GLOBE (Global Link for Online Biomedical Expertise) Manuel - Contrôle des Maladies Transmissibles 19ème Edition - 2008 Diphtérie CIM-9 032 ; CIM-10 A36 (Bacille de Klebs-Loeffler) CCDM19 : T. Tiwari] CCDM18 : J. Clements 1. Identification Le diagnostic présomptif est basé sur l’observation de membranes asymétriques grisâtres associées à une amygdalite, une pharyngite ou un coryza est teinté de sang. L’examen bactériologique des lésions confirme le diagnostic. Si une angine diphtérie est fortement suspectée, un traitement spécifique avec une antitoxine et des antibiotiques doit être commencé sans attendre la confirmation par culture au laboratoire et doit être continué même si les résultats du laboratoire sont négatifs. Un report du début du traitement est associé à un risque accru de complications et de décès. 2. Agent infectieux Souches de Corynebacterium diphtheriae produisant une toxine. Il existe quatre biotypes : gravis, mitis, intermedius, et belfanti. La production de toxine a lieu quand la bactérie est infectée par un bactériophage contenant le gène « tox+ » codant pour la toxine diphtérique. Des souches ne CIM-9 032 ; CIM-10 A36 ©Fondation Mérieux 2010. Tous doits réservés. 1/5 Manuel - Contrôle des Maladies Transmissibles Maladie bactérienne aigüe touchant principalement les muqueuses des voies respiratoires supérieures (nez, amygdales, pharynx et larynx), la peau et plus rarement d’autres muqueuses comme la conjonctive, le vagin ou l’oreille. Les infections invisibles (colonisations) sont plus nombreuses que les cas cliniques. La lésion caractéristique, causée par une réaction à une exotoxine puissante, est la présence de fausses membranes asymétriques adhérentes, blanchâtres à grisâtres, avec inflammation périphérique. Dans les cas modérés à graves d'angine diphtérique, la gorge peut être de modérément à gravement enflammée avec gonflement et douleur à la pression des ganglions lymphatiques cervicaux. L’œdème cervical marqué peut donner une apparence en « cou de taureau ». Les fausses membranes pharyngées peuvent s'étendre jusque dans la trachée (croup classique) voire progresser jusqu’à obstruction des voies respiratoires. La diphtérie nasale peut être bénigne ou chronique avec jetage nasal unilatéral de fausses membranes saignantes et excoriations. Les lésions dues à la diphtérie cutanée sont variables et peuvent être identiques à celles dues à l'impétigo. L’absorption de toxine du bacille diphtérique peut conduire à une myocardite avec blocs auriculo-ventriculaire, et insuffisance cardiaque aiguë progressive commençant environ une semaine après le début de la maladie. Des complications neurologiques peuvent se produire 2 semaines après le début de la maladie et incluent des polyneuropathies qui peuvent ressembler au syndrome de Guillain-Barré. Le taux de létalité est de 5 à 10% pour l’angine diphtérique, même avec traitement, et a peu changé ces 50 dernières années. L’angine diphtérique doit être soupçonnée dans le diagnostic différentiel de pharyngites à membranes qui comprend la pharyngite à streptocoques, l’angine de Vincent, la mononucléose infectieuse, la syphilis buccale, la candidose orale et les adénovirus. GLOBE (Global Link for Online Biomedical Expertise) Manuel - Contrôle des Maladies Transmissibles produisant pas la toxine peuvent causer une angine, mais provoquent rarement les fausses membranes ; cependant ces souches sont de plus en plus associées aux endocardites infectieuses. 3. Prévalence Une maladie des mois froids dans les zones tempérées, touchant essentiellement des enfants de moins de 15 ans non vaccinés ou sous vaccinés (vaccination partielle, retard d’application du calendrier vaccinal etc.), mais qui peut aussi se déclarer dans la population adulte dans les groupes à faible couverture vaccinale. Dans les zones tropicales, l’effet saisonnier est moins visible ; les cas de diphtérie invisible, cutanée ou suite à des blessures sont beaucoup plus courants. Des épidémies de diphtérie peuvent se produire chez des populations non vaccinées. En 1990 par exemple, une épidémie de grande ampleur s’est déclarée en Russie et s’est propagée à tous les pays de l’ex-Union Soviétique et à la Mongolie. Les facteurs