
propionate, butyrate), de l’hydrogène, du dioxyde de carbone et
de la biomasse. L’absorption des AGCC permet de récupérer une
partie de l’énergie des glucides qui ont échappéàla digestion
dans l’intestin grêle. Les fibres insolubles sont peu fermentées
(cellulose) ou ne sont pas du tout fermentées (lignine), alors que
les amidons résistants et les fibres solubles sont très fermentesci-
bles.
Sources, consommation
Les fibres alimentaires, hors l’amidon résistant, sont principa-
lement apportées par les céréales complètes et les produits qui en
dérivent, les fruits, les légumes, les graines, les fruits secs et les
légumes secs. La consommation moyenne de fibres (non compris
l’amidon résistant) est estiméeà11 à13,5 g/jour aux Etats-Unis
[17], 15 à22 g/jour en France (dont 50 % proviennent des
aliments céréaliers, 32 % des légumes, 16 % des fruits, et 3 % des
légumes secs) [18]. Ces quantités sont inférieures àla quantité
recommandée (environ 30 g/jour). La consommation d’amidon
résistant dans un régime occidental a étéestiméeà3-5 g/jour
[19]. Sur la base des méthodes de dosage existantes, la quantité
totale de glucides atteignant le côlon serait donc de l’ordre de 15
à25 g/jour [18]. Cependant, cette quantiténe représente que le
tiers de celle que requièrent les synthèses bactériennes dans le
côlon [20]. Apparemment, les méthodes physico-chimiques
disponibles sous-estiment fortement les fibres et en particulier
l’amidon résistant. Celui-ci pourrait représenter en réalité10 %
ou plus de l’amidon ingéré[20, 21], soit une quantitéégale aux
autres types de fibres, voire davantage. Ces incertitudes sur les
teneurs des aliments en fibres et en amidon résistant sont un point
faible des études basées sur les tables de composition actuelles.
Dans l’avenir, compte tenu des propriétéstrès diverses des
différents types de fibres, le développement des études épidémio-
logiques nécessitera des tables plus détaillées et plus fiables que
les tables actuelles, qui ne mentionnent souvent que les fibres
totales. Des tables plus détaillées —par exemple distinguant les
fibres solubles et insolubles —sont en cours de réalisation, en
France en particulier. En attendant, beaucoup d’études épidé-
miologiques récentes se réfèrent souvent aux aliments ou groupes
d’aliments riches en fibres plutôtqu’aux fibres elles-mêmes.
Recherches sur modèles animaux
Modèles animaux utilisés
Le modèle expérimental le plus utiliséest un modèle de
cancérogenèse chimique chez le rat utilisant comme agent
initiateur des cancérogènes indirects comme la diméthylhydra-
zine (DMH) ou l’azoxyméthane (AOM), administrés par voie
sous-cutanée. Ces cancérogènes sont activés au niveau du foie et
gagnent l’intestin par le sang ou par la bile sous forme de
conjuguésàl’acide glucuronique. Ils engendrent àcourt terme
(dès deux semaines) des foyers de cryptes aberrantes, considérés
comme de bons marqueurs prénéoplasiques, et àplus long terme
(6 mois), des tumeurs qui partagent avec les tumeurs humaines de
nombreuses similarités histologiques et biologiques, y compris
dans les altérations génétiques. La séquence adénome-cancer
n’est pas toujours observée dans ce modèle. Ce type de modèle,
de loin le plus utiliséàce jour, permet d’évaluer l’effet du produit
alimentaire testé, mais aussi celui de la période d’administration
de ce produit : pendant toute la duréedel’expérience, ou
pendant la période de pré-initiation/initiation (avant et pendant
l’administration du cancérogène, qui peut durer de 1 à20
semaines), ou pendant la période de promotion/progression
(aprèslapériode d’administration du cancérigène) [22]. Récem-
ment, des modèles génétiques de cancérogenèse intestinale ont
étédéveloppés. Des souches de souris (Min, Apc1638,
Apcdelta716) portant un allèle mutant du gène de la polypose
adénomateuse humaine (Apc) développent spontanément et
rapidement des tumeurs (carcinomes) de l’intestin grêle et du
côlon (surtout de l’intestin grêle), en l’absence de tout traitement
par un cancérigène [23, 24].
