Berlin, le mouillage de mines et les preparatifs de !'operation Overlord 837
pression etait dangereusement basse, aussi decida-t-il une fois de plus de !arguer
ses bombes plus tot et de rentrer. Quelque quinze ou vingt minutes plus tard, il vit
un chasseur de nuit decoller bien en dessous et commencer a monter vers lui en
decrivant de larges cercles avec ses feux de navigation allumes. Quand le
chasseur atteignit environ 7 ooo pieds, ii eteignit ceux-ci, mais une autre lumiere
permit a Fillion de bien suivre sa progression. Finalement, le Canadien ouvrit le
feu
et
l'ennemi « s'enflamma brusquement ... et s'abattit
».La
victime etait sans
aucun doute un equipage duHimmelbettretenu pour abattre les appareils errants.
Fillion atteignit la France cependant, ou, avec une temperature d 'huile beaucoup
trop elevee et une pression chutant, les quatre moteurs se gripperent et il s 'ecrasa
pres
d'
Abbeville42• Deux membres de son equipage echapperent a la capture et,
traversant la France avec I' aide de la resistance, rentrerent a Landres a la fin
mars I 944. Toutefois, comme quelque 2
700
autres aviateurs canadiens, Fillion
et ses autres compagnons furent faits prisonniers, Fillion lui-meme pres
d'
Arras.
L'experience de prisonnier de guerre de chaque homme fut differente, « cer-
tains broyant du noir en silence jusqu
'a
devenir fous
OU
a meme
Se
suicider
»,la
plupart demontrant « une volonte norm ale d
'en
tirer le meilleur parti, un refus de
se laisser abattre
»43.
Certains essayerent de s'evader, mais bien moins que ne le
pretend la croyance generale. « Une etude officielle demandee par la RAF imme-
diatement apres la guerre fit remarquer que « !es gens sont disposes a imaginer
que lorsqu'un homme est capture, ii desire automatiquement s'evader et que ce
ne sont que les difficultes physiques qui I' en empechent. Ce n
'est
pas vrai. Seul
un petit pourcentage de prisonniers de guerre tentent continuellement de
s'eva-
der;
tot ou tard, la majorite accepte la captivite et essaie de l'endurer avec autant
de bonne humeur que possible
»44.
Cela ne trahissait ni de la frousse
ni
!'absence
du sens du devoir, mais etait plutot
I'
affirmation forte de !'instinct de survie ainsi
que
«de
la force d'inertie
».
Une fois
qu'un
prisonnier avait atteint « l'isolement
des fils de fer barbeles
»,
sa « premiere sensation en etait une de soulagement.
II
avait cesse au moins
d'etre
expose en
public».
Apres avoir ete devisage, designe du doigt, separe de ceux qui l'entouraient par des
gardiens particuliers, peut-etre interroge pendant de longues heures,
ii
se retrouvait
parrni ses concitoyens. D'entendre sa propre langue lui remontait le moral et
ii
pouvait a
nouveau rire sans se sentir coupable de fraternisation avec l'ennemi ; a I 'interieur du
camp,
ii
pouvait se deplacer ou et quand cela
Jui
faisait plaisir.
Lorsque ces premieres sensations s 'etaient epuisees,
d'
autres prenaient leur place. Le
simple fait d'etre
un
prisonnier offrait des possibilites sans fin. Un homme pouvait rever
de lire
Jes
pieces de Shakespeare, d'apprendre des langues etrangeres, de jouer du piano,
de faire quelques-unes des choses qu'il avait souvent reve de faire, mais pour lesquelles
le temps
Jui
avait manque45.
II
y avait des hommes pour qui
Jes
fils de fer barbeles etaient un symbole de securite.
En tant que prisonniers de guerre, ils consideraient qu'ils n'avaient aucune responsabi-
lite. Yous ne deviez pas chercher votre nourriture ou la payer. Yous pouviez lire, peindre,
jouer des pieces ou jouer du trombone, dormir pendant de longues heures et manger
quand vous en aviez envie. Yous
ne
deviez pas sortir ou vous habiller
le
dimanche. Yous
n' etiez jamais seul
...
Les reglements n
'e
taient pas nombreux et complexes, mais stricts
et faciles a comprendre46.