Algebre/Algebra QUASI-GROUPOIDES QUANTIQUES Alain Bruguieres et Georges Maltsiniotis Resume - Le but de cette note est d'introduire une notion generalisant a la fois celle de groupode quantique, introduite dans [4], et celle de quasi-groupe quantique (quasi-bigebre de Hopf, quasi-triangulaire), introduite par Drinfeld [3]. Cette notion, qu'on pourrait appeler quasi-groupode quantique, permet de generaliser certain resultats de [1]. QUASI-QUANTUM GROUPOIDS Abstract - The aim of this note is to introduce a notion that generalizes simultaneously the notion of quantum groupoid [4] and the notion of quasi-quantum group (quasi-triangular quasi-Hopf algebra) introduced by Drinfeld [3]. This new mathematical object may be called a quasi-quantum groupoid. Some results of [1] can be generalized in this framework. Dans cette note, k designe un anneau commutatif. Par algebre, on entend k -algebre associative, unitaire. Le produit tensoriel sur k est note . Si B est une algebre, on note Bo l'algebre opposee, et Be l'algebre enveloppante Bo B . La categorie des B -modules a droite est notee Mod(B). On identie la categorie Bimod(B; B) des (B; B)-bimodules a la categorie Mod(Be ) en munissant tout (B; B)-bimodule M de la structure de Be -module a droite donnee par : m (x y) = x m y . Un tel bimodule M peut aussi ^etre vu comme un (Bo ; Bo)-bimodule ; on le note alors M o . Rappels sur les cogebrodes [2], [1]. | Soit B une algebre. Un cogebrode de base B est un (B; B)-bimodule L muni de morphismes de (B; B)-bimodules : L ?! L B L et " : L ?! B , appeles respectivement coproduit et counite, veriant les axiomes suivants : (1L B ) = ( B 1L) et (1L B ") = 1L = (" B 1L ). Un morphisme de cogebrodes de base B est un morphisme de (B; B)-bimodules compatible aux coproduits et aux counites. 1 Le (B; B)-bimodule Be est muni d'une structure de cogebrode, dont le coproduit est deni par (x y) = (x 1) B (1 y) et la counite par "(x y) = xy . Si L est un cogebrode de base B , Lo est naturellement muni d'une structure de cogebrode de base Bo . Si : B ?! C est un morphisme d'algebres, et si L est un cogebrode de base B , alors C B L B C est naturellement muni d'une structure de cogebrode de base C , qu'on note L . Si L et L0 sont des cogebrodes de bases respectives B et B0 , L L0 est naturellement muni d'une structure de cogebrode de base B B0 . Lorsque B = B0 et B est commutatif, L Be L0 est muni d'une structure de cogebrode de base B , s'identiant au cogebrode B (L L0 ), ou B designe la multiplication de B . Soit L un cogebrode de base B . Un L -comodule a droite est un B -module a droite V muni d'une coaction a droite de L , c'est-a-dire un morphisme de B -modules a droite : V ?! V B L veriant les axiomes suivants : ( B 1L ) = (1V B ) et (1V B ") = 1V . Un morphisme de L -comodules a droite est un morphisme de B -modules a droite compatible aux coactions. La categorie des L -comodules a droite est notee Comod(L) . Notations diverses. | Soit B une algebre commutative. Si P et M sont des (B; B)-bimodules, et n un entier, on notera C n(P; M ) le k -module des applications de P n dans M qui sont B -lineaires a droite et a gauche en chaque variable, et C (P; M ) la L somme directe C n(P; M ). Posant P (n) = P Be P Be Be P ( n fois), on identiera C n(P; M ) a HomBe (P (n); M ). Pour ' 2 C n(P; B) et 2 C m(P; M ) (ou ' 2 C n(P; M ) et 2 C m(P; B)) on note ' l'element de C n+m(P; M ) deni par : (' )(x1 ; . . . ; xn; y1 ; . . . ; ym ) = '(x1 ; . . . ; xn ) (y1 ; . . . ; ym ) : On fait ainsi de C (P; B) une algebre graduee, et de C (P; M ) un C (P; B)-bimodule gradue. Pour 2 Sn et ' 2 C n(P; M ), on note '(1)...