Effets comparés des différents types de fibres
sur la cancérogenèse colique chez le rongeur
(modèles chimiques)
Deux types de fibres alimentaires ont étéétudiés. Il s’agit
d’une part des produits riches en fibres comme le son de céréales
(blé, mais aussi avoine, orge, seigle, maïs, riz, soja) ou d’autres
sources comme la fibre de betterave, de carotte, de luzerne, de
café, etc., d’autre part des fibres plus ou moins purifiées. Les
teneurs en fibres des régimes expérimentaux varient de 2 à25 %
(en France, les fibres représentent 15-25 g/jour, soit environ 2 à
5 % de la matière sèche du régime, voir paragraphe «sources,
consommation »). Les travaux expérimentaux réalisés sur les
modèles chimiques sont résumés dans le tableau II.
Un grand nombre de travaux ont étéconsacrés au son de
blé: chez le rat, administrépendant toute la duréedel’expé-
rience, il diminue le plus souvent l’incidence et/ou la multiplicité
des tumeurs coliques [25-37] ou des foyers de cryptes aberrantes
[33, 35, 41-43]. Il arrive cependant qu’il soit sans effet, ou même
qu’il augmente l’incidence ou le nombre des tumeurs induites par
la DMH chez le rat [40] ou la souris [45]. Les sons d’autres
céréales montrent des effets divers, mais globalement beaucoup
moins convaincants que ceux du son de blé. Le son de maïs, très
insoluble et peu fermentescible, augmente la cancérogenèse
chimique chez le rat ou la souris [39, 45, 52]. Le son d’avoine,
riche en fibres solubles et fermentescibles, n’a pas d’effet ou a des
effets promoteurs [26, 34, 54]. Parmi les fibres insolubles, la
cellulose a un effet protecteur dans une majoritéd’études chez le
rat [27, 47, 61-68], mais parfois elle n’a aucun effet, voire un
effet promoteur [54, 69,70]. D’autres fibres insolubles ont des
effets protecteurs [43, 52, 60].
Les fibres solubles et très fermentescibles (gomme guar,
pectine de pomme ou de citrus, psyllium, fibre de luzerne, son
d’avoine ou de soja, amidons résistants, carraghénanes) ont des
effets très variables sur la cancérogenèse colique chimio-induite
chez le rat : administrées pendant toute la durée du processus,
soit elles n’ont pas d’effet [30, 39, 62, 85, 86, 90], soit elles
diminuent la formation de tumeurs ou de foyers de cryptes
aberrantes [30-32, 37, 44, 59, 64, 71, 73-75, 79, 88, 89], soit,
au contraire, elles l’augmentent [26, 30, 34, 38, 54, 81, 82, 87].
Les différentes fibres solubles (y compris les amidons résistants) ne
se distinguent pas clairement les unes des autres par leurs effets,
àdeux exceptions près : les oligosaccharides et l’inuline, qui ont
régulièrement montrédes effets protecteurs [44, 91-97] et jamais
ABRÉVIATIONS :
AGCC : acides gras àchaîne courte
AOM : azoxyméthane
CC : cancer du côlon
CR : cancer du rectum
CCR : cancer colorectal
COX-2 : cyclooxygénase-2
DMAB : 3, 2’-diméthyl-4-aminobiphényle
DMH : 1, 2-diméthylhydrazine
FCA : foyers de cryptes aberrantes
FOS : fructooligosaccharide
IGF-1 : insulin-like growth factor 1
IQ : 2-amino-3-methylimidazo[4,5-f]quinoline
MNU : N-méthyl-N-nitrosourée
7OH-IQ : 7-hydroxy-2-amino-3-methylimidazo[4,5-f]quinoline
OR : odds-ratio
PAF : polypose adénomateuse familiale
RR : risque relatif
Fibres et cancer colorectal
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