CHAPITRE 2 FONCTIONS HOLOMORPHES I. Fonctions

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CHAPITRE 2
FONCTIONS HOLOMORPHES
I.
Fonctions complexes d’une variable complexe
I.1
Isomorphisme entre R2 et C
Le plan complexe C porte deux structures d’espace vectoriel, il peut être identifié à
R et c’est alors un R-espace de dimension 2, de base (1, i) par exemple ; ou considéré
canoniquement comme C-espace de dimension 1, de base (1).
2
L’application φ :
riels.
R2 7−→
C
est un isomorphisme de R-espaces vecto(x, y)
z = x + iy
Si f est une fonction définie dans C au voisinage d’un point z, la fonction f ◦ φ est
définie dans R2 au voisinage du point (x, y).
Nous pourrons donc voir toute fonction définie sur C à valeurs dans C comme une
fonction définie sur R2 , à valeurs dans R2 . Si z = x + iy est un point de C nous écrirons
f (z) lorsque nous nous intéresserons aux propriétés « complexes » de f et f (x, y) lorsque
nous nous intéresserons aux propriétés « réelles » de f .
– Si f est définie dans C il faudra lire f ◦ φ(x, y) lorsqu’on écrira f (x, y).
– Inversement si f définie dans R2 , il faudra lire f ◦ φ−1 (z) lorsqu’on écrira f (z).
Cet abus de notation permettra d’alléger les écritures. Ces réflexions amènent à considérer
le diagramme commutatif suivant :
C
z
f
avec
f˜
L3 - Analyse Complexe
R2 !
P̃ (x, y)
Q̃(x, y)
f (z) = P (z) + iQ(z),
f˜ = φ−1 ◦ f ◦ φ,
φ−1
φ
R2 !
x
y
C
f (z)
et
(I.1.1)
P̃ = φ−1 ◦ P ◦ φ
Q̃ = φ−1 ◦ Q ◦ φ.
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
36
La fonction f˜ permet de définir la partie réelle et la partie imaginaire d’une application
complexe vue comme application sur R2 :
f (x + iy) = P (x, y) + iQ(x, y).
Enfin, on munit R2 de la topologie usuelle associée à la norme euclidienne k(x, y)k =
et C de celle associée au module |z|.
I.2
q
x2 + y 2
Un premier exemple : f (z) = z 2
Considérons la fonction f définie par f (z) = z 2 , définie sur C tout entier, pour laquelle
le diagramme I.1.1 devient :
f
C
C
z
z2
φ−1
φ
2
R !
x
y
f˜
R2 !
x − y2
2xy
2
Toute le problème de représenter le graphe une fonction complexe f : U ⊂ C ≡ R2 7−→ C ≡ R2
est de disposer d’un repère de dimension isomorphe à R2 × R2 soit de dimension 4 (sic !).
Ces derniers étant plutôt rares, on doit contourner cette difficulté :
⋄ On peut tracer des images de familles de courbes appropriées sous la transformation
w = f (z) assimilée à une transformation f˜ de R2 de R2 .
On pose w = f (z) = u + iv.
y
1
O
1
x
Figure I.2.1 – Images réciproques de droites parallèles aux axes du plan (u, v)
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I.Fonctions complexes d’une variable complexe
37
– Les images réciproques des courbes u = cste et v = cste sont des hyperboles
d’équations respectives
x2 − y 2 = u
et
v
xy = .
2
Remarque: La figure I.2.1 représente aussi les courbes de niveaux des fonctions
P̃ (x, y) et Q̃(x, y).
– Les droites d’équation x = cste et y = cste sont transformées en des paraboles
d’équations respectives
v2
u=x − 2
4x
2
et
v2
u = 2 − y2.
4y
(I.2.2)
v
1
O
u
1
Figure I.2.2 – Transformation de deux réseaux de droites verticales et horizontales
(parallèles aux axes du plan) par l’application z 7−→ z 2 . On obtient, grâce à la
conformité (voir plus loin !) de cette application deux réseaux de courbes qui se
coupent à angle droit.
⋄ On peut représenter dans un repère de R3 les parties réelle ou imaginaire :
R2 !
x
y
P̃
R
x2 − y 2
R2 !
x
y
Q̃
R
2xy
⋄ On peut représenter dans un repère de R3 le module |f (z)| :
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Fonctions holomorphes
38
2xy
x2 − y 2
x
y
y
x
Figure I.2.3 – Parties réelle et imaginaire de z 7−→ z 2
x2 + y 2
x
y
Figure I.2.4 – Représentation de z 7−→ |f (z)|
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II.Fonctions holomorphes, C-différentiabilité
39
II.
Fonctions holomorphes, C-différentiabilité
II.1
Propriétés élémentaires des fonctions holomorphes
Définition II.II.1.1.
Soient U un ouvert de C et z0 ∈ U. Une fonction f : U 7−→ C est dite Cdifférentiable en z0 si le nombre
lim
z→z
0
z∈C\{z0
f (z) − f (z0 )
f (z0 + h) − f (z0 )
,
= lim
h→0
z
−
z
h
0
}
h6=0
(II.1.3)
existe. On note f ′ (z0 ) cette limite. C’est le nombre dérivé de f en z0 .
On dit qu’une fonction est holomorphe sur U si elle est C-différentiable en tout
point de U.
On note H(U) leur ensemble.
La propriété de C-différentiabilité est une propriété locale 1 Dans la suite, nous emploierons indifféremment le terme d’holomorphie pour une fonction C-dérivable en un
point ou sur un ouvert et lorsqu’elle est holomorphe sur U, il est alors possible de définir
son application dérivée
f ′ : U 7−→
C
z
f ′ (z).
Nous verrons cependant que la notion d’holomorphie prend tout son sens lorsqu’elle
est reliée aux propriétés topologiques de son ouvert de définition.
De plus, même si la définition de f ′ (z0 ) est analogue à la définition de la dérivée d’une
fonction de variable réelle, on verra que les fonctions holomorphes ont des propriétés
beaucoup plus fortes que les fonctions dérivables de variable réelle mais comme sur R, la
relation (II.1.4) entraîne, qu’une fonction C-dérivable est nécessairement continue puisqu’il
revient au même de dire, au voisinage d’un point z0 où f est holomorphe,
f (z0 + h) − f (z0 ) = dfz0 h + o(|h|),
2
(II.1.4)
où dfz0 est une application C-linéaire
dfz0 : C 7−→
C
′
z
f (z0 )z,
(II.1.5)
donc continue en 0. Comme sur R encore, la réciproque est fausse : il suffit de considérer
z 7−→ z̄ ci-après, continue sur C sans être holomorphe nulle part.
Exemples:
1. Notion qui passera donc bien à la limite uniforme notamment !
|f (h)|
=0
h→0 |h|
2. On dit qu’une fonction f de la variable complexe est un o(|h|) lorsque lim
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Fonctions holomorphes
40
⋄ La fonction constante et la fonction z 7−→ z sont holomorphes en tout point de C.
⋄ La fonction z 7−→ z̄ ne l’est en aucun puisque
lim
h→0
h∈R∗
z0 + h − z0
z0 + ih − z0
= 1 6= lim
= −1.
h→0∗
h
ih
h∈R
