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LES ITEMS DE
NOVEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 9
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
ITEM 225
ITEM 243
ITEM 336
ITEM 187
Insuffisance
veineuse chronique
Varices
Insuffisance surrénale
chez l’adulte et
chez l’enfant
Hémorragie
méningée
Fièvre chez
un patient
immunodéprimé
ITEM 80
Anomalie de la vision
d’apparition brutale
Supplément au tome 65 - numéro 9 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément
TOUS DROITS RESERVES - LA REVUE DU PRATICIEN
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Les items de
larevuedupraticien
VOL. 65 n NOVEMBRE 2015
Items
80
225
243
336
187
314, Bureaux de la Colline,
92213 Saint-Cloud Cedex
Tél. : 01 55 62 68 00 Fax : 01 55 62 68 12
[email protected]
www.larevuedupraticien.fr
DIRECTION GÉNÉRALE-DIRECTION DES PUBLICATIONS
Alain Trébucq (6903) [email protected]
DIRECTION DES RÉDACTIONS MÉDICALES
RÉDACTEUR EN CHEF
Jean Deleuze
RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT
Marie-Aude Dupuy
SECRÉTARIAT DE LA RÉDACTION
Patricia Fabre
COMITÉ DE LECTURE ET DE RÉDACTION SCIENTIFIQUE
Jean-Noël Fiessinger, Jean-Michel Chabot, Jean-François
Cordier, Claude-François Degos, Richard Delarue, Jean
Deleuze, Olivier Fain, Bernard Gavid, Alexandre Pariente,
Alain Tenaillon
A COLLABORÉ À CE NUMÉRO
Hélène Esvant
RELECTEURS ET CONSEILLERS SCIENTIFIQUES 2014-2015
P. Bartolucci, J. Belaisch-Allart, J.-F. Bergmann, P. Bey,
O. Bouchaud, B. Cariou, D. Choudat, P. Couratier,
N. Danchin, Y. Dauvilliers, X. Deffieux, J.-C. Delchier,
J.-R. Delpero, F. Desgrandchamps, F. Doz, I. Durrieu,
M. Ferreri, T. Girard, C. Glorion, O. Gout, C. Gras-Le Guen,
P. Guggenbuhl, A. Hartemann, K. Hoang-Xuan, D. Houssin,
C. Isnard-Bagnis, X. Jouven, D. Lebeaux, V. Leblond,
C. Lepage, O. Lortholary, J.-L. Mas, G. Meyer, J.-F. Nicolas,
J. Orgiazzi, P. Parize, É. Pautas, L. Peyrin-Biroulet,
P.-F. Plouin, G. de Pouvourville, B. Riou, C. Robert,
M. Tauber, C. Tourette-Turgis, P. Yeni
Anomalie de la vision d’apparition brutale
Règles générales de prise en charge
de l’ulcère variqueux
Cécile Formel
ITEM 243
ITEM 336
ITEM 187
Insuffisance surrénale
chez l’adulte et
chez l’enfant
Hémorragie
méningée
Fièvre chez
un patient
immunodéprimé
ITEM 80
Anomalie de la vision
d’apparition brutale
Supplément au tome 65 - numéro 9 de la revue principale • Ne peut être vendu séparément
Sudden vision loss
Sofiane Laribi, Pierre-Yves Robert
› FOCUS Item 225 • e88
DIRECTRICE ARTISTIQUE
W W W. L A R E V U E D U P R AT I C I E N . F R
Insuffisance
veineuse chronique
Varices
Item 80 • e83-87
RÉDACTION EN CHEF TECHNIQUE
Chantal Trévoux (6806) [email protected]
NOVEMBRE 2015 _ TOME 65 _ NUMÉRO 9
ITEM 225
Sommaire
COMITÉ D’HONNEUR
Dominique Laplane
LES ITEMS DE
General rules for management ulcer
of varicose
Jean-Philippe Galanaud, Isabelle Quéré
SECRÉTAIRE DE RÉDACTION
Cristina Hoareau
Item 225 • e89-95
RÉDACTEURS-RÉVISEURS
Virginie Laforest, Jehanne Joly
Insuffisance veineuse chronique. Varices
larevuedupraticien
Jean-Philippe Galanaud, Isabelle Quéré
est une publication de GLOBAL MÉDIA SANTÉ SAS
Principal actionnaire : ATMED SAS
www.globalmediasante.fr
› FOCUS Item 243 • e96
®
Les pièges diagnostiques de l’insuffisance
surrénale aiguë
Capital de 4 289 852 e
Durée de 99 ans à compter du 30.03.99
N° de commission paritaire : 0217 T 81658
Impression RAS
Villiers-le-Bel (95400)
Chronical venous insufficiency.
Varicose veins
Diagnostic pitfalls of acute adrenal
insufficiency
Mélanie Philippon, Frédéric Castinetti, Thierry Brue
Item 243 • e97-103
Insuffisance surrénale chez l’adulte et l’enfant
Adrenal insufficiency
Mélanie Philippon, Frédéric Castinetti, Thierry Brue
› FOCUS Item 336 • e105-106
Imagerie de l’hémorragie méningée
Subarachnoid hemorrhage Imaging
Grégoire Boulouis, Denis Trystram, François Nataf,
Christine Rodriguez, Bertrand Devaux, Catherine Oppenheim,
Jean-François Meder, Olivier Naggara
Item 336 • e107-112
Hémorragie méningée
La revue adhère à la charte de formation médicale
continue par l’écrit du Syndicat de la presse et de l’édition
des professions de santé (SPEPS) et en respecte les règles.
(Charte disponible sur demande).
Reproduction interdite de tous les articles sauf accord avec
la direction.
Les liens d’intérêts des membres du Comité
de lecture et de rédaction scientifique sont
consultables sur www.larevuedupraticien.fr
(Qui sommes-nous ?).
Subarachnoid hemorrhage
Grégoire Boulouis, Denis Trystram, François Nataf,
Christine Rodriguez, Bertrand Devaux, Catherine Oppenheim,
Jean-François Meder, Olivier Naggara
Item 187 • e113-122
Fièvre chez un patient immunodéprimé
Sébastien Gallien, Jean-Michel Molina
Acute fever in an immunocompromised
patient
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Item 80
ANOMALIE DE LA VISION
D’APPARITION BRUTALE
Sofiane Laribi1, Pr Pierre-Yves Robert2
1. Interne, ophtalmologie, CHU de Limoges, 87000 Limoges, France
2. Chef de service ophtalmologie, CHU de Limoges, 87000 Limoges, France
[email protected]
Le contexte général est précisé : antécédents oculaires, terrain
cardiovasculaire, prise de médicaments.
objectifs
DIAGNOSTIQUER une anomalie de la vision
d'apparition brutale.
IDENTIFIER les situations d'urgence
et PLANIFIER leur prise en charge.
L
es anomalies de la vision d’apparition brutale sont un motif
fréquent de consultations aux urgences ophtalmologiques.
Les causes en sont nombreuses et certaines constituent
de véritables urgences diagnostiques et thérapeutiques.
Orientation diagnostique
Interrogatoire Un interrogatoire bien conduit permet de suspecter très fortement le diagnostic et de bien orienter son examen clinique et les
examens complémentaires pertinents.
On fait préciser au patient le type d’anomalie de la vision :
myodésopsies, phosphènes, ou véritable baisse d’acuité visuelle.
La notion de métamorphopsies fait évoquer une origine maculaire
alors qu’une altération du champ visuel oriente vers une pathologie du nerf optique ou une cause neurologique.
La rapidité d’installation est plutôt brutale dans une occlusion
artérielle ou veineuse rétinienne alors qu’elle est rapidement
progressive dans un décollement de rétine. La date de début a
souvent une valeur pronostique. Les circonstances d’apparition
sont importantes (traumatisme, obscurité, matin au réveil).
Le caractère unilatéral fait évoquer une atteinte du globe oculaire alors qu’une atteinte bilatérale oriente vers une atteinte
chiasmatique ou rétrochiasmatique. Les signes associés doivent
être recherchés : douleur oculaire (superficielle ou profonde),
céphalées, nausées, vomissements, diplopie…
Examen clinique
Dans la plupart des causes ophtalmologiques, l'examen clinique permet à lui seul de faire le diagnostic. Il est toujours bilatéral et comparatif.
On réalise une acuité visuelle de loin et de près avec correction
optique, une mesure du tonus oculaire, un examen à la lampe à
fente des différentes structures du segment antérieur : cornée
(œdème, précipités rétrodescémétiques, cercle périkératique),
chambre antérieure (profondeur, présence de cellules et de
protéines en suspension définissant l’effet Tyndall), iris (réactivité
pupillaire, présence de synéchies, rubéose irienne évoquant
une néovascularisation) et cristallin (présence ou non d’une cataracte).
Il faut si possible réaliser un examen du fond d’œil après dilatation pupillaire (sauf en cas de suspicion de glaucome aigu).
Un examen de l’oculo-motricité (atteinte des paires crâniennes)
et un examen plus général (signes neurologiques associés, pression artérielle, souffle carotidien, etc.) sont associés.
Examens complémentaires
Ils sont orientés par l’examen clinique.
Une échographie oculaire prend toute son importance en cas
de fond œil inaccessible, de même qu’une angiographie peut
permettre de compléter les données d’un fond d’œil suspect,
renforcée par une OCT (optical coherence tomography) de la
macula ou de la papille si besoin.
Et, selon les données de l’examen, on peut pratiquer des
examens biologiques : vitesse de sédimentation (VS) en cas de
suspicion de maladie de Horton, bilan sanguin, infectieux et
`immunologique en cas d’uvéite) voire une imagerie cérébrale
en urgence (en cas de suspicion d’accident vasculaire cérébral
ou d’affection neurologique).
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RR Item 80
A NOMAL IE DE L A VISION D’APPAR IT ION B R U TAL E
Diagnostic étiologique (fig. 1)
Sur les données de l’examen, on peut classer les causes en
différentes catégories.
Baisse d’acuité visuelle avec œil rouge
et/ou douloureux
1.Kératite aiguë
On retrouve une baisse d’acuité plus ou moins profonde avec
une douleur superficielle, une importante photophobie, à la
lampe à fente un cercle péri-kératique, une ou plusieurs lésions
de cornée avec prise de fluorescéine (fig. 2).
Les causes sont multiples (tableau 1).
2.Uvéite antérieure aiguë
La baisse d’acuité visuelle et la douleur sont variables, l’examen
à la lampe à fente montre un segment antérieur inflammatoire
avec des précipités rétro-cornéens, un Tyndall, des synéchies
irido-cristalliniennes, le tonus peut être élevé (herpès). L’examen
doit être complété par un fond d’œil à la recherche d’une uvéite
postérieure associée.
La prise en charge s’attache à rechercher une maladie inflammatoire associée au bilan biologique (HLA-B27, B51, A29, enzyme
de conversion, bilan d’auto-immunité et sérologies).
Le traitement passe principalement par les collyres antiinflammatoires stéroïdiens et mydriatiques (pour éviter les synéchies).
ANOMALIE DE LA VISION D'APPARITION BRUTALE
Œil rouge et douloureux
✘ Kératite aiguë
✘ Uvéite antérieure aiguë
✘ Glaucome aigu
par fermeture de l'angle
Œil blanc et indolore
Fond d’œil accessible
Fond d’œil inaccessible
✘ Hémorragie intravitréenne
✘ Hyalite
normal
✘ Névrite optique rétrobulbaire
✘ Atteinte chiasmatique
et rétrochiasmatique
✘ Trouble psychogène
anormal
✘ Occlusion d'artère retinienne
✘ Occlusion veineuse rétinienne
✘ Décollement de rétine
✘ Maculopathie
✘ Névrite optique ischémique antérieure
✘ Décollement postérieur du vitré
Anomalie transitoire de la vision
✘ Cécité monoculaire transitoire
✘ Insuffisance vertébro-basilaire
✘ Hypertension intracrânienne
✘ Migraine avec aura
✘ Crise épileptique partielle
FIGURE 1
Diagnostic étiologique d'une anomalie de la vision d'apparition brutale.
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Vol. 65 _ Novembre 2015
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3.Glaucome aigu par fermeture de l’angle
La crise de glaucome par fermeture de l’angle survient sur un
terrain prédisposant (chambre antérieure étroite, forte hypermétropie) et par des facteurs déclenchants (obscurité, collyres ou
médicaments anticholinergiques, stress).
La douleur est intense irradiant dans le territoire du trijumeau
associée à des nausées, des vomissements, des céphalées.
Le tonus est très élevé (bille de verre à la palpation digitale),
on retrouvera un important œdème de cornée, une chambre
antérieure plate, une pupille en semi-mydriase aréflexique.
L’examen de l’œil controlatéral retrouve un angle irido-cornéen
étroit. C’est une urgence thérapeutique majeure avec la perte
totale et définitive de la vision en quelques heures si la crise
n’est pas traitée.
1.Hémorragie intra-vitréenne
Le contexte est évocateur : patient diabétique mal équilibré,
prise d’anticoagulant.
La baisse d’acuité visuelle est plus ou moins intense selon
l’importance de l’hémorragie (de simples myodésopsies en cas
d’hémorragie modérée jusqu’ à la simple perception lumineuse
en cas d’hémorragie massive) et souvent précédée d’une impression de « pluie de suie ».
L’échographie oculaire en mode B prend ici tout son intérêt
notamment afin d’éliminer un décollement de rétine associé relevant d’une prise en charge chirurgicale en urgence.
Les principales causes d’hémorragie intravitrénne sont la rétinopathie diabétique proliférante, les occlusions veineuses rétiniennes,
les déchirures rétiniennes, voire un décollement de rétine, le syndrome de Terson (passage de sang dans l’œil lors d’une hémorragie méningée).
Chez l’enfant, il faut suspecter une maltraitance.
2.Hyalite
C’est une inflammation du vitré retrouvée dans le cadre des
uvéites.
La baisse d’acuité visuelle est plutôt rapidement progressive et
indolore.
À la lampe à fente on retrouve des cellules inflammatoires dans
le vitré (Tyndall postérieur).
FIGURE 2
Kératite bactérienne à hypopion.
FIGURE 3 Macula rouge cerise dans une occlusion de l'artère centrale
de la rétine.
TABLEAU 1
Œil blanc avec fond d’œil inaccessible
Causes des kératites
1. Kératites traumatiques (corps étranger, brûlure, irradiation)
Œil blanc avec fond d’œil anormal
2. Kératites d’exposition (lagophtalmie)
1.Occlusion de l’artère centrale de la rétine (fig. 3)
La baisse d’acuité visuelle est profonde, brutale, indolore, elle
survient en général sur un terrain cardiovasculaire (athéromateux).
À l’examen, on retrouve une pupille en mydriase aréflexique et
au fond œil un œdème rétinien blanc avec une macula rouge
cerise associée à un rétrécissement diffus du calibre artériel et
inconstamment un embol artériel visible.
Il faudra rechercher en priorité un athérome carotidien (dissection carotidienne si le sujet est jeune), une cardiopathie emboligène
ou une maladie de Horton (tableau 2).
3. Kératites bactériennes (abcès de cornée)
4. Kératites virales (Herpes simplex virus, virus varicelle-zona)
5. Kératites fongiques et parasitaires (notamment kératites amibiennes
chez le porteur de lentilles de contact)
6. Kératites immunitaires (polyarthrite rhumatoïde)
7. Kératites par malposition palpébrale (entropion)
8. Syndrome sec sévère
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A NOMAL IE DE L A VISION D’APPAR IT ION B R U TAL E
Anomalie de la vision d’apparition brutale
POINTS FORTS À RETENIR
Savoir évoquer la maladie de Horton devant un trouble
visuel d’apparition brutale du fait du caractère urgent diagnostic
et thérapeutique.
Savoir différencier une occlusion veineuse d’une occlusion
artérielle rétinienne au fond d’œil.
Connaître les caractéristiques sémiologiques orientant vers
une cause cérébrale devant une anomalie de la vision.
FIGURE 4
Occlusion de la veine centrale de la rétine.
TABLEAU 2
2.Occlusion de la veine centrale de la rétine (fig. 4)
Elle survient en général sur un terrain d’hypertension artérielle
et chez le glaucomateux. La baisse d’acuité visuelle est variable
selon le type.
L’examen du fond d’œil retrouve des hémorragies rétiniennes
diffuses en flammèche, une tortuosité et une dilatation veineuse,
un œdème papillaire et des nodules cotonneux.
Le diagnostic est clinique mais l’angiographie permet de rechercher des signes d’ischémie devant conduire à une panphotocoagulation rapide afin de prévenir l’évolution vers un glaucome
néovasculaire.
3.Maculopathie
Chez le sujet âgé, on rencontre principalement la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) compliquée de néovaisseaux chez le jeune les étiologies sont variées (néovaisseaux du
myope fort, choriorétinite infectieuse ou inflammatoire).
Causes des occlusions artérielles
Embolies
Thromboses
Cholestérol, fibrino-plaquettaire
(plaque d’athérome, arythmie)
Artérite inflammatoire (maladie
de Horton, lupus…)
Calcaire (valve cardiaque)
Coagulopathie (déficit en antithrombine III,
protéine C, anticoagulant circulant)
Graisseuse (fracture d'un os long)
Artérite infectieuse (syphilis, virus)
Infectieuse (endocardite)
Artérite radique
Tumorale (myxome de l’oreillette)
Exogène (talc ou Subutex chez les
toxicomanes)
e86
L’apparition de métamorphopsies (vision des lignes déformées)
et d’un scotome central est très évocatrice.
