Résultats scientifiques marquants de l’Institut de Biologie Structurale pour l’année 2009 Une seconde pour sonder des nanomachines moléculaires au niveau atomique Le Laboratoire Résonance magnétique nucléaire (IBS/LRMN) a développer une nouvelle approche, basée sur la RMN, permettant de réduire considérablement le temps nécessaire pour sonder, au niveau atomique, des assemblages biomoléculaires de grandes tailles. Pour cela, les chercheurs ont combiné trois technologies : la technique de RMN de marquages isotopiques spécifiques, l’utilisation de spectromètres RMN opérant à des champs magnétiques élevés et une technique récemment mise au point à l’IBS, la RMN rapide qui accélère l’enregistrement des spectres RMN. Les temps d’analyse passent ainsi de plusieurs minutes à quelques secondes ce qui ouvre un nouveau champ de recherche dans l’étude structurale de ces assemblages. Cette nouvelle approche devrait en effet permettre l’accès à des informations cinétiques sur les mécanismes de repliement ou d’auto-organisation de ces assemblages biomoléculaires. De plus, elle constitue une avancée importante pour observer en temps réel le fonctionnement des nanomachines biologiques telles que les chaperonnes, peptidases ou moteurs moléculaires. J Am Chem Soc, 131(10) : 3448-9 / Contact : Jérome Boisbouvier (LRMN) Les pili, une cible potentielle pour un nouvel antibiotique Les mécanismes de la biogénèse des pili du pneumocoque ont été décryptés par trois laboratoires de l’IBS (LIM, LMES et LPM). Les pili sont des attributs protéiques filamenteux situé en surface des bactéries pathogènes leurs permettant d’adhérer aux cellules hôtes. Ces structures complexes constituent un atout pour les bactéries dans le processus infectieux, notamment pour le pneumocoque dont la pathogénicité est en partie dépendante de la présence de ces pili. Au cours de leurs travaux, les chercheurs ont effectué la caractérisation fonctionnelle et structurale des pili du pneumocoque, déterminé les structures cristallographiques d’enzymes impliquées dans leur biogenèse et étudié les fonctions de ces enzymes. Ils sont ainsi parvenus pour la première fois à synthétiser in vitro des fibres mimant les pili du pneumocoque. Ces travaux confirment que les pili représentent une cible thérapeutique potentielle pour le développement d’un nouvel antibiotique capable de lutter contre cette bactérie responsable de plus de 1 600 000 morts chaque année, suite à des infections de type pneumonies, septicémies et méningites. Structure, 16, 1838-1848 / Contact : Andréa Dessen (LPM) Une protéine fluorescente destinée à l’imagerie du corps entier Un chercheur de l'IBS a participé, au sein d’un laboratoire de l'Université de Californie (San Diego), à la mise au point d'une protéine fluorescente utilisable en imagerie du corps entier. Si la GFP (green fluorescent protein) a révolutionné la biologie cellulaire, elle n’a connu qu’un succès limité en imagerie du corps entier, car les tissus riches en hémoglobine et oxy-hémoglobine absorbent très fortement la lumière en-dessous de 650 nm, soit des UV jusqu'au rouge. En revanche, entre 650 et 900 nm, il existe une fenêtre optique dans laquelle il est possible de faire de l'imagerie de fluorescence sur un animal. Afin de se placer dans cette fenêtre, les chercheurs ont fait évoluer, par mutagenèse dirigée (technique permettant l’introduction volontaire de mutations dans l’ADN), une version tronquée d'un phytochrome (photorécepteur capable de percevoir la lumière rouge) de Deinoccus radiodurans. L'imagerie par tomographie de fluorescence de souris dont le foie a été infecté par un adénovirus exprimant cette protéine fluorescente dans l'Infrarouge a démontré le potentiel de ce nouveau marqueur. Science, 324: 804-807 / Contact : Antoine Royant (LCCP) Mieux