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La coqueluche : recrudescence,
situation en Wallonie et prise en charge
Véronique Zinnen Stéphanie Jacquinet Carole Schirvel
Cellule de surveillance des maladies infectieuses, Direction Générale de la
Santé, Fédération Wallonie-Bruxelles/Région Wallonne
Contact
surveillance.sante@cfwb.be
070/246046
Introduction
« Bordetella Pertussis », bactérie coccobacille à Gram
négatif, est responsable de la coqueluche et son réservoir est
strictement humain.
Les mécanismes physiopathologiques de cette infection
comportent deux phases qui sont importantes à distinguer car
chacune va déterminer la méthode diagnostique, la contagiosité
et le traitement :
La phase de colonisation : Bordetella pertussis s'installe au
niveau de la trachée ou des bronches et se fixe sur les cellules trachéales ciliées. Durant cette phase
de contagiosité la bactérie peut être décelée localement, la gravité et la durée de la maladie
peuvent être réduites par un traitement précoce.
La phase toxémique : le germe se multiplie à l'extérieur des tissus et synthétise des toxines
(Pertussis Toxin) qui détruisent des cellules ciliées et qui agissent également au niveau systémique
entrainant une augmentation des lymphocytes. Au cours de cette phase, l’infection à B. pertussis
devient difficilement contrôlable par des agents antimicrobiens.
La maladie était et reste un problème de santé public majeur :
La maladie reste très dangereuse pour les nourrissons.
La recrudescence amorcée depuis deux à trois décennies se poursuit
et n’épargne pas la Belgique et ce, malgré une bonne couverture
vaccinale.
Très contagieuse : un contact fugace avec un malade peut suffire. 1
cas primaire peut être responsable de 15 à 17 cas secondaires
(Heininger 2012).
Maladie à déclaration obligatoire dès suspicion.
RMC 2015-1- article de synthèse
2
Clinique, morbidité et complications
Lincubation dure en moyenne 7 jours (5-21 jours).
La contagiosité lors de l’évolution naturelle de la maladie est maximale durant la phase
catarrhale (durée 1 à 2 semaines). Elle débute quelques jours avant cette phase et décroît après
celle-ci, pour persister environ 21 jours. La contagiosité en cas de traitement antibiotique
approprié s’arrête après 3 à 5 jours.
Les symptômes
La toux prolongée est le symptôme majeur. Cela peut aller de quintes de toux épuisantes, suivies
d’une inspiration sifflante, chant du coq, vomissement, avec cyanose et apnée chez les nourrissons ou
alors ce sont des formes beaucoup moins spectaculaire (pauci ou asymptomatique).
"Pertussis is a chameleon that can present as anything from rhinitis and
unspecific mild cough to classical textbook presentation… Can last
between a few days to several weeks or even months" (Heininger 2012)
La morbidité et les complications
La morbidité est sous-estimée et est très peu évaluée en Belgique.
Il est généralement admis que les taux les plus élevés de complications, d’hospitalisation et de décès
liés à la coqueluche se rencontrent chez les nourrissons non vaccinés ou n’ayant pas encore
complété leurs trois premières doses de vaccin.
L’hospitalisation :
Concerne, selon le rapport européen de 2010, 9% de tous les cas de coqueluche et 35%
des enfants. Les patients plus âgés seraient également plus souvent hospitalisés, en
fonction des études, cela concernerait 5 à 12% des plus de 50 ans.
Est une cause importante d’admission en Unité de Soins Intenifs pour problèmes
respiratoires chez les nourrissons.
La nature même des symptômes est gênante, longue et invalidante
pour les patients et interfère avec leur sommeil et leurs activités. Une
étude canadienne a montré que la durée moyenne de la toux était de
10 à 12 semaines (De Serres et al 2000).
Si la coqueluche peut exacerber la symptomatologie chez des
patients atteints de maladies respiratoires chroniques, elle peut aussi
entrainer de nombreuses complications chez les adultes et les
adolescents. Une étude canadienne qui a suivi plusieurs centaines
de cas a démontré que 28% d’adultes et 16 % d’adolescents avaient
développé des complications (pneumonie, incontinence urinaire,
sinusite, fracture de côte, perte de connaissance (De Serres et al 2000). Des AVC sont aussi
rapportés chez personnes âgées (Cherry 2010).