L’angiographie associée à l’OCT de macula permet le diagnostic
et la recherche des signes d’exsudation (liquide sous-rétinien,
décollement de l’épithélium pigmentaire) et la mise en place rapide
d’un traitement par anti-VEGF (vascular endothelial growth factor)
en intra-vitréen.
4.Décollement de rétine
Il se manifeste par un voile augmentant progressivement avec
une baisse d’acuité plus ou moins profonde selon qu’il touche
ou non la macula. La notion de phosphènes est évocatrice de
déchirure rétinienne.
On distingue les décollements de rétine rhegmatogènes (du
liquide passe en sous-rétinien via une déchirure), des décollements
exsudatifs (hypertension artérielle, toxémie gravidique) et des
décollements tractionnels (diabète).
Le diagnostic se fait au fond d’œil, plus ou moins complété par
une échographie oculaire si le fond d’œil n’est pas accessible.
On fait systématiquement un examen de l’œil controlatéral à la
recherche de lésion prédisposant au décollement de rétine et
pouvant bénéficier d’un traitement préventif par photocoagulation
laser.
Le traitement chirurgical est une urgence, le pronostic étant
meilleur lorsque le traitement est précoce. En particulier, le pronostic est meilleur lorsque la macula est restée non décollée
jusqu’au moment de la chirurgie (« macula-ON »).
5.Névrite optique ischémique antérieure
Elle se manifeste par une baisse d’acuité visuelle profonde,
brutale. L’examen montre un déficit pupillaire afférent, au
fond d’œil un œdème et des hémorragies de la pupille. Une
amputation altitudinale du champ visuel est classiquement
retrouvée.
Même si dans 90 % des cas elle révèle une pathologie athéromateuse, il faut surtout éliminer une maladie de Horton du fait du
risque de bilatéralisation qui est prévenu par une corticothérapie
par voie générale en urgence.
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6.Décollement postérieur du vitré
Physiologique avec l’âge, il se manifeste par des myodésopsies.
Il correspond à un phénomène physiologique de contraction du
vitré avec l’âge. Il impose la réalisation d’un fond d’œil au verre
à 3 miroirs car, lorsqu’il existe des lésions prédisposantes en
périphérie rétinienne, c’est au moment où le vitré se décolle que
peut se déclencher un décollement de rétine.
Œil blanc avec fond d’œil normal
1.Névrite optique rétrobulbaire
Le patient subit une baisse d’acuité visuelle unilatérale associée
à des douleurs à la mobilisation oculaire, l’examen clinique étant
peu contributif : « le patient ne voit rien, le médecin non plus ». Le
champ visuel peut retrouver un scotome central. On réalise des
potentiels évoqués visuels à la recherche d’un allongement de la
latence de l’onde P100. Il faudra rechercher des signes neuro­
logiques pouvant faire évoquer une sclérose en plaques. Dans
90 % des cas l’évolution est spontanément résolutive.
2.Atteintes des voies optiques chiasmatiques ou rétro-chiasmatiques
Elles se manifestent par des atteintes bien systématisées au
champ visuel. Une hémianopsie bitemporale doit faire rechercher une lésion du chiasma optique (adénome hypophysaire).
Une hémianopsie ou une quadranopsie latérale homonyme
d’installation brutale doit faire évoquer en priorité un accident
vasculaire cérébral de l’hémisphère controlatéral) et faire réaliser
une imagerie cérébrale en urgence.
Une cécité corticale sur lésion occipitale est rare (infarctus
dans le territoire des artères cérébrales postérieures).
3.Troubles visuels d’origine psychogène
Elle peut se manifester par une baisse d’acuité visuelle uni- ou
bilatérale sans aucun signe objectif à l’examen. Cela reste un
diagnostic d’élimination.
Message de l'auteur
Anomalies transitoires de la vision
Cécité monoculaire transitoire
Les causes d’amaurose transitoire douloureuse sont :
––la dissection de l’artère carotide interne homolatérale ;
––le syndrome d’ischémie oculaire ;
––l'artérite temporale de Horton ;
––la migraine (diagnostic d’élimination).
La disparition complète de la vision de façon unilatérale pendant
quelques minutes (amaurose fugace) est liée à un défaut de perfusion du globe oculaire brutal et temporaire. Il doit faire rechercher
une anomalie carotidienne (sténose ou occlusion athéromateuse
par écho-Doppler) et une cardiopathie emboligène (pathologie valvulaire ou trouble du rythme par ECG et échographie cardiaque).
Le bilan est réalisé en urgence du fait du risque de survenue d’un
accident ischémique (occlusion de l’artère centrale de la rétine, névrite
optique ischémique antérieure ou encore accident vasculaire cérébral). Après 60 ans, il faut savoir évoquer une maladie de Horton.
Insuffisance vertébro-basilaire
Elle se manifeste par une amaurose fugace transitoire bilatérale avec un facteur déclenchant positionnel (rotation cervicale,
lever) et doit faire réaliser une imagerie cérébrale à la recherche
d’une ischémie dans le territoire vertébro-basilaire.
Éclipses visuelles
Un flou visuel aux changements de position peut faire évoquer
une hypertension intracrânienne avec au fond d’œil un œdème
papillaire de stase bilatérale.
Migraine avec aura visuelle
Le diagnostic se fait à l’interrogatoire avec troubles visuels à
type de scotomes scintillants, flashs colorés s’étendant à un hémichamp visuel ou à l’ensemble du champ visuel pendant une
vingtaine de minutes et laissant place à une céphalée pulsatile
controlatérale en hémicrâne. L’examen après la crise est normal.
Crise épileptique partielle
Il est facile de débuter un cas clinique par une anomalie brutale
de la vision dans un cas clinique transversal :
– un patient diabétique mal équilibré développera une rétinopathie
diabétique compliquée d’une hémorragie intravitréenne ;
– un patient hypertendu pourra perdre la vision sur une occlusion
veineuse rétinienne ;
– une maladie de Horton peut être découverte sur une névrite
optique ischémique antérieure, une occlusion artérielle rétinienne,
ou encore une cécité monoculaire transitoire ;
– une pathologie cérébrale pourra être découverte via un trouble
du champ visuel (accident vasculaire cérébral, tumeur).
Une crise à point de départ occipital peut donner une sémiologie hallucinatoire élémentaire latéralisée (phosphène coloré)
qui peut être suivie d’une cécité postcritique tandis qu’une crise
à point de départ temporal peut donner une sémiologie plus
complexe.•
S. Laribi et P.-Y. Robert déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
+
POUR EN SAVOIR ●
Polycopié national du Collège des ophtalmologistes universitaires de France.
Ophtalmologie en urgence, Elsevier-Masson, 2009.
Vol. 65 _ Novembre 2015
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FOCUS
Item 225
Règles générales de prise
en charge de l’ulcère variqueux
Voir l’item complet page e89
et sur larevuedupraticien.fr
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr Jean-Philippe Galanaud, Pr Isabelle Quéré
Service de médecine interne et maladies vasculaires, hôpital Saint-Éloi, CHU Montpellier,
Montpellier, France
[email protected]
L
es ulcères veineux, purs ou associés à une artériopathie,
représentent l’immense majorité des ulcères des membres
inférieurs (> 90 % des ulcères). Devant tout ulcère des membres
inférieurs, chez un patient présentant des signes d’insuffisance
veineuse, la première étape, diagnostique, va constituer à déterminer s’il existe une artériopathie des membres inférieurs associée
(palpation des pouls, mesure de l’index de pression systolique).
En présence d’un index de pression systolique abaissé, il faut
réaliser un écho-Doppler artériel des membres inférieurs et une
mesure de la pression transcutanée en oxygène afin d’évaluer
l’importance de l’artériopathie et les possibilités de cicatrisation
spontanée, sans revascularisation.
En l’absence d’artériopathie associée, il s’agit d’un ulcère veineux
pur. Son traitement est en règle générale ambulatoire et repose
sur des soins locaux et le port d’une compression élastique adaptée
(bandes ou chaussettes). Quelques règles simples doivent alors
être respectées afin d’assurer l’évolution favorable et une prise
en charge optimale :
––port d’une compression élastique et cure de déclivité (lit ou
fauteuil avec jambes surélevées). L’objectif est de traiter l’insuffisance veineuse par tous les moyens. Ceci ne veut pas dire
repos au lit strict. Au contraire, chez le sujet âgé, il est indispensable de prescrire une kinésithérapie de marche pour lutter
contre la grabatisation et l’ankylose de cheville ;
––soins locaux : par une infirmière, en pratique tous les 2 jours
lorsque la plaie est propre et bourgeonnante et tous les jours
en cas de plaie suintante, surinfectée ou fibrineuse à déterser.
Il est important de réaliser une bonne détersion de la plaie
(contrairement à l’ulcère artériel non revascularisé), puis d’appliquer un pansement gras pour favoriser la cicatrisation (une
plaie cicatrise mieux en milieu humide) ;
––en l’absence de signes de surinfection locaux (plaie suintante,
malodorante, peau périphérique inflammatoire…) ou généraux
(fièvre, syndrome inflammatoire biologique), il n’y a pas d’indication à une antibiothérapie. S’il est important de réaliser des
prélèvements locaux, c’est pour avoir une bactériologie de référence pour guider l’antibiothérapie en cas de surinfection ;
––vérifier le statut vaccinal du patient vis-à-vis du tétanos ;
––appliquer la règle des 4 « D » de l’ulcère : dénutrition (fréquente
chez le sujet âgé et qui ralentit la cicatrisation ; un bilan nutritionnel est à réaliser et des compléments nutritionnels à prescrire
e88
FIGURE Ulcère veineux surinfecté des membres, peu profond, de siège
péri-malléolaire présentant des signes de surinfections avec peau inflammatoire
péri-ulcéreuse et aspect suintant et macéré.
en cas de dénutrition) ; déambulation (kinésithérapie pour éviter
la grabatisation) ; douleur (à rechercher et à traiter) ; démoralisation (traiter une éventuelle dépression sous-jacente, fréquente
dans ce contexte).
Enfin, s’il est très rare que des ulcères se cancérisent, l’inverse
est moins vrai. Devant tout ulcère traînant malgré un traitement
bien conduit, des biopsies des berges sont indispensables pour
éliminer un cancer cutané (spinocellulaire notamment).•
J.-P. Galanaud déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises
Bayer-Healthcare et Daiichi-Sankyo.
I. Quéré déclare avoir participé à des interventions ponctuelles pour les entreprises Aspen,
Bayer-Healthcare, Daiichi-Sankyo , Leo-Pharma, Thuasne et 3-M.
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Item 225
INSUFFISANCE VEINEUSE
CHRONIQUE. VARICES
Dr Jean-Philippe Galanaud, Pr Isabelle Quéré
Service de médecine interne et maladies vasculaires, hôpital Saint-Éloi, CHU Montpellier, Montpellier, France
[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER une insuffisance veineuse
chronique et/ou des varices.
ARGUMENTER l'attitude thérapeutique
et PLANIFIER le suivi du patient.
L’
insuffisance veineuse chronique regroupe l’ensemble
des manifestations fonctionnelles et des signes physiques cutanés secondaires à une stase veineuse. Il
s’agit d’une entité clinique et physiopathologique. Les affections
veineuses chroniques regroupent l’ensemble des pathologies
veineuses chroniques, qu’elles soient ou non liées à l’insuffisance veineuse chronique. Une varice se définit comme une
veine sous-cutanée d’un diamètre supérieur ou égal à 4 mm en
position debout, dont le trajet devient tortueux, entraînant une
circulation pathologique. L’objectif de cette question est d’aider
l’étudiant à appréhender le lien entre les différentes affections
veineuses chroniques indûment résumées à la notion de varices
et d’insuffisance veineuse chronique.
Épidémiologie
Les affections veineuses chroniques sont fréquentes. Ainsi,
dans une étude écossaise en population générale, 80 % des
hommes et 85 % des femmes présentaient des télangiectasies,
40 et 16 % des varices, 7 et 16 % des œdèmes variqueux des
membres inférieurs et 1 % présentaient ou avaient présenté un
ulcère variqueux.
L’impact des maladies veineuses sur la santé est important
compte tenu de leur prévalence. En France, les manifestations
d’insuffisance veineuse toucheraient au moins 12 millions de
personnes dont 8 millions présenteraient des varices. Des statistiques anciennes (1991) estiment que le coût de l’insuffisance
veineuse chronique s’élevait à 2,24 milliards d’euros. Globalement,
1 à 3 % du budget de la Santé des pays industrialisés est consacré à la prise charge de l’insuffisance veineuse chronique.
Il existe une corrélation significative entre la qualité de vie et la
sévérité de la maladie veineuse qui est très coûteuse non seulement sur le plan économique mais aussi en termes d’altération
de la qualité de vie.
Les facteurs de risque d’insuffisance veineuse chronique sont
nombreux, comme pour toute maladie multifactorielle. Les principaux sont l’âge, les antécédents familiaux de varices et d’ulcère des membres inférieurs, l’obésité, la grossesse, la station
debout prolongée, la grande taille. Le sexe féminin est classiquement retrouvé comme facteur de risque, mais ceci pourrait
n’être que la conséquence d’un biais de recrutement, les
femmes ayant tendance à consulter plus facilement devant un
tableau d’insuffisance veineuse chronique.
Physiopathologie
Rappels anatomiques
Le retour veineux au niveau des membres inférieurs est assuré
à 90 % par le réseau veineux profond (veines satellites des artères dont elles partagent le même nom) et à 10 % par le réseau
veineux superficiel (veine grande saphène, veine petite saphène
et leurs affluents). Le réseau veineux superficiel se draine dans le
réseau profond par l’intermédiaire des veines perforantes et des
crosses saphéniennes. Des valvules empêchent le sang de refluer. Elles sont particulièrement nombreuses à l’étage sural,
moins nombreuses mais plus puissantes au niveau des carrefours fémoraux et poplités.
Mécanisme physiopathologique de l’insuffisance
veineuse chronique
La pression dans les veines est déterminée par deux composantes, l’une hydrostatique (poids de la colonne sanguine) et
l’autre hémodynamique (résultant de la contraction musculaire).
En position debout immobile, la pression veineuse est d’environ
80 mmHg au niveau de la cheville. Lors de l’initiation de la
marche, la contraction musculaire via la semelle plantaire de Le-
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jars (dépendant de la statique plantaire et du déroulement du
pas), la pompe musculaire du mollet, et le système abdomino-diaphragmatique, permet de faire rapidement diminuer cette
pression à moins de 30 mmHg, sous réserve d’un bon fonctionnement des valvules. Malgré le large spectre de manifestations
cliniques, il est vraisemblable que tous les symptômes d’insuffisance veineuse sont la conséquence d’une hyperpression veineuse prolongée qui serait responsable d’une inflammation
chronique avec développement d’une micro-angiopathie entraînant in fine des troubles trophiques. Qu’elle soit consécutive à
une altération primitive de la veine et de ses valves ou secondaire
à une dysfonction de la pompe veino-musculaire (compression
des veines par le système musculo-aponévrotique, principalement au mollet, propulsant le sang des membres inférieurs vers
la veine cave), l’insuffisance veineuse entraîne une dégradation
et un remodelage de la paroi veineuse, parallèlement à une dilatation (varices) avec auto-aggravation des troubles en vertu de la
loi de Laplace. Trois mécanismes principaux contribuent à la défaillance du retour veineux et à la stase qui en résulte : la maladie
variqueuse, le syndrome post-thrombotique et l’insuffisance veineuse fonctionnelle.
Étiologie de l’insuffisance veineuse chronique (fig. 1)
Maladie variqueuse
1.Définitions
Une varice a une définition anatomique. Il s’agit d’une veine souscutanée d’un diamètre  4 mm en position debout, dont le trajet
devient tortueux, entraînant une circulation pathologique (fig. 2).
Lors de la caractérisation des varices, il convient de distinguer
si elles sont :
––systématisées (développées aux dépens des réseaux grande
et petite saphènes ou de leurs proches affluents) ou diffuses
(non développées aux dépens d’un réseau anatomique précis) ;
––essentielles ou primaires (d’origine multifactorielle lorsque les
seuls facteurs favorisants retrouvés sont un terrain familial de
varices, l’âge, des grossesses, une obésité, une sédentarité
ou une station de bout prolongée…) ou secondaires à une altération pariétale, principalement à une maladie post-thrombotique ou plus rarement constitutionnelle (agénésie ostiale ou
valvulaire, hypoplasie…).
Les varices sont à distinguer (fig. 3) des :
––télangiectasies : confluence de veinules intradermiques dilatées
dont le calibre n’excède pas 1 mm et qui, en dehors de la corona
phlebectatica de siège périmalléolaire, sont rarement liées à
l’insuffisance veineuse mais davantage à une imprégnation
hormonale ;
–– veine réticulaire : veine sous-dermique, bleutée, dilatée et sinueuse,
d’un diamètre compris entre 1 et 3 mm.