(n) l'element de C n(P; M ) deni par : (x1 ; . . . ; xn ) 7! '(x(1) ; . . . ; x(n)). Soit a present (L; ; ") un cogebrode de base B . Pour tout (B; B)-bimodule M , on pose C n(M ) = C n(L; M ). Si M et N sont deux (B; B)-bimodules, on denit un produit : C n(M ) C n(N ) ?! C n(M B N ), appele produit de convolution, par la formule : (' )(x1 ; . . . ; xn) = X i1 ;...;in '(y1i1 ; . . . ; ynin ) B (z1i1 ; . . . ; znin ) ; 2 P ou x1 , . . . , xn sont dans L , et (xl ) = ylil B zlil , pour 1 l n . Le produit est il 2Il associatif, et admet pour element neutre "n = " " " 2 C n(B). En particulier, C n(B) est une algebre unitaire. Pour : f1; . . . ; mg ,! f1; . . . ; ng injection et 2 C m(B) on note (1)...(m) l'element '(1)...(n) de C n(B) , ou ' = "n?m et 2 Sn designe un prolongement arbitraire de . Soient X1 = (V1; 1 ); . . . ; Xn = (Vn ; n) des L -comodules a droite, et M un (B; B)bimodule. Pour ' 2 C n(M ), on denit une application 'X1;...;Xn de V1 B B Vn dans V1 B B Vn B M par la formule : 'X1;...;Xn (v1 B B vn) = X i1 ;...;in w1i1 B B wnin B '(xi11 ; . . . ; xinn ) ; P ou vl est pour 1 l n un element de Vl , d'image l(vl ) = wlil B xill par la il 2Il coaction de L . Lorsque M = B , on denit ainsi sur V1 B B Vn une structure de C n(B)-module a gauche. Quasi-bigebrodes. | Soit B une algebre commutative. On appelle quasi-bigebrode de base B la donnee d'un cogebrode L de base B muni d' elements 2 C 2(L), 2 C 0(L), et 2 C 3(B), veriant les axiomes suivants : (QB1) : L Be L ?! L est un morphisme de cogebrodes de base B ; (QB2) : Be ?! L est un morphisme de cogebrodes de base B ; (QB3) est neutre a droite et a gauche pour (on a ( Be 1L ) = 1L = (1L Be ) ) ; ? ? (QB4) ( Be 1L ) = (1L Be ) dans C 3(L); ? ? ? (QB5) (1L Be 1L Be ) ( Be 1L Be 1L ) = (") (1L Be Be 1L ) (") dans C 4(B); (QB6) (1L Be Be 1L ) = "2 ; (QB7) est inversible dans C 3(B) pour le produit de convolution (et son inverse sera note ?1 ). Remarque. L'application denit une structure d'algebre non associative sur L pos- sedant un element unite egal a (1 1), et les applications s; b : B ?! L denies par 3 s(a) = (1 a) et b(a) = (a 1) , pour a 2 B , sont des morphismes d'algebres, correspondant aux morphismes source et but d'un groupode. Lorsque = "3 , on retrouve la notion de bigebrode introduite par G. Maltsiniotis dans [4] ; lorsque B = k , on obtient la notion duale a la notion de quasi-bigebre (\quasibialgebra") introduite par Drinfeld [3]. Theoreme. Soit L = (L; ; ; ) un quasi-bigebrode de base B . Alors il existe sur Comod(L) une structure naturelle de categorie monodale, qu'on notera Rep(L); en outre le foncteur oubli U : Rep(L) ?! Mod(B) commute aux produits tensoriels et envoie l'objet unite I sur B . Demonstration. | 1) Si X1 = (V1 ; 1 ) et X2 = (V2 ; 2 ) sont des L -comodules a droite, leur produit tensoriel est, par denition, le L -comodule a droite X1 X2 = (V1 B V2 ; ), ou = X1;X2 : V1 B V2 ?! V1 B V2 B L . Que soit une coaction a droite resulte de la condition (QB1) et cette construction est clairement fonctorielle. 2) L'objet-unite est deni par I = (B; s), ou s : B ! L = B L est deni ci dessus. Il resulte de (QB2) que s est une coaction et de (QB3) que I est neutre a droite et a gauche pour le produit tensoriel. 3) La contrainte d'associativite a . Soient trois L -comodules a droite Xi = (Vi ; i ) pour i = 1; 2; 3. Considerons aX1;X2;X3 = X1;X2;X3 : V1 B V2 B V3 ?! V1 B V2 B V3 . Il resulte de (QB4) que aX1;X2;X3 est un morphisme de comodules de (X1 X2) X3 vers X1 (X2 X3), et a est clairement fonctoriel. De (QB5) resulte que a rend commutatif le pentagone de MacLane, de (QB6), que a est compatible a l'unite, et de (QB7), que a est un isomorphisme. tu Denition. Soit L = (L; ; ; ) un quasi-bigebrode de base B . On appelle tressage de L tout element R de C 2(B) veriant les conditions suivantes : (T1) 21 R = R dans C 2(L) ; (T2) R ( Be 1L ) = 312 R13 ?1321 R23 dans C 3(B) ; (T3) R (1L Be ) = ?2311 R13 213 R12 ?1 dans C 3(B) ; (T4) R est inversible dans C 2(B) . 