Le délai pour faire le diagnostic est important, l’étude canadienne démontre que seuls 58% des
cas étaient diagnostiqués durant la première visite, 27% durant la seconde, 10% à la troisième et
5% après 4 visites ou plus (De Serres et al 2000).
L’impact économique est également important, une étude aux USA a estimé que le coût par
épisode infectieux allait de 2.000 à 14.000 $ (McGuiness et al 2013).
La maladie affecte également l’entourage familial qui doit notamment veiller durant de
nombreuses nuits leurs enfants malades ce qui augmente davantage le coût socio-économique.
La mortalité
Black et al rapportent qu’au niveau mondial, environ 195.000 enfants de moins de 5 ans sont morts à
cause de la coqueluche en 2008 ce qui représentait 2% de tous les décès (Black et al 2010). La
létalité est communément évaluée entre 0,2 à 1% mais dans les pays en développement, elle atteint
environ 4% (Lavine et al 2010, Chiappini et al 2013, WHO 2010). Il est généralement admis qu’environ
3
90% des décès liés à la coqueluche concernent les nourrissons de moins de 6 mois et ils surviennent
davantage encore chez les moins de 2 mois (Chiappini et al 2013, Celentano et al 2005, Zepp et al
2011).
Diagnostic
S’il est reconnu que les présentations atypiques sont en augmentation, la toux persistante est
souvent le seul signe qui pourrait suggérer le diagnostic.
La PCR est un examen rapide et très sensible s’il est réalisé moins de 3 semaines après le début
de l'infection. La sérologie détermine le titre des anticorps IgG dirigés contre la toxine pertussique et
est utile comme aide au diagnostic lorsque la suspicion de coqueluche n'a pas été immédiate et par
conséquent que les prélèvements ont été faits au-delà du délai de 3 semaines, ce qui est fréquent
dans les cas d'infection chez les adultes où les symptômes sont peu typiques.
Epidémiologie
Réémergence globale
La coqueluche reste endémique au niveau mondial avec 40 millions cas/an (WHO 2011). L’incidence
avait diminué drastiquement après l’introduction de la vaccination (1950 & 60). Depuis les années 80
(USA) et 90 & 2000 (Europe), une importante recrudescence de la maladie est enregistrée malgré une
bonne couverture vaccinale dans les pays concernés.
émergence en Belgique/Wallonie
Elle est confirmée depuis 1997 avec deux premiers pics épidémiques, en 2007 et 2012 ; mais en
2013, le nombre de cas en Wallonie bat un nouveau record : 409 cas notifiés, soit un taux de
déclaration de 11,5 nouveaux cas/100.000 habitants pour 112 cas en 2012 avec un taux de
3,2/100.000. Par comparaison, l’incidence moyenne rapportée en Europe en 2011 était de
4,9/100.000. Aucun décès n’a été rapporté en 2013 (pour 3 décès en 2011 et deux en 2012).
Nombre de cas et taux de déclaration
Le nombre de cas déclarés en Wallonie est en nette augmentation. Malgré cette augmentation
importante qui est due en partie à une nette amélioration de la déclaration et du système de
surveillance, par rapport à 2012, une sous estimation de l’incidence reste probablement d’actualité en
Belgique. Une des raisons de non reportage, est le sous-diagnostic ou le diagnostic tardif des cas.
Pourtant, différentes études rapportent que 13 à 33% d’adultes avec une toux prolongée sont atteints
de coqueluche (WHO 2010, Zepp et al, Lancet 2011, Cherry, Cl Infect Dis 2010).
CHOIX DU
TEST
Début des
symptômes
Moins de 3
semaines
3 semaines
ou plus
Sérologie
4
Les autres raisons de l’augmentation des cas qui sont généralement mentionnées sont :
La baisse de l’immunité.
De meilleurs tests diagnostics.
Une sensibilisation des médecins.
La circulation du pathogène dans la population : une étude réalisée en Belgique en 2012 chez des
personnes âgées de 20 à 39 ans a révélé que 4% avaient les signes d’une infection contractée
dans les deux dernières années et que 4% avaient des anticorps reflétant la présence d’une
infection aigue ; ces résultats mettent donc en évidence la présence d'un réservoir de Bordetella
pertussis dans la population «saine» belge adulte (K.Huygen et al 2014).