ayant contribué à une telle épidémie incluent une susceptibilité accrue chez les adultes due à la baisse de l’immunité vaccinale (en l’absence de rappels) et à l’échec d’une couverture vaccinale totale des enfants à cause de contrindications injustifiées, des mouvements antivaccinaux et de la dégradation des conditions socioéconomiques. Après un pic en 1995, l’épidémie a décru. Elle a été responsable de plus de 150 000 cas reportés et de 5 000 décès entre 1990 et 1997. En Équateur, une épidémie d’environ 200 cas s’est produite en 1993-94 ; environ 50% des cas ont concerné des personnes de 15 ans ou plus. Pour les deux épidémies, le contrôle a pu être repris suite à des campagnes de vaccination massive. 4. Réservoir Humains. 5. Mode de transmission Contact avec un patient ou un porteur ; plus rarement contact avec des objets contaminés par des exsudats de lésions de personnes infectées. Le lait cru a aussi été un véhicule de transmission. 6. Période d’incubation Habituellement 2 à 5 jours, occasionnellement plus longtemps. 7. Période de contagion Variable, jusqu’à disparition des bacilles virulents des exsudats et lésions ; habituellement 2 semaines ou moins, rarement plus de 4 semaines pour l’angine diphtérique. Les rares porteurs chroniques peuvent libérer des bacilles dans l’environnement pendant 6 mois ou plus. Une antibiothérapie efficace stoppe rapidement ce rejet de bacilles dans l’environnement. 8. Prédisposition Les nourrissons nés de mères immunisées disposent d’une protection passive qui disparait habituellement avant le 6ième mois. La maladie ou une infection invisible peuvent créer une immunisation prolongée ou durant toute la vie, mais ce n’est pas toujours le cas. L’immunisation avec l’anatoxine diphtérique provoque une immunisation prolongée mais qui ne dure pas toute la vie. L’immunité décroit quand l’âge augmente. Des enquêtes sérologiques aux USA indiquent que plus de 40% des adultes ne disposent pas d’assez d’anticorps circulants pour être protégés ; des taux d’anticorps en baisse ont aussi été trouvés en Australie, au Canada et en Europe. Les adultes plus âgés peuvent bénéficier de leur mémoire immunologique et peuvent être protégés contre la maladie après exposition. L’immunité provoquée par l’anatoxine diphtérique protège contre la maladie systémique provoquée par la toxine mais pas contre la colonisation du nasopharynx. CIM-9 032 ; CIM-10 A36 ©Fondation Mérieux 2010. Tous doits réservés. 2/5 GLOBE (Global Link for Online Biomedical Expertise) Manuel - Contrôle des Maladies Transmissibles 9. Méthodes de contrôle A. Mesures préventives : 1) Les mesures éducatives sont importantes : Informer le public, en particulier les parents de jeunes enfants, des dangers de la diphtérie et du besoin d’être vacciné. 2) la seule mesure de contrôle efficace est la vaccination généralisée par l’anatoxine diphtérique. La vaccination doit être commencée dès le très jeune âge par une formulation contenant l’anatoxine diphtérique, l’anatoxine tétanique et soit des antigènes acellulaires contre la coqueluche, (DTaC, préféré aux USA) soit un vaccin anticoquelucheux à suspension bactérienne inactivée (DTC). Certaines formulations disponibles actuellement combinent le DTC ou DTaC avec une ou plusieurs des vaccinations suivantes : Vaccin Hemophilus influenzae type B, vaccin poliomyélite inactivée ou vaccin contre l’hépatite B. 3) Le calendrier recommandé dans les pays en voie de développement est d’au moins 3 injections en intramusculaire à 6, 10 et 14 semaines ; et un rappel DTC entre 18 mois et 4 ans. Le calendrier suivant est recommandé dans les pays industrialisés (certain pays préconisent des dosages ou des âges différents) : a) Calendrier vaccinal recommandé pour les enfants de 0 à 18 ans: Vaccination recommandée avec une série d’injections d’anatoxine diphtérique combinée avec d’autres antigènes, comme le DTaC (« tetra »), ou DTC-Hib (« quadra »), ou DTaC-HepB-Polio Inactivé (dit aussi « penta », « quinta » ou DTaC-HepB-VPI). Les trois premières doses sont données à des intervalles de 4 à 8 semaines quand le nourrisson à entre 6 à 8 semaines ; une quatrième dose est donnée 6 à 12 mois après la troisième dose. Ce calendrier ne nécessite