Une surprise majeure est venue de la mise en évidence en 1997 de la large prédominance des mutations du
gène Cx26 parmi les formes de surdité congénitale. Nous avons montré dans une analyse multicentrique
menée parmi des familles provenant essentiellement de France, Nouvelle Zélande et Royaume-Uni, que la
moitié des familles atteintes d'une surdité congénitale autosomique récessive présentaient une atteinte de ce
gène (4). Des résultats identiques ont été rapportés simultanément par l'équipe de Zélante (5).
Nous avons de plus montré qu'une mutation particulière, 30delG (appelée aussi 35delG par d'autres
équipes), représentait 70% des mutations de ce gène. En 1998, Estivill et al ont confirmé la très grande
fréquence de la mutation 30delG : 2,5 à 4% de la population générale en Espagne et en Italie sont porteurs
hétérozygotes sains de cette mutation (6). La mutation 30delG est en conséquence, avec la mutation
DeltaF508 du gène CFTR (responsable de la mucoviscidose), la mutation pathogène humaine la plus
fréquente connue à ce jour.
Les études menées parmi des groupes d'enfants atteints de surdité sporadique de cause inexpliquée, ont
retrouvé une fréquence de mutations de Cx26 allant de 10% (7) à 37% (6). Toutes les études précédemment
citées ont concerné des enfants atteints de surdité congénitale sévère ou profonde. La facilité de détection
des mutations de Cx26 (gène de petite taille) donne la possibilité d'un diagnostic moléculaire accessible à un
grand nombre d'enfants sourds.
Cette possibilité est en train de bouleverser la pratique médicale quotidienne pour le diagnostic étiologique
d'une surdité isolée, et le problème du diagnostic prénatal se posera certainement dans les années à venir.
Aussi, il est maintenant important de connaître le phénotype de cette forme de surdité pour répondre aux
questions suivantes : les mutations du gène Cx26 sont-elles toujours associées à des surdités sévères ou
profondes ? à des surdités congénitales ? Deux enfants sourds présentant les même mutations, ou
appartenant à une même famille ont-ils des degrés de surdité identiques ?
Caractéristiques cliniques et radiologiques de DFNB1
Nous avons mené d'Avril 1997 à Septembre 1998 une étude prospective chez 140 enfants (provenant de 104
familles) atteints de surdité neurosensorielle autosomique récessive ou sporadique, parmi les patients de la
consultation de conseil génétique des surdités de l'H'pital Pasteur, et de l'H'pital d'Enfants
Armand-Trousseau, Paris. Les enfants étaient âgés de 4 à 20 ans (médiane 7 ans). Nous avons réalisé un
bilan clinique et paraclinique systématique afin de rechercher une surdité syndromique et de préciser le
mode de transmission (voir Tableau 1).
43/88 familles (49%) atteintes de surdité prélinguale présentaient des mutations de Cx26, versus 0/16 en cas
de surdité postlinguale (p < 0.01). Pour l'analyse phénotypique, nous avons comparé parmi les enfants
atteints de surdité prélinguale, les 54 enfants présentant des mutations sur les deux allèles de Cx26, avec 57
enfants indemnes de mutations (9 enfants porteurs d'une mutation 30delG sur un seul allèle ont été exclus
en raison du risque que certains d'entre eux, comme environ 3% de la population générale, soient porteurs
sains hétérozygotes de la mutation 30delG avec surdité d'autre cause).
Les mutations bialléliques de Cx26 étaient détectées dans tous les groupes d'enfants classés par degré de
surdité : chez 31/56 (55%) enfants présentant une surdité profonde, chez 14/29 (48%) enfants avec surdité
sévère, chez 8/19 enfants (42%) avec surdité moyenne et chez 1/7 avec surdité légère (14%). 33 enfants
étaient porteurs de la mutation 30delG à l'état homozygote (sur les deux allèles de Cx26). Ils étaient répartis
dans les 4 groupes de surdité (absence de corrélation phénotype-génotype). Les 16 autres enfants étaient
porteurs de la mutation 30delG sur un allèle et d'une autre mutation sur l'autre allèle.
L'étude des courbes audiométriques, qui représentent la prédominance de l'atteinte fréquentielle, n'a pas
permis de retrouver de courbe pathognomonique de la forme de surdité DFNB1. Cependant la distribution
des enfants avec mutations bialléliques de Cx26 parmi les trois catégories de courbe audiométrique (Tableau
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