4 Theoreme. Soit L un quasi-bigebrode de base B . La donnee d'un tressage de L denit un tressage dans la categorie monodale Rep(L) . L = (L; ; ; ). Soient X1 = (V1 ; 1 ), X2 = (V2 ; 2) deux objets de Rep(L). On note V1;V2 : V1 B V2 ! V2 B V1 l'echange des facteurs. Soit RX1 ;X2 l'application V1;V2 RX1;X2 de V1 B V2 dans V2 B V1 . Il resulte de (T1) que RX1;X2 est un morphisme de L -comodules a droite de X1 X2 vers X2 X1 , et de (T4), que c'est un isomorphisme. La fonctorialite de R est immediate. Les hypotheses (T2) et (T3) assurent la commutativite des deux hexagones de MacLane. ut Demonstration. Soit R un tressage de Denition. Soit L = (L; ; ; ) un quasi-bigebrode de base B . On appelle antipode de L la donnee d'un element S de C 1(Lo ) et de deux elements , de C 1(B), veriant : (A1) S : L ?! Lo est un morphisme de cogebrodes; (A2) s = (S 1L ); (A3) b = (1L S ); (A4) (1L S 1L ) = " = ?1 (S 1L S ); ( s et b sont denis dans la remarque). On dit qu'un quasi-bigebrode L est un quasi- bigebrode de Hopf s'il possede un antipode (S; ; ), avec S bijectif. C une categorie monodale de produit tensoriel , d'objet unite (strict) I et de contrainte d'associativite a , X et Y des objets de C , et e : X Y ! I , h : I ! Y X des morphismes de C . On dit que (X; Y; e; h) est une dualite de C si 1 (1 h) = 1 et (1 e)a (e 1X )a?X;Y;X X X Y Y;X;Y (h 1Y ) = 1Y . Le choix pour chaque objet X de C d'une dualite (_X; X; eX ; hX ) determine un foncteur contravariant \dual a gauche" _? de C dans C . En particulier, dans la categorie proj(B ) des B -modules projectifs de Rappels. Soient type ni sur une algebre commutative B , on a pour chaque objet V une dualite canonique (V ; V; eV ; hV ), ou V = HomB (V; B), eV : V B V ! B est l'evaluation, et hV : B ! V B V la co-evaluation (c'est-a-dire l'application B -lineaire qui envoie 1 sur l'element de V B V correspondant a 1V dans l'isomorphisme canonique V B V ' EndB (V )). D'ou un foncteur dual a gauche qu'on note ? . 5 Theoreme. Soient L = (L; ; ; ) un quasi-bigebrode de base B , C la sous-categorie monodale pleine de Rep(L) formee des L -comodules a droite qui sont projectifs de type ni sur B , et (S; ; ) un antipode de L . Alors la categorie C est autonome a gauche, et plus precisement, on peut construire pour chaque objet X de C une dualite (_X; X; eX ; hX ) , de sorte que le foncteur oubli commute aux foncteurs \dual a gauche" (autrement dit : U _? =? U ). De plus, si L est un quasi-bigebrode de Hopf, la categorie C est autonome. Demonstration. Soient V un B -module a droite projectif de type ni, et (V ; V; eV ; hV ) la dualite canonique. Soit une coaction a droite de L sur V , et X = (V; ). Soit 0 = (1V B S )L;V (eV B 1L B V )(1V B B 1V )(1V B hV ) : V ?! V B L . Il resulte de (A1) que 0 est une coaction a droite de L sur V . Soit _X le comodule (V ; 0 ). Posons e = eV (1V B X ) et h = (X B 1V ) hV . Il resulte de (A2) et (A3) que e est un morphisme de comodules de _X X vers I , et h , de I vers X _X . Il resulte de (A4) que (_X; X; e; h) est une dualite de Rep(L). Il resulte aussi de (A4) que si f est un morphisme de C , U (_f ) = U (f ) (transpose de U (f )). Si S est un isomorphisme, soit Y = (W; 0 ) un L -comodule a droite, et supposons W projectif de type ni comme B -module. Posons V = W , de sorte que W s'identie a V . Soit = (1V B eV B S ?1)(1V B V B L;V )(1V B 0 B 1V )(hV B 1V ) : V ?! V B L . Alors est une coaction a droite de L sur V , d'ou un comodule X = (V; ), et Y s'identie a _X , donc admet X pour dual a droite. ut References bibliographiques. [1] A. BRUGUIE RES, Theorie tannakienne non commutative, Preprint Univ. Paris VII, No. 69, 1993 (a para^tre dans Comm. in Algebra). [2] P. DELIGNE, Categories tannakiennes, in The Grothendieck Festschrift, II, Progress in Mathematics, 87, Birkhauser, 1990, pp. 111{195. [3] V. G. DRINFELD, Quasi-Hopf Algebras, Leningrad Math. J., Vol. 1, No. 6, pp.14191457, 1990. [4] G. MALTSINIOTIS, Groupodes quantiques, C. R. Acad. Sci. Paris, t. 314, Serie I, pp. 249{252, 1992. Universite Paris VII, UFR de Mathematiques, URA n 212, 2, Place Jussieu, 75251 Paris CEDEX 05, France. 6