Rapport du Groupe de travail sur le généralisme et les généralistes

1
Définitions de généralisme et généraliste
Rapport du Groupe de travail sur le généralisme et les généralistes
Unité du développement, des innovations et des stratégies déducation
Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada
Juillet 2013
Contexte
Avant-propos
La production du présent rapport constitue une synthèse des contributions intellectuelles
d’un groupe d’individus consciencieux qui ont participé à la conférence consensuelle formelle
sur le généralisme en médecine. Cette activité s’est déroulée le 21 février 2012 au siège
social du Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada, à Ottawa, en Ontario. Le
groupe de travail souhaite exprimer ses remerciements à toutes les personnes qui ont
partagé leur perspective sur la signification du généralisme en médecine. Le présent rapport
se fonde sur les résultats de cette conférence et s’appuie sur lapport des experts qui ont
participé à l’ensemble du processus visant à dégager un consensus.
Le groupe de travail est reconnaissant envers les Instituts de recherche en santé du Canada
(IRSC) pour l’appui financier accordé à ce projet1.
Introduction : Définir le problème
Il se manifeste au sein du système de santé canadien une conviction, toutefois non vérifiée,
que le généralisme et un nombre grandissant de médecins généralistes seront à la base de
la coordination des soins; cette fonction est de plus en plus lacunaire dans notre système de
santé et, par conséquent, de multiples spécialistes individuels prennent en charge des
épisodes de soins indépendants en apparence. L’interrelation du généralisme en médecine
est un thème privilégié de discussion parmi les spécialistes et les médecins de famille, les
gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les ordres de médecins, les
universitaires et les organismes de recherche. Ces discussions ont principalement porté sur
le nombre et l’éventail de médecins, des généralistes2 aux surspécialistes, de même que sur
les répercussions sur la planification des effectifs, l’éducation médicale et l’accès aux soins.
Cependant, il apparaît clairement dans la littérature ainsi que dans les discussions avec les
principales parties intéressées par ce débat qu’il manque une définition commune du terme
« généralisme » en médecine, et plus particulièrement en ce qui concerne l’éducation
médicale; cette lacune a freiné la capacité des différents intervenants du domaine de la
santé à faire avancer le dossier, utilisant un vocabulaire ayant un sens commun pour tous,
au chapitre de l’accès en temps opportun aux soins dont ils ont besoin, dispensés par les
fournisseurs les plus appropriés tout au long du continuum.
1 The Development of a National Consensus on the Definition of Generalism in Medicine, subvention pour réunions,
planification et dissémination, Instituts canadiens de recheche en santé (No 236835).
2 Dans le présent document, les généralistes comprennent les praticiens qui prodiguent des soins primaires ou
spécialisés dans le cadre d’une pratique élargie.
2
Définitions de généralisme et généraliste
Reconnaissant cette lacune, le Collège royal des médecins et chirurgiens du Canada a tenu
une Conférence consensuelle canadienne sur le généralisme en médecine (CCC) financée
par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC). La CCC s’est attachée à apporter
des réponses à cinq conséquences principales :
Le généralisme constitue une valeur très estimée de la culture médicale; pourtant, il
n’existe pas de commun accord au sujet d’une définition du généralisme en
médecine.
En l’absence d’une définition reconnue par tous, les établissements de formation
médicale et les enseignants cliniques sont laissés à eux-mêmes pour interpréter et
enseigner les compétences, les attitudes et les valeurs du généralisme.
La planification en vue d’établir une combinaison adéquate et un nombre approprié
de généralistes, de spécialistes et de surspécialistes pour répondre aux besoins de la
société se complique davantage par la multitude d’interprétations de la définition, ce
qui suscite de nouveaux débats pour déterminer quelles disciplines satisferaient aux
principes du généralisme (c.-à-d. les disciplines généralistes).
Le manque de consensus pour préciser lesquels des fournisseurs sont des
généralistes nuit au dialogue concernant l’accès en temps opportun aux soins
adéquats dispensés par le fournisseur le plus approprié, tout au long du continuum.
Une compréhension incorrecte des répercussions du généralisme à la fois sur les
ressources humaines de la santé et sur le système de santé peut nuire à l’élaboration
de politiques et de stratégies ciblées, et éventuellement entraîner des conséquences
non intentionnelles néfastes.
Objectifs de la conférence
La CCC visait principalement à :
1. atteindre un consensus sur la définition du généralisme en médecine;
2. relancer un débat à l’échelle nationale sur l’avenir du généralisme en médecine,
incluant ses rapports avec : a) l’éducation médicale, b) les ressources humaines de
la santé (RHS) et le système de santé;
3. discuter de stratégies à l’appui du développement du généralisme en médecine au
Canada.