pas de recommencer la vaccination en cas de retard dans l’administration de certaines doses. Une cinquième dose est donnée entre 4 et 6 ans avant l’entrée à l’école ; cette dose n’est pas nécessaire si la quatrième dose a été administrée après le 4ième anniversaire de l’enfant. S’il y a contrindication pour l’administration du vaccin contre la coqueluche, substituer les anatoxines diphtérique et tétanique pour enfants (DT) au DTC. Un rappel avec formulation pour adultes, le TdaC (ou Td si le TdaC n’est pas disponible), est recommandé entre 11 et 18 ans. b) personnes non vaccinées âgées de plus de 7 ans : Comme les effets indésirables peuvent augmenter avec l’âge, une formulation avec une concentration réduite d’anatoxine diphtérique (Td adulte) est habituellement donnée pour les rappels passé le 7ième anniversaire. Pour des personnes n’ayant pas été vaccinées au préalable, il est conseillé d'administrer une série de 3 doses d’anatoxines diphtérique et tétaniques adsorbées (Td). Deux doses sont données de 4 à 8 semaines d’intervalle, et la 3ième dose est donnée de 6 mois à 1 an après la deuxième dose. Si la personne à 10 ans ou plus, une dose de TdaC peut être substituée à une des doses de Td dans la série. Des données partielles provenant de Suède suggèrent qu’un régime de 3 doses de Td risque de ne pas produire un taux d’anticorps antidiphtériques suffisant pour protéger la plupart des adultes et que des doses supplémentaires peuvent être nécessaires. c) Une protection active doit être ensuite maintenue par administration d’une dose de Td tous les 10 ans. Une dose unique de TdaC peut être substituée à la dose suivante de Td chez les adultes entre 19 et 64 ans pour ajouter la protection contre la coqueluche. 4) des efforts particuliers doivent être déployés pour que les personnes confrontées à un risque particulier d'exposition aux patients, comme les personnels de santé, soient correctement vaccinés et reçoivent une dose de rappel Td tous les 10 ans. CIM-9 032 ; CIM-10 A36 ©Fondation Mérieux 2010. Tous doits réservés. 3/5 GLOBE (Global Link for Online Biomedical Expertise) Manuel - Contrôle des Maladies Transmissibles 5) Pour les personnes fortement immunodéprimées ou séropositives au VIH, la vaccination antidiphtérique est préconisée avec le même calendrier que les personnes immunocompétentes, même si leur réponse immunitaire risque d’être insuffisante. B. Contrôle du patient, des contacts et de l'environnement immédiat : 1) Notification de cas à l'autorité sanitaire locale : Notification des cas obligatoire dans la plupart des pays, Classe 2 (voir Notification). 2) Isolement : Isolement strict pour l’angine diphtérique et isolement de contact pour la diphtérie cutanée, jusqu’à l’absence de croissance de C. diphtheriae dans deux cultures successives du nez et de la gorge pour la diphtérie pharyngée (et de la peau pour la cutanée) prises à au moins 24 heures d’écart et au moins 24 heures après la fin de l’antibiothérapie. Là où la culture n’est pas faisable, prolonger l’isolement jusqu’à 14 jours après la fin d'une antibiothérapie appropriée (voir 9B7). 3) Désinfection concomitante : de tous les objets en contact avec le patient ou contaminés par des exsudats et émissions du patient. Désinfection terminale. 4) Quarantaine : Les adultes contacts dont la profession nécessite la manipulation d'aliments (particulièrement le lait) ou un contact étroit avec des enfants non vaccinés doivent être mis en arrêt de travail jusqu'à la fin de leur traitement comme indiqué ci-dessous et jusqu’à ce que des examens bactériologiques prouvent qu’ils ne sont pas porteurs. 5) Gestion des contacts : Tous les contacts proches doivent subir un prélèvement dans la gorge et le nez avec mise en culture pour chercher C. diphtheriae, et être placés sous surveillance pendant 7 jours. Pour tous les contacts familiaux exposés à la diphtérie, il est recommandé une dose unique de benzathine penicilline (intramusculaire), ou 7 à 10 jours d’érythromycine orale (enfants 40 mg/kg/jour, adultes 1 g/jour), quelque soit le statut vaccinal (voir 9.B.7 pour le dosage). Les personnes manipulant de la nourriture ou en contact avec des enfants d'âge scolaire doivent être placées en arrêt de travail jusqu’à preuve qu'elles ne sont plus porteuses. Les contacts vaccinés précédemment doivent recevoir une dose d’anatoxine diphtérique de rappel si plus de 5 ans se sont écoulés depuis leur dernière dose de rappel et une série d’injection doit être commencée chez les contacts non vaccinés ; utiliser Td, DT, DTC, DTaC ou DTC-Hib, DTC-HepB-IPV, ou un vaccin combiné TdaC en fonction de l’âge du contact et des besoins des autres éléments du vaccin. 