Remarque: Les fonctions z 7−→ z̄, z 7−→ Re z, z 7−→ Im z et z 7−→ |z|2 nous
fournissent des exemples de fonctions indéfiniment dérivables vues comme fonctions
de R2 dans R2 et non dérivables au sens complexe. La fonction z 7−→ |z|2 est
uniquement dérivable en 0 avec une dérivée nulle
|z|2
= z̄ −−→ 0.
z→0
z
⋄ Pour tout entier naturel n, la fonction f : z 7−→ z n est holomorphe sur C avec
f ′ (z) = nz n−1 pour tout n > 1 et tout z ∈ C.
Preuve: Le cas n 6 1 est trivial. Pour n > 2, soient z0 ∈ C et z dans un voisinage de z0 ,
il suffit d’écrire :
z n − z0n
f (z) − f (z0 )
=
= z n−1 + z n−2 z0 + . . . + zz0n−2 + z0n−1 −−−→ nz0n−1 ,
z→z0
z − z0
z − z0
par continuité sur C des fonctions z 7−→ z p , ∀p ∈ N.
1
n
⋄ La fonction f : z 7−→
est holomorphe sur C∗ avec f ′ (z) = − n+1 pour tout
z
z
z ∈ C∗ .
Preuve: Par le même raisonnement, avec z0 , z ∈ C∗ , z dans un voisinage de z0 ,
zn − zn
z n−1 + z n−2 z0 + . . . + zz0n−2 + z0n−1
f (z) − f (z0 )
= n n0
=−
z − z0
z z0 (z − z0 )
z n z0n
1
1
1
1
+ 2 n−1 + . . . + n−1 2 + n
=−
n
zz0
z z0
z
z0
z z0
par continuité sur C∗ des fonctions z 7−→
1
, ∀p ∈ N∗ .
zp
!
−−−→ −
z→z0
n
,
z0n+1
Il est facile de voir que l’ensemble des fonctions holomorphes de U dans C est une
algèbre pour les lois usuelles + ,× et ◦. Plus précisément :
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II.Fonctions holomorphes, C-différentiabilité
41
Proposition II.II.1.2.
Soient U un ouvert de C et f , g des fonctions holomorphes sur U.
1. f + g et f g sont holomorphes sur U.
f
est holomorphe sur U \ Z(g).
2.
g
3. Si f est holomorphes au voisinage de z0 et g au voisinage de f (z0 ) alors g ◦ f
est holomorphe au voisinage de z0 .
4. Les régles usuelles de dérivation s’appliquent :
(f + g)′ = f ′ + g ′
(f g)′ = f ′ g + f g ′
!′
g′
1
=− 2
g
g
′
′
(g ◦ f ) = f × g ′ ◦ f.
f
g
!′
=
(II.1.6)
f ′g − g′f
g2
(II.1.7)
Preuve: Ces propriétés se démontrent exactement comme dans le cas réel. Démontrons seulement la propriété (II.1.7). Dans des voisinages respectifs de z0 et w0 = f (z0 ), l’expression (II.1.4)
s’écrit :
g(w) − g(w0 ) = g ′ (w0 )(w − w0 ) + o(|w − w0 |)
(II.1.8)
′
f (z) − f (z0 ) = f (z0 )(z − z0 ) + o(|z − z0 |)
(II.1.9)
Comme f est continue en z0, pour z suffisamment proche de z0 , f (z) appartient à un voisinage
de f (z0 ) et o |f (z) − f (z0 )| = o(|z − z0 |). On peut alors reporter (II.1.9) dans (II.1.7) :
g f (z) − g f (z0 ) = g ′ f (z0 ) f ′ (z0 )(z − z0 ) + o(|z − z0 |) + o |f (z) − f (z0 )|
= f ′ (z0 ) × g ′ f (z0 ) (z − z0 ) + o(|z − z0 |)
g ◦ f est donc holomorphe au voisinage de z0 avec (g ◦ f )′ (z0 ) = f ′ (z0 ) × g ′ ◦ f (z0 ).
Exemple:
– Une fonction polynomiale est holomorphe sur C tout entier. 3
– D’après 2, une fonction rationnelle est holomorphe sur son ensemble de définition.
– Par récurrence, on généralise (II.1.6) en la formule de Leibniz :
(f1 f2 . . . fn )′ = f1′ f2 . . . fn + f1 f2′ . . . fn + . . . + f1 f2 . . . fn′ .
Dans le cas où toutes les fk sont égales à f , on a (f n )′ = nf ′ f n−1 .
Donnons une variante forme affaiblie mais utile de 3 :
3. De telles fonctions dont le domaine d’holomorphie est le plan complexe tout entier sont dites entières.
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Fonctions holomorphes
42
Lemme II.II.1.3.
Soient U un ouvert de C, f : U 7−→ C holomorphe, [a, b] un segment réel non
réduit à un point et γ : [a, b] 7−→ U une fonction dérivable.
Alors la fonction f ◦ γ est dérivable sur [a, b] avec
(f ◦ γ)′ (t) = γ ′ (t) × f ′ γ(t) .
Preuve: Soient t 6= t0 dans [a, b]. Il suffit de revenir à la définition (II.1.3) en remarquant que
par continuité de γ, lim γ(t) = γ(t0 ) c’est-à-dire que l’on pourra toujours trouver un voisinage
t→t0
adéquat de t0 envoyant γ(t) dans un voisinage de γ(t0 ).
Ainsi fait, on a :
f γ(t) − f γ(t0 )
(f ◦ γ)(t) − (f ◦ γ)(t0 )
=
t − t0
t − t0
=
f ′ γ(t0 ) γ(t) − γ(t0 ) + o |γ(t) − γ(t0 )|
t − t0
γ(t) − γ(t0 )
+ δ(t),
= f ′ γ(t0 ) ×
t − t0
o |γ(t) − γ(t0 )|
o(|t − t0 |)
avec δ(t) =
= |γ ′ (t0 )| ×
= |γ ′ (t0 )| × o(1) −−−→ 0.
t→t0
t − t0
t − t0
La fonction f ◦ γ est donc bien dérivable en t0 avec (f ◦ γ)′ (t0 ) = γ ′ (t0 ) × f ′ γ(t0 ) .
II.2
Dérivée complexe et composantes connexes
Dans le cas des fonctions d’une variable réelle, on sait qu’une fonction définie sur un
intervalle et à valeurs réelles ou complexes est constante si et seulement si elle est dérivable
de dérivée nulle.
Dans le cas complexe, on vérifie facilement qu’une fonction constante est holomorphe
de dérivée nulle et pour la réciproque, on a le résultat suivant :
Théorème II.II.2.4.
Soient U un ouvert connexe de C et f : U 7−→ C une fonction holomorphe.
Si f ′ = 0 alors f est constante sur U.
Preuve: Soit a un élément de U. Comme U est un ouvert connexe, d’après I.IV.3.31 page 26, il
est connexe par arcs c’est-à-dire que pour tout b ∈ D, il existe un chemin affine γ : [0, 1] 7−→ D
reliant a à b. Il est clair que γ est au moins de classe C 1 (sur R).
D’après II.II.1.3, la fonction de la variable réelle ϕ : t 7−→ f γ(t) est dérivable sur [0, 1] et telle
que
ϕ′ (t) = γ ′ (t)f ′ γ(t) = 0,
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III.R-différentiabilité et C-différentiabilité
43
donc constante sur [0, 1] c’est-à-dire f (a) = ϕ(0) = ϕ(1) = f (b).
L’élément b ∈ D ayant été choisi de manière quelconque dans D, f est donc constante sur D
c’est-à-dire localement constante sur le connexe U. D’après I.IV.1.20 page 20, elle est constante
sur U tout entier.
Corollaire II.II.2.5.
Soit U un ouvert de C. Une fonction holomorphe sur U dont la dérivée est nulle
est constante sur chaque composante connexe de U.
Preuve: D’après I.IV.2.25 page 22, si U est ouvert, ses composantes connexes le sont aussi. Il
suffit alors d’appliquer la proposition précédente à chacune d’elles.
III.
R-différentiabilité et C-différentiabilité
III.1
R-linéarité et C-linéarité
Trois espaces d’applications linéaires interviennent naturellement :
– LR (C, C), espace vectoriel sur R des applications R-linéaires de C dans C (où C est