Cette définition exclut les veines superficielles du sportif ou du
sujet maigre qui sont des veines normales saillantes ou très visibles
du fait de l’atrophie du tissu adipeux sous-cutané.
2.Complications propres aux varices
Ce sont, indépendamment de l’évolution de l’insuffisance veineuse
chronique vers un ulcère des membres inférieurs, les suivantes.
Les complications thrombotiques
Thromboses veineuses superficielles :il convient de déterminer
si elles sont :
––localisées (segmentaires), avec un potentiel thromboembolique
modeste. Leur traitement en phase aiguë nécessite des anticoagulants à posologie préventive avec une autorisation de
mise sur le marché spécifique pour le fondaparinux ;
Insuffisance veineuse chronique
Maladie variqueuse
✗ Dysfonction valvulaire superficielle
(constitutionnelle ou acquise)
±
✗ Incontinence des perforantes
±
✗ Dysfonction ou avalvulation profonde
FIGURE 1
Insuffisance veineuse fonctionnelle
(défaillance de la pompe
musculaire du mollet)
✗ Ankylose cheville
✗ Amyotrophie
✗ Hémiplégie
✗ Immobilisation
Syndrome post-thrombotique
(séquellaire d'une thrombose
veineuse profonde)
✗ Syndrome obstructif
✗ Dysfonction valvulaire profonde
Principales causes d'insuffisance veineuse chronique.
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––extensives à proximité des crosses : le risque de thrombose
veineuse profonde (et d’embolie pulmonaire) est alors considéré comme suffisamment élevé pour justifier la mise en route
d’un traitement anticoagulant à dose curative (i.e. comme
pour les thromboses veineuses profondes).
À distance de l’épisode thrombotique aigu, il faut envisager le
traitement chirurgical (éveinage) ou endoveineux de la veine variqueuse.
Thromboses veineuses profondes :la prise en charge est traitée dans l’item 124 (i.e. principalement traitement anticoagulant
à posologie curative).
Les complications hémorragiques : c'est la rupture d’une ampoule
variqueuse, nécessitant une surélévation du membre et une
compression locale. Un traitement chirurgical ou par sclérose de
la veine est alors en règle générale nécessaire pour prévenir les
récidives.
Syndrome post-thrombotique
Entre 20 et 50 % des patients présentant une thrombose veineuse profonde développent un syndrome post-thrombotique
(SPT). C’est une insuffisance veineuse secondaire à une thrombose veineuse profonde. Le risque de développer un syndrome
post-thrombotique est d’autant plus élevé que la thrombose
est proximale, qu’il s’agit d’une récidive homolatérale, que le
patient est obèse ou âgé.
La qualité du traitement anticoagulant en phase initiale de
thrombose veineuse profonde constitue un élément déterminant dans le développement d’un syndrome post-thrombotique. Le délai de survenue peut être retardé, jusqu’à plusieurs années après la survenue de la thrombose. Le
diagnostic est clinique, associant les signes et symptômes
d’insuffisance veineuse habituels : douleur, œdème, chaleur,
démangeaisons, crampes, brûlures au niveau du membre,
aggravés par la marche et la station debout et soulagés par
le repos et la surélévation du membre. À ces symptômes
peuvent s’associer des signes cliniques (qui peuvent être
isolés). Cette symptomatologie est la conséquence d’une
hyperpression veineuse par obstruction veineuse ou insuffisance valvulaire (destruction valvulaire). Le diagnostic est
clinique et le mécanisme précisé par l’écho-Doppler. Sa
prévention en cas de thrombose veineuse profonde repose
sur le port de bas de contention dont la durée et la force et
même l’efficacité sont débattues, surtout en cas de thrombose distale (2 ans force 3 après une thrombose proximale
dans les recommandations de l’Afssaps) et une anticoagulation optimale en phase aiguë de thrombose veineuse profonde.
En cas de syndrome post-thrombotique constitué, le traitement, comme pour toute insuffisance veineuse, repose sur le
port d’une compression élastique. L’utilisation des veinotoniques ne se conçoit pas en première intention, et leur usage
ne doit pas faire surseoir au port de bas de contention.
FIGURE 2
Varice tronculaire + dermite ocre.
FIGURE 3
Télangiectasies et varices réticulaires.
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Insuffisance veineuse fonctionnelle
L’insuffisance veineuse fonctionnelle est la conséquence d’un
retour veineux défaillant malgré des veines morphologiquement
normales.
Cette situation se rencontre en cas d’altération de l’hémodynamique veineuse par le biais d’une diminution de la fonction
musculaire : défaut de marche (station debout immobile prolongée) ou ankylose de la cheville (atteinte de la semelle plantaire de
Lejars), amyotrophie des muscles du mollet, altération de la dynamique respiratoire. La dysfonction de la pompe du mollet est
le principal pourvoyeur d’’insuffisance veineuse chronique notamment chez le sujet âgé.
Autres causes
Enfin, il existe d’autres causes beaucoup plus rares d’insuffisance veineuse (1-3 % des cas) :
––dysgénésies valvulaires (hypoplasies, agénésies) responsables
d’insuffisance veineuse chronique sévère chez le sujet jeune ;
––angiodysplasies ;
––fistules artério-veineuses congénitales ou acquises ;
––compression veineuse extrinsèque chronique.
Manifestations cliniques de l’insuffisance veineuse
chronique
Les manifestations cliniques de l’insuffisance veineuse chronique peuvent être limitées à des signes fonctionnels subjectifs
ou au contraire se manifester par des signes cutanés avec
troubles trophiques.
Signes fonctionnels
Ils sont fréquents, variés et peu spécifiques. Il s’agit classiquement de jambes lourdes ou douloureuses, de crampes, de démangeaisons. Le caractère veineux de la symptomatologie est
suspecté en cas de majoration :
––au cours de la journée ;
––après stations debout/assise prolongées ;
––par la chaleur (ou en été).
Et par leur amélioration en cas de :
––exercice physique ;
––contention/compression veineuse ;
––surélévation des membres inférieurs ;
––froid (ou hiver).
Certains signes d’insuffisance veineuse sont moins fréquents
et moins connus et peuvent induire des errements diagnostiques :
––impatience nocturne (besoin impérieux de mobiliser les jambes),
faisant suspecter un syndrome des jambes sans repos ;
––brûlures et rougeur du pied, nocturnes soulagées par le froid,
réveillant le patient et pouvant faire suspecter une érythermalgie
(l’érythermalgie touche généralement les 4 membres, et prédomine aux membres inférieurs) ;
e92
––claudication veineuse intermittente, en cas d’insuffisance veineuse chronique secondaire à une obstruction chronique généralement proximale, ilio-cave. La douleur augmente au cours de
la marche du fait de l’obstacle et ne cède que lentement à l’arrêt
et après mise en décubitus avec surélévation du pied.
Signes cliniques
Ils n’accompagnent pas nécessairement les symptômes et
surviennent généralement de façon graduée, en rapport avec
l’ancienneté et la sévérité de la dysfonction veineuse. Ils doivent
être recherchés chez un malade en position debout. Ils comprennent des signes de stase puis des troubles trophiques cutanés et sous-cutanés.
1.Signes de stase
Œdème du pied : blanc, mou, prenant le godet, initialement au
niveau de la cheville et respectant l’avant-pied. Cet œdème est
à prédominance vespérale et disparaît après un repos allongé. Il
est lié à une augmentation de la filtration plasmatique au niveau
de l’unité microcirculatoire du fait de l’augmentation de la pression veineuse. Une fraction du plasma passe dans le tissu interstitiel sans être complètement réabsorbée par le versant veineux
du capillaire et le système lymphatique. Il n’y a pas de rétention
hydrosodée et donc pas de prise de poids. La fibrose tissulaire
induite par l’œdème et les surinfections favorisées par l’accumulation des toxines, macromolécules et débris cellulaires peuvent
secondairement altérer le système lymphatique. L’œdème prend
alors les caractéristiques d’un œdème lymphatique ou lymphœdème avec peau épaissie et cartonnée, et atteinte de l’avantpied avec orteils boudinés (lymphœdème). C’est une complication tardive et inconstante.
Corona phlebectatica : varicosités bleues situées au niveau des
malléoles et de l’arche plantaire directement corrélées au degré
d’hyperpression veineuse.
2.Signes du retentissement tissulaire
Dermite ocre : conséquence de l’extravasation des hématies
dans le derme et de l’oxydation de l’hème. Cette lésion indélébile apparaît au début sous forme d’un piqueté ocre périmalléolaire puis sous forme de plaques brunâtres. Elle peut être associée
à des éléments purpuriques au cours des poussées évolutives
de la maladie.
Eczéma : dermatite érythémateuse, localisée au tiers inférieur
de jambe, responsable de vésicules, d’un suintement ou de
squames. Elle est souvent exclusivement secondaire à l’insuffisance veineuse chronique mais peut être aussi la conséquence
d’un eczéma de sensibilisation lié à l’utilisation de topiques locaux.
Dermo-hypodermite de stase (lipodermatosclérose) : complique des
épisodes d’hypodermites de stase ou infectieuses, engendrant
une sclérose engainante et rétractile des tissus qui s’étend peu
à peu en circonférence et en hauteur et donne un aspect en mollet
de coq. Un enraidissement de la cheville s’installe progressivement,
entraînant un cercle vicieux. C’est un tournant évolutif de la maladie
car elle altère définitivement la dynamique du retour veineux.
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Atrophie blanche de Milian : plaque scléro-atrophique, porcelaine,
lisse de siège essentiellement périmalléolaire. Elle correspond à
une zone de raréfaction capillaire au sein d’un tissu fibreux et fait
le lit des ulcères.
Ulcère variqueux : stade évolutif ultime de l’insuffisance veineuse
chronique. Il est classiquement indolore, non creusant, à fond
humide et périmalléolaire.
Classification de l’insuffisance veineuse
La classification CEAP permet de classer en différents stades
évolutifs la maladie veineuse chronique en fonction de critères
cliniques, étiologiques, anatomiques et physiopathologiques (tableau). Cette classification, d’usage compliqué, est réservée en
pratique à la recherche clinique et permet d’avoir des critères
objectifs de comparaison entre les études. À titre informatif, il
convient de noter que la CEAP est la classification des affections
veineuses chroniques. En effet, dans cette classification, le terme
d’insuffisance veineuse chronique est généralement réservé aux
seuls patients ayant une maladie évoluée, œdème (C3), altérations
cutanées (C4), ulcères veineux (C5-C6).
Diagnostic d’insuffisance veineuse chronique
Interrogatoire
TABLEAU
Celui-ci renseigne l’âge, le sexe, le motif de consultation (plainte
fonctionnelle, esthétique…), les antécédents personnels ou familiaux de varices ou de thrombose veineuse, et recherchera
des facteurs aggravants (profession, tabac, obésité…) ou modifiant
la prise en charge tel un désir de grossesse ultérieure.
Examen physique
Il est réalisé en position debout, idéalement sur un escabeau de
phlébologie avec appui unipodal alterné avec recherche des signes
cliniques d’insuffisance veineuse précédemment cités et palpation
des trajets saphènes. En présence de varices, on recherche leur
caractère systématisé ou non. À l’issue de cet examen clinique,
on est en mesure d’affirmer ou non la présence d’une insuffisance veineuse. Le Doppler continu et l’écho-Doppler couleur
éventuellement réalisés en précisent le mécanisme.
Il convient de ne pas oublier de palper les pouls et de réaliser
un examen neurologique simple des membres inférieurs afin de
ne pas méconnaître un diagnostic différentiel ou un facteur aggravant associé.
Examens complémentaires
En l’absence de symptômes et en présence de seules télangiectasies, il n’y a pas d’indication formelle à la réalisation d’examens complémentaires. Dans les autres situations cliniques, on
réalise un Doppler continu et un écho-Doppler pulsé qui confirment le diagnostic et en précisent le mécanisme (fig. 4).
1.Doppler continu
Cet examen, qui peut être réalisé en même temps que l’examen clinique, permet de mettre en évidence un reflux veineux
pathologique (par insuffisance valvulaire ou ostiale), une incontinence au niveau des perforantes et une possible obstruction.
2.Écho-Doppler continu
Cet examen représente la méthode de choix pour diagnostiquer
un reflux veineux ou mettre en évidence un syndrome obstructif.
Classification CEAP* (simplifiée)
Clinique « C »
Étiologique « E »
C0 : pas de signe visible ou palpable
de la maladie
C1 : télangiectasies ou veines réticulaires
C2 : veines variqueuses
C3 : œdème
C4 : atteinte cutanée
C4a : dermite ocre ou eczéma
C4b : hypodermite scléreuse
ou atrophie blanche
C5 : ulcère cicatrisé
C6 : ulcère non cicatrisé
(A) : asymptomatique
(S) : symptomatique
Ec : congénitale
Ep : primitive
Es : secondaire (post-TVP)
En : pas d’étiologie retrouvée
Anatomique « A »
As : système veineux superficiel
Ad : système veineux profond
Ap : veines perforantes
An : pas de lésion anatomique identifiée
Physiopathologique « P »
Pr : reflux
Po : obstruction
Pr,o : obstruction et reflux
Pn : pas de mécanisme
physiopathologique identifié
* Remarque sur la CEAP : il s’agit d’une classification des affections veineuses chroniques. Le stade C0s concerne les patients présentant une affection veineuse chronique indétectable cliniquement
mais symptomatique (lourdeur de jambe, œdème vespéral). Le stade C2a correspond à la présence de varices sans manifestation fonctionnelle.
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Il se pratique le patient debout pour l’exploration de l’étage
proximal suprapoplité, et en position assise pour les veines poplitées et du mollet. Il s’attache à explorer tous les segments
veineux, superficiels comme profonds, sans omettre les veines
perforantes. Ainsi, une veine perforante est incontinente lorsque
son flux est inversé, c’est-à-dire qu’il va de la profondeur vers la
superficie. La plupart du temps, un reflux superficiel et/ou profond lui est associé.
Traitement de l’insuffisance veineuse chronique
Principes du traitement
Son objectif est de soulager la symptomatologie fonctionnelle
et de prévenir l’apparition de troubles trophiques. L’insuffisance
veineuse chronique est la conséquence d’une stase veineuse, et
son traitement repose sur le port d’une compression élastique
qui fait disparaître la stase veineuse et l’œdème, toujours complété par des mesures hygiéno-diététiques. Les autres traitements se discutent au cas par cas, notamment en fonction du
mécanisme initial de l’insuffisance veineuse.
1.Règles hygiéno-diététiques
Le respect de certaines règles simples d’hygiène de vie ayant
pour objectif de favoriser le retour veineux est fondamental en
matière d’insuffisance veineuse chronique, et il est indispensable
A
B
Évaluation d’une insuffisance veineuse à l’écho-Doppler.
A : veine continente, absence de reflux.
B : veine incontinente avec reflux après manœuvre de chasse.
L'opérateur comprime le segment de membre sous-jacent (manœuvre de chasse
veineuse, trait vert (A) et provoque un flux doppler). En cas d'incontinence
du segment veineux, le sang va refluer, entraînant un flux inversé au doppler (B)
FIGURE 4
e94
Insuffisance veineuse chronique. Varices
POINTS FORTS À RETENIR
L’insuffisance veineuse chronique est une affection
fréquente, consécutive à une stase veineuse.
L’examen clinique se fait le patient en position debout.
Une présentation clinique caractéristique est suffisante
pour faire un diagnostic positif. L’écho-Doppler veineux des
membres inférieurs permet de confirmer le diagnostic clinique
d’insuffisance veineuse chronique (en cas de présentation
atypique) et d’en préciser le mécanisme pour guider le
traitement.
L’ulcère variqueux est le stade ultime des complications
cutanées de l’insuffisance veineuse chronique.
Le traitement de l’insuffisance veineuse chronique
repose sur le port d’une compression élastique complété
des règles d’hygiène de vie, associées ou non à des mesures
spécifiques traitant le mécanisme de l’insuffisance veineuse
chronique.
de bien les expliquer au patient : lutte contre la sédentarité et le
piétinement, éviter la position assise jambe pendante, réduire toute
surcharge pondérale, marche régulière en déroulant le pas, éviter
l’exposition prolongée à la chaleur, le chauffage par le sol, surélévation des pieds la nuit assurant un drainage postural et, bien sûr,
port de bas de compression élastique (habituellement appelés
dans le langage courrant « bas de contention ») dès le lever.
2.Compression élastique
La compression élastique présente de multiples effets bénéfiques sur l’insuffisance veineuse chronique et agit à plusieurs niveaux en exerçant une pression tissulaire continue au repos et lors
de l’effort musculaire : elle réduit la dilatation des veines et augmente
ainsi le débit sanguin ; elle diminue le volume du membre avec un
effet anti-œdémateux en augmentant la pression interstitielle, ce qui
diminue l’augmentation de filtration capillaire liée à l’hyperpression
veineuse ; elle améliore l’efficacité de la pompe musculaire du mollet
lors de la marche. Les bandes et les bas de compression élastique
constituent la pierre angulaire efficace et indispensable de la prise
en charge de l’insuffisance veineuse chronique.
