Taux d`utilisation des capacités de production : une mesure de la

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Taux d’utilisation des capacités de production : une mesure de la performance
globale d'une économie en développement
Helali KAMEL *
(Version provisoire)
Résumé
En courte période, les décisions de production s’avèrent, on le sait, le plus souvent sous
optimales, les quantités produites pouvant être différentes du minimum du coût total moyen,
(KLEIN, 1960 ; BERNDT & MORRISON, 1981). Cette sous optimalité serait imputable à la fois à une
mauvaise gestion des firmes et à certaines « défaillances » institutionnelles. Il en résulte un décalage
entre la capacité de production et la production effective, le rapport entre ces deux variables étant le
taux d'utilisation de la capacité de production « TUCP » (MORRISON, 1985 ; GASPER & DEVINDER,
1997). Cet indicateur s’avère crucial en ce sens qu’il permet d’évaluer la performance productive
d’une économie, voire de l'ensemble de ses secteurs d’activité. En référence à une littérature
désormais abondante relative au TUCP dans la mesure de la performance économique (MORRISON,
1985), nous nous proposons dans ce travail d’évaluer la performance productive de l’économie
tunisienne.
Notre démarche est pour l’essentiel empirique utilisant la spécification Translog pour
l’estimation du TUCP. Après avoir rappelé les hypothèses théoriques relatives à ce type de
fonctions (i.e. fonction coût Translog, équations part du travail et d’énergie, équation part de capital
fictif) (BERNDT & MORRISON, 1981 ; BERNDT, SHOWALTER & WOOLDRIDGE, 1990), nous opérons
un calcul des élasticités relatives à la capacité de production de court et de long terme appréhendées
comme étant des variables explicatives de la variation des facteurs de production (travail et
énergie). Le tableau sera complété par un calcul des élasticités de capital à long terme, (BERNDT &
HESSE, 1986 ; GASPER & DEVINDER, 1997).
Au plan de l'analyse empirique stricto sensu, l'étude se propose de mesurer la performance
productive de l'économie tunisienne au moyen de l'estimation des paramètres associés d'un système
intégrant la fonction coût total moyen et de ses parts. Les données utilisées ressortent d'une enquête
annuelle couvrant l'ensemble des secteurs d'activité pour la période 1961-1998.
Mots clés : Taux d'Utilisation de la Capacité de Production - Performance - Productivité.
*Centre de Recherche En Macroéconomie - Département des Méthodes Quantitatives Appliquées-
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Sfax
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I- Introduction
Parmi les indicateurs de performance de l'appareil productif, figure le taux d'utilisation des
capacités de production "TUCP". Ce taux se calcule en référence à la capacité de production qui a
été l'œuvre d'une laborieuse construction à travers le développement de la théorie de la production.
En effet, cette notion remonte aux travaux pionniers de CASSELS (1937) qui a défini la capacité de
production d'une firme comme étant l'output qui correspond au minimum du coût total moyen de
long terme. La contribution de CASSELS est remarquable car elle donne une notion claire de la
capacité de production. KLEIN (1960) a noté que la supposition de CASSELS était limitée, puisque à
long terme les courbes de coût total moyen peuvent avoir la forme de "L". Ceci rend difficile la
détermination du minimum du coût total moyen à court terme. Dans ce cadre, Klein a modifié la
proposition de CASSELS en spécifiant que la capacité de production doit correspondre au point de
tangence des courbes du coût total moyen à court et à long terme. HICKMAN (1964) a repris les
travaux faits par KLEIN en précisant que la firme ne doit pas changer sa technologie en agissant sur
la quantité de son stock d'inputs quasi-fixes.
La notion de la capacité de production, dite aussi production potentielle, fait appel à deux
grands concepts. La première, fait référence à la production maximale qu'il est possible de réaliser à
court terme compte tenu des facteurs de production variables et fixes. La deuxième est celle d'une
production optimale au sens économique du terme qui maximise le profit ou minimise les coûts.
Dans ce sens, on peut parler d'une capacité de production optimale rentable. Parmi les méthodes du
premier type, proposées pour la mesure de la production potentielle, on cite la procédure d'OKUN, la
méthode des pics introduite par le "Wharton Economic Forecasting Associates", et la méthode
fondée sur l'évolution de la productivité apparente du capital. Toutes ces méthodes se fondent sur
des données macro-sectorielles; leur champ d'application est le plus souvent le secteur industriel.