comprendre la fonction des protéines : l’apport de la RMN Après l'élucidation de la structure tridimensionnelle d'un grand nombre de protéines, l'attention de la communauté scientifique se tourne maintenant vers la caractérisation de leur fonction biologique et la description de leur multitude d’interactions. Dans ce contexte, le groupe Flexibilité et Dynamique des Protéines a développé une nouvelle approche, basée sur l’utilisation de la spectroscopie RMN et sur les couplages dipolaires résiduels (reflètent l’interaction à travers l’espace entre deux atomes), pour étudier et comprendre l'importance de la flexibilité moléculaire dans les interactions protéine-protéine à l'échelle atomique. S’intéressant à l’ubiquitine (protéine présente dans toutes les cellules) les chercheurs ont ainsi pu, d’une part, déterminer comment elle forme un complexe avec une protéine partenaire via des interactions faibles et, d’autre part, observer ces mouvements propres lorsqu’elle n’interagit pas avec un partenaire. Si elle apparaît globalement rigide sur les échelles de temps allant de la nano à la milliseconde, en revanche quelques boucles de surface de la protéine montrent des mouvements internes permettant à l’ubiquitine de prendre, même en l’absence de son partenaire, un grand nombre de conformations (structure d’une protéine en trois dimensions), dont certaines sont nécessaires à la formation du complexe avec son partenaire. Ces résultats ont fait l’objet d’un News and Views dans le numéro de juin de Nature. Angewandte Chemie, 48(23) : 4154-57, Nucleic Acids Res., 37(9) : e70 / Contact : Martin Blackledge (FDP) Institut de Biologie Structurale J.P. Ebel, 41 rue Jules Horowitz, F-38027 GRENOBLE Cedex 1 - www.ibs.fr Tél. 04 38 78 95 50 - Fax 04 38 78 54 94 - courriel : [email protected] Synthèse sur les enzymes les plus vieilles du monde Pour saluer leur expertise dans le domaine, la revue Nature, dans sa rubrique Insight review, a demandé à des chercheurs du Laboratoire de cristallographie et cristallogenèse des protéines (IBS/LCCP) de rédiger un article de synthèse sur les métalloenzymes, une classe de protéines capables de métaboliser différents gaz chez des organismes anaérobies (i.e. capable de vivre dans un milieu dépourvu d’oxygène). L’équipe, ayant notamment fait progresser la connaissance des rapports entre structure et fonction, y décrit donc plusieurs enzymes métabolisant des gaz tels que l’hydrogène (H2), le monoxyde et dioxyde de carbone (CO, CO2) ou le méthane (CH4) et met ces données en perspective pour tenter de définir le lien qui unit ces protéines à la chimie des origines de la vie. En effet, l’une des hypothèses sur les origines de la vie postule que le métabolisme primordial s’est développé dans des conditions extrêmes de température et dans une atmosphère riche en H2, CO ou CO2. Or, les organismes qui se développent actuellement dans de telles conditions (fumeurs noirs, sources thermales…) le font essentiellement grâce à l’énergie obtenue à partir des métalloenzymes. Nature, 460 (7257): 814-22 / Contact : Juan Carlos Fontecilla (LCCP) Infertilité masculine : un nouveau mode de lecture du code des histones Les scientifiques grenoblois de l’IBS, du Laboratoire européen de biologie moléculaire (EMBL) et de l’Institut Albert Bonniot ont étudié les secrets de la rapidité des spermatozoïdes. Cette dernière étant cruciale pour la fertilité, les spermatozoïdes ont développé des stratégies pour acquérir un hydrodynamisme exceptionnel. Dans les cellules, l’ADN est une molécule longue et encombrante. Par commodité, il est conditionné en une structure complexe appelée chromatine dans laquelle les longs brins d’ADN s’enroulent autour de protéines, les histones. Ces protéines sont marquées par des étiquettes chimiques qui agissent comme