Il existe 4 classes de contention, classées de façon croissante
en fonction de la pression exercée au niveau de la cheville :
––contention faible, classe I (10-15 mmHg) : prévention des
thromboses veineuses profondes, insuffisance veineuse chronique fonctionnelle ;
––contention moyenne, classe II (15-20 mmHg) : varices, thrombose veineuse profonde ;
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Message de l'auteur
Le cas clinique le plus classique serait un dossier
de thrombose veineuse profonde se compliquant
à distance d’une maladie post-phlébitique
et d’un ulcère dont il faudrait discuter et
argumenter le diagnostic (veineux) et la prise en
charge (ambulatoire, compression veineuse, etc.).
En dehors de ce type de cas clinique, les
principales questions susceptibles d’être posées
sur le thème de l’insuffisance veineuse
et les varices concerneraient un diagnostic
différentiel de douleur des membres inférieurs,
un dossier de démarche diagnostique devant
un ulcère des membres inférieurs.
Crénothérapie : certaines stations thermales sont agréées pour
la prise en charge notamment d’insuffisance veineuse chronique
sévère avec troubles trophiques.•
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Hépatites virales • Fièvre prolongée
• Dermatoses bulleuses
√
DOSSIER
MALADIE VEINEUSE THROMBOEMBOLIQUE
Monographie
Maladie veineuse
thromboembolique
ÉTATS DÉLIRANTS
Février 2015 - Tome 65 - N° 2 (149-296)
Février 2015 - Tome 65 - N° 2
larevuedupraticien
––contention forte, classe III (20-36 mmHg) : thrombose veineuse
profonde, syndrome post-thrombotique ;
––contention très forte, classe IV (36-49 mmHg) : insuffisance
lymphatique.
Les classes européennes sont décalées d’une classe vers le
haut. Le port de la contention est contre-indiqué en cas d’artériopathie évoluée des membres inférieurs (pression artérielle à la
cheville < 70 mmHg), de pontage vasculaire infrapoplité, de
peau fragile.
3.Traitements spécifiques
Ces traitements ne se conçoivent qu’en complément des
règles hygiéno-diététiques et du port de la contention.
Maladie variqueuse : en présence de varices, l’objectif de prévention primaire est d’éviter la survenue d’une insuffisance veineuse chronique. En prévention secondaire, on essaie de diminuer ou d’éviter l’aggravation des signes d’insuffisance veineuse
chronique. Les traitements spécifiques aux varices sont la sclérose
(injection d’un produit sclérosant pour traiter des varices non
systématisées ou en complément d’un éveinage), l’écho-sclérose
à la mousse et le laser endovasculaire (tous deux permettant de
traiter même des varices systématisées), la phlébectomie ambulatoire au crochet, ou chirurgie classique (éveinage par stripping
de varices systématisées). Le principe commun est l’exclusion
du tronc veineux variqueux. Avant tout traitement de ce type, il
est indispensable d’avoir réalisé un examen écho-Doppler exhaustif analysant la continence des réseaux veineux superficiels,
profonds mais aussi des perforantes. Il convient aussi de bien
peser l’indication d’un éveinage saphène, surtout chez un patient à risque cardiovasculaire dont les saphènes pourraient servir pour un éventuel pontage. Enfin, une veine vicariante qui assure la suppléance du drainage veineux en cas d’occlusion des
troncs veineux profonds est une contre-indication à ces traitements qui aggraveraient l’obstacle au drainage.
Maladie post-thrombotique : son traitement repose, d’un point de
vue préventif, sur le respect d’une anticoagulation efficace et du
port prolongé (au moins 2 ans) d’une compression élastique. En
présence d’un syndrome post-thrombotique avéré, l’attitude
thérapeutique la plus courante est la poursuite de la compression en n’hésitant pas à passer à la classe supérieure en cas
d’inefficacité thérapeutique.
Insuffisance veineuse fonctionnelle : le traitement d’appoint spécifique repose sur la kinésithérapie afin de lutter contre l’ankylose
de la cheville, à remuscler les muscles du mollet, avec si besoin
une aide diététique en cas de dénutrition associée.
4.Autres traitements
Veinotoniques : ces molécules sont réputées avoir notamment
un effet hémodynamique et anti-inflammatoire veineux. Leur utilisation doit être limitée à la prise en charge des symptômes
fonctionnels de l’insuffisance veineuse chronique, et ce de façon
discontinue par cures de courtes périodes. On ne doit pas associer deux veinotoniques entre eux et ces traitements ne dispensent pas du port de la compression.
MONOGRAPHIE
Maladie veineuse
thromboembolique
Rev Prat 2015;65(2):
173-219
ET AUSSI : vaccination, trisomie 21, hépatite auto-immune ; et sur le Web, photothèques, quiz, images mystérieuses
Mais aussi :
VALMI. Livre de poche de médecine vasculaire par le Collège des enseignants
de médecine vasculaire.
Traité de médecine vasculaire. Par la Société française de médecine
vasculaire et le Collège des enseignants de médecine vasculaire. Éditions
Elsevier-Masson.
Vol. 65 _ Novembre 2015
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FOCUS
Item 243
Les pièges diagnostiques
de l’insuffisance surrénale aiguë
Voir l’item complet page e97
et sur larevuedupraticien.fr
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr Mélanie Philippon, Dr Frédéric Castinetti, Pr Thierry Brue
Aix Marseille Université, Assistance publique-hôpitaux de Marseille,
service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, hôpital de la Conception, Marseille, France
[email protected]
L’
insuffisance surrénale aiguë est l’exemple typique du
diagnostic qu’on n’oublie pas au cours de son externat
(du fait des répétitions successives en cours des études de
médecine sur les pièges diagnostiques), mais qu’on oublie
ensuite dans sa pratique (en privilégiant systématiquement
les traitements symptomatiques du tableau abdominal, ce
qui, sans hydrocortisone, aura des répercussions fatales).
Une brève mise au point sur les façons de réorienter le diag­
nostic devant un tableau clinique souvent non spécifique est
donc utile.
Sur le plan clinique, l’insuffisance surrénale aiguë se pré­
sentera souvent sous la forme d’un tableau abdominal aigu. Il
peut donc être difficile d’évoquer le diagnostic en présence
de diarrhée, vomissements, douleurs abdominales, voire hypo­
tension artérielle, qui doivent toujours faire rechercher en pre­
mier lieu un syndrome péritonéal. C’est la discordance entre
la sévérité des signes cliniques par rapport à la stricte norma­
lité de la palpation abdominale (absence de défense en parti­
culier) qui doit conduire à se poser des questions. Dans tous
les cas, la rareté de l’insuffisance surrénale par rapport aux
causes digestives devra rendre prioritaire ce second diagnostic,
en allant, le cas échéant, jusqu’à un examen d’imagerie abdo­
minale rapide.
Le deuxième argument pouvant orienter vers ce diagnostic
est la mélanodermie dans le cas de l’insuffisance surrénale
primaire, ou l’existence d’antécédents personnels ou familiaux
d’auto-immunité. Là encore, ces arguments ne doivent pas
faire oublier la possibilité d’un vrai tableau abdominal sousjacent. Garder également en tête la possibilité qu’un vrai tableau
abdominal soit à l’origine de la décompensation aiguë de l’in­
suffisance surrénale chronique.
Enfin, garder en tête la pauvreté des signes de la décom­
pensation aiguë du déficit corticotrope, par rapport à la dé­
compensation aiguë de l’insuffisance surrénale primaire. Le
maintien intact de la sécrétion de minéralocorticoïdes fait que
l’hypotension artérielle est moins sévère et peut égarer le diag­
nostic. En résumé, sur le plan clinique, évoquer l’insuffisance
e96
surrénale aiguë chez tout patient avec antécédent d’insuffi­
sance surrénale chronique (la situation la plus simple), ou en
cas de tableau digestif sévère avec hypotension artérielle
sans anomalie abdominale clinique et d’imagerie évidente, ou
en cas d’antécédent de maladie auto-immune (la première
cause d’insuffisance surrénale étant provoquée par des anti­
corps anti-21-hydroxylase). Attention, à l’inverse, le tableau
abdominal est inconstant, et il existe des insuffisances surrénales
aiguës avec uniquement une hypotension artérielle sévère…
Sur le plan biologique, il est communément admis que l’in­
suffisance surrénale aiguë se manifeste par l’association hypo­
natrémie (à natriurèse conservée) et hyperkaliémie. Cette pré­
sentation biologique est inconstante, et peut être faussée par
les troubles digestifs (pouvant être à l’origine d’une hypoka­
liémie) et l’état d’hydratation (pour la natrémie). À l’inverse, un
patient avec insuffisance rénale aiguë a le droit de présenter
une hyperkaliémie avec une natrémie limite basse sans que
ce soit une insuffisance surrénale aiguë. Toujours penser à
regarder (s’il est fourni) l’ionogramme urinaire : un fort argument
de présomption est l’existence d’une natriurèse inadaptée en
regard d’une natrémie basse. Enfin, dernier point : les troubles
hydroélectrolytiques sont présents en cas d’insuffisance sur­
rénale primaire décompensée. La conservation de la fonction
minéralocorticoïde en cas d’insuffisance surrénale secondaire
rend ces considérations biologiques inutiles. Tout au plus estil possible d’observer une hyponatrémie isolée en cas de dé­
ficit corticotrope.
Un seul message en conclusion : la phase cruciale du diag­
nostic d’insuffisance surrénalienne est le moment où l’on
évoque le diagnostic, puisqu’on passe bien souvent à côté,
ce qui induit un retard thérapeutique majeur pour cette patho­
logie à risque vital.•
M. Philippon déclare n’avoir aucun lien d’intérêts.
F. Castinetti et T. Brue déclarent avoir participé à des travaux scientifiques, rapports
d’expertise, activités de conseil et conférences pour l’entreprise Viropharma/Shire.
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Item 243
INSUFFISANCE SURRÉNALE
CHEZ L’ADULTE ET L’ENFANT
Dr Mélanie Philippon, Dr Frédéric Castinetti, Pr Thierry Brue
Aix Marseille Université, Assistance publique-hôpitaux de Marseille,
service d’endocrinologie, diabète et maladies métaboliques, hôpital de la Conception, Marseille, France
[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER une insuffisance surrénale
aiguë et une insuffisance surrénale chronique.
IDENTIFIER les situations d'urgence
et PLANIFIER leur prise en charge.
L’
insuffisance surrénale peut être primaire, liée à un dysfonctionnement de la glande surrénale elle-même
(avec un déficit en cortisol et en aldostérone) ou secondaire, liée à une insuffisance de production de l’ACTH (adrenocorticotrophic hormone) [on parle d’insuffisance corticotrope] ;
elle ne porte alors que sur le cortisol, les minéralocorticoïdes
étant secrétés normalement. Il est essentiel de savoir dépister,
prévenir et traiter les différentes formes de cette pathologie et sa
complication grave engageant le pronostic vital, l’insuffisance
surrénale aiguë.
On ne peut comprendre cette pathologie sans connaître les
bases physiologiques élémentaires qui la sous-tendent (figure).
La cortico-surrénale est en effet formée de 3 contingents : la
réticulée, productrice d’androgènes, la fasciculée, productrice
de glucocorticoïdes (cortisol), et la glomérulée, productrice de
minéralocorticoïdes (aldostérone) ; la médullo-surrénale, indépendante, est à l’origine des méthoxyamines. Sur le plan de la
régulation, la CRH (corticotropin-releasing hormone) hypothalamique stimule la production de pro-opiomélanocortine (POMC),
clivée en ACTH hypophysaire et en MSH (melanocyte stimulating hormone). L’ACTH stimule la production de cortisol par les
surrénales et exerce un rétrocontrôle négatif sur la synthèse et la
sécrétion de CRH et de POMC. Mais l’ACTH n’a pas d’effet sur
la sécrétion surrénalienne d’aldostérone, qui est sous le contrôle
du système rénine-angiotensine. Il faut rappeler que le cortisol
comme l’aldostérone favorisent l’élimination de potassium et la
réabsorption sodée au niveau du tube contourné distal. Enfin,
les glucocorticoïdes ont un effet hyperglycémiant.
21 alpha-hydroxylase
CHOLESTÉROL
ALDOSTÉRONE
Pregnenolone
Progestérone
Désoxyxorticostérone
Corticostérone
17 alpha-OH-pregnenolone
17 alpha-OH-progestérone
Désoxycortisol ou composé S
CORTISOL
DHEA
Androstènedione
Androstènediol
TESTOSTÉRONE
FIGURE
11 bêta-hydroxylase
Synthèse des hormones stéroïdiennes et blocs enzymatiques. DHEA : déhydroépiandrostérone.
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RR Item 243
INS UF F ISANC E SU R R É NAL E C HE Z L’ADU LT E E T L’E NFANT
Insuffisance surrénale primaire
L’insuffisance surrénale primaire ou maladie d’Addison est
beaucoup plus rare que l’insuffisance surrénale secondaire,
avec une prévalence comprise entre 40 et 60 cas par million
d’habitants. Elle se caractérise par une atteinte primitive des deux
surrénales (par opposition à l’insuffisance surrénale secondaire
où c’est la commande centrale hypothalamo-hypophysaire qui
est atteinte). Malgré la gravité de son évolution spontanée, son
pronostic a été transformé par le traitement hormonal substitutif.
L’insuffisance hormonale touche les trois hormones synthétisées
par la corticosurrénale : le cortisol, l’aldostérone et la déhydro­
épiandrostérone (DHEA).
La présentation clinique varie en fonction du caractère complet
ou partiel des lésions surrénaliennes. L’installation de l’insuffisance
surrénalienne est le plus souvent progressive et insidieuse, elle
peut cependant être révélée par une décompensation aiguë lors
d’une affection intercurrente.
Diagnostic positif
1.Clinique
Le tableau clinique peut être plus ou moins complet et associe
les signes suivants :
––une altération de l’état général, avec une asthénie globale
(physique, sexuelle et psychique), typiquement vespérale et
accentuée par les efforts, une anorexie et un amaigrissement ;
––une hypotension artérielle, avec parfois des malaises à type
d’hypotension orthostatique ;
––des troubles digestifs associant des nausées, des vomissements,
des douleurs abdominales ou de la diarrhée (particulièrement
en cas de décompensation aiguë) ;
–– des malaises hypoglycémiques à jeun ou lors d’efforts physiques ;
––enfin, l’insuffisance surrénale primaire est caractérisée par la présence d’une mélanodermie, absente dans l’insuffisance surrénale
secondaire. Elle est due au rétrocontrôle positif exercé sur l’hypophyse entraînant une augmentation de la sécrétion d’ACTH qui
stimule la dispersion de la mélanine dans les mélanocytes. La
mélanodermie touche la peau, où elle prédomine au niveau des
zones exposées (visage, décolleté, cou, avant-bras), des zones
de frottement (coudes, genoux), des cicatrices, des zones normalement pigmentées (aréoles des seins, périnée, scrotum, organes génitaux externes) et des mains (plis palmaires, face dorsale
des articulations interphalangiennes), mais elle touche également
les muqueuses sous forme de taches ardoisées hyperpigmentées
que l’on peut retrouver au niveau des gencives, des muqueuses
jugales et de la face interne des lèvres.
2.Biologie
Biologie standard : les examens biologiques standard peuvent
être perturbés, surtout lors d’épisodes de décompensation. Le
plus fréquemment on observe des troubles hydro-électrolytiques
associant une hyponatrémie modérée, une hyperkaliémie et une
acidose. On peut également avoir une tendance à l’hypoglycémie.
e98
Enfin, l’hémogramme peut mettre en évidence une hyperéosinophilie et une hyperlymphocytose.
Évaluation hormonale : le diagnostic d’insuffisance surrénale primaire est simple, il associe :
––un taux de cortisol effondré en regard d’un taux d’ACTH élevé ;
––un taux d’aldostérone effondré en regard d’un taux de rénine
élevé (non retrouvé dans l’insuffisance surrénale secondaire).
Le dosage de cortisol plasmatique doit être fait le matin (vers
7-8 h), au moment de son pic physiologique. En fonction du
résultat, on peut compléter par un test de stimulation par l’ACTH
1-24 (Synacthène). Le dosage d’ACTH permet d’affirmer le caractère primaire ou secondaire. Les valeurs données dans le
cadre de ce paragraphe ne sont pas consensuelles et font toujours l’objet de discussions.
Dans les formes complètes, le cortisol plasmatique à 8 h est
indosable ou effondré (inférieur à 140 nmol/L) et l’ACTH plasmatique très élevé (supérieur à 200 pg/mL), affirmant l’origine périphérique. Dans ce cadre où le taux d’ACTH est déjà très élevé
en conditions basales, il n’y a pas d’indication à réaliser un test
au Synacthène. Des valeurs de cortisol égales ou supérieures à
500 nmol/L éliminent le diagnostic d’insuffisance surrénalienne.
On peut parfois avoir des valeurs de cortisol intermédiaires
(comprises entre 140 et 500 nmol/L) compatibles avec une insuffisance surrénalienne partielle. Le taux d’ACTH plasmatique
est alors modérément élevé, mais toujours supérieur à la normale. Dans ce cas particulier, on propose de réaliser un test
dynamique de stimulation par le Synacthène. Le Synacthène est
un peptide synthétique constitué par les 24 premiers acides
aminés de l’ACTH qui porte la totalité de son activité biologique.
Une cortisolémie supérieure à 500 nmol/L après stimulation par
le Synacthène élimine le diagnostic d’insuffisance surrénale.