identifié à R2 ). C’est aussi l’espace des applications R-linéaires de R2 dans R2 noté
L(R2 , R2 ). Il est de dimension 4 sur R.
La différentielle (lorsqu’elle existe) d’une application f˜ : R2 7−→ R2 définie par
f˜(x + h1 , y + h2 ) = f˜(x, y) + df(x0 ,y0 )
h1
h2
!
+ o(k(h1 , h2 )k),
appartient à cette espace.
– LCR (C, C), espace vectoriel sur C des applications R-linéaires de C dans C. 4
Il est de dimension 2 sur C.
On note traditionnellement dx et dy les applications de LCR (C, C) qui à z = x+iy ∈ C
associent Re z et Im z respectivement, c’est-à-dire
dx(x + iy) = x
et
dy(x + iy) = y.
(III.1.10)
(
dx(1) = 1, dy(1) = 0,
le couple (dx, dy) forme une C-base de LCR (C, C).
dx(i) = 0, dy(i) = 1,
On définit ensuite les applications dz et dz̄ par
Comme
dz = dx + idy
et
dz̄ = dx − idy.
(III.1.11)
Le couple (dz, dz̄) est encore une C-base du C-espace vectoriel LCR (C, C) 5
4. C’est le précédent muni de sa structure complexe canonique.
5. dz n’est autre que l’identité de C et dz̄ la conjugaison.
L3 - Analyse Complexe
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
44
– LCC (C, C), espace vectoriel sur C des applications C-linéaires de C dans C.
Formé des applications de la forme z 7−→ αz, α ∈ C, il s’identifie avec le dual complexe C∗ de C donc de dimension 1 sur C dont (dz) en forme une C-base.
Revenons un instant sur les écritures en (II.1.4) et (II.1.5). Outre le fait qu’elles expriment que la C-différentielle d’une fonction holomorphe appartient naturellement
à LCC (C, C), puisque ce n’est qu’une multiplication par f ′ (z0 ), on reconnaît aussi et
surtout l’expression d’une similitude du plan complexe de rapport |f ′ (z0 )| et d’angle
arg f ′ (z0 ). C’est un fait général auquel est consacré le paragraphe suivant.
III.2
Applications C-linéaires
Les fonctions de C dans C et C-linéaires sont de la forme
f (z) = αz,
avec
α = a + ib
∈ C.
= ρ(cos θ + i sin θ)
Avec les notations du diagramme (I.1.1), f définit une application f˜ ∈ L(R2 , R2 )
définie par :
f˜ :
R2 ! 7−→
x
y
R2!
a −b
b a
x
y
!
=ρ
cos θ − sin θ
sin θ cos θ
!
x
y
!
.
Une application C-linéaire définit donc une application R-linéaire dont la matrice dans
la base canonique est de la forme
!
a −b
.
(III.2.12)
b a
Réciproquement, soit f˜ ∈ L(R2 , R2 ), une application dont la matrice dans une base
soit de la forme (III.2.12). Il est clair que que l’application φ◦ f˜◦φ−1 définit une application
de LC (R2 , R2 ). On a donc démontré le résultat suivant :
Lemme II.III.2.6.
Une application f : C 7−→ C est C-linéaire si et seulement si l’application
f˜ : R2 7−→ R2 qui lui est associée est R-linéaire et dont la matrice dans une
base de R2 est de la forme (III.2.12).
Remarque: Ce résultat extrêmement simple est à la base de deux propriétés importantes
des fonctions holomorphes :
– les conditions de Cauchy-Riemann que nous verrons au paragraphes suivants.
– la représentation conforme. En effet, la matrice (III.2.12), notamment écrite sous sa
forme polaire
!
cos θ − sin θ
ρ
sin θ cos θ
est la matrice d’une similitude d’angle θ et de rapport ρ, transformation du plan qui
conserve les angles orientés et les cercles. Nous reviendrons sur ce point plus loin.
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
III.R-différentiabilité et C-différentiabilité
III.3
45
Les conditions de Cauchy-Riemann
On remarquera que l’expression (II.1.4) est exactement la définition d’une fonction
différentiable : un terme linéaire plus des termes qui tendent vers 0 assez vite . . . à cela
près que le terme linéaire est un terme C-linéaire. Approfondissons ce lien :
Proposition II.III.3.7.
Soient f : U 7−→ C et z0 ∈ U. Alors, f est holomorphe en z0 si et seulement si f˜ est
R-différentiable en z0 et si sa R-différentielle dz0 f au point z0 est une application
C-linéaire.
Remarque: Ceci veut simplement dire que, sous les bonnes hypothèses de différentiabilité, une fonction est holomorphe si et seulement si sa différentielle est une similitude du
plan.
Preuve: Si f est holomorphe en z0 = x0 + iy0 , posons f ′ (z0 ) = u + iv et h = h1 + ih2 sous leur
forme cartésienne. L’expression (II.1.4) s’écrit :
f (z0 + h) − f (z0 ) = dfz0 h + o(|h|)
= f ′ (z0 )h + o(|h|)
f˜(x0 + h1 , y0 + h2 ) − f˜(x0 , y0 ) = (u + iv)(h1 + ih2 ) + o(k(h1 , h2 )k)
= uh1 − vh2 + i(vh1 + uh2 ) + o(k(h1 , h2 )k)
= dfR,(x0 ,y0 ) (h1 , h2 ) + o(k(h1 , h2 )k),
où on a posé, avec tous les abus de notation mentionnés plus haut,
dfR,(x0 ,y0 ) :
R2 ! 7−→
h1
h2
R2
!
uh1 − vh2
=
uh2 + vh1
u −v
u v
!
h1
h2
!
(III.3.13)
.
L’application dfR,(x0 ,y0) est bien une application R-linéaire de L(R2 , R2 ) c’est-à-dire que f
est R-différentiable. De plus, sa matrice dans une base de R2 est bien de la forme (III.2.12) donc
dfz0 est C-linéaire.
Réciproquement, il suffit de remonter les implications précédentes, l’essentiel du travail ayant
été fait en II.III.2.6.
Avec les notations de (I.1.1), on peut préciser encore ce résultat :
L3 - Analyse Complexe
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Fonctions holomorphes
46
Théorème II.III.3.8 (Les conditions de Cauchy-Riemann).
Soit U ⊂ Cun ouvert et z0 = x0 + iy0 ∈ U. Les propriétés suivantes sont équivalentes :
1. La fonction f : U 7−→ C est C-différentiable en z0 .
2. L’application f˜ : U 7−→ R2 est R-différentiable et vérifie les conditions de
Cauchy-Riemann :
∂ Q̃
∂ P̃
(x0 , y0 ) =
(x0 , y0 ),
∂x
∂y
(III.3.14)
∂ Q̃
∂ P̃
(x0 , y0 ) = −
(x0 , y0 ).
∂x
∂y
3. L’application f˜ est R-différentiable en (x0 , y0 ) et sa matrice jacobienne est
la représentation d’une similitude directe égale à
dfR,(x0 ,y0 ) =
Re f ′ (z0 ) − Im f ′ (z0 )
Im f ′ (z0 ) Re f ′ (z0 )
!
(III.3.15)
.
Revenons sur la R-différentiabilité d’une fonction f˜ : U 7−→ R2 définie comme en
(I.1.1). Dire que f˜ est différentiable en (x0 , y0 ) ∈ U signifie qu’il existe une application
dfR,(x0 ,z0 ) ∈ L(R2 , R2 ) telle que, pour tout (x, y) dans un voisinage de (x0 , y0 ) au sens de
I.II.2.7 :
f˜(x, y) − f˜(x0 , y0 ) = dfR,(x0 ,y0 )
x − x0
y − y0
!
+ o k(x, y) − (x0 , y0 )k .
En définissant, les dérivées partielles