Ce taux d'utilisation, constituant un indicateur de performance productive, a été lié à la
mesure du taux d'utilisation de capital « TUK ». La définition de l’utilisation optimale ou de plein
emploi des facteurs variables est strictement reliée à la notion du TUK. BETANCOURT (1985, 1987)
se réfère au TUK comme étant la durée d’opération d’un processus productif. Il observe que le taux
d’utilisation des équipements à une période donnée peut varier à travers deux dimensions, la durée
et l’intensité. La vitesse d’opération est typiquement supposée constante et les variations
d’utilisation sont incluses dans le changement de la durée pendant une période de temps donnée.
Cependant, le stock de capital optimal ou la décision de capacité sont des concepts de long terme.
Ainsi, comme la firme ajuste son stock de capital dans le long terme, la capacité de production
s’ajuste à un nouveau niveau optimal de long terme (MORRISON, 1988).
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Le TUCP qui représente la proportion de la capacité disponible est défini comme le ratio de
l’output actuel par rapport à la mesure de la capacité (MORRISON, 1985). Selon les fondements
économiques, cet indicateur peut être mesuré de deux manières différentes. La première mesure est
définie comme le ratio de l’output observé à la capacité de production et qui représente l’approche
standard. La deuxième le mesure comme l’output de l’efficacité technique à la capacité (FÄRE & all,
1989). Cette mesure élimine le biais qui peut provenir de l’inefficience technique.
Pour parvenir à cet objectif, nous allons procéder, dans une première partie, à une
introduction théorique sur la notion de la capacité de production comme outil nécessaire à la
détermination du TUCP. L’idée de capacité de production était assimilée à la capacité de production
du capital, cette assimilation présente désormais des limites. En effet, les chercheurs ont abandonné
la notion du service du capital et ont construit une théorie se basant sur le stock du capital. Ceci a
orienté les développements dans le sens d'une mesure du TUCP devant la faiblesse du TUK. Le
TUCP est défini comme le rapport de la production observée à la capacité de production. Cette
dernière correspond au minimum de la courbe de coût total moyen ou encore au point de tangence
des courbes du coût total moyen à court et à long terme, si l'on suppose que les rendements
d’échelle sont constants à long terme. Si ce taux est inférieur (supérieur) à l’unité, où le coût
d’usage de capital est inférieur (supérieur) à son coût fictif, il y aura une sous-utilisation (sur-
utilisation) des capacités de production. Ainsi, le système productif est inefficace (efficace).
Dans une seconde partie, on s’intéressera au préalable, à la mesure du TUCP à partir de la
spécification Translog. Ainsi, on étudie la fonction coût Translog à facteurs quasi-fixes, et on
présentera les développements théoriques relatifs à cette fonction coût duale de la fonction de
production. En se basant sur les hypothèses de régularité de cette fonction, on ajoutera les équations
parts de travail et d'énergie afin d’améliorer la qualité des paramètres estimés. A court terme, le
capital est fixe. Pour tenir compte de celle-ci, on introduira la notion de coût fictif «Shadow Price »,
qui représente le changement du coût variable par rapport au capital. Ainsi, on ajoutera l'équation
part de capital fictif au système d'équations à estimer. De là, le système sera formé de l'équation
coût variable moyen, l'équation part de travail et l'équation part de capital, tout en respectant les
conditions de courbure de la fonction coût. En deuxième lieu, on calculera les élasticités relatives à
la capacité de production de court et de long terme comme explicatives des variations entre les
facteurs de production ainsi que les élasticités de capital à long terme.
L'étude de performance de l'économie tunisienne au niveau global et sectoriel sera basée sur
les valeurs obtenues du TUCP. L'économie et les secteurs seront jugés performants si les taux
trouvés sont égaux ou proches de l'unité, et inefficaces dans le cas contraire. Notre objectif est donc,
l'évaluation de la performance de l'économie tunisienne à partir de l’estimation du TUCP. En fin,
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les différents résultats obtenus seront discutés et interprétés tout en mettant l'accent sur le fait que
ces derniers restent tributaires des données utilisées.
II- Méthodologie
2-1- La capacité de production
On distingue en général deux grandes notions de capacité de production appelée également
« production potentielle ». La première fait référence à la production maximale qu’il est possible de
réaliser compte tenu des facteurs de production fixes à court terme, typiquement le stock de capital.
Cette notion n’a de sens que si l’on postule une élasticité de substitution nulle ou du moins très
faible entre les facteurs de production fixes et les facteurs de production variables à court terme. Il
s’agit d’une capacité de production technique.
La seconde notion est celle d’une capacité de production optimale au sens économique du
terme. Ce concept vise ainsi à prendre en compte le comportement des entreprises compte tenu des
contraintes de court terme qui s’imposent à elle, notamment la fixité du stock de capital. Le concept
de capacité optimale rejoint dans ce cas celui de capacité désirée : c’est le niveau de production qui
maximise le profit ou minimise les coûts. On peut alors parler de capacité de production optimale
rentable. La notion d’optimalité peut aussi relever d’une approche plus macro-économique.