Cas déclarés de coqueluche par âge
En 2013, un cas de coqueluche sur 5 concerne un enfant de moins de 5 ans en Wallonie. Parmi les
enfants de moins d’un an, 76% ont moins de 6 mois.
Age (ans)
Fréquence
Pourcentage
% cumulés
< 1
51
12,7%
12,7%
1 - 4
32
8,0%
20,7%
5 - 14
81
20,2%
40,8%
15 - 24
38
9,5%
50,3%
24 - 44
89
22,1%
72,4%
45 - 64
82
20,4%
92,8%
5
29
7,2%
100,0%
Total
402*
100,0%
100,0%
En ramenant le nombre de cas à la population de chaque tranche d’âge, le nombre de nouveaux cas
pour 100.000 est nettement supérieur pour les enfants de moins de 5 ans. Si on ne prend que la
catégorie d’enfants de moins d’un an, le taux de déclaration s’élève à 129 nouveaux cas pour 100.000
et ce chiffre est cohérent avec un phénomène épidémique. En Belgique, la moyenne d’âge des cas
a augmenté avec le temps, elle était de 10 ans en 1990 et de 34 ans en 2009 (Vincent et al 2011).
≥≥ 65
Classe d'âge (an)
Nbre cas/100.000
Taux de déclaration de cas de coqueluche par classe d'âge en
Wallonie en 2013
40,1
19,2
8,6
9,7
8,5
4,8
0,0
5,0
10,0
15,0
20,0
25,0
30,0
35,0
40,0
45,0
0 - 4
5 - 14
15 - 24
25 - 44
45 - 64
65
5
Hospitalisation
Sur l’ensemble des cas, 13,6% ont été hospitalisés et chez les moins d’un an c’est 81%.
Classification diagnostique des cas
13% étaient des cas probables (diagnostiqués par la clinique avec lien épidémiologique) et 87%
étaient des cas confirmés par le laboratoire (56% par sérologie et 31% par PCR). En fait la méthode
diagnostique diffère par classe d’âge : la confirmation par laboratoire se fait dans plus de 95% des cas
chez les moins d’un an et essentiellement par PCR. Puis la tendance commence à s’inverser et c’est
la sérologie qui prédomine alors chez les adultes.
Cas de coqueluche déclarés en 2013 et statut vaccinal
Parmi l’ensemble des cas, 49% étaient vaccinés (nombre de doses inconnu), 33% ne l’étaient pas et
18% ne connaissaient pas leur statut vaccinal. Pour les enfants de 2 mois à < 5 ans, on constate
que 45% n’ont reçu aucune dose vaccinale.
Et en 2014…
A la fin du 3ème trimestre2014, il y avait déjà 675 cas notifiés.
Groupes à risque de développer des formes graves
Les nourrissons mal vaccinés ou non vaccinés (en particulier, ceux de 0 à 15 mois n’ayant pas
reçu les 3 premières doses et ceux de 15 à 24 mois n’ayant pas reçu 4 doses).
Les sujets atteints de pathologies cardiaques ou pulmonaires chroniques.
Les sujets immunodéprimés.
En cas de Grossesse :
Il n’y a pas de morbidité accrue, pas de transmission intra-utérine et pas de risque
particulier sauf en début de grossesse (induction de contractions par la toux et possibilité
de fausses-couches sur ces contractions).
En fin de grossesse, il y a un risque de transmission au nouveau-né après la naissance
partir de la 30ème semaine et jusqu'à la fin de la grossesse, il convient d’éviter le retour
dans la collectivité où des cas ont été déclarés ou suspectés).
Statut vaccinal par tranche d'âge (n = 258)
0%
10%
20%
30%
40%
50%
60%
70%
80%
90%
100%
>2 - 4 mois
(n=4)
5 mois - < 12
mois (n=14)
1 - 4 (n=22)
5 - 14 (n=61)
15 - 24 (n=24)
24 - 44 (n=55)
45 - 64 (n=56)
65 (n=22)
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