∂ P̃
(x , y ) 

 ∂x 0 0 


∂ f˜
f˜(x0 + h, y0 ) − f˜(x0 , y0 )
(x0 , y0 ) = lim
=

h→0
∂x
h


∂ Q̃
(x0 , y0 )
∂x


 ∂ Q̃
,





(III.3.16)
et
∂ P̃

(x , y ) 
 ∂y 0 0 


f˜(x0 , y0 + k) − f˜(x0 , y0 ) 
∂ f˜
(x0 , y0 ) = lim
=
k→0
∂y
k

∂y
(x0 , y0 )
(III.3.17)
avec les notations de (III.1.10), on a :
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
III.R-différentiabilité et C-différentiabilité
dfR,(x0 ,y0 ) =
47
∂ f˜
∂ f˜
(x0 , y0 )dx +
(x0 , y0 )dy
∂x
∂y



=

∂ P̃
∂ P̃
(x0 , y0 )
(x0 , y0 )
∂x
∂y
∂ Q̃
∂ Q̃
(x0 , y0 )
(x0 , y0 )
∂x
∂y



.

(III.3.18)
où la matrice (III.3.18) s’appelle la jacobienne de f en (x0 , y0 ).
De plus, en considérant des nombres complexes de la forme z = x + iy0 , on a aussi :
f ′ (z0 ) = z→z
lim
0
z6=z0













lim
x→x
0
x6=x0
f˜(x, y0 ) − f˜(x0 , y0 )
x − x0
=
∂ f˜
(x0 , y0 ).
∂x
f (z) − f (z0 )
=
f (x + iy0 ) − f (x0 + iy0 )
∂f
z − z0

lim
(z0 ).
=


x→x0

x
−
x
∂x
0

x6=x0




∂Q
∂P


(z0 ) + i
(z0 ).
=
∂x
∂x
(III.3.19)
De même, en considérant des nombres complexes de la forme z = x0 + iy, on a aussi :
f ′ (z0 ) = z→z
lim
0
z6=z0














lim
y→y
0
y6=y0
f˜(x0 , y) − f˜(x0 , y0 )
y − y0
= −i
∂ f˜
(x0 , y0 ).
∂y
f (z) − f (z0 )
=
f (x0 + iy) − f (x0 + iy0 )
∂f
z − z0
lim
= −i (z0 ).

