confirmer le
diagnostic.
Toutes les articulations périphériques peuvent être ponctionnées, plus ou moins aisément en fonction de leur taille et de leur
localisation.
Dans un premier temps, il faut rassurer le patient en lui expliquant la procédure.
La procédure exige une préparation cutanée antiseptique avec
un nettoyage de la peau par un produit détergent, puis l’application d’un produit antiseptique (éventuellement iodé) sauf en cas
d’allergie.
Les articulations superficielles (genoux, chevilles, coudes,
épaules, poignets) ne nécessitent généralement pas de guidage.
e162
Pour les articulations plus profondes comme la hanche, le geste
peut être écho- ou radioguidé.
Le liquide sera systématiquement analysé : un examen cytologique (numération et typage des cellules) ; un examen microbiologique (examen direct, culture) ; la recherche de microcristaux
(urates de sodium, pyrophosphates de calcium, hydroxyapatite) ;
et éventuellement une analyse biochimique (taux de protéines).
En fonction du résultat de la ponction, on s’oriente vers certaines
causes.•
L. Brunier-Agot et M. de Bandt déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
RR
Item 196
DOULEUR ET ÉPANCHEMENT
ARTICULAIRE. ARTHRITE
D'ÉVOLUTION RÉCENTE
Dr Lauren Brunier-Agot, Dr Michel de Bandt
Service de rhumatologie, hôpital Pierre-Zobda-Quitman, BP 632 CHUM Fort-de-France-La Meynard, 97261 Fort-de-France, Martinique, France
[email protected]
[email protected]
objectifs
Devant une douleur ou un épanchement
articulaire, ARGUMENTER les principales
hypothèses diagnostiques et JUSTIFIER les
examens complémentaires pertinents.
Devant une arthrite d'évolution récente,
ARGUMENTER les principales hypothèses
diagnostiques et JUSTIFIER les examens
complémentaires pertinents.
Définitions
Une arthralgie est une douleur articulaire, une plainte fonctionnelle, sans signe clinique associé.
Une arthrite (arthropathie inflammatoire) est une maladie articulaire inflammatoire, associant des signes fonctionnels (douleurs
d’allure inflammatoire) et des signes cliniques (gonflement, rougeur,
chaleur). Elle résulte d’une maladie inflammatoire (aiguë ou chronique) du tissu synovial.
Un gonflement articulaire peut être lié à une synovite et/ou à un
épanchement.
Un gonflement articulaire peut être d’origine inflammatoire ou
mécanique, l’interrogatoire et la clinique le définissent. Il existe
des synovites et des épanchements mécaniques.
Un épanchement articulaire est lié à l’accumulation de liquide
dans la cavité articulaire. Cet épanchement résulte d’une irritation
ou d’une lésion de la membrane synoviale par une pathologie
articulaire locale (mécanique ou inflammatoire) ou systémique.
Une synovite est une hypertrophie de la membrane synoviale à
la suite de son inflammation. Elle donne cliniquement une sensation
rénitente à la palpation et efface les reliefs péri-articulaires.
Les causes d’un épanchement articulaire ou de synovites sont
très nombreuses, et l’enquête étiologique doit être fondée sur la
connaissance des affections diverses qui peuvent en être la cause.
Approche diagnostique
Sémiologie de la douleur articulaire
ou de l’épanchement
L’interrogatoire est primordial afin de connaître les caractéristiques de la douleur et ainsi d’orienter le diagnostic.
Le siège de la ou des douleurs doit être noté précisément.
Le rythme des douleurs permet de distinguer une atteinte inflammatoire d’une atteinte mécanique. Des douleurs de rythme
inflammatoire se définissent par la présence de réveils nocturnes
en général en deuxième partie de nuit, elles sont maximales le matin
avec en général un dérouillage matinal de plus de 30 minutes
que l’on chiffre. Ces douleurs sont aggravées par le repos et
calmées par les activités.
Les douleurs d’horaire mécanique sont majorées par les activités,
calmées par le repos. Elles ne réveillent pas la nuit et ne s’accompagnent pas d’un dérouillage matinal significatif.
Lorsque les deux composantes sont associées, l’horaire est dit mixte.
La date d’apparition permet de classer l’atteinte, en fonction
de la durée des symptômes, en aiguë ou chronique (moins ou
plus de 6 semaines).