Résultats : Définitions proposées
Le premier objectif de la conférence consistait à atteindre un consensus sur la définition du
généralisme en médecine comme étape initiale par rapport à des discussions et des
décisions futures concernant les ressources humaines de la san, l’éducationdicale, la
formation et le système de santé, entre autres. Les participants ont souligné la nécessité
d’établir une définition positive et inclusive qui valide l’importance du spécialiste autant que
celle du généraliste dans la pratique médicale, et qui est centrée sur le bien-être des
patients et les besoins de la collectivité.
Les participants étaient d’avis que l’utilisation d’un seul terme global, « généralisme »,
n’établissait pas de distinction entre la philosophie du généralisme en médecine et le rôle
spécifique du généraliste au sein du système de santé. Afin de délimiter ces deux concepts,
les participants ont proposé l’emploi de deux termes interreliés : généralisme et généraliste.
3
Définitions de généralisme et généraliste
Les participants ont proposé que le terme « généralisme » soit utilisé pour désigner une
philosophie en médecine qui peut être considérée comme une valeur essentielle et un
principe fondamental que tous les médecins devraient comprendre et incorporer à divers
degrés dans leur pratique :
Les participants ont proposé que le terme « généraliste » puisse être employé pour désigner
un sous-ensemble de médecins possédant un groupe unique de compétences.
Implicitement, ce terme exprime le concept selon lequel un médecin peut être un
spécialiste3 tout en étant en même temps considéré comme un généraliste en fonction de la
nature de sa pratique.
Le généralisme : Une approche en matière de soins de santé
Comme il a été décrit ci-dessus, le concept de généralisme en médecine devrait être adopté
et mis en pratique par tous les médecins. En tant que sous-ensemble des soins axés sur le
patient et avec des médecins ayant la capacité de fournir un vaste éventail de services
relevant de leur discipline, le généralisme est considéré comme l’antonyme de la
fragmentation.
Ayant validé le concept d’un spectre allant des généralistes aux surspécialistes, les
participants à la conférence ont perçu ce continuum comme un facteur fondamental
relativement à la fonction du généralisme dans la
pratique. La place qu’occupe un médecin dans le
spectre influence l’application, l’intégration et
l’utilisation de la philosophie du généralisme dans sa
pratique. La responsabilité du professionnel et son
rôle dans la collectivité déterminent également
l’application du généralisme.
Pour illustrer un exemple d’approche généraliste, un
cardiologue qui suit un patient diabétique hospitalisé
3 Bien que le terme « spécialiste » se définisse de plusieurs façons différentes, le présent document l’utilise
conformément à la définition traditionnelle selon laquelle un « spécialiste » est un médecin qui est considéré
comme un expert dans une discipline particulière.
Le généralisme est une philosophie de soins qui se traduit par un engagement envers
l’étendue et la variété de la pratique au sein de chaque discipline et une collaboration
avec l’équipe de soins de santé dans son ensemble afin de répondre aux besoins des
patients et de la collectivité.
Les généralistes sont un groupe particulier de médecins et de chirurgiens dont les
compétences fondamentales se caractérisent par une pratique généralisée. Les
généralistes diagnostiquent et prennent en charge des problèmes cliniques variés,
indifférenciés et souvent complexes. Les généralistes jouent aussi un rôle essentiel dans
la coordination des soins aux patients et ils défendent leurs intérêts.
L’importance attribuée au
généralisme diffère... selon l’endroit
où l’on se situe dans ce spectre.
Dr Jeffrey Turnbull
4
Définitions de généralisme et généraliste
Il importe beaucoup plus de savoir
quelle sorte de patient est affecté
par la maladie plutôt que de
découvrir la sorte de maladie dont
souffre le patient.
Sir William Osler
pour une insuffisance cardiaque congestive devrait être en mesure d’ajuster les
médicaments du patient pour le diabète sans l’aiguiller vers un endocrinologue, à moins
qu’il ne s’agisse d’un cas atypique ou que cela soit nécessaire afin de prodiguer les meilleurs
soins à ce patient. À l’opposé, un chirurgien orthopédiste qui n’applique pas le concept du
généralisme dans sa pratique offrira un éventail plus restreint de services aux patients. Par
exemple, un chirurgien orthopédiste dans une petite collectivité dont la pratique est axée
sur la chirurgie de l’épaule et du coude examine, durant son service de garde, un patient qui
nécessite une intervention pour une légère fracture à la cheville. Au lieu de répondre aux
besoins de ce patient, il le redirige vers un chirurgien orthopédiste spécialiste du pied et de
la cheville dans une autre ville. Ce type de pratique occasionne une croissance de la
fragmentation des soins.
Les participants à la conférence ont convenu que, même si l’on nécessite les interventions
de généralistes et de spécialistes afin d’assurer une réponse appropriée aux besoins en
soins de santé des Canadiens, tous les médecins doivent adapter le concept de généralisme
dans leur pratique.