 y→y
0

y − y0
∂y


y6=y0




∂Q
∂P


(z0 ) + i
(z0 ).
=

∂y
∂y
(III.3.20)
Preuve: L’équivalence 1 ⇔ 2 n’est qu’une reformulation de II.III.2.6 et II.III.3.7.
Quant à 2 ⇔ 3, l’expression de la jacobienne en (III.3.13) avec f ′ (z0 ) = u + iv entraîne
l’égalité (III.3.15).
Il faut bien noter que, a priori, les conditions de Cauchy-riemann (III.3.14) ne font
intervenir que les dérivées partielles de f , et ne garantissent donc pas l’existence de la
différentielle de f : la condition de R-différentiabilité ne peut donc pas être omise dans
II.III.3.8.2.
z5
est continue, possède des dérivées
Par exemple, la fonction f définie par f (z) =
|z|4
L3 - Analyse Complexe
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
48
partielles par rapport à x et y et satisfait en z = 0 aux conditions (III.3.14). Pourtant,
elle n’est pas C-différentiable.
Exemples: Les conditions de Cauchy-Riemann permettent de montrer que les fonctions,
d’apparence très raisonnables, z 7−→ z̄, z 7−→ Re z, z 7−→ Im z, z 7−→ |z| et z 7−→ |z|2 ne
sont pas holomorphes.
Preuve: Considérons par exemple f : z 7−→ z̄ où, avec toujours les notations de (I.1.1),
P̃ (x, y) = x et Q̃(x, y) = −y. D’où
∂ Q̃
∂ P̃
(x, y) = 1 6=
(x, y) = −1.
∂x
∂y
Cette fonction n’est donc holomorphe en aucun point de C.
III.4
Comportement local d’une fonction holomorphe
Théorème II.III.4.9 (Inversion locale).
Soient U un ouvert, f ∈ H(U) et z0 ∈ U tel que f ′ (z0 ) 6= 0.
Alors, il existe un ouvert V ⊂ U contenant z0 tel que :
1. W = f (V) est ouvert.
2. f : V 7−→ W est une bijection holomorphe.
3. f ′ ne s’annule pas sur V.
′
1
.
4. f −1 = ′
f ◦ f −1
Preuve: Ce résultat est une conséquence directe du théorème d’inversion locale pour les fonctions R-différentiables de R2 .
Lemme II.III.4.10 (Théorème d’inversion locale réel).
Soient f˜ : R2 7−→ R2 , U ⊂ R2 un ouvert et (x0 , y0 ) ∈ U tel que df˜(x0 ,y0 ) ∈ Gℓ(R2 , R2 )
c’est-à-dire df˜(x0 ,y0 ) = Jacf˜(x0 , y0 ) est une matrice inversible. Alors il existe un ouvert
V ⊂ U tel que (x0 , y0 ) ∈ V et un ouvert W de R2 , tels que (u0 , v0 ) = f˜(x0 , y0 ) ∈ W et f
est un C 1 -difféomorphisme de V sur W, c’est à dire f est une bijection
de V sur W, de
−1
−1
1
−1
˜
= df˜(u
.
classe C , ainsi que f . De plus W = f (V) est un ouvert et df(x0 ,y0 )
0 ,v0 )
En effet, si f est holomorphe alors la fonction f˜ de R2 associée est R-différentiable et que
sa différentielle en un point z0 = x0 + iy0 est une similitude. Puisque lf ′ (z0 ) 6= 0, l’application
linéaire df˜(x0 ,y0 ) est inversible car c’est une similitude non nulle. On peut appliquer le théorème
d’inversion locale réel à f˜ au voisinage de (x0 , y0 ). On obtient ainsi les voisinages V et W de
l’énoncé.
Soit w0 un point de W. Montrons que g est holomorphe en w0 .
g(w) − g(w0 )
g(w) − g(w0 )
=
.
w − w0
f ◦ g(w) − f ◦ g(w0 )
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
III.R-différentiabilité et C-différentiabilité
49
Comme g est continue en w0 , l’expression précédente a bien une limite lorsque w tend vers
w0 égale à
1
.
′
f g(w0 )
Remarque: L’inverse de la similitude df˜(x0 ,y0 ) associée à f ′ (z0 ) est la similitude df˜f−1
˜(x0 ,y0 )
1
associée à ′
.
f (z0 )
Définition II.III.4.11 (Fonction biholomorphe).
Soient U et V deux ouverts de C. Une fonction holomorphe f : U 7−→ V est dite
biholomorphe sur U si elle est bijective et si sa fonction réciproque f −1 : V 7−→ U
est aussi holomorphe.
D’après II.III.4.9, pour une fonction holomorphe il suffit de vérifier f ′ (z0 ) 6= 0 pour
être localement biholomorphe.
Exemples: La fonction z 7−→ z 2 est localement biholomorphe
dans un voisinage
de chaque
1
1
1
1
z+
, on a f ′ (z) =
1 − 2 . Elle
z0 6= 0. Pour la fonction de Joukovski f : z 7−→
2
z
2
z
est localement biholomorphe pour z0 6= ±1.
Lorsqu’une fonction biholomorphe d’un ouvert U dans un ouvert V, ceux-ci sont identiques du point de vue de l’analyse complexe, puisque toute propriété vérifiée sur l’un
peut être transférée au second par composition avec le biholomorphisme. Remarquons
aussi qu’une fonction biholomorphe est en particulier un homéomorphisme. Les ouverts
U et V possèdent donc aussi les mêmes propriétés topologiques.
III.5
Opérateurs dérivées partielles complexes
Les formules (III.1.11) de changement de la base (dx, dy) de LCR (C, C) en la base
(dz, dz̄) conduisent à définir les opérateurs dérivées partiels suivants :
Définition II.III.5.12.
Soient U un ouvert de C et z0 ∈ U. Soit f : U 7−→ C une fonctions admettant des
dérivées partielles par rapport aux variables x et y en z0 . On définit les opérateurs
dérivées partielles :
∂f
1
(z0 ) =
∂z
2
!
∂f
∂f
(z0 ) − i (z0 )
∂x
∂y
∂f
1
et
(z0 ) =
∂ z̄
2
!
∂f
∂f
(z0 ) + i (z0 ) , (III.5.21)
∂x