Diagnostic différentiel
Le diagnostic peut parfois être retardé par la clinique non spécifique quand domine au premier plan l’asthénie. En effet, l’asthénie
est un symptôme banal et fréquent qui peut être associé à de
nombreuses pathologies, mais qui est souvent d’origine psychosomatique. C’est pourquoi l’association de ces symptômes
à la mélanodermie, qui a des caractéristiques spécifiques, doit
faire évoquer le diagnostic d’insuffisance surrénale. L’altération
majeure de l’état général peut également faire suspecter une
hyperthyroïdie, une anorexie mentale ou une dépression. La
perte de poids doit faire discuter toute pathologie digestive avec
malabsorption. Les autres pigmentations cutanées pathologiques peuvent se voir dans l’hémochromatose, la porphyrie
cutanée tardive, ou lors de l’exposition chronique à des métaux
(mercure, plomb, argent…). L’interrogatoire, la recherche de
signes associés et la sémiologie des signes cutanés permettent
en général d’en établir la cause. Le diagnostic peut en revanche
être difficile chez des sujets ayant une pigmentation cutanée
d’origine ethnique ou chez les personnes s’exposant de manière chronique au soleil.
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Chez l’adulte, dans plus de 90 % des cas, l’insuffisance surrénale est secondaire à deux étiologies principales : la rétraction
corticale auto-immune et la tuberculose. Les autres causes sont
beaucoup plus rares. Chez l’enfant, les formes congénitales sont
plus fréquentes.
1.Les formes acquises :
La rétraction corticale ou atteinte auto-immune des glandes surrénales est actuellement la cause la plus fréquente (70 à 90 %).
Des phénomènes d’immunité cellulaire avec infiltration lymphocytaire des surrénales et d’immunité humorale avec la présence
d’anticorps antisurrénaliens circulants (dirigés contre les enzymes
de la stéroïdogenèse, principalement la 21-hydroxylase) sont mis
en jeu. Le bilan étiologique d’une insuffisance surrénale primaire
doit donc comprendre le dosage d’anticorps anti-21-hydroxylase,
qui est positif dans 75 % des cas. Dans 50 % des cas d’insuffisance
surrénale due à une cause auto-immune, celle-ci est associée à
d’autres pathologies auto-immunes et fait partie des polyendocrinopathies auto-immunes (PEAI) :
––le type 1 est la plus rare, aussi appelée syndrome APECED
(autoimmune polyendocrinopathy candidosis ectodermal dys­
plasia). Elle se transmet selon un mode autosomique récessif
et est due à une mutation du gène AIRE (autoimmune regulator
gene). L’insuffisance surrénale est associée entre autres à une
hypoparathyroïdie (calcémie basse en regard de taux de parathormone non augmentés) et à une candidose cutanéo-muqueuse d’installation plus précoce ;
––le type 2 ou syndrome de Schmidt est plus fréquent, associant
principalement insuffisance surrénale, dysthyroïdies auto-immunes
et diabète de type 1.
La tuberculose :c’était la cause la plus fréquente au siècle dernier.
Actuellement, elle est responsable de moins de 20 % des cas
d’insuffisance surrénale. L’atteinte surrénalienne se fait par dissémination hématogène, à partir d’un foyer extra-surrénalien,
évolutif ou non, avec initialement des glandes plutôt hyperplasiques siège d’un infiltrat inflammatoire, puis secondairement
elles deviennent atrophiques, avec la présence de calcifications
visibles sur les radiographies standard de l’abdomen. Le bilan
d’insuffisance surrénale doit comprendre une imagerie, à la recherche de séquelles de tuberculose.
La surrénalectomie bilatérale : la cause est dans ce cas-là évidente
et déjà connue. Le recours à la surrénalectomie bilatérale a lieu
en cas de syndrome de Cushing ACTH-dépendant non contrôlé
par d’autres thérapeutiques, ou de phéochromocytomes bilatéraux par exemple.
Les autres causes d’insuffisance surrénalesont plus rares. Il s’agit de
causes infectieuses (VIH, cytomégalovirus, histoplasmose, cryptococcose…), vasculaires (hémorragie bilatérale des surrénales,
thrombose bilatérale des veines surrénales de causes multiples :
traitements anticoagulants, traumatisme de l’abdomen, syndrome des antiphospholipides, méningococcémie…) ou de métastases bilatérales de cancer (sein, côlon…) ou de mélanome.
TABLEAU
Diagnostic étiologique (tableau)
Étiologie des insuffisances surrénales
INSUFFISANCE SURRÉNALE PRIMAIRE
Causes acquises
Causes congénitales
Fréquente
❚❚Rétraction corticale
auto-immune
❚❚Tuberculose
❚❚Surrénalectomie
bilatérale
Plus rares
❚❚Infections : mycosiques, ❚❚Adrénoleucodystrophie
VIH, cytomégalovirus
❚❚Vasculaires :
hémorragie bilatérale
des surrénales,
traumatisme
❚❚Tumorales : métastases
bilatérales des
surrénales
❚❚Déficit enzymatique de la
stéroïdogenèse (bloc de la 21-OH
hydroxylase)
INSUFFISANCE SURRÉNALE SECONDAIRE
Lésions organiques
des structures hypothalamohypophysaires
❚❚Tumorale : adénome hypophysaire,
tumeur hypothalamique
(craniopharyngiome, etc.)
❚❚Vasculaire : syndrome de Sheehan,
apoplexie hypophysaire.
❚❚Infiltrats : sarcoïdose, hystiocytose,
lymphome, hémochromatose
❚❚Traumatique : traumatisme crânien
Inhibition fonctionnelle
de l’axe corticotrope
❚❚Post-corticothérapie
❚❚Après cure chirurgicale d’un
syndrome de Cushing
2.Les formes congénitales
Déficit en 21-hydroxylase,dans sa forme homozygote, avec hyperplasie congénitale des surrénales. Le déficit hormonal est diag­
nostiqué à la naissance ou dans la petite enfance devant des
signes d’insuffisance surrénale (syndrome de perte de sel) et
d’hyperandrogénie (due à l’accumulation des précurseurs du
cortisol et de l’aldostérone, déviés vers la voie des androgènes.)
D’autres maladies congénitales plus rares peuvent causer une insuffisance surrénale, telles que l’adrénoleucodystrophie, liée au
chromosome X et n’affectant donc que le sexe masculin, caractérisée par une accumulation d’acides gras à très longue chaîne
avec atteinte du système nerveux central et de la moelle épinière.
L’insuffisance surrénale peut se révéler de façon tardive.
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RR Item 243
INS UF F ISANC E SU R R É NAL E C HE Z L’ADU LT E E T L’E NFANT
Insuffisance surrénale secondaire
C’est la plus fréquente des 2 types d’insuffisance surrénale, en
particulier parce qu’elle est souvent iatrogène, secondaire à la
prise de corticoïdes. Sa prévalence théorique est de l’ordre de
200 cas par million d’habitants. La présentation clinique est différente, souvent moins marquée que dans le cas de l’insuffisance surrénale primaire, du fait de la persistance de la sécrétion de minéralocorticoïdes et de l’absence d’augmentation de
la sécrétion d’ACTH.
Diagnostic positif
1.Clinique
Les signes généraux sont présents, parfois moins marqués :
ils associent donc asthénie et amaigrissement, avec altération
de l’état général. Il n’existe pas de mélanodermie (du fait de l’absence d’augmentation de la sécrétion d’ACTH) ; les patients
sont en général pâles, avec une décoloration possible dans les
zones habituellement pigmentées. L’hypotension artérielle est
généralement moins marquée du fait de la persistance de la sécrétion d’aldostérone. À l’inverse, la tendance hypoglycémique
peut être plus marquée en cas d’association à un déficit en hormone de croissance.
En dehors de l’insuffisance corticotrope induite par l’arrêt
d’une corticothérapie qui ne présente pas d’autre signe spécifique, les insuffisances corticotropes liées à la présence d’une
masse hypophysaire peuvent être associées au syndrome tumoral classique hypophysaire, à savoir :
––céphalées frontales, parfois rétro-orbitaires ou localisées au
niveau du vertex, éventuellement dans le cadre d’un tableau
(rare) d’hypertension intracrânienne ;
––troubles du champ visuel pouvant aller jusqu’à l’hémianopsie
bitemporale avec baisse de l’acuité visuelle ;
––paralysie oculomotrice dans le cadre (rare également) des
apoplexies hypophysaires.
Comme indiqué précédemment, tout déficit corticotrope peut
être associé à la présence d’autres déficits antéhypophysaires
ayant leurs signes plus ou moins spécifiques :
––signes d’hypothyroïdie classiques sans goitre ni myxœdème
pour le déficit thyréotrope ;
––troubles sexuels, aménorrhée (sans bouffées de chaleur),
baisse de la libido, dépilation pour le déficit gonadotrope ;
––asthénie marquée, tendance hypoglycémique pour le déficit
somatotrope ;
––pâleur très marquée, cheveux fins et cassants en cas de panhypopituitarisme.
Enfin, il faut faire attention à ne pas se faire piéger par le tableau clinique d’un patient ayant eu un traitement prolongé par
corticoïdes à fortes doses, présentant des stigmates cliniques
d’hypercorticisme, mais avec une biologie en faveur d’un déficit
corticotrope du fait de l’arrêt de ces corticoïdes sans diminution
progressive de posologie.
e100
2.Biologie
Biologie standard : la persistance de la sécrétion d’aldostérone
permet de maintenir une kaliémie normale. Une hyponatrémie
peut être en revanche observée, liée à un mécanisme physiopathologique différent de celui de perte de sel observé en cas d’insuffisance surrénale primaire (hyponatrémie de dilution). Enfin,
une glycémie à la limite inférieure de la normale peut être observée le matin à jeun.
Évaluation hormonale : les valeurs données dans le cadre de ce
paragraphe ne sont pas consensuelles et font toujours l’objet de
discussions. La démarche diagnostique est en revanche validée
par la majorité des centres experts. Le diagnostic est suspecté
devant un dosage de cortisol à 8 heures effondré (classiquement < 140 nmol/L) associé à un taux d’ACTH non augmenté
(bas ou dans les limites inférieures de la normale, classiquement
< 20 pg/mL). Un taux de cortisol supérieur à 500 nmol/L élimine
le diagnostic. Entre 140 et 500 nmol/L, le diagnostic ne peut être
exclu et nécessite la réalisation d’un test de stimulation.
Ce test de stimulation est idéalement une hypoglycémie insuli­
nique. Le principe est d’injecter de l’insuline, et d’observer la réponse
du cortisol en regard de l’hypoglycémie induite (< 2,5 mmol/L).
L’existence de taux de cortisol après stimulation supérieurs à
500 nmol/L élimine le diagnostic. Ce test contraignant est contreindiqué chez les sujets épileptiques, cardiaques ou âgés, et nécessite une surveillance idéalement en milieu hospitalier. Il a par
contre comme avantage de pouvoir également évaluer la fonction somatotrope (hormone de croissance). Une autre possibilité
est la réalisation d’un test au Synacthène (tétracosactide). Ce
test consiste à injecter de l’ACTH de synthèse et à évaluer la
réponse du cortisol : l’apparition de taux comparables à ceux
utilisés pour l’hypoglycémie insulinique élimine une insuffisance
corticotrope. Ce test est cependant faussement rassurant en
cas d’apparition récente de l’insuffisance corticotrope : il ne doit
donc pas être considéré comme test de référence en postopératoire d’adénome hypophysaire pour rechercher un déficit corticotrope. À l’inverse, il ne peut être effectif qu’en cas d’imprégnation préalable des surrénales par de l’ACTH endogène, ce
qui explique qu’il soit particulièrement utilisé quand l’endocrinologue cherche à évaluer la reprise progressive de la réponse surrénalienne après sevrage en corticoïdes.
En résumé, le dosage à 8 h du cortisol et de l’ACTH est souvent suffisant pour porter le diagnostic. En cas de doute diagnostique, un test de stimulation doit être effectué : le test au
Synacthène est facile à effectuer et fiable, sauf dans quelques
rares cas qui justifient l’utilisation de l’hypoglycémie insulinique.
Diagnostic étiologique (tableau)
Deux grands cadres étiologiques doivent être évoqués.
1.Atteinte organique des structures hypothalamo-hypophysaires
Toute lésion hypothalamo-hypophysaire (hors microadénome)
peut être à l’origine d’un déficit corticotrope par compression ou
destruction des cellules corticotropes, ou de la commande cen-
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Insuffisance surrénale chez l’adulte et l’enfant
POINTS FORTS À RETENIR
L’insuffisance surrénale primaire ou périphérique
est due à une atteinte des deux surrénales avec un déficit
en cortisol, aldostérone et androgènes.
L’insuffisance surrénale secondaire ou haute ou corticotrope
est due à une atteinte hypophysaire avec uniquement un déficit
en cortisol.
Penser au diagnostic d’insuffisance surrénale aiguë devant
un tableau digestif aigu associant hyponatrémie, hyperkaliémie,
hypoglycémie.
Traiter toute suspicion d’insuffisance surrénale aiguë comme
telle sans attendre les résultats des dosages hormonaux.
Ne pas confondre corticoïdes de synthèse et hydrocortisone
substitutive en particulier sur le plan du régime sodé (régime
normosodé en cas d’hormonothérapie substitutive).
rapie (au moins 3 semaines) à forte dose (> 20 mg d’équivalent
prednisone – à ne pas confondre avec les 20 mg substitutifs
d’hydrocortisone) qui va provoquer un rétrocontrôle négatif sur
la sécrétion d’ACTH, et donc une mise au repos de la fonction
surrénalienne. La récupération est spontanée et progressive, sur
plusieurs semaines ou mois. Le traitement substitutif par hydrocortisone peut être initié à l’arrêt de la corticothérapie, avec tentatives régulières d’arrêt et évaluation des dosages de cortisol à
8 h du matin. Comme indiqué précédemment, en cas de doute
diagnostique de reprise de la fonction surrénalienne, un test au
Synacthène peut également être réalisé. Attention, enfin, à la prise
de topiques cutanés dermocorticoïdes de façon prolongée, ou
de corticoïdes inhalés qui peuvent également avoir un effet de
freinage de l’axe corticotrope.
Enfin, le même mécanisme peut être observé après chirurgie
d’un adénome surrénalien avec hypercorticisme, ou d’un adénome
hypophysaire corticotrope (avec mise au repos des cellules cortico­
tropes saines).
Traitement de l’insuffisance surrénale
Insuffisance surrénale primaire
trale hypothalamique. Il s’agit le plus souvent d’un adénome hypophysaire sécrétant ou non sécrétant, ou d’un craniopharyngiome.
Toute intervention neurochirurgicale à ce niveau peut également
être à l’origine d’un déficit corticotrope. Dans ce cadre, il est
fréquent (mais non constant) que d’autres déficits antéhypophysaires soient associés. Un seul mot d’ordre dans ce groupe étiologique : l’IRM hypothalamo-hypophysaire. Dans un 2e temps, le
retentissement éventuel local avec évaluation des autres lignées
antéhypophysaires, et réalisation d’un champ visuel avec mesure
de l’acuité visuelle peut être réalisé. D’autres causes rares
peuvent également être mises en évidence :
––nécrose post-accouchement hémorragique dans le cadre d’un
syndrome de Sheehan ;
––inflammation hypophysaire (d’étiologie souvent mal déterminée)
dans le cadre d’une hypophysite ;
––infiltration hypophysaire dans le cadre d’une neurosarcoïdose
ou d’une histiocytose, pathologies syndromiques pour lesquelles
le tableau hypophysaire ne sera pas nécessairement au premier
plan, mais qui peuvent être également associées à l’existence
d’une atteinte de la posthypophyse avec un diabète insipide.
L’hémochromatose peut également donner un déficit hypophysaire via un mécanisme infiltratif ;
Enfin, un traumatisme crânien sévère avec coma et réanimation
peut également être à l’origine d’un déficit corticotrope.
2.Atteinte fonctionnelle
L’atteinte fonctionnelle par rétrocontrôle induit par les corticoïdes
entraîne un déficit corticotrope à leur arrêt. L’apparition d’un déficit corticotrope requiert l’utilisation prolongée d’une corticothé-
Le traitement hormonal a pour but de substituer les déficits en
cortisol et en aldostérone. La substitution en hydrocortisone
(nom générique du cortisol) doit essayer de reproduire au mieux
le cycle physiologique du cortisol, en répartissant les prises de
manière à avoir une dose plus importante le matin, puis décroissante au cours de la journée. La posologie moyenne est de 15 à
25 mg par jour répartis en 2 ou 3 prises. Il est important de tenir
compte des traitements associés, certains médicaments inducteurs enzymatiques (Rifampicine, diphénylhydantoïne…) pouvant accélérer la dégradation du cortisol.
La substitution en minéralocorticoïdes est le plus souvent nécessaire, mais pas toujours et est réalisée par un stéroïde de
synthèse, la fludrocortisone (comprimé à 50 μg). La posologie
dépend de l’examen clinique, notamment l’état général et la pression artérielle (50-100 μg/j en une prise au lever en moyenne).