Les généralistes : Un ensemble unique de caractéristiques
Les participants à la conférence ont défini séparément le terme « généraliste » comme étant
nettement différent du concept du généralisme. Alors que le généralisme décrit une
philosophie de pratique, les généralistes sont présentés comme un sous-groupe de
médecins qui possèdent un ensemble particulier de compétences et qui assument des rôles
distincts au sein du système de santé. Les généralistes ont une pratique vaste et globale qui
les met en contact avec des patients et des problèmes diagnostiques indifférenciés. Les
participants ont dégagé trois éléments essentiels du rôle et des responsabilités des
généralistes :
a) Les généralistes comme gestionnaires de l’ensemble des besoins des
patients
Les participants ont constaté que l’une des
forces fondamentales du médecin généraliste
réside dans sa connaissance de tous les
aspects de la vie du patient donnant lieu à des
interventions efficaces, et dans sa prise en
charge de problèmes indifférenciés et d’états
de santé multiples. Comme l’a fait remarquer
la participante Ivy Oandasan : « Il faut que
quelqu’un connaisse le patient en tant qu’enti
globale... et qui cela pourrait-il bien être si
nous nous définissons tous comme étant des
spécialistes? »
Les généralistes sont capables d’offrir un vaste éventail de soins de santé en suivant
les relations entre les maladies ou les systèmes dans le corps humain. Grâce à cette
compréhension, ils excellent dans l’établissement de diagnostics différentiels,
particulièrement dans le cas de patients présentant des problèmes complexes ou
indifférenciés. Le généraliste, conscient des circonstances sociales des patients, a la
capacité de comprendre ceux-ci dans le contexte de leur univers et est par
conséquent en mesure d’intervenir efficacement afin détablir l’ordre de priorité des
soins.
5
Définitions de généralisme et généraliste
La responsabilité de coordonner... À
mon avis, il s’agit d’un aspect
crucial pour un généraliste.
Dr Ian Bowmer
Exemple en contexte de pratique :
Un interniste généraliste reçoit un patient affecté de multiples probmes de santé
préexistants, dont une cardiopathie et le diabète, et qui a maintenant contracté une
maladie infectieuse. Ce médecin est capable, non seu
lement de diagnostiquer et de
prendre en charge la nouvelle maladie (grave), mais aussi de continuer à exercer
une surveillance des maladies préexistantes dans le nouveau contexte; il transmet
ces informations au médecin traitant afin de veiller à la santé
du patient dans son
ensemble.
b) Le rôle des généralistes dans la coordination des soins
Les participants ont dégagé un solide consensus au sujet de l’importance du rôle des
généralistes en ce qui concerne la coordination des soins dans le contexte de la
pratique clinique. À leur avis, ce rôle constitue un aspect primordial de la
responsabilité des généralistes. Le Dr Bill Fitzgerald a validé cette affirmation en
exprimant le commentaire suivant : « Le généraliste agit de telle sorte que les
besoins d’un patient seront satisfaits. »
Les participants ont reconnu que la
coordination des soins constitue un moyen
d’affronter les défis inhérents au
cheminement dans le système de santé. Ils
ont souligné les problèmes qu’ont vécu leurs
patients pour accéder aux divers services du
système et passer de l’un à l’autre parce
qu’ils fonctionnent comme des entités
distinctes cloisonnées. Ce cheminement s’est
avéré particulièrement difficile pour ceux qui
souffraient de maladies chroniques multiples.
Même si les généralistes ne sont pas nécessairement capables de fournir tous les
soins que requiert l’état d’un patient, ils ont effectivement un rôle à jouer
relativement à l’orientation d’un patient dans le système en s’assurant que celui-ci
obtient les soins dont il a besoin au moyen d’aiguillages appropriés et en conservant
la responsabilité de l’ensemble des soins au patient à mesure qu’il chemine dans le
système. Les participants ont néanmoins convenu que ce rôle de coordination des
soins ne signifie pas que les généralistes sont confinés au domaine des soins
primaires; plutôt, tous les médecins devraient faciliter lorientation et aider à susciter
un souci général pour un traitement cohérent dans le contexte de tous les contacts
avec la profession médicale.
Exemple en contexte de pratique :
Une médecin de famille suit u
n patient atteint de schizophrénie chronique, mais bien
contrôlée. À chaque visite périodique, elle évalue le patient pour des changements
marqués qui dépassent la portée de son champ de pratique dans le but d’alerter le
patient à l’égard d’une éventuelle nécessité d’aiguillage vers un psychiatre. Elle veille
à ce que les renseignements concernant les consultations du patient chez le
psychiatre soient consignés dans son dossier, examine le patient en vue de déceler
des effets secondaires métaboliques de médicaments antipsychotiques et s’assure de
prescrire, pour soigner les autres maladies graves ou émergentes du patient, des
1 / 16 100%