∂y
où z0 = x0 + iy0 . La différentielle de f s’écrit alors :
dz0 f =
L3 - Analyse Complexe
∂f
∂f
(z0 )dz +
(z0 )dz̄.
∂z
∂ z̄
(III.5.22)
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
50
C’est le contexte dans lequel s’énoncent les célèbres conditions de Cauchy exprimant
la C-linéarité de la différentielle de f (lorsqu’elle existe) en fonction des dérivées partielles.
Proposition II.III.5.13.
Soient f : U 7−→ C C et z0 ∈ U. Une fonction f est holomorphe en z0 si et
seulement si elle est R-différentiable en z0 et si ses dérivées partielles en z0 vérifient
la condition de Cauchy
∂f
(z0 ) = 0.
(III.5.23)
∂ z̄
Preuve: Il suffit de réécrire les conditions (III.3.14) avec f = P + iQ :
2
∂f
∂f
∂f
(z0 ) =
(z0 ) + i (z0 )
∂ z̄
∂x
∂y
∂P
∂Q
∂Q
∂P
=
(z0 ) + i
(z0 ) + i
(z0 ) + i
(z0 )
∂x
∂x
∂y
∂y
∂Q
∂Q
∂P
∂P
(z0 ) −
(z0 ) + i
(z0 ) +
(z0 )
=
∂x
∂y
∂y
∂x
= 0.
Remarque: Au vu de l’expression (III.5.22), la condition (III.5.23) exprime que la différentielle dfz0 est C-linéaire si et seulement si elle est proportionnelle à dz.
En reprenant l’une ou l’autre des formes rencontrées précédemment, la dérivée complexe de f en un point z0 ∈ U est alors donnée par l’une de ses dérivées directionnelles
suivantes :
f ′ (z0 ) =
∂f
(z0 ) =
∂z
(II.1.3)
∂f
(z0 )
∂x
(III.3.19)
= −i
∂f
(z0 ).
∂y
(III.5.24)
(III.3.20)
Proposition II.III.5.14 (Fonction holomorphe à valeurs réelles).
Soient U un ouvert connexe de C et f : U 7−→ R.
Si f est holomorphe sur U alors f est constante (sur U).
Preuve: En gardant les notations de (I.1.1), on a Q̃ = 0. Comme f est supposée holomorphe
∂ Q̃
∂ P̃
(x, y) =
(x, y) = 0. D’après
sur U, les conditions de Cauchy-Riemann (III.3.14) imposent
∂x
∂y
(III.5.24),
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
IV.Fonctions harmoniques
51
∂f
(z) = 0,
∂x
ce qui équivaut à dire que f est constante sur U tout entier d’après II.II.2.4.
f ′ (z) =
Géométriquement, les équations de Cauchy-Riemann empêchent une fonction holomorphe d’avoir une image trop petite (contenue dans une droite réelle, par exemple).
IV.
Fonctions harmoniques
Définition II.IV.0.15.
Soit U un ouvert non vide de R2 . On dit qu’une fonction ϕ : U 7−→ R est harmonique sur U si elle est de classe C 2 sur U avec
∂2ϕ
∂2ϕ
(x,
y)
+
(x, y) = 0.
∂x2
∂y 2
∀(x, y) ∈ U,
L’opérateur
∂2
∂2
+
est noté ∆ et appelé laplacien.
∂x2 ∂y 2
Théorème II.IV.0.16.
Si f = P + iQ est une fonction holomorphe sur U avec P̃ et Q̃ de classe C 2 et à
valeurs réelles alors les fonctions P̃ et Q̃ sont harmoniques sur U.
Preuve: Il suffit de dériver les équations de Cauchy-Riemann (III.3.14) et d’appliquer lethéo
∂
∂
rème de Schwarz qui dit que, pour des fonctions de classe C 2 comme ici, les opérateurs
∂x ∂y
∂
∂
et
coïncident :
∂y ∂x
∆P̃ =
∂ 2 P̃
∂ 2 P̃
+
∂x2
∂y 2
∆Q̃ =
∂
=
∂x
∂ P̃
∂x
!
∂
+
∂y
∂ P̃
∂y
∂
=
∂x
∂ Q̃
∂y
!
∂
+
∂y
∂ Q̃
−
∂x
=
!
∂ 2 Q̃ ∂ 2 Q̃
+
∂x2
∂y 2
∂
=
∂x
!
∂ 2 Q̃
∂ 2 Q̃
−
=0
∂x∂y ∂x∂y
∂ Q̃
∂x
!
∂
∂ P̃
=
−
∂x
∂y
=−
∂
+
∂y
!
∂
+
∂y
∂ Q̃
∂y
!
∂ P̃
∂x
!
∂ 2 P̃
∂ 2 P̃
+
= 0.
∂x∂y ∂x∂y
Les fonctions P̃ et Q̃ sont donc harmoniques sur U.
Remarque: Nous verrons plus loin qu’une fonction holomorphe est en fait indéfiniment dérivable. L’hypothèse P̃ et Q̃ de classe C 2 sur U sera donc redondante.
Exemples:
L3 - Analyse Complexe
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
52
⋄ comme la fonction P : (x, y) 7−→ x2 + y 2 dont le laplacien ∆P = 4 est non nul n’est
pas harmonique donc il ne peut pas exister de fonction holomorphe sur C de partie
réelle x2 + y 2 = |z|2 .
⋄ Pour toute fonction holomorphe f = P + iQ ne s’annulant pas sur U (où P̃ et Q̃
sont de classe C 2 à valeurs réelles), la fonction ln |f | est harmonique.
Même si on ne le démontrera pas ici, le théorème II.IV.0.16 admet une réciproque :
Théorème II.IV.0.17.
Si U est un ouvert simplement connexe a et P : U 7−→ R une fonction harmonique,
il existe alors des fonctions holomorphes sur U de partie réelle P .
a. Un ouvert connexe « sans trous ».
Ce théorème permet donc de voir, sur un ouvert simplement connexe, l’ensemble des
fonctions harmoniques comme celui des parties réelles de fonctions holomorphes.
Grâce à cette découverte, Riemann a ouvert l’application des fonctions holomorphes
à de nombreux problèmes de la physique, puisque cette équation est satisfaite par le
potentiel gravitationnel d’un corps, par les champs électriques et magnétiques via les
équations de Maxwell, par la chaleur en équilibre et les liquides parfaits sans rotationnel.
IV.1
Un exemple : Charybde et Scylla
Le potentiel d’un liquide (parfait) en présence d’un puits et d’une source confondus
en le même point 6 est donné par la fonction
f:
z
7−→
1
z
x
+ y2
−y
Q̃(x, y) = 2
x + y2
P̃ (x, y) =
(x, y)
x2