Le mode d’apparition peut être brutal, avec une acmé rapide des
symptômes (arthrites cristallines et septiques entre autres) ou, au
contraire, lent et progressif à bas bruit (arthropathie dégénérative).
L’examen clinique est toujours bilatéral et comparatif. Il permet
d’objectiver un épanchement ou une synovite, une limitation du
jeu articulaire.
Il faut d’abord distinguer une atteinte articulaire d’une atteinte
non articulaire. On pense à éliminer les atteintes péri-articulaires,
musculaires ou cutanées qui peuvent en imposer pour une cause
articulaire.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e163
RR Item 196
DOUL E UR ET É PANC HE ME NT ART IC U L AIR E . ART HR IT E D'ÉVOL UTION R ÉCENTE
TABLEAU 1
L’examen articulaire doit rechercher des signes inflammatoires
locaux : un gonflement, associé à une augmentation de la chaleur locale, une rougeur au niveau d’une articulation qui signent
la présence d’une arthrite. Un épanchement sans signe inflammatoire local est plus souvent observé dans les arthropathies
mécaniques. Il peut exister des synovites et des épanchements
dans le cadre d’arthropathies mécaniques.
Au niveau du genou, on recherche un choc rotulien qui signe
la présence d’un épanchement.
Au niveau du coude, une arthrite (ou sa séquelle) peut être
mise en évidence par un flessum (défaut d’extension).
Au niveau des articulations métacarpophalangiennes (MCP),
en cas de synovite, les reliefs intermétacarpiens sont moins visibles en raison du comblement des espaces interosseux par la
synovite.
Une limitation des amplitudes articulaires est la conséquence
soit de la douleur (la limitation est alors surtout active), soit d’une
destruction ostéo-articulaire ou d’une atteinte de la capsule
(dans ces cas, la limitation est active et passive). Les mobilités
actives et passives sont aussi limitées en cas d’épanchement
abondant.
Le nombre d’articulations touchées permet de classer les atteintes : mono-articulaire si une seule articulation est touchée,
atteinte oligo-articulaire si 2 ou 3 articulations sont touchées ou
polyarticulaire au-delà de 3 articulations.
Le siège des atteintes est également précisé : atteinte proximale, distale, des petites, moyennes ou grosses articulations
ainsi que le caractère bilatéral, symétrique ou asymétrique.
Le reste de l’examen rhumatologique s’attache à rechercher des
signes permettant une approche nosologique du rhumatisme
observé :
––des signes axiaux tels que des lombalgies ou fessalgies en
précisant également le rythme de ces douleurs, ainsi que des
atteintes thoraciques, qui orientent vers une spondyloarthrite ;
––des signes généraux, de la fièvre, une altération de l’état général
qui orientent vers une atteinte infectieuse ;
––des signes cliniques viscéraux sont recherchés (cutanés, respiratoires, neurologiques) qui orientent vers une connectivite.
1.Examens biologiques
Un épanchement articulaire doit être ponctionné – avec les
précautions septiques d’usage – dès que possible afin d’analyser
le liquide articulaire. Cet examen permet de savoir si le liquide
est inflammatoire ou mécanique, de rechercher une infection ou
une atteinte microcristalline (tableau 1). Tout liquide articulaire
ponctionné doit être prélevé sur un tube spécial (évitant l’agrégation cellulaire) et envoyé en analyse pour :
––un examen cytologique (numération et typage des cellules) ;
––un examen microbiologique (examen direct, culture) ;
––la recherche de microcristaux (urates de sodium, pyrophosphates de calcium ou hydroxyapatite) ;
Les autres dosages restent très exceptionnels et présentent
peu d’intérêt.
Un bilan biologique général est aussi pratiqué si l’on suspecte
une atteinte inflammatoire :
––infectieuse : hémogramme, vitesse de sédimentation (VS),
protéine C-réactive (CRP), hémocultures répétées, examen
cytobactériologique des urines (ECBU), à la recherche d’un
syndrome inflammatoire biologique et d’un agent infectieux ;
––rhumatisme inflammatoire chronique débutant ou connectivite : hémogramme, VS, CRP, bilan immunologique (facteurs
antinucléaires, anticorps anti-antigènes solubles, anti-ADN,
facteurs rhumatoïdes, anticorps antipeptides citrullinés) ;
––arthrite microcristalline : hémogramme,VS, CRP, bilan phosphocalcique, uricémie, urée, créatininémie.