La substitution par la DHEA (25 à 50 μg/j) a permis dans quelques
études une amélioration de l’état général et des fonctions cognitives, de l’humeur, l’asthénie, et la sexualité, mais ces effets sont
inconstants. Les préparations de DHEA ne sont pas prises en
charge par l’assurance maladie, et cette substitution est toujours
discutée chez la femme ménopausée.
Insuffisance surrénale secondaire
La posologie de l’hydrocortisone est en général plus faible que
dans l’insuffisance surrénale primaire comprise entre 10 et 20 mg/j
en 2 ou 3 prises. La sécrétion de DHEA est aussi déficitaire, et
l’intérêt du traitement substitutif par cette hormone peut être
discuté comme dans le cas de l’insuffisance surrénale primaire.
La fonction minéralocorticoïde est respectée, la fludrocortisone
n’est donc pas nécessaire.
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INS UF F ISANC E SU R R É NAL E C HE Z L’ADU LT E E T L’E NFANT
Surveillance du traitement
L’adaptation du traitement substitutif est fondée essentiellement sur l’examen clinique, à la recherche de signes de sur- ou
de sous-dosage (état général, asthénie, stabilité du poids, pression artérielle en position couchée et debout). En dehors des
épisodes d’insuffisance surrénale aiguë, les examens biologiques (glycémie, ionogramme sanguin) sont inutiles.
La rénine peut être dosée pour vérifier l’adaptation de la substitution en minéralocorticoïdes, des valeurs élevées traduisant un
déficit du pool sodique et une insuffisance du traitement substitutif. Il n’y a actuellement pas de consensus sur l’intérêt de réaliser des dosages hormonaux sous traitement par hydrocortisone
(cycle de cortisolémie, mesure du cortisol libre urinaire…), et ces
dosages ne sont donc pas recommandés en pratique courante.
Éducation du patient
Le traitement de l’insuffisance surrénale est chronique, c’est
un traitement à vie qu’il ne faut jamais interrompre, et l’éducation
du patient fait partie intégrante du traitement, et doit comprendre
le respect des règles suivantes :
––le traitement ne doit jamais être interrompu ;
––l’hydrocortisone étant substitutive, le patient doit manger normalement salé. La prise d’un régime sans sel (préconisé en cas
de prise de corticoïdes non substitutifs) faciliterait le passage
en insuffisance surrénale aiguë ;
––il ne doit pas y avoir d’automédication (laxatifs, diurétiques en
particulier) ;
––toute situation de stress pour l’organisme (situations au cours
desquelles des surrénales normales sécréteraient plus de cortisol) doit conduire le patient à doubler ou tripler ses doses : il
peut s’agir d’infections, de chirurgie, d’anesthésie… Cela exclut
en revanche le stress psychologique (examens, p. ex.) ;
––le patient doit être vigilant quant aux troubles digestifs : il peut
s’agir d’un début de décompensation, et si ce n’est pas le cas
l’hydrocortisone risque de toute façon d’être moins absorbée :
le passage à la voie injectable est souvent nécessaire ;
––il y a nécessité de consulter un médecin en cas d’intolérance
alimentaire pour passage à un traitement par hydrocortisone
par voie parentérale ;
––le port d’une carte d’insuffisant surrénal, qui doit comporter le
diagnostic, la nature du traitement et les coordonnées du médecin traitant est recommandé.
Insuffisance surrénale aiguë
C’est une des rares urgences vitales en endocrinologie. Elle
impose donc de savoir la reconnaître, et savoir la prendre en
charge rapidement en évitant toute attente superflue. Elle est
bien évidemment très facile à reconnaître chez un patient ayant
un antécédent connu d’insuffisance surrénale chronique périphérique, un peu moins chez un patient ayant un antécédent
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d’insuffisance surrénale centrale, et beaucoup moins chez un patient sans antécédent notable. Dans ce dernier cas, la présentation est souvent peu spécifique, et il peut exister un retard à la
prise en charge diagnostique avec un risque vital pour le patient.
Clinique
La décompensation aiguë fait souvent évoquer en premier lieu
une urgence abdominale : douleur abdominale, nausée, vomissements, diarrhée… autant de signes d’ailleurs qui ne feront
qu’aggraver l’insuffisance surrénale sous-jacente. L’existence
d’un abdomen restant souple malgré un tableau clinique souvent sévère doit faire évoquer le diagnostic. L’association à une
asthénie progressive et désormais très marquée, une hypotension artérielle, signes qui pourraient faire évoquer un tableau abdominal aigu, tranche là encore avec une palpation abdominale
rassurante. Le patient peut également présenter des signes
d’hypoglycémie. Garder en tête que la probabilité d’insuffisance
surrénale aiguë aux urgences est très faible en comparaison
avec la probabilité d’un tableau abdominal aigu, mais que le
risque vital en cas de non-diagnostic d’insuffisance surrénalienne aiguë est majeur. En cas de doute diagnostique, un examen d’imagerie abdominale devra donc toujours être effectué
en urgence.
Chez un patient sans antécédent notable, l’interrogatoire cherchera à identifier des pathologies auto-immunes associées, une
prise de corticoïdes, ou un syndrome tumoral hypothalamo-hypophysaire. Surtout, l’interrogatoire doit s’évertuer à trouver le
facteur déclenchant : intervention chirurgicale, anesthésie, infection sous-jacente, IDM, grossesse… L’examen clinique mettra
en évidence en cas d’insuffisance surrénale périphérique une
mélanodermie.
Paraclinique
La situation d’urgence fait qu’il ne faudra pas attendre le résultat
d’un dosage d’ACTH et de cortisol pour démarrer le traitement
par hydrocortisone en cas de doute diagnostique. Ce prélèvement
doit être effectué pour avoir des résultats à distance. Le bilan
minimal doit par ailleurs comporter :
––un ionogramme avec bicarbonates : hyponatrémie avec acidose
hyperkaliémique en cas d’atteinte primaire, hyponatrémie isolée en cas d’atteinte secondaire. Attention toutefois à la possibilité d’hypokaliémie en cas de vomissements/diarrhée associée, ou de normonatrémie en cas de déshydratation majeure ;
––urée, créatinine à la recherche d’une insuffisance rénale aiguë
fonctionnelle ;
––hémogramme, CRP, bilan infectieux en cas d’argument pour
un facteur déclenchant infectieux ;
––ECG à la recherche de signes d’infarctus du myocarde ou
d’un retentissement des troubles hydroélectrolytiques ;
––tout bilan minimal standard associé en cas de point d’appel
spécifique : bêta-HCG, troponine, TSH (hyperthyroïdie comme
facteur déclenchant…).
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Message de l'auteur
Un cas d’insuffisance surrénale sera
généralement proposé à l’ECN dans le cadre
de pathologies plus globales, telles que des
associations de pathologies auto-immunes
(hypothyroïdie, diabète… ou moins fréquemment
avec hypoparathyroïdie et candidose diffuse), ou
secondaire à un arrêt de corticothérapie prolongé.
Dans le premier cas, toute décompensation aiguë
d’une des pathologies associées doit être
considérée comme une situation de stress et
conduire à une augmentation de dose
d’hydrocortisone. Dans le deuxième cas, il faudra
connaître le schéma théorique de décroissance des
corticoïdes et la différence entre corticoïdes de
synthèse (régime sans sel) et hydrocortisone
substitutive (régime normosodé). Il faudra
également connaître les conditions d’arrêt définitif
de l’hydrocortisone basées sur la réalisation d’un
dosage de cortisol à 8 h du matin et éventuellement
la réalisation d’un test au Synacthène.
À l’inverse, il faudra penser à évoquer une
insuffisance surrénale devant tout tableau digestif
aigu avec hypotension artérielle chez un patient
avec antécédents auto-immuns. Plus généralement,
le diagnostic devra être suspecté devant tout cas
de tableau digestif atypique pour lequel le rédacteur
du dossier vous donne comme information un
ionogramme urinaire avec natriurèse augmentée.
Exemple de situation type :
« Mme B, 40 ans, est adressée aux urgences
pour nausée, vomissements, diarrhée et douleurs
abdominales diffuses évoluant depuis quelques
heures. La TA est à 8/5, nettement inférieure
à celle constatée habituellement par son médecin
traitant. La palpation abdominale est sans
particularité. L’examen retrouve des zones
de dépigmentation au niveau des mains
et des avant-bras. Le traitement habituel
comprend uniquement du Lévothyrox.
Traitement
C’est une urgence vitale. La prise en charge débute aux urgences sous surveillance scopée en cas de dyskaliémie sévère.
Le traitement a comme objectifs la rééquilibration hydroélectrolytique et la substitution hormonale. L’hospitalisation est indispensable dans les suites de la prise en charge immédiate. Les
posologies sont données à titre indicatif :
––hydrocortisone IV à forte dose : bolus IV de 100 mg puis 50 mg
toutes les 6 heures, ou relais par mise sous seringue électrique
à raison de 200 mg/24 heures. À cette posologie, il n’y a pas
d’intérêt à donner une supplémentation minéralocorticoïde car
l’hydrocortisone assure déjà cette fonction ;
––perfusion de sérum physiologique et de sérum glucosé ;
––surveillance clinique (constantes, état général) et paraclinique
(ionogramme, fonction rénale) ;
––traitement du facteur déclenchant.
L’hydrocortisone à forte dose a un effet hypokaliémiant majeur.
Cela implique donc une surveillance de la kaliémie après la mise
en route du traitement. Cela signifie aussi que tout patient avec
kaliémie normale (et encore plus avec hypokaliémie) à l’entrée
est considéré comme à très haut risque d’hypokaliémie lors de
l’instauration de ce traitement. La surveillance biologique de la
kaliémie doit donc être rapprochée, et une supplémentation potassique initiale doit être instaurée en cas de kaliémie normale
(ou basse avec scope) à l’entrée. La posologie de l’hydrocortisone
est ensuite progressivement diminuée, avec passage per os,
Le bilan biologique standard met en évidence
une natrémie à 130 mmol/L (N 135-145),
une kaliémie à 3,7 mmol/L (N 3,5-5). »
Dans ce cadre, l’hypothyroïdie par argument de
fréquence est d’origine auto-immune, et la
présence d’un vitiligo est également en faveur de
cette origine. Il n’existe pas d’hyperkaliémie du fait
des troubles digestifs. Le premier réflexe d’éliminer
un tableau digestif compliqué (hypotension
artérielle) est logique, mais cette option est rendue
peu évidente par la normalité de la palpation
abdominale. Il faudra donc évoquer la possibilité
d’une insuffisance surrénale aiguë comme
hypothèse diagnostique, et la suite du dossier
aidera à valider cette hypothèse. La prise en charge
classique de l’insuffisance surrénale devra prendre
en compte l’existence d’une hypokaliémie au
diagnostic, imposant une supplémentation
potassique initiale pour éviter le passage en
hypokaliémie après la mise sous hydrocortisone.
jusqu’à obtention d’une dose de substitution physiologique. À
ce stade, le traitement substitutif minéralocorticoïde devra être
redémarré en cas d’insuffisance surrénale primaire.
Éducation du patient
Tout patient peut présenter une insuffisance surrénalienne aiguë
soit au diagnostic d’insuffisance surrénalienne, soit du fait d’un
facteur déclenchant en général car il n’a pas adapté correctement ses doses d’hydrocortisone. Comme pour toute pathologie
chronique, l’éducation doit donc apparaître dans la prise en charge
de ces patients (v. Traitement de l'insuffisance surrénale).•
M. Philippon déclare n'avoir aucun lien d'intérêts.
F. Castinetti et T. Brue déclarent avoir participé à des travaux scientifiques, rapports
d’expertise, activités de conseil et conférences pour l’entreprise Viropharma/Shire.
+
POUR EN SAVOIR ●
Il n’existe pas actuellement de consensus français sur la prise en charge de l’insuffisance
surrénale. Il est en cours de rédaction par la Société française d’endocrinologie.
Pour plus d’informations, on pourra se rapporter aux références suivantes :
Arlt W, et al. Lancet. 2003. Adrenal insufficiency.
Grossman A. Journal of Clinical Endocrinology and metabolism. 2011.
The diagnosis and management of central hypoadrenalism.
Husebye S, et al. Journal of internal medicine. 2014. Consensus
statement on the diagnosis, treatment and follow-up of patients with primary
adrenal insufficiency.
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FOCUS
Item 336
Imagerie de l’hémorragie
méningée
Ce FOCUS attire votre attention
sur des points importants.
Dr Grégoire Boulouis1, 2, Dr Denis Trystram1, 2, Dr François Nataf4, 5, Dr Christine Rodriguez1, 2,
Pr Bertrand Devaux4, 5, Pr Catherine Oppenheim1-3, 5 , Pr Jean-François Meder1-3, 5, Dr Olivier Naggara1-3, 5
L’
imagerie cérébrale occupe une place centrale dans le diag­
nostic initial, le suivi et le traitement des patients atteints
d’hémorragie méningée.
Le scanner doit être réalisé en urgence (fig. 1), il démontre une
hyperdensité des espaces sous-arachnoïdiens, évalue la sévérité
par l’échelle de Fisher et recherche les complications précoces
(tableau).
Si l’IRM est accessible et que l’état du patient est compatible,
les séquences FLAIR, T2* ou imagerie pondérée en susceptibilité
magnétique (SWI) peuvent remplacer le scanner cérébral sans
injection (fig. 2), avec une sensibilité plus élevée pour le diagnostic
d’hémorragie méningée.
Il est capital de réaliser une imagerie artérielle dès la phase
diagnostique pour planifier la suite de la prise en charge. Dans
cette indication, l’angioscanner a une meilleure sensibilité que
l’angio-IRM en temps de vol pour la détection des anévrismes
de moins de 3 mm. Une attention particulière sera portée aux
sites de développement préférentiel des anévrismes dits « de
bifurcation » (fig. 3).
TABLEAU
1. Service d’imagerie morphologique et fonctionnelle, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France
2. Université Paris-Descartes, 75270 Paris Cedex 06, France
3. Service de radiologie pédiatrique, Necker-Enfants malades, 75007 Paris, France
4. Service de neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France
5. Inserm UMR-S894, France
[email protected]
Échelle de Fisher
Grade
Aspect en scanner cérébral sans injection
1
Absence d’hyperdensité spontanée
2
Dépôt de moins de 1 mm d’épaisseur
3
Dépôt de plus de 1 mm d’épaisseur
4
Hématome parenchymateux ou hémorragie ventriculaire
L’angiographie digitale permet de planifier et de suivre le traite­
ment (lorsqu’il est réalisé par voie endovasculaire, fig. 4).
L’imagerie cérébrale intervient également dans le suivi et la
prise en charge des complications tardives. En cas de vaso­
spasme résistant au traitement médical optimal, une procédure
endovasculaire est alors menée, incluant une dilatation chimique
et éventuellement mécanique (fig. 5).•
A
B
Scanner cérébral sans injection. A. Hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens (ESA) : citerne interpédonculaire (flèche blanche verticale), vallée
sylvienne gauche (flèche blanche oblique) et sillons de la convexité (têtes de flèches) HSA Fisher 3 ; B. L’HSA occupe les deux vallées sylviennes (flèches obliques) et des
citernes de la base (astérisques). On note le dépôt hémorragique intraventriculaire (flèche horizontale) et la dilatation débutante des ventricules. HSA Fisher 4.
FIGURE 1
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FOCUS
Item 336
H ÉMOR RAGIE MÉNINGÉE
Artère communicante antérieure
Artère communicante postérieure
Artère cérébrale moyenne
Artère carotide interne
Tronc basilaire
Artère cérébelleuse
postéro-inférieure
A
B
FIGURE 3 Hémorragie méningée en IRM. Distribution des anévrismes
intracrâniens. ARM par temps de vol (TOF) vue de face. Les encadrés
correspondent aux sites les plus fréquents d’anévrisme intracrânien. ACA : artère
cérébrale antérieure ; ACP : artère cérébrale postérieure ; AV : artère vertébrale.
FIGURE 2 Hémorragie méningée en IRM. A. Scanner cérébral sans injection
B. IRM cérébrale 1.5T, séquence FLAIR. Le scanner cérébral ne montre pas
d’hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens, alors que la séquence
FLAIR montre des hypersignaux linéaires de ces espaces (flèches) signant l’HSA.
A
B
C
D
Artériographie par injection sélective dans l’artère carotide interne gauche. Présence d’un anévrisme (A) implanté sur l’artère communicante antérieure,
sous la forme d’une image d’addition sacciforme de 3 mm. Implantation d’une première spire de platine de 3 mm de diamètre (B) puis de 2 (C) et 1,5 mm de diamètre (D),
permettant l’exclusion progressive de l’anévrisme, dans lequel le sang et le produit de contraste n’entrent plus.
FIGURE 4
A
B
C
D
Traitement d’un vasospasme cérébral symptomatique par angioplastie mécanique. Artériographie par injection sélective dans l’artère carotide interne
gauche. Sténose de l’artère cérébrale moyenne droite (A, flèche), serrée. Mise en place d’un ballon (B, marqueurs proximal et distal du ballon, flèches), qui est gonflé au
niveau de la sténose (C, flèche), permettant de lever la sténose (D).