qui est holomorphe sur U = C∗ .
x
−y
Les fonctions P̃ : (x, y) 7−→ 2
et Q̃ : (x, y) 7−→ 2
sont donc harmoniques sur
2
x +y
x + y2
R2 \ {(0, 0)}.
On a tracé en IV.1.6, les courbes de niveau de la fonction P̃ .
Théorème II.IV.1.18 (Lignes de niveau orthogonales).
Si f = P + iQ est une fonction holomorphe sur un ouvert U de C alors les lignes
de niveau de P̃ et Q̃ sont orthogonales.
6. Difficile à faire en pratique si ce n’est au bord d’une chute d’eau !
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
IV.Fonctions harmoniques
53
x2
x
+ y2
x
y
Figure IV.1.5 – P̃ : (x, y) 7−→
x2
x
+ y2
y
1
O
1
x
Figure IV.1.6 – Equipotentielles au voisinage d’un Puits-Source
Preuve: Il suffit d’appliquer les conditions de Cauchy-Riemann (III.3.14) à P̃ et Q̃,
∂ Q̃
∂ P̃
=
,
∂x
∂y
et
∂ Q̃
∂ P̃
=−
,
∂x
∂y
puis de former
L3 - Analyse Complexe
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
54
−−→ −−→
∂ Q̃ ∂ Q̃ ∂ Q̃ ∂ Q̃
∂ P̃ ∂ Q̃ ∂ P̃ ∂ Q̃
.
+
.
=
.
−
.
= 0.
grad P̃ . grad Q̃ =
∂x ∂x
∂y ∂y
∂y ∂x
∂x ∂y
On en déduit que les courbes P̃ (x, y) = cste et Q̃(x, y) = cste sont perpendiculaires. Autrement
dit, dans un langage de physiciens : les lignes de champ de P̃ sont les équipotentielles de Q̃ et
inversement.
y
1
O
1
x
Figure IV.1.7 – Équipotentielles et Lignes de champ orthogonales
IV.2
Un peu d’électromagnétisme
Le potentiel d’un dipôle où les charges sont placées en 1 et −1 peut être décrit par la
fonction holomorphe :
1
1
+
.
z+1 z−1
Les parties réelles et imaginaires de f sont donc des fonctions harmoniques dont on a
tracé les courbes de niveau en IV.2.8.
Exemple: Même si l’on ne démontre pas II.IV.0.17, on peut tout de même chercher de
telles fonctions sous la forme f = P +iQ, où Q : U 7−→ R s’obtient en résolvant le système
(III.3.14) défini par les conditions de Cauchy-Riemann.
Soit, par exemple P : C 7−→ R défini par
f (z) =
P (z) = x2 − y 2 − 2xy − 2x + 3y.
Déterminons toutes les fonctions Q : C 7−→ R telles que f = P + iQ soit holomorphe sur
C.
Il est clair que P̃ est harmonique puisque
∆P̃ =
∂ 2 P̃
∂ 2 P̃
+
= 2 − 2 = 0.
∂x2
∂y 2
On peut donc chercher Q̃. Les conditions de Cauchy-Riemann donnent :
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
IV.Fonctions harmoniques
55
y
1
O
1
x
Figure IV.2.8 – Equipotentielles d’un dipôle
y
1
O
1
x
Figure IV.2.9 – Circulation du champ électrique au voisinage d’un dipôle (+q,-q) don1
1
née par les courbes de niveau de la partie imaginaire de z 7−→
+
z+1 z−1
∂ Q̃
∂ P̃
(x, y) =
(x, y) = 2x − 2y − 2
∂y
∂x
∂ P̃
∂ Q̃
(x, y) = −
(x, y) = 2y + 2x − 3
∂x
∂y
(IV.2.25)
(IV.2.26)
De (IV.2.25), on déduit que Q̃(x, y) = 2xy + x2 − 3x + ϕ(y) où est différentiable
sur R. En remplaçant maintenant dans (IV.2.25), on déduit que ϕ′ (y) = −y − 2 puis
L3 - Analyse Complexe
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
56
Q̃(x, y) = 2xy + x2 − 3x − y 2 − 2y + c, c ∈ R.
Finalement, en arrangeant un peu, on obtient :
f (z) = x2 − y 2 − 2xy − 2x + 3y + i 2xy + x2 − 3x − y 2 − 2y + c
= (x + iy)2 + i(x + iy)2 − 2(x + iy) − 3i(x + iy) + ic
= (1 + i)z 2 − (2 + 3i)z + ic.
V.
Applications conformes
Les transformations du plan effectuées à l’aide de fonctions holomorphes jouissent
d’une propriété remarquable : « elles conservent les angles ». Tout repose sur la proposition
II.III.3.7. Précisons tout d’abord ces quelques notions :
Soient U un ouvert de C et f : U 7−→ C une fonction complexe qui à z ∈ U associe
w = f (z) ∈ f (U).
Considérons alors deux chemins γ1 et γ2 de classe C 1 dessinés dans U qui se coupent
en un point z0 ∈ U régulier pour γ1 et γ2 c’est-à-dire :
γ1 : [0, 1] 7−→ U
t
γ1 (t)
γ2 : [0, 1] 7−→ U
t
γ2 (t)
dγ1
dγ2
avec γ1 (t0 ) = γ2 (t0 ) = z0 , 0 < t0 < 1,
(t0 ) 6= 0 et
(t0 ) 6= 0 les vecteurs tangents
dt
dt
respectifs en z0 .
−
→′
γ2
−−−−−→′
(f ◦ γ2 )
θ
γ1
z0
γ2
−−−−−→′
(f ◦ γ1 )
θ
−
→′
γ1
f (z0 )
f (U )
U
f ◦ γ1
f ◦ γ2
Figure V.0.10 – Image de chemins par une application conforme
On regarde maintenant leurs images par f supposée holomorphe : les deux courbes
f ◦ γ1 et f ◦ γ2 dessinées dans f (U) se coupent en f (z0 ) et leur vecteur tangents respectif
en ce point sont donnés par
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
V.Applications conformes
57
!
!
dγ1
dγ1
d
(f ◦ γ1 )(t0 ) = (f ′ ◦ γ1 )(t0 ) ×
(t0 ) = f ′ (z0 ) ×
(t0 )
dt
dt
dt
!
!
d
dγ
dγ
2
2
(f ◦ γ2 )(t0 ) = (f ′ ◦ γ2 )(t0 ) ×
(t0 ) = f ′ (z0 ) ×
(t0 )
dt
dt
dt
Les vecteurs tangents image sont donc les images de des vecteurs tangents par une
similitude de rapport f ′ (z0 ) d’après II.III.3.7. Si f ′ (z0 ) 6= 0 c’est-à-dire si le point z0 est
régulier l’angle des courbes images est le même que celui des courbes originelles. De telles
applications sont dites conformes.