un code dirigeant les changements de structure de la chromatine. Avec ces travaux, les chercheurs ont montré comment la protéine Brdt reconnaît ces étiquettes pour diriger le reconditionnement de l’ADN du sperme et mis en évidence une nouvelle façon de lire le code des histones. Ces recherches devraient permettre de mieux comprendre certains problèmes rencontrés lors du développement des spermatozoïdes et d’identifier comment cette protéine est impliquée dans l’infertilité masculine. Nature, 461(7264): 664-8 / Contact : Carlo Petosa (MMIP) Division du pneumocoque : structure d’un assemblage de protéines jouant un rôle central Le Laboratoire d'ingénierie des macromolécules de l'IBS a déterminé la première structure en solution d'un complexe, constitué de trois protéines, jouant un rôle central dans le processus de division d'une bactérie pathogène : le pneumocoque. Ces travaux qui ont largement fait appel aux ressources du Partenariat pour la biologie structurale de Grenoble, ouvrent la voie vers une compréhension détaillée des mécanismes moléculaires de la division bactérienne et, à terme, vers la mise au point de nouveaux antibiotiques. J Biol Chem, 284 : 27687-700 / Contact : André Zapun (LIM) Protéines et sucres s’allient contre le VIH Des chercheurs de l’IBS en collaboration avec l’Institut Pasteur et l’Université d’Orsay ont développé une nouvelle molécule appelée mCD4-HS, capable de bloquer l’entrée du VIH dans les cellules. Association originale entre un peptide (mCD4) et un oligosaccharide d’Héparane Sulfate (HS), cette molécule, lorsqu’elle entre en contact avec l’enveloppe du virus, induit d’importants changements structuraux et inhibe simultanément l’ensemble des sites de liaison nécessaires au VIH pour s’attacher à sa cible cellulaire. Bloqué à l’extérieur, le virus est alors incapable de se multiplier. Des activités antivirales très élevées ont été obtenues in vitro sur plusieurs souches de virus. Cette molécule dont la synthèse et le mécanisme d’action sont parfaitement maitrisés a de nombreux avantages, et sera prochainement l’objet de tests in vivo. Nature Chem Biol , 5, 743-748 / Contact : Hugues Lortat-Jacob (LEM) Comment une protéine fluorescente change t-elle de couleur ? Des chercheurs Laboratoire de cristallographie et cristallogenèse des protéines (IBS/LCCP) viennent de décrypter le mécanisme permettant à une protéine fluorescente « photoactivable » de changer de couleur. Les protéines fluorescentes de la famille GFP sont extrêmement populaires car ce sont d’excellents marqueurs pour l’imagerie cellulaire. Ces dernières années de nouvelles protéines fluorescentes, dites photoactivables, ont été développées dont les propriétés de fluorescence changent en fonction des conditions selon lesquelles elles sont illuminées. Parmi ces protéines, EosFP émet de la fluoresce normalement verte, mais lorsqu’on l’illumine avec de la lumière violette, sa fluorescence devient rouge. Ce mécanisme de photo-conversion implique la cassure de la chaîne peptidique de la protéine par un mécanisme jusqu’à ce jour mal compris. En utilisant une modélisation de la protéine et les structures cristallographiques des états verts et rouges de EosFP, les chercheurs ont décrit les différents états d’excitation par lesquels passe la protéine, aboutissant à la cassure de la chaîne peptidique et à l’émission de fluorescence rouge. Ce travail permet d’envisager le développement de variants améliorés pour obtenir des images de cellules vivantes avec une résolution nanomètrique. J Am Chem Soc., 131(546) :16814-23 / Contact : Martin Field, Dominique Bourgeois (LDM et LCCP) Institut de Biologie Structurale J.P. Ebel, 41 rue Jules Horowitz, F-38027 GRENOBLE Cedex 1 - www.ibs.fr Tél. 04 38 78 95 50 - Fax 04 38 78 54 94 - courriel : [email protected]