FIGURE 5
G. Boulouis, D. Trystram, F. Nataf, C. Rodriguez, B. Devaux, C. Oppenheim, J.-F. Meder et O. Naggara déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
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Item 336
HÉMORRAGIE MÉNINGÉE
Dr Grégoire Boulouis1, 2, Dr Denis Trystram1, 2, Dr François Nataf4, 5, Dr Christine Rodriguez1, 2,
Pr Bertrand Devaux4, 5, Pr Catherine Oppenheim1-3, 5 , Pr Jean-François Meder1-3, 5, Dr Olivier Naggara1-3, 5
1. Service d’imagerie morphologique et fonctionnelle, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France
2. Université Paris-Descartes, 75270 Paris Cedex 06, France
3. Service de radiologie pédiatrique, Necker-Enfants malades, 75007 Paris, France
4. Service de neurochirurgie, hôpital Sainte-Anne, 75014 Paris, France
5. Inserm UMR-S894, France
[email protected]
objectifs
DIAGNOSTIQUER une hémorragie méningée.
IDENTIFIER les situations d'urgence
et PLANIFIER leur prise en charge.
Introduction
L’hémorragie méningée ou hémorragie sous-arachnoïdienne
(HSA) désigne une irruption de sang d’origine artérielle dans les
espaces sous-arachnoïdiens péricérébraux où cheminent les
artères. C’est une forme rare d’accident vasculaire cérébral
(AVC), avec une incidence globale estimée à 9 pour 100 000 personnes-années. Il existe d’importantes variations géographiques
d’incidence avec des taux notablement plus élevés en Finlande
et au Japon.
Quatre-vingt-cinq pour cent des hémorragies sous-arachnoïdiennes non traumatiques sont secondaires à la rupture d’un
anévrisme développé aux dépens de l’une des artères intracrâniennes et 5 % sont secondaires à d’autres types d’anomalies
vasculaires (dissection artérielle, malformation ou fistule artério-veineuse, angéite cérébrale, thrombose veineuse cérébrale).
Dans 10 % des cas, aucune cause n’est retrouvée ; on parle
alors d’HSA idiopathique.
Facteurs de risque
Les facteurs de risque d’hémorragie sous-arachnoïdienne
sont identiques à ceux de la formation et de la croissance des
anévrismes intracrâniens : hypertension artérielle, tabagisme actif, hypercholestérolémie. De plus, l’hémorragie sous-arachnoïdienne peut être favorisée par l’intoxication alcoolique aiguë et
l’utilisation de substances sympathomimétiques (i.e. cocaïne). Il
existe une prédominance féminine (sex-ratio F/H : 2/1) et une
prédisposition familiale. En effet, entre 5 et 20 % des patients
atteints d’hémorragie sous-arachnoïdienne par rupture d’anévrisme ont un antécédent familial. Cependant, on ne parle de
« forme familiale » d’anévrisme que lorsque 2 parents au premier
degré ont présenté une hémorragie sous-arachnoïdienne par
rupture d’anévrisme ou sont porteurs d’un anévrisme intracrânien.
Proposer un dépistage familial d’anévrisme est recommandé dans
ce cadre uniquement. Plusieurs pathologies à transmission génétique peuvent être associées à un taux d’anévrisme plus élevé
que dans la population générale et donc à risque plus important
de survenue d’une hémorragie méningée. La plus fréquente est
la polykystose rénale autosomique dominante, pour laquelle un
dépistage systématique d’anévrisme intracrânien par imagerie par
résonance magnétique (IRM) est recommandé. D’autres maladies
rares sont responsables d’une augmentation du risque d’hémorragie méningée (affections héréditaires du tissu conjonctif, maladie
d’Ehlers-Danlos vasculaire, neurofibromatose de type I).
Pronostic
Le pronostic des hémorragies méningées reste très sévère
avec plus de 10 % des patients qui décèdent avant d’atteindre
l’hôpital et 25 % dans les premières 24 heures de l’ictus. La
mortalité globale est proche de 50 %. Près de la moitié des survivants gardent des séquelles sévères et seulement un tiers des
patients retrouvent une qualité de vie identique 18 mois après
l’accident vasculaire cérébral.
Diagnostic
Anamnèse et examen clinique
Un haut degré de suspicion doit prévaloir pour toute céphalée
brutale, ou tout tableau neurologique incluant des céphalées.
La céphalée est l’élément central de l’anamnèse. Elle est brutale,
« en coup de tonnerre », maximale en quelques secondes à une
minute. Le patient est capable de préciser l’heure exacte du début
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RR Item 336
HÉ MOR R AGIE MÉ NINGÉ E
Évaluation de la gravité clinique initiale
Plusieurs échelles cliniques permettant d’évaluer la gravité
initiale d’un patient présentant une hémorragie sous-arachnoïdienne ont été décrites. L’échelle WFNS de la World Federation
of Neurosurgical Societies (tableau) est la plus consensuelle.
Elle associe le score de Glasgow (degré de vigilance et signes
de souffrance axiale) à la présence d’un déficit moteur. Les
patients ayant d’emblée un score de Glasgow inférieur ou
égal à 12 (grades 4 et 5 de l’échelle WFNS) ont un pronostic
péjoratif.
Bilan paraclinique/étiologique
1.Couple scanner-angioscanner cérébral
Tout patient suspect d’hémorragie sous-arachnoïdienne non
traumatique doit bénéficier d’un scanner cérébral sans injection
en urgence. Le scanner a une très bonne sensibilité (proche de
95 % dans les premières 24 heures) pour le diagnostic positif
d’hémorragie sous-arachnoïdienne, visualisée sous la forme
d’une hyperdensité spontanée des espaces sous-arachnoïdiens
(sillons corticaux, citernes de la base, vallées sylviennes et/ou
scissure interhémisphérique – v. focus).
L’abondance de l’hémorragie, quantifiée par l’échelle de Fisher (v. Focus), est un facteur de risque indépendant de vasospasme et d’infarctus cérébral au cours de l’évolution et reflète
donc directement la gravité.
Le scanner permet également de dépister les complications
précoces parmi lesquelles l’hydrocéphalie aiguë, les hématomes
parenchymateux associés, l’œdème cérébral et les signes d’engagement. La présence d’un hématome a une valeur localisatrice
à l'imagerie et peut aider à identifier l’anévrisme rompu en cas
d’anévrismes multiples.
e108
Il faut noter que la sensibilité du scanner cérébral pour la mise
en évidence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne diminue en
cas de saignement de faible abondance et au-delà de trois jours
après l’hémorragie.
L’angioscanner cérébral a une sensibilité d’environ 95 % pour
la détection des anévrismes artériels (v. Focus). Une attention
particulière est portée à l’analyse des sites fréquents d’anévrisme
dits « de bifurcation ». L’angioscanner peut être faussement négatif en cas d’anévrisme sacciforme de moins de 3 mm, d’anévrisme disséquant de type « blister » (phlyctène développée sur
une artère disséquée, sans vrai sac), ou encore en cas de vaso­
spasme masquant l’anévrisme.
2.Place de l’IRM
L’IRM présente de très bonnes performances diagnostiques
dans cette situation, mais les nécessités de surveillance rapprochée d’un patient atteint d’hémorragie sous-arachnoïdienne
grave font souvent préférer le scanner, examen moins long et
plus rapidement disponible comme examen initial.
La séquence FLAIR a une sensibilité supérieure au scanner
cérébral sans injection pour le diagnostic d’hémorragie sous-arachnoïdienne. L’hémorragie est visible sous la forme d’un hypersignal au sein des espaces sous-arachnoïdiens (v. Focus). Cet
hypersignal est peu spécifique et se retrouve dans d’autres situations pathologiques (méningite infectieuse, carcinomateuse)
ou iatrogènes (oxygénothérapie à haut débit sur ventilation mécanique, injection préalable de gadolinium, artéfacts métalliques). Le contexte clinique et les autres constatations d’imagerie permettront d’exclure ces diagnostics différentiels.
Au bout d’une semaine, l’hypersignal FLAIR va diminuer, et les
produits de dégradation de l’hémoglobine apparaîtront en hyposignal en séquence T2*. Une séquence FLAIR peut être positive
jusqu’à deux semaines après l’hémorragie sous-arachnoïdienne,
le T2* jusqu’à un mois.
L’angio-IRM (ARM) du polygone de Willis, réalisée au cours du
même examen, peut mettre en évidence un anévrisme (v. Focus),
mais sa sensibilité reste faible pour la détection des anévrismes
dont la taille est inférieure à 3 mm, en conditions cliniques.
TABLEAU
de la céphalée. Typiquement, elle est inhabituelle, très intense
(« worst headache of your life »), holocrânienne, continue et résistante aux antalgiques de palier 1. Des épisodes antérieurs de
céphalée brutale, résolutifs spontanément, les semaines précédentes peuvent être retrouvés à l’anamnèse (céphalées sentinelles). Il n’y a pas de fièvre.
Des nausées associées ou non à des vomissements s’associent à cette céphalée dans 70 % des cas. Les différents éléments du syndrome méningé (raideur de nuque, sono- et photophobie, signes de Kernig et Brudzinski) peuvent faire défaut à
la phase initiale et doivent être recherchés. Des troubles de
conscience jusqu’au coma peuvent être présents d’emblée.
Des convulsions accompagnent la céphalée initiale dans environ
10 % des cas.
Certains signes neurologiques ont une valeur localisatrice. Une
atteinte du nerf moteur oculaire commun (III) évoque, par
exemple, la rupture d’un anévrisme développé au niveau de la
paroi postérieure de l’artère carotide interne supraclinoïdienne
ipsilatérale. L’atteinte de la sixième paire crânienne n’a pas de
valeur localisatrice et témoigne de l’hypertension intracrânienne.
Échelle WFNS (World Federation
of the Neurosurgical Societies)
de l'hémorragie méningée
Grade WFNS
Score de Glasgow
Déficit moteur
1
15
Absent
2
14-13
Absent
3
14-13
Présent
4
12-7
Présent ou absent
5
6-3
Présent ou absent
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3.Place de l’artériographie
L’angiographie cérébrale numérisée tridimensionnelle reste l’examen
de référence dans l’évaluation des artères intracrâniennes, et tout
particulièrement pour la recherche d’anévrismes intracrâniens. Cependant, les performances de l’angioscanner et de l’angio- IRM
ont progressivement remplacé l’artériographie à visée diag­nostique.
L’artériographie reste indiquée, en cas d’hémorragie sous-arachnoïdienne, lorsque les examens non invasifs sont négatifs, dans le
cadre du bilan pré-interventionnel/opératoire ou pour guider la
décision thérapeutique dans les cas complexes.
4.Place de la ponction lombaire
La ponction lombaire (PL) n’est indiquée que si la symptomatologie clinique est évocatrice d’hémorragie sous-arachnoïdienne
et si l’imagerie cérébrale est normale. La PL n’est pas une urgence
absolue en cas de suspicion d’hémorragie sous-arachnoïdienne ;
en effet, il est préférable d’attendre un délai de 6 à 12 heures
après l’hémorragie pour la réaliser car il faut un temps suffisant
pour obtenir la lyse des globules rouges et la formation de bilirubine et d’oxyhémoglobine, permettant de montrer le caractère
xanthochromique du liquide cérébro-spinal (LCS) surnageant
après centrifugation. Le rapport leucocytes/globules rouges est
différent du rapport sanguin.
Au total, la ponction lombaire avec recherche de surnageant
xanthochromique garde une place dans le diagnostic d’hémorragie sous-arachnoïdienne lorsque la symptomatologie est évocatrice et le scanner normal. Un intermédiaire non invasif, l’IRM
avec séquence FLAIR, peut être proposé chez les patients sans
troubles de la conscience.
Hémorragies méningées non anévrismales
1.Hémorragie sous-arachnoïdienne non anévrismale avec
anomalies artérielles
Cinq pour cent des hémorragies méningées non traumatiques
ne sont pas liées à une rupture anévrismale. Ainsi, la dissection
d’une artère intracrânienne, une angéite cérébrale, une malformation vasculaire (fistule, malformation artério-veineuse…), certaines
angiopathies secondaires peuvent être responsables d’hémorragie sous-arachnoïdienne. Le bilan initial est identique.
2.Hémorragie sous-arachnoïdienne traumatique
La présence d’une hémorragie sous-arachnoïdienne chez un
patient traumatisé crânien est banale (près de 50 % des traumatismes modérés à sévères), cependant il est capital de ne pas
éliminer l’hypothèse d’un traumatisme par perte de connaissance
secondaire à une hémorragie sous-arachnoïdienne. La présence de lésions traumatiques parenchymateuses ou osseuses
adjacentes (contusions cérébrales, fracture de la voûte…),
l’aspect en scanner (hémorragie superficielle focale, sans atteinte des citernes, en cas de traumatisme) et, avant tout, une
anamnèse parfaitement claire doivent être recherchés afin de
confirmer la nature traumatique de l’hémorragie méningée. Au
moindre doute, il faudra faut réaliser une imagerie vasculaire à
visée étiologique.
3.Hémorragies péri-mésencéphaliques
Certaines hémorragies méningées non anévrismales ont une
topographie purement péri-mésencéphalique, c’est-à-dire que
l’hyperdensité en scanner occupe les citernes autour des pédoncules cérébraux, avec peu ou pas d’atteinte des autres citernes.
Ces hémorragies sous-arachnoïdiennes ont un meilleur pronostic et aucune anomalie vasculaire n’est habituellement retrouvée.
Il s’agit d’un diagnostic d’élimination. Le bilan et la prise en charge
initiale sont identiques, et le bilan doit inclure une artériographie
cérébrale complète. Les récidives sont exceptionnelles.
Prise en charge thérapeutique
Mise en condition
Tout patient suspect d’hémorragie sous-arachnoïdienne doit
être transféré en urgence dans un centre disposant de services
de neuroradiologie interventionnelle, de neurochirurgie et de
réanimation neurologique et doit être placé en milieu réanimatoire spécialisé minimisant les stimulations neurosensorielles et
visuelles.
Hypertension intracrânienne et hydrocéphalie aiguë
Pour les grades élevés, il existe de façon quasiment constante
une hypertension intracrânienne (HTIC) qui peut résulter de
plusieurs mécanismes qui doivent être explorés et traités.
Présence d’un hématome cérébral associé : un hématome cérébral
peut être associé à une hémorragie sous-arachnoïdienne dans
20 à 34 % des cas, secondaire dans 50 % des cas à un resaignement. Il est le plus souvent au second plan par rapport à
l’hémorragie sous-arachnoïdienne, lorsque la lésion vasculaire
en cause est un anévrisme. La présence d’un hématome a une
valeur localisatrice, particulièrement utile en cas d’anévrismes
intracrâniens multiples. En cas d’engagement cérébral secondaire à la taille de l’hématome, et une fois le bilan d’imagerie
complété, rien ne doit retarder l’évacuation chirurgicale de l’hématome, qui sera est complétée par une exclusion anévrismale
par microclip dans le même temps opératoire.
Outre l’hématome intra-parenchymateux, un hématome sous-dural
peut être secondaire à la rupture d’un anévrisme intracrânien,
particulièrement lorsque l’anévrisme est localisé à la naissance
de l’artère communicante postérieure ou de l’artère péricalleuse.
L’hydrocéphalie aiguë, dont l’incidence est estimée entre 16 et
35 %, est due soit à une obstruction du système ventriculaire
par l’hémorragie ventriculaire, soit à un trouble aigu de la résorption par feutrage des granulations de Pacchioni. Les facteurs
prédictifs de l’hydrocéphalie sont l’âge, l’hémorragie intraventriculaire, l’importance de l’hémorragie sous-arachnoïdienne et la
localisation de l’anévrisme sur la circulation postérieure. Lorsque
l’hydrocéphalie est symptomatique et/ou évolutive, son traitement
repose sur le drainage ventriculaire par voie externe. Devant une
hydrocéphalie, si un geste endovasculaire est envisagé, la dérivation par voie externe (DVE) devrait être posée avant l’emboli-
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HÉ MOR R AGIE MÉ NINGÉ E
sation car l’héparinothérapie nécessaire au geste d’embolisation
peut gêner la pose ultérieure d’une DVE. Le sevrage en est habituellement fait dans les 10 jours qui suivent, et l’implantation
d’une dérivation définitive n’est nécessaire que chez 15 % des
patients.
Œdème cérébral : il est très fréquent dans les heures qui suivent
le début des symptômes. Il nécessite un monitorage de la
pression intracrânienne (PIC), idéalement par un cathéter intraventriculaire.
Traitement de l’anévrisme
Le resaignement précoce d’un anévrisme rompu non traité est
assorti d’une mortalité extrêmement élevée à court terme (70 %)
et d’une morbidité importante à long terme. Ce risque est majoré lorsque l’anévrisme est de grande taille, lorsque la pression
artérielle est élevée et/ou lorsque la pression intracérébrale (PIC)
diminue brutalement (drainage trop rapide d’une hydrocéphalie).
Un anévrisme rompu non exclu est, de plus, un frein à l’optimisation des mesures de maintien de la pression de perfusion cérébrale (PPC) qui nécessitent une élévation de la pression artérielle
moyenne ou le respect d’une élévation spontanée de celle-ci.
L’unique moyen de prévenir une récidive hémorragique est
l’exclusion complète du sac, qui peut être réalisée par voie endovasculaire ou microchirurgicale.