2.Examens radiologiques
Les radiographies standard bilatérales et comparatives des
articulations douloureuses sont réalisées mais peuvent être normales, notamment dans les arthrites aiguës inflammatoires ou
infectieuses. Elles ne permettent pas de visualiser correctement
les épanchements articulaires et les synovites. Elles ont le mérite
de servir « d’image de référence » indispensable au début d’une
maladie qui peut durer et détruire.
L’échographie articulaire est un bon examen pour mettre en
évidence l’épanchement et/ou l’hypertrophie synoviale, sa néovascularisation, ou pour dépister une ténosynovite.
Analyse d’un liquide articulaire
Type
Couleur
Viscosité
Cellules/mm3
PNN (%)
Normal
paille
très élevée
< 200
< 25 %
Mécanique
citron
élevée
200-2 000
< 25 %
jaune/trouble
faible
2 000-50 000
> 50 %
jaune/puriforme
variable
> 50 000
> 90 %
Inflammatoire
Purulent
Hémorragique
e164
Justifier les examens
Globules rouges en grand nombre
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Douleur et épanchement articulaire. Arthrite d'évolution récente
POINTS FORTS À RETENIR
L’interrogatoire et l’examen clinique doivent permettre de
répondre aux questions suivantes : l’atteinte est-elle mono-,
oligo- ou polyarticulaire, inflammatoire ou mécanique,
aiguë ou chronique, nue, avec ou sans signes axiaux,
avec ou sans signes extra-articulaires ou systémiques ?
Les douleurs de rythme inflammatoire se définissent
par la présence de réveils nocturnes, d’un dérouillage matinal
de plus de 30 minutes, elles sont maximales en fin de nuit,
aggravées par le repos et calmées par les activités.
Les douleurs d’un horaire mécanique sont majorées
par les activités, calmées par le repos.
Une mono-arthrite de l’adulte jeune est jusqu’à preuve
du contraire infectieuse ou réactionnelle.
La ponction articulaire doit être réalisée dès que possible
avec analyse cytologique, microbiologique et recherche de
microcristaux.
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) d’une articulation
permet également de voir un épanchement, une arthrite ou une
ténosynovite. Au niveau des sacro-iliaques, la présence d’une
sacro-iliite est définie par un hyposignal T1/hypersignal T2 au niveau des berges de l’articulation signant un œdème intra-osseux.
D’autres aspects sont décrits mais qui relèvent du spécialiste.
Argumenter les hypothèses
Définir les syndromes
En fonction des éléments de l’interrogatoire et de l’examen
clinique, on doit pouvoir répondre aux questions suivantes : l’atteinte est-elle mono-, oligo- ou polyarticulaire ? Inflammatoire ou
mécanique ? Est-elle aiguë ou chronique ? Est-elle nue ? Existet-il des signes axiaux ? Existe-t-il des signes extra-articulaires ou
systémiques ?
L’objectif est de pourvoir classer l’atteinte en :
––atteinte mono-articulaire : inflammatoire ou mécanique ;
––oligoarthrite ;
––polyarthrite : nue, avec signes axiaux, avec signes extra-articulaires ou systémiques.
Cette classification très schématique n’est pas parfaite mais a
pour but d’aider à raisonner devant un épanchement articulaire.
Elle n’est bien sûr pas figée, une atteinte mono-articulaire peut
ensuite devenir une polyarthrite, des signes axiaux peuvent
n’apparaître que dans un second temps.
Le tableau 2 résume les principales caractéristiques cliniques,
biologiques et radiologiques des principales pathologies à évoquer devant un épanchement.
Reprendre l’interrogatoire d’orientation
Les antécédents personnels notamment articulaires sont recherchés :
––une maladie articulaire inflammatoire de l’enfance qui se réveille à l’âge adulte ;
––un antécédent d’arthrite de la première métatarso-phalangienne
ou une insuffisance rénale chronique oriente par exemple vers
une goutte ;
––un antécédent d’uvéite, de troubles digestifs ou de psoriasis
(personnel ou familial) oriente vers une spondyloarthrite.
On recherche également une immunodépression (une gammapathie monoclonale, une infection par le virus d’immunodéficience humaine, un diabète…) pouvant favoriser la survenue d’une
arthrite septique.