Avant de donner des exemples, précisons ce point :
Définition II.V.0.19.
Soient U un ouvert de C, f : U 7−→ C une application et z0 un point de U
admettant un voisinage sur lequel f (z) 6= f (z0 ).
On dit que f conserve les angles en z0 si
lim e−iθ
r→0+
f (z0 + reiθ ) − f (z0 )
|f (z0 + reiθ ) − f (z0 )|
(V.0.27)
existe et est indépendant de θ. Une application qui conserve les angles en tout
point de U est dite conforme sur U.
f (z0 + h) − f (z0 )
représente la
|f (z0 + h) − f (z0 )|
direction (un complexe du cercle unité), qui va de f (z0 ) à f (z0 + h).
Remarque: Dans cette définition, le terme δf (z0 , h) =
L′
z0 + rei(τ +θ)
L
z0 + reiτ
z0
f z0 + re
i(τ +θ)
θ
f (z0 )
θ
f z0 + reiτ
Figure V.0.11 – Angle formé par deux rayons
Cette définition exprime que si deux rayons L = z0 + reiθ et L′ = z0 + rei(θ+τ ) sont
\
issus de z0 , l’angle que fait leur image est le même que l’angle orienté (L,
L′ ).
Exemple: Les similitudes conservent les angles car pour f (z) = az, a ∈ C∗ , on a :
lim e−iθ δf (z0 , reiθ ) =
r→0+
indépendant de θ. Donc f est conforme sur C.
L3 - Analyse Complexe
a
,
|a|
Fabien PUCCI
Fonctions holomorphes
58
La propriété de conserver les angles est caractéristique des fonctions holomorphes dont
la dérivée ne s’annule pas.
Théorème II.V.0.20.
Soient U un ouvert de C, z0 ∈ U et f : U 7−→ C une application holomorphe.
f est conforme en z0 si et seulement si f ′ (z0 ) 6= 0.
Preuve: Comme f est holomorphe dans un voisinage de z0 avec f ′ (z0 ) 6= 0. Pour tout élémet
h = reiθ dans un voisinage de 0 écrit sous sa forme polaire, on a :
f (z0 + reiθ ) − f (z0 ) = f ′ (z0 )reiθ + o(|h|).
Il suffit alors de remplacer dans (V.0.27) :
lim e−iθ
r→0+
′
iθ
f ′ (z0 )
f (z0 + reiθ ) − f (z0 )
−iθ f (z0 )re
=
lim
e
=
.
|f (z0 + reiθ ) − f (z0 )| r→0+
|f ′ (z0 )reiθ |
|f ′ (z0 )|
Donc f conserve les angles.
Réciproquement, soit n le plus petit entier tel que f (n) (z0 ) 6= 0. En anticipant un peu sur le
fait que f admet en tout point de U un développement en série entière, que, dans un voisinage
de z0 , on peut écrire :
f (z0 + reiθ ) − f (z0 ) =
f (n) (z0 ) n inθ
r e + o(rn ).
n!
D’où
f (n) (z0 ) n inθ
r e
f (n) (z0 ) i(n−i)θ
=
lim e−iθ δf (z0 , reiθ ) = lim e−iθ (n)n!
e
.
r→0+
r→0+
|f (n) (z0 )|
f (z0 ) n inθ r e n!
quantité qui ne dépend pas de θ si et seulement si n = 1 c’est-à-dire f ′ (z0 ) 6= 0.
Exemple: f : z 7−→ z 2 est holomorphe sur C, de dérivé 2z. Cette dérivée s’annulant en
zéro, on n’est pas assuré de la conservation des angles des vecteurs tangents à des courbes
passant par zéro. Effectivement les demi-droites z(t) = teiα , (t, α > 0) sont transformées
en les demi-droites f (z(t)) = t2 e2iα ce qui montre que les angles des tangentes aux courbes
droites correspondantes sont multipliés par 2.
Cependant f est une transformation conforme 7 de C∗ sur lui-même, et on peut vérifier
que les droites parallèles aux axes du plan ne passant pas par zéro sont transformées en
un réseau de courbes orthogonales comme illustré en I.2.2. En précisant les résultats de
(I.2.2), on a :
⋄ Les droites x = x0 ont pour image les paraboles de foyer O et de directrice x = 2x20 .
⋄ Les droites y = y0 ont pour image les paraboles de foyer O et de directrice x = 2y02 .
7. mais non injective
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
V.Applications conformes
59
Compléments
Pour la résolution analytique ou numérique d’équations aux dérivées partielles à deux
dimensions, l’utilisation de changements de variables associés à des transformations conformes
bijectives présente un intérêt certain.
En effet, on est assuré de ce qu’un système de coordonnées orthogonales sera transformé en un nouveau système de coordonnées elles aussi orthogonales. Ceci garanti une
certaine simplicité des formules de changement de coordonnées des opérateurs différentiels,
tout en permettant de transformer un domaine de géométrie compliqué en un domaine
de géométrie simple.
A ce sujet on dispose du théorème dit de Riemann, qui stipule que, étant donné un
ouvert simplement connexe U, il existe toujours une application conforme bijective f qui
transforme U en l’intérieur du disque unité.
Une extension de ce théorème due à Carathéodory et Osgood montre que si de plus
U est borné et sa frontière est une courbe tracée par un circuit injectif de C, alors on
peut prolonger f sur la frontière de U, et cette frontière se trouve alors transformée en le
cercle unité. Cette dernière extension est capitale puisque un problème physique comporte
toujours des conditions aux limites posées sur la frontière de U.
L3 - Analyse Complexe
Fabien PUCCI
60
Fonctions holomorphes
Fabien PUCCI
L3 - Analyse Complexe
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