6) Enquête sur les contacts et la source de l'infection : Rechercher des porteurs par culture de spécimens de prélèvements du nez et de gorge au-delà des contacts proches n’est ni utile ni nécessaire si les recommandations de 9.B.5 sont suivies. 7) Traitement spécifique : L’antitoxine diphtérique est le traitement spécifique de l’angine diphtérique. Un test d’hypersensibilité (cutané ou conjonctival) doit être effectué avant administration de l'antitoxine - seule l’antitoxine équine est disponible. Une fois effectué le test vérifiant l'absence d'hypersensibilité, si la diphtérie est suspectée par le tableau clinique, injecter une dose unique d'antitoxine (dans la fourchette de 20 000 unités pour une diphtérie nasale antérieure à 100 000 unités pour une infection étendue durant depuis 3 jours) chaque jour pendant 14 jours tout de suite après collecte des spécimens bactériens, sans attendre les résultats (pour obtenir l’antitoxine diphtérique, il faut aux USA contacter les centres de contrôle des maladies transmissibles tel : 1-770-488-7100). Les antibiotiques ne remplacent pas à l’antitoxine mais en éliminant C. diphtheriae, ils arrêtent la production de toxine et réduisent la contagion. De la procaïne pénicilline G (intramusculaire) (enfants 25 000 à 50 000 unités/kg/jour et adultes 1,2 millions d’unités/kg/jour, fractionnées en 2 doses) ou de l’érythromycine en intraveineuse (40–50 CIM-9 032 ; CIM-10 A36 ©Fondation Mérieux 2010. Tous doits réservés. 4/5 GLOBE (Global Link for Online Biomedical Expertise) Manuel - Contrôle des Maladies Transmissibles mg/kg/jour, avec un maximum de 2 g/jour en doses fractionnées), est recommandé jusqu’à ce que le patient puisse avaler de façon confortable. De l’érythromycine orale fractionnée en 4 doses ou de la pénicilline V orale (125–250 mg 4 fois par jour) peut être substituée pendant une durée totale de traitement recommandée de 14 jours. Des souches résistantes à l’érythromycine sont rares et n’ont pas posé de problèmes de santé publique. Traitement prophylactique des porteurs : Il est recommandé une dose unique de benzathine pénicilline G (intramusculaire) (pour les moins de 6 ans : 600 000 unités, pour les plus de 6 ans 1,2 million d’unités) ou un traitement à l’érythromycine de 7 à 10 jours (oral, enfants : 40 mg/kg/jour, adultes 1 g/jour). Si une culture donne un résultat positif, traiter comme un patient. C. Mesures épidémiologiques 1) Vacciner la proportion la plus grande possible de la population du groupe en question, particulièrement les nourrissons et les enfants d’âge préscolaire. Dans le cas d’une épidémie chez les adultes, vacciner les groupes les plus touchés ou présentant les risques les plus élevés. Répéter les vaccinations un mois plus tard pour fournir au moins deux doses aux personnes concernées. 2) Identifier les contacts proches et définir les groupes de population particulièrement à risque. Dans les régions disposant des structures nécessaires, faire rapidement une enquête de terrain autour des cas notifiés pour vérifier le diagnostic et déterminer le biotype et la toxigénicité de C. diphtheria. D. Conséquences pour la gestion de catastrophes Des épidémies peuvent se produire quand les conditions sociales ou naturelles conduisent à l’entassement de groupes à risques, en particulier de nourrissons et d’enfants. Ceci se produit souvent lors de déplacements de grande ampleur de populations vulnérables. E. Mesures internationales Des personnes à destination de, ou passant par des pays où la diphtérie respiratoire ou cutanée est fréquente doivent recevoir une vaccination primaire si nécessaire ou un rappel de Td pour les personnes précédemment vaccinées. CIM-9 032 ; CIM-10 A36 ©Fondation Mérieux 2010. Tous doits réservés. 5/5