colonnes de réfugiés et le martyre des villes polonaises, hollandaises, françaises et
britanniques.
En fin de compte, si les raids contre le littoral français furent très critiqués (notamment par les
SR français) en raison de l’absence de précision des attaques et des pertes sévères subies par
les populations civiles, les historiens rendirent finalement justice aux aviateurs en soulignant
que ces bombardements avaient eu leur utilité. Tout d’abord, ils avaient sévèrement amoindri
la disponibilité des navires visés. L’exemple du Scharnhorst est caractéristique : une bombe
non explosée était tombée tout près de sa coque, dans son bassin, et le navire dut être déplacé
à l’amarrage, où des Beaufort purent le toucher d’une torpille qui le rendit indisponible
pendant plusieurs semaines. Ni lui ni le Gneisenau (endommagé quelque temps auparavant)
ne furent capables de se lancer dans l’Atlantique au moment où le Bismarck tentait de percer
par le Détroit du Danemark. De plus, ces raids mobilisèrent une part croissante de l’armement
anti-aérien lourd produit par l’industrie allemande, c’est à dire, pour une grande partie, des
canons de 88 mm. Lors de l’opération Barbarossa, un an plus tard, les divisions d’infanterie
de la Heer n’avaient en dotation, en moyenne, que la moitié des matériels de DCA prévus. Or,
les canons de 88 mm se trouvaient être ceux dont elles allaient avoir un besoin vital lors de
leur confrontation avec les chars lourds soviétiques
Pendant ce temps, en sens inverse, les raids sur Londres n’avaient pas complètement cessé : si
la Luftwaffe avait envoyé le gros de ses bombardiers au sud pour le “Blitz Malte-Tunis” et
pour l’opération Merkur, elle continuait à envoyer des Bf 109 Jabo à basse altitude sur le sud
de l’Angleterre. De nouveaux raids de bombardement classique eurent même lieu dans les
derniers mois de 1941 et au début de 1942, l’activité aérienne s’étant un peu calmée en
Méditerranée. Pour riposter, le Fighter Command décida de maintenir une activité de
patrouille aérienne sur zone et élabora des missions offensives spécifiques : Rhubarb
(ratissage et attaque d’objectifs d’opportunité), Ramrod (escorte de bombardiers contre des
cibles proches attaquées de jour) ou Rodeo (missions de chasse destinées à ouvrir le chemin
aux attaques Ramrod). Mais si ces missions s’intégraient parfaitement dans la stratégie
d’attaque du littoral, français notamment, les portes du Reich profond, elles, restaient closes,
du moins de jour. Pour des motifs politico-économiques, décision fut prise à ce moment d’en
rester là et de se tourner vers les bombardements de nuit.
L’Angleterre était en effet entrée en guerre sans le matériel ni la doctrine adéquats pour mettre
en œuvre les grandes théories du bombardement stratégique. Cependant, l’Air Marshal Peirse,
patron du bombardement, parvint à rallier la Navy à ses vues en ce qui concernait l’usage des
bombardiers lourds. Les ports et les chantiers où étaient fabriqués les terribles U-Boots, Kiel
notamment, reçurent des visites régulières avec des objectifs stratégiques clairement définis :
non plus l’élimination d’un navire particulier, mais la réduction de l’activité d’un port ou d’un
chantier. C’est dans ce cadre que s’inscrivit le premier raid de bombardement à très haute
altitude (VHA), mené le 21 juillet 1941 contre Wilhelmshaven par une douzaine de
Wellington VI (stratosphériques). Ce raid fut très efficace, même si cette réussite ne pouvait
faire oublier l’aspect en général aléatoire des bombardements VHA.
La bataille de l’Atlantique prenant peu à peu bonne tournure et surtout les chaînes de
production des bombardiers montant en charge, le Bomber Command put commencer à s’en
prendre à des objectifs non directement liés à la guerre sur mer. Ainsi, les usines Renault, dont
l’Intelligence Service estimait alors les capacités de production à plus de 18 000 véhicules par
an, reçurent plusieurs fois la visite de la RAF, occasionnant de nombreux dégâts, jusqu’à ce
qu’une opération spectaculaire de la Résistance rendît la répétition de tels raids inutile.
A la fin de 1941, la situation s’était bien améliorée pour le Bomber Command : les effectifs
s’étaient étoffés (le programme de formation des pilotes au Canada donnait toute satisfaction),
les matériels étaient disponibles : le Halifax tenait ses promesses, le Lancaster était attendu
sous peu ; et la doctrine avait mûri. En effet, on avait arrêté de travailler dans l’urgence pour