Le traitement endovasculaire est la technique de première intention pour la plupart des anévrismes rompus. Il consiste en
une exclusion sélective du sac par des spires de platine (« coils »)
à largage contrôlé (v. Focus).
Il persiste des indications de traitement microchirugical, et le
choix de la procédure la plus appropriée pour chaque patient
nécessite une discussion pluridisciplinaire spécialisée, tenant
compte de l’état physiologique du patient, de la topographie et
de la morphologie du sac, des rapports de voisinage avec les
artères perforantes et de la présence d’un hématome associé.
Le traitement chirurgical consiste à réaliser un volet pour aborder
les vaisseaux du polygone de Willis, qui seront suivis jusqu’à
l’anévrisme dont le collet sera disséqué et libéré. La mise en place
d’un clip sur le collet de l’anévrisme permettra son exclusion
complète.
Vasospasme cérébral et ischémie cérébrale retardée
Le vasospasme est la principale complication retardée de l’hémorragie sous-arachnoïdienne, responsable de complications
neurologiques graves et d’une mortalité importante après la
phase initiale.
Il débute le plus souvent à J4 de l’hémorragie sous-arachnoïdienne avec un pic vers J7 et cède habituellement après 2 semaines. Il est défini comme une réduction segmentaire, prolongée et initialement réversible de la lumière d’une artère proche
ou à distance de l’anévrisme rompu. Il survient chez près de
50 % des patients, mais n’est symptomatique de façon transitoire ou permanente que chez 10 % d’entre eux. Une fièvre, une
e110
hypertension artérielle, une hyperleucocytose et/ou une hypo­
natrémie peuvent l’accompagner mais en sont parfois les seuls
signes. Un vasospasme sévère, étendu ou de longue durée, peut
évoluer vers l’infarctus cérébral. Le risque de survenue d’un vaso­
spasme après une hémorragie sous-arachnoïdienne est lié à
l’abondance de celle-ci à la phase aiguë (échelle de Fisher). Son
incidence est également plus élevée chez les sujets jeunes, d’emblée
grave (WFNS > 2, GCS score de Glasgow < 14) ou présentant une
accélération précoce des vitesses circulatoires cérébrales.
L’ischémie cérébrale retardée se manifeste par des troubles
de la conscience, des céphalées croissantes et/ou surtout un
déficit neurologique focal, conséquence du vasospasme artériel
entraînant une hypoperfusion cérébrale dans les territoires
concernés.
1.Diagnostic du vasospasme
La première étape de diagnostic du vasospasme consiste à
éliminer d’autres causes d’aggravation neurologique secondaire : hydrocéphalie, resaignement, convulsions infracliniques,
troubles hydro-électrolytiques, par la réalisation systématique
d’un scanner cérébral, d’un EEG et d’un bilan biologique.
Le Doppler transcrânien (DTC) est utilisé pour monitorer quotidiennement, au lit du patient, les vitesses circulatoires cérébrales
qui s’élèvent en cas de vasospasme. Le cas échéant, l’angiographie cérébrale numérisée, l’angioscanner ou l’angio-IRM
permettent de confirmer le vasospasme en démontrant le rétrécissement segmentaire des artères intracrâniennes, maximal à
proximité de l’anévrisme rompu. Le choix de la modalité d’imagerie varie selon les centres. La réalisation d’une artériographie
a l’avantage de pouvoir être associée à un traitement mécanique ou chimique par voie artérielle.
Le vasospasme angiographique n’est pas nécessairement
corrélé à l’intensité des symptômes neurologiques et n’est pas
synonyme d’ischémie cérébrale secondaire. En ce sens l’imagerie
de perfusion (IRM ou scanner) peut aider à évaluer la qualité de
la perfusion cérébrale et rechercher une ischémie secondaire,
notamment chez les patients intubés ou dont l’évaluation neurologique est difficile.
2.Traitement du vasospasme et de l’ischémie cérébrale retardée
Nimodipine dès la phase aiguë : le traitement préventif du vaso­
spasme repose sur l’administration systématique et précoce, par
voie intraveineuse, de nimodipine, inhibiteur calcique aux propriétés
vasodilatatrices, dès la phase aiguë.
Mesures tensionnelles : ce traitement est associé à des mesures
permettant de maintenir une pression de perfusion cérébrale adaptée (> 70 mmHg) après exclusion de l’anévrisme et en l’absence de contre-indication (insuffisance cardiaque, œdème aigu
pulmonaire…). Ces mesures incluent le maintien d’une pression
artérielle moyenne dans les limites élevées de la normale (ou le
respect d’une hypertension spontanée modérée, pression artérielle moyenne > 100 mmHg) et le maintien d’une euvolémie stricte.
En cas d’ischémie cérébrale secondaire ou de vasospasme
symptomatique, l’induction d’une hypertension et d’une hyper-
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Hémorragie méningée
POINTS FORTS À RETENIR
Toute céphalée brutale ou symptômes neurologiques
associés à des céphalées aiguës est une hémorragie méningée
jusqu’à preuve du contraire et doit faire réaliser un scanner
cérébral en urgence.
Le patient doit être placé en secteur neuro-réanimatoire
dans un hôpital disposant d’un plateau technique complet, d’un
service de neurochirurgie et de neuroradiologie interventionnelle,
quel que soit son état clinique initial.
La première étape du traitement est l'exclusion de l’anévrisme
pour éviter un resaignement dont le pronostic est catastrophique.
Le traitement est réalisé par embolisation dans la plupart des cas.
La prévention du vasospasme cérébral associe
l’administration de nimodipine dès la phase aiguë et la mise
en place de mesures de maintien de la pression de perfusion
cérébrale après traitement de l’anévrisme.
Une surveillance continue et un dépistage précoce des
complications (hypertension intracrânienne, complications
cardiovasculaires et prévention des agressions cérébrales
d’origine systémique) est indispensable.
volémie seront discutés. Les médicaments vasoactifs utilisés
doivent être titrables pour permettre une optimisation des paramètres de perfusion cérébrale.
Un traitement endovasculaire du vasopspasme doit être envisagé
en cas d’échec de ces mesures. Il consiste en une injection intraartérielle « in situ » d’un vasodilatateur (nimodipine, milrinone…).
Une angioplastie mécanique peut y être associée en réalisant une
dilatation endovasculaire des segments artériels sténosés, à
l’aide d’un ballonnet (v. Focus).
Mesures associées
1.Monitorage cardio-tensionnel continu
Les spécificités de la prévention et du traitement du vasospasme
impliquent un monitorage invasif continu de la pression artérielle
permettant un suivi constant et précis des conditions hémodynamiques.
2.Prise en charge de la douleur
La douleur est liée à l’irritation méningée par l’hémorragie
sous-arachnoïdienne. Une antalgie doit être initiée dès l’admission. Un titrage morphinique est souvent nécessaire.
3.Troubles hydro-électrolytiques et glycémie
Différents mécanismes secondaires à l’agression cérébrale
peuvent être responsables d’une hyponatrémie (syndrome de
perte en sel, syndrome de sécrétion inappropriée d’hormone
antidiurétique [SIADH] plus rarement…), ou d’une hypernatrémie (diabète insipide). La présence d’une hyperglycémie à l’admission doit être recherchée et corrigée.
Une surveillance hydro-électrique et glycémique stricte doit
être mise en place et prolongée jusqu’à la sortie de neuro-réanimation pour permettre une correction rapide de toute anomalie.
De façon plus générale, il est capital de monitorer et corriger
les potentielles agressions cérébrales secondaires d’origine systémique (ACSOS).
4.Dépistage et prise en charge des complications
cardiorespiratoires
Les complications cardiaques sont fréquentes, liées initialement à l’intense stimulation sympathique et à la décharge noradrénergique qui accompagnent la rupture anévrismale puis à la
nécessité de maintenir la pression de perfusion cérébrale au prix
d’une pression artérielle élevée. Un électrocardiogramme (ECG)
est réalisé pour rechercher des troubles de repolarisation (fréquents à la phase aiguë). Une surveillance de la pression veineuse centrale par cathétérisme droit et du débit cardiaque par
échographie trans-thoracique peuvent peut être nécessaire.
Les complications respiratoires sont le plus souvent d’origine
infectieuse et secondaires à une inhalation initiale ou à la venti­
lation mécanique. Un œdème pulmonaire neurogénique peut
également survenir précocement. Il s’agit d’une complication
grave pouvant évoluer vers un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SDRA), et se résout, en l’absence de complication,
spontanément en moins de 3 jours.
5.Autres mesures thérapeutiques
La maladie thromboembolique est systématiquement prévenue
par une contention mécanique des membres inférieurs associée
à une héparinothérapie à doses préventives.
Aucun traitement antiépileptique n’est recommandé de manière
systématique ; son introduction sera évaluée au cas par cas.
La survenue d’une hémorragie intraoculaire (syndrome de Terson)
dans le cadre d’une hémorragie sous-arachnoïdienne, volontiers
sévère, peut entraîner des troubles visuels à court et à long
terme. Il n’existe pas de traitement spécifique en dehors de la
vitrectomie en l’absence d’amélioration. Il peut s’y associer une
hémorragie rétinienne ou prérétinienne au pronostic visuel mauvais.
Conclusion L’hémorragie sous-arachnoïdienne non traumatique est un accident vasculaire cérébral rare mais grave. Il s’agit d’une urgence
médicale, nécessitant une prise en charge multidisciplinaire
complexe et un dialogue constant entre les différentes spécialistes impliqués.
Le traitement d’une hémorragie sous-arachnoïdienne anévrismale
est séquentiel, combinant une exclusion précoce de l’anévrisme
rompu, le traitement des causes d’hypertension intracrânienne
(hydrocéphalie, hématome associé, resaignement anévrismal…)
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HÉ MOR R AGIE MÉ NINGÉ E
Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
CAS CLINIQUE
recrudescence progressive de sa céphalée.
À l’examen, vous notez un ralentissement
psychomoteur et une asymétrie faciale.
Quelles sont les causes possibles de cette
symptomatologie ? Et la plus probable ?
Une jeune femme de 38 ans vous est adressée par son médecin traitant pour une céphalée. Cette patiente
sans antécédent notable en dehors d’une migraine sans traitement de fond était en train de travailler quand
la céphalée a commencé. « J’ai envoyé ce mail et clac, d’un coup. » L’EVA est à 8, la céphalée est continue
et n’a pas cédé malgré la prise de Doliprane. Vous notez un minime ptosis et une mydriase à droite.
QUESTION 1
QUESTION 4
Quel diagnostic faut-il suspecter et pourquoi ?
Cet examen se révèle positif, il n’y a aucune
complication, le stade scanographique est bas.
Quel examen d’imagerie / quel complément
est-il capital de réaliser ? Pourquoi ?
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PUBLICATION MENSUELLE DE FORMATION MÉDICALE CONTINUE
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- N° 9
Tome 62
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Urgences
DOSSIER
DOSSIER DU
MOIS
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dopantes Q 50. Complications de l’immobilité et du décubitus (...)
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62 - N°
32)
1185
Septembre 2012 - Tome 62 - N° 7
FORMATI
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Septembre 2012 - Tome 62 - N° 7 (889-1036)
:Mise
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G. Boulouis, D. Trystram, F. Nataf, C. Rodriguez, B. Devaux, C. Oppenheim,
J.-F. Meder et O. Naggara déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
OK
+
POUR EN SAVOIR ●
S OPHTALM
et l’instauration de mesures préventives du vasospasme cérébral et de l’ischémie cérébrale secondaire consistant en l’administration d’inhibiteurs calciques et le maintien d’une pression de
perfusion cérébrale adaptée. La prise en charge d’un patient
souffrant d’une hémorragie méningée nécessite une surveillance
continue des paramètres vitaux et biologiques en secteur réanimatoire.•
- Tome
e 2012
Quel examen d’imagerie réalisez-vous en
première intention et qu’en attendez-vous ?
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Au 5e jour, vous êtes appelé au lit de la
patiente qui après amélioration de la douleur
sous traitement approprié présente une
Novembr
QUESTION 3
Retrouvez toutes les réponses
et les commentaires sur
QUESTION 5
S
Quelle information vous apportent les
symptômes oculaires ?
OLOGIQUE
QUESTION 2
gulants
• Phototh
èque : Phanèr
es, Archite
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• Quiz :
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RR
Item 187
FIÈVRE CHEZ UN PATIENT
IMMUNODÉPRIMÉ
Dr Sébastien Gallien, Pr Jean-Michel Molina
Service de maladies infectieuses et tropicales, hôpital Saint-Louis, Paris, 75010 Paris, France
[email protected]
objectifs
CONNAÎTRE les situations d’urgence et les grands
principes de prise en charge.
CONNAÎTRE les principes de la prise en charge en
cas de fièvre aiguë chez un patient neutropénique.
CONNAÎTRE les principes de prévention des
infections chez des patients immunodéprimés.
L
a fièvre chez un patient immunodéprimé est une urgence
diagnostique et thérapeutique car elle représente le plus
souvent le seul symptôme d’une infection qui sur ce terrain peut engager rapidement le pronostic vital. Sa prise en
charge est particulière en raison de la fréquence des infections
chez ces patients, de la lourde mortalité qui leur est associée et
de la difficulté d’obtenir un diagnostic microbiologique rapide
(notamment chez le patient neutropénique). En cas de fièvre survenant chez des sujets neutropéniques ou splénectomisés, il y a
une indication à une antibiothérapie urgente. Dans ces 2 situations, le pronostic vital peut être immédiatement mis en jeu en
cas de retard à l’initiation d’une antibiothérapie lors d’une fièvre
d’origine bactérienne.
Au cours des autres types de déficits immunitaires et notamment de l’immunité cellulaire, les agents infectieux potentiels,
dits « opportunistes », à l’origine de fièvre, sont nombreux et
responsables de tableaux cliniques variés, mais les causes de
fièvre chez ces patients ne sont pas toujours d’origine infectieuse et les autres causes tumorales, médicamenteuses ou inflammatoires doivent toujours être recherchées avec soin.
Ainsi, la prise en charge d’une fièvre aiguë chez un patient
immunodéprimé doit comporter :
––une caractérisation du type et de la profondeur de l’immunodépression ainsi que la connaissance des agents infectieux
qui lui sont épidémiologiquement associés ;
––une identification précoce de signes de sepsis grave indiquant
la mise en route d’une antibiothérapie précoce probabiliste et
active sur les pathogènes suspectés et un éventuel transfert
dans une unité de soins intensifs ;
––une définition clinique puis microbiologique précise du type
d’infection ;
––une réévaluation précoce (à 24-48 heures) clinique, paraclinique
et thérapeutique du malade sous traitement en fonction des
données évolutives et microbiologiques disponibles.
Enfin, il existe de nombreux moyens de prévention de la survenue des infections à adapter au type et à l’évolution de l’immunodépression.
Identification des situations d’urgence
Caractérisation de l’immunodépression
Il existe schématiquement 3 grands types d’immunodépression, s’associant à des infections qui leur sont plus spécifiques
(tableau 1) :
––le défaut de phagocytose essentiellement représenté par la
neutropénie, définie par un taux de polynucléaires neutrophiles
(PNN) < 1 500/mm3 (ou < 800/mm3 chez le sujet africain), le
plus souvent acquise et secondaire aux chimiothérapies antitumorales. La neutropénie s’associe à un risque infectieux important lorsque le taux de PNN est en dessous de 500/mm3.
Les neutropénies sont fréquemment associées aux infections
à bacilles à Gram négatif (origine digestive) favorisées par des
lésions muqueuses post-chimiothérapies (mucite) mais aussi à
cocci à Gram positif favorisés par la mise en place de cathéters de longue durée et aux antibiothérapies visant les bacilles
à Gram négatif. Les neutropénies profondes (< 500 PNN/mm3)
et prolongées exposent aussi aux infections invasives à champignons (Candida, Aspergillus) ;
––le déficit de l’immunité humorale s’associe le plus souvent à
des infections à bactéries encapsulées et aux entérovirus. L’infection à pneumocoque chez le patient asplénique représente
la complication infectieuse la plus fréquente dans ce contexte,
dont le pronostic en l’absence d’antibioprophylaxie reste redoutable ;
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TABLEAU 1
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Différents types d’immunodépression et leurs agents infectieux associés
Mécanisme
Étiologie
Sites infectieux
Agents pathogène
Défaut de phagocytose
Neutropénie
❚❚hémopathies malignes (leucémie,
myélodysplasie) ou non (aplasie
médullaire idiopathique)
❚❚chimiothérapie
❚❚radiothérapie
Anomalies fonctionnelles :
polynucléaires neutrophiles,
monocytes, macrophages
❚❚corticothérapie
❚❚chimiothérapie
❚❚radiothérapie
❚❚granulomatose chronique familiale
❚❚neutropénie congénitale
❚❚poumon
❚❚pharynx
❚❚peau
❚❚tube digestif
❚❚périnée
Précoces :
❚❚bactéries à Gram négatif
(entérobactéries, Pseudomonas
æruginosa)
❚❚bactéries à Gram positif
(Staphylococcus aureus ou à coagulase
négative, streptocoque ou entérocoque)
En cas de neutropénie prolongée
sévère :
❚❚Herpes simplex virus
❚❚Champignons (Candida, Aspergillus)
Déficit de l’immunité humorale
Asplénie
❚❚poumon
❚❚post-chirurgicale
❚