2-2- Le taux d’utilisation de la capacité de production
Le taux d’utilisation des capacités de production manufacturières noté « TUCP » est un
indicateur clé de la performance économique d'un pays qui mesure la contribution des biens
d’équipements dans la réalisation de l'output. Les mesures de la croissance de productivité sont
sensibles aux variations de ce taux. Ainsi la disponibilité d’une mesure du TUCP n’est pas
seulement utile à l'élaboration de la politique économique, mais aussi à développer les mesures
empiriques appropriées pour évaluer la performance économique nationale et sectorielle. Cet
indicateur est toujours défini comme le rapport de la production effective à la capacité de
production et s’interprète comme une mesure du déséquilibre entre demande et offre potentielles.
Le taux d’utilisation dérivé de la notion de capacité optimale est généralement supérieur au taux
d'utilisation des capacités techniques. Il peut, en outre, être supérieur à 100%.
Les firmes opèrent à la capacité optimale quand leur stock de capital est à un certain niveau
optimal de long terme. La capacité de production « *
Y
» est définie comme le niveau d’output
auquel le stock de capital de court terme est optimal. Notons que le taux d’utilisation des capacités
de production est un indicateur de court terme puis que *
Y
dépend du niveau du stock de capital
existant. En utilisant le théorème d’enveloppe, nous pouvons identifier *
Y
comme le niveau
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d’output associé au point de tangence entre la courbe du coût total moyen de court terme « CTMCT »
et celle de long terme « CTMLT ». Le taux d’utilisation des capacités est défini comme suit :
*
TUCP Y Y=, où Y le niveau d’output observé à court terme.
BERNDT & FUSS (1986) définissent le TUCP comme le rapport de l’output actuel (Y) au
niveau d’output auquel CTMCT est minimum (Y*). A l'équilibre de long terme, à rendements
d’échelle constants, le niveau d’input qui minimise le CTMCT et CTMLT est pris pour Y (t) = Y*
(t), ou encore TUCP = 1. L’équation fondamentale de l’approche de Berndt et Fuss est
() ()
() () ()
KK
Yt
pt Z t p t
Kt
=≠
où ZK (t) le coût fictif de capital et pK(t) son coût d’usage.
L’étude de MORRISON (1985) démontre que certaines mesures cycliques, en particulier le
"TUCP", ne sont pas déterminées au hasard mais représentent des résultats symétriques d’un
processus d’optimisation économique rationnelle entrepris par la firme, qui selon BERNDT &
MORRISON (1981) résulte d'une structure dynamique d’optimisation. En effet, MORRISON A
développé une approche générale pour déterminer une mesure du TUCP liée à la valeur fictive de
l’input quasi-fixe à savoir le capital. Comme ces mesures sont calculées sans un cadre
d’optimisation économique, elles dépendent explicitement du processus de production et des
variables exogènes. De là, elles fournissent plus d’information utile à l’interprétation par rapport
aux mesures traditionnelles.
2-3- La fonction coût à facteurs quasi-fixes
Au cours de l'estimation des formes flexibles fonctionnelles, les économistes affrontent
beaucoup de problèmes lors de l'estimation d’une fonction de production ou d'une fonction coût.
Selon DIEWERT & WALES (1987), se sont les conditions de courbures (concavité, convexité, quasi-
convexité) qui sont imposées par la théorie économique. DIEWERT (1974) définit une forme
fonctionnelle flexible d’une fonction coût comme la forme qui fournit une approximation
différentielle de second ordre pour satisfaire l’homogénéité linéaire par rapport aux prix. Une
condition nécessaire et suffisante pour qu’une fonction coût moyen soit deux fois dérivables, est
qu’elle soit convexe et sa matrice des dérivés secondes partielles soit définie positive.
La fonction théorique coût à facteurs fixes, duale de production, remonte à LAU (1976,
1978) où il a introduit une notion équivalente à celle de profit, restreinte et normalisée, elle-même
dérivée des travaux de MAC FADEN (1966). LAU n’avait alors fait qu’évoquer l’intérêt des fonctions
à facteurs quasi-fixes pour mettre en évidence l'existence d'une dynamique différente entre le court
et le long terme. C’est en fait cette voie de recherche qui a mis en valeur ces fonctions sous le nom
«d'équilibre temporaire». De nombreuses spécifications ont pu alors être testées, leur objet est
d’exprimer les coûts d’ajustement par un système de demande de facteurs où figurent, outre leurs
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