Dans les antécédents récents, il faut rechercher : une vaccination récente (rubéole), un voyage (dysentérie…), une épidémie
(par exemple : chikungunya), une notion de rapport sexuel non
protégé, le fait de travailler en milieu scolaire ou avec des enfants
(parvovirus).
Les antécédents familiaux sont également notés : une polyarthrite, un lupus dans la famille sont importants à rechercher car
il existe, dans les rhumatismes inflammatoires chroniques ou les
connectivites, des agrégations familiales.
Les traitements peuvent également orienter vers une cause ;
par exemple, la prise de diurétiques peut favoriser une goutte, la
prise d’anticoagulant une hémarthrose…
Les atteintes extra-articulaires peuvent orienter l’enquête étiologique :
––atteintes cutanées et des phanères : le psoriasis oriente vers
un rhumatisme psoriasique, une éruption du visage et des
zones photo-exposées orientent vers un lupus, un érythème
migrant vers une maladie de Lyme, un érythème noueux vers
une sarcoïdose ;
––atteintes ophtalmologiques : uvéite dans les spondylarthropathies ou entérocolopathies, conjonctivite dans le syndrome de
Fiessinger-Leroy-Reiter, syndrome sec dans le syndrome de
Gougerot-Sjögren ;
––atteintes ORL : une infection dentaire oriente vers un sepsis,
une polychondrite ou une sinusite chronique oriente vers la
maladie de Wegener ;
––atteintes digestives : des douleurs abdominales et diarrhées
glairo-sanglantes orientent vers une entérocolopathie, une
diarrhée récente (de 10 jours environ à 3 semaines) est en faveur d’une arthrite réactionnelle ;
––atteintes rénale : des œdèmes des membres inférieurs dans le
cadre d’une néphropathie lupique ;
––atteinte urogénitale : une urétrite, une cervicite et/ou une balanite orientent vers une arthrite réactionnelle.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e165
TABLEAU 2
RR Item 196
DOUL E UR ET É PANC HE ME NT ART IC U L AIR E . ART HR IT E D'ÉVOL UTION R ÉCENTE
Principales caractéristiques cliniques, biologiques et radiologiques des épanchements ou arthrites
Polyarthrite
rhumatoïde
Spondylarthrite
Connectivite
Infection
Arthrite
microcristalline
Arthrose
Rythme
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire
❚❚Mécanique
Topographie
❚❚Poly- ou oligo-arthrite
à prédominance distale
❚❚Mono-, oligoou polyarthrite
❚❚Oligo- ou polyathrite
❚❚Mono-articulaire
❚❚Mono- ou oligoarticulaire
❚❚Mono-, oligo-, polyarticulaire
Signes locaux
❚❚Oui
❚❚Oui
❚❚Oui
❚❚Oui
❚❚Oui
❚❚Parfois
➥ rachis
❚❚Non
❚❚Possible
❚❚Non
❚❚Possible
❚❚Rare
❚❚Possible
➥ enthèse
❚❚Non
❚❚Possible
❚❚Non
❚❚Non
❚❚Non
❚❚Non
Fièvre
❚❚Rare
❚❚Rare
❚❚Rare
❚❚Oui
❚❚Possible
❚❚Non
Signes extraarticulaires
❚❚Possible
❚❚Possible
❚❚Oui
❚❚Oui
❚❚Non
❚❚Non
Syndrome
inflammatoire
❚❚Oui
❚❚Parfois
❚❚Parfois
❚❚Oui
❚❚Oui
❚❚Non
Ponction
articulaire
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire
❚❚Inflammatoire/
purulent /germe
❚❚Inflammatoire /
purulent/cristaux
❚❚Mécanique
Anomalies
spécifiques
❚❚Facteurs rhumatoïdes
❚❚Anticorps anti-CCP
❚❚HLA B27
❚❚Auto-Ac
❚❚Cytopénies
❚❚Non
❚❚Hyperuricémie
❚❚Non
➥ précoce
❚❚Normale
❚❚Normale
❚❚Normale
❚❚Normale
❚❚Goutte : normale
❚❚CCA : calcification
ménisque/ligament
triangulaire du carpe
❚❚Pincement localisé
➥ puis
❚❚Érosions (tête M2 M5 +)
❚❚Pincement IPD
❚❚Pincement globale
❚❚Goutte: géode avec
encoche épiphysaire
❚❚Ostéophytes
❚❚Pincements articulaires
❚❚Syndesmophytes
❚❚Condensation
sous-chondrale
❚❚Déminéralisation
épiphysaire
❚❚Sacro-iliite
❚❚Géodes
❚❚Synovites
❚❚Synovites
❚❚Ténosynovites
Atteinte
Radiographie
Échographie
❚❚Parfois synovite
❚❚Épanchement
❚❚Goutte : aspect
de double contour
❚❚Enthésites
❚❚Hypertrophie
synoviale, guide
pour une ponction
❚❚ CCA : hyperéchogènes
punctiformes ou
linéaires parallèles à
la surface articulaire
❚❚Synovites
❚❚Sacro-iliite
❚❚Épanchement
❚❚Pas d’intérêt
❚❚Ténosynovites
❚❚Spondylite
de Romanus
❚❚Œdème osseux
❚❚Pas d’intérêt
❚❚Érosions
❚❚Présence de Doppler
possible
IRM
❚❚Érosions
Ac : anticorps ; anticorps anti-CCP : anticorps antipeptides citrullinés ; CCA : chondrocalcinose articulaire ; M : métacarpes ; IPD : interphalangienne proximale.
e166
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
❚❚Lésions
cartilagineuses
3.Atteinte mono-articulaire
Atteinte mono-articulaire inflammatoire
• Arthrite septique : le tableau classique est une monoarthrite
aiguë avec de la fièvre, des signes inflammatoires locaux et une
impotence fonctionnelle totale. Il s’agit d’une urgence diagnostique et thérapeutique. Il peut y avoir des rachialgies inflammatoires en cas de spondylodiscite associée.
Lors de l’examen général, il faut rechercher une porte d’entrée
infectieuse (cutanée, urinaire, digestive, dentaire…). Les principaux germes en cause sont : le staphylocoque doré, les bacilles
à Gram négatif et le streptocoque. Le gonocoque doit être évoqué et recherché systématiquement.
Dans tous les cas, il est indispensable de documenter l’infection
avant l’introduction des antibiotiques par la réalisation d’une ponction
articulaire, d’hémocultures répétées, d’un ECBU, d’un prélèvement
vaginal ou urétral ou d'une PCR gonocoque sur 1er jet d'urine en
cas de suspicion de gonococcie.
Une atteinte cardiaque est recherchée systématiquement : souffle
cardiaque, végétations valvulaires à l’échographie, à la recherche
d’une endocardite associée. Une spondylodiscite est évoquée
s’il existe des rachialgies inflammatoires ;
• Arthrite microcristalline : la goutte est la première cause d’arthrite
aiguë dans les pays industrialisés, le terrain est l’homme d’environ
50 ans, elle provoque une mono- ou oligoarthrite aiguë touchant
initialement les membres inférieurs, classiquement la première métatarso-phalangienne, épargnant en règle générale la hanche et
l’épaule. Plus rarement, une goutte ancienne et non traitée peut
être responsable d’une polyarthrite. L’installation est très rapide et
les signes inflammatoires locaux marqués. Les gouttes axiales bien
que rares sont décrites. Une hyperthermie peut être associée.
La chondrocalcinose touche le sujet âgé, et sa fréquence augmente avec l’âge. Les signes locaux sont également très marqués.
La ponction articulaire permet de mettre en évidence les cristaux
d’urate de sodium ou pyrophosphate de calcium.
Atteinte monoarticulaire mécanique
• Arthrose : le rythme des douleurs est mécanique, calmé par
le repos et aggravé par l’effort physique. Les douleurs sont généralement anciennes, avec une aggravation progressive.
Un épanchement, parfois à début brutal et fort gênant au plan
fonctionnel, est possible, mais l’examen clinique retrouve peu de
signes inflammatoires locaux. Des lombalgies mécaniques peuvent
être associées. Il n’existe pas de signes généraux.
• Hémarthrose : la présence de sang dans la cavité articulaire
peut être due à un traumatisme avec une lésion ligamentaire.
Dans ce cas, l’apparition de l’épanchement est brutale, sans
signes axiaux ou généraux. Les autres étiologies sont une synovite villonodulaire (tumeur synoviale), une chondrocalcinose ou
des troubles de la coagulation.
4.Oligoarthrite
• Arthrites réactionnelles :ce sont des arthrites aseptiques secondaires à une infection le plus souvent génitale ou digestive
survenant environ 10 à 30 jours après l’épisode infectieux. Chez
ces patients, un terrain génétique (HLA-B27) est retrouvé dans
plus de 50 % des cas.
La forme complète est le syndrome oculo-urétro-synovial associant une conjonctivite, une urétrite et une mono- ou oligoarthrite des grosses articulations. Les germes en cause sont :
Chlamydia trachomatis, Shigella flexneri, Yersinia enterolitica et
Yersinia pseudotuberculosis, Salmonella enteritidis et Salmonella typhimurium, Campylobacter jejuni. Le diagnostic sérologique
de ces infections a peu ou pas d’intérêt en pratique.
Une PCR Chlamydia et mycoplasme sur premier jet d’urine est
réalisée ainsi qu’un dépistage des infections sexuellement transmissibles. Sa recherche est importante car la positivité conditionne le traitement du patient et du partenaire.
• Rhumatisme psoriasique :il existe des arthrites qui prédominent
sur les interphalangiennes distales, des dactylites et, sur le plan extra­
articulaire, un psoriasis. On peut aussi retrouver des signes axiaux.
5.Polyarthrite
Polyarthrite nue : il faut évoquer la polyarthrite rhumatoïde : le
tableau typique est celui d’une polyarthrite bilatérale, symétrique
à prédominance distale et nue, sans signe viscéral ni axial. Le
terrain est une femme assez jeune. L’apport de l’immunologie
(bien qu’il existe des formes séronégatives) et de l’échographie
sont des aides au diagnostic. Un diagnostic rapide est indispensable car il existe au début de la maladie une fenêtre thérapeutique, c’est-à-dire un moment où l’efficacité du traitement sera
meilleure, et la possibilité d’une mise en rémission précoce
conditionne l’évolution de la maladie. Compte tenu des destructions articulaires et du handicap potentiel généré par cette affection, une prise en charge thérapeutique précoce est primordiale.
Poly- ou oligo-arthrite avec signes axiaux
• Spondylo-arthrite avec signes périphériques articulaires :
l’oligo-arthrite des grosses articulations (genou, bi-arthrite de
chevilles), asymétrique, est l’atteinte articulaire la plus fréquente.
Un syndrome axial (lombalgies inflammatoires ayant débuté
avant 45 ans, des fessalgies unilatérale, bilatérale ou à bascule
dans le cadre d’une sacro-iliite) est recherché. Sur le plan extraarticulaire, on recherche un antécédent d’uvéite, de troubles digestifs ou un antécédent familial de spondylo-arthropathie, de
psoriasis ou de maladie inflammatoire intestinale ;
• Arthrites satellites des entérocolopathies qui se manifestent
par des arthrites ou arthralgies distales associées à des troubles
digestifs (douleurs abdominales, diarrhées glairo-sanglantes).
On peut également retrouver des signes axiaux.
Polyarthrite avec signes extra-articulaires ou systémiques
• Connectivites : l’atteinte articulaire du lupus associe des
douleurs inflammatoires des mains et des poignets ou une
polyarthrite non érosive. La gravité de cette affection est liée aux
atteintes systémiques rénales, cardiaques, pulmonaires…
L’atteinte articulaire du Gougerot-Sjögren associe également
des polyarthralgies des mains et des poignets ou une polyarthrite
non érosive. La présence d’un syndrome sec ophtalmologique
et/ou buccal peut orienter vers ce diagnostic.
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
e167
RR Item 196
DOUL E UR ET É PANC HE ME NT ART IC U L AIR E . ART HR IT E D'ÉVOL UTION R ÉCENTE
Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
Cet item est transversal et un grand nombre de pathologies peuvent être à l’origine
QUESTION 5
d’un épanchement articulaire. Les arthrites infectieuses, inflammatoires, microcristallines, l’arthrose
font l’objet d’items de l’ECN détaillant ces pathologies.
L’évolution est favorable sous traitement.
Dix ans plus tard, il consulte son médecin
traitant pour des douleurs du genou gauche,
d’apparition progressive, qui l’inquiètent
car il craint une récidive.
L’examen clinique retrouve un épanchement
modéré du genou sans signes inflammatoires
locaux, le patient est surtout gêné
lorsqu’il jardine et la nuit lors des changements
de position. À quoi pensez-vous ?
CAS CLINIQUE
Un homme de 60 ans, commercial dans la grande distribution, fumeur, divorcé, consulte aux urgences pour
des douleurs intenses et un gonflement du genou gauche d’apparition brutale, sans notion de traumatisme.
Dans ses antécédents, on retrouve une hypertension artérielle, un épisode de colique néphrétique et deux
épisodes de gonflement du gros orteil d’évolution favorable en quelques jours sous anti-inflammatoires.
QUESTION 1
Quelles investigations paracliniques faites-vous
en première intention ?
douleur et l’impotence fonctionnelle majeure.
Une infiltration de dérivés cortisonés est réalisée
en raison de l’échec du traitement de première
intention. Après 48 h, il n’y a pas d’amélioration
clinique, les douleurs et l’épanchement du genou
gauche se sont majorés, et l’infirmière vous signale
une température à 38,6 °C. Quelle est votre
hypothèse diagnostique ?
QUESTION 3
QUESTION 4
Le diagnostic retenu est une mono-arthrite
goutteuse, le patient est hospitalisé devant la
Quels examens biologiques pratiquez-vous
pour la confirmer ?
Quels sont les éléments de l’examen
clinique qui confirmerait une arthrite ?
QUESTION 2
La sclérodermie, les myosites et certaines vascularites peuvent
donner des arthrites.
• Sarcoïdose : l’atteinte aiguë est le syndrome de Löfgren avec,
sur le plan articulaire, le plus souvent une oligo- ou polyarthrite
fébrile, aiguë et symétrique, touchant les grosses et moyennes
articulations des membres inférieurs (chevilles et genoux). L’atteinte bilatérale des chevilles est quasi constante et se distingue
par une augmentation de volume liée à l’arthrite, aux ténosynovites et à l’infiltration du tissu péri-articulaire. Sur le plan extraarticulaire, on peut retrouver un érythème noueux et des adénopathies hilaires bilatérales asymptomatiques et non compressives.
• Arthrite infectieuse non bactérienne : le VIH, les hépatites A,
B et C et le parvovirus B19 peuvent entraîner une polyarthrite et
doivent être recherchés dans le bilan étiologique.
Le chikungunya est responsable dans sa phase aiguë et subaiguë d’une polyarthrite touchant les petites et les grosses articulations. Les signes associés sont de la fièvre, un rash cutané
et des adénopathies.
Les atteintes articulaires mycosiques ou parasitaires sont rares
mais possibles.
• Maladie de Still : le début est brutal, précédé souvent par
une pharyngite d’allure banale. Il existe une polyarthrite d’apparition brutale. Les signes généraux sont marqués, associant la
e168
Retrouvez toutes les réponses
et les commentaires sur
www.etudiants.larevuedupraticien.fr
OK
fièvre, une asthénie, une éruption cutanée, maculeuse ou maculo-papulleuse, rose saumon, siègeant au tronc, au cou et à la
racine des membres, mais pouvant s’étendre aux extrémités.
• Arthrites paranéoplasiques : elles sont rares et peuvent donner un tableau de polyarthrite non érosive. Il faut rechercher à
l’interrogatoire une altération récente de l’état général, des facteurs de risque de cancer afin de guider le bilan étiologique.•
L. Brunier-Agot et M. de Bandt déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
Société de pathologie infectieuse de langue française. Recommandations
ostéo-articulaires sur matériel [en ligne]. 2008.
http://www.infectiologie.com/site/consensus_recos.php
Société française de rhumatologie. Recommandations de l’EULAR pour la
prise en charge des arthrites débutantes [en ligne].
http://www.rhumatologie.asso.fr/05- Bibliotheque/recommandations-EULAR.asp
HAS. Recommandations suspendues dans l’attente de leur actualisation :
• Diagnostic, prise en charge thérapeutique et suivi des spondylarthrites (2008)
• Polyarthrite rhumatoïde : diagnostic et prise en charge initiale (2007)
• Polyarthrite rhumatoïde : prise en charge en phase d’état (2007).
Vol. 65 _ Décembre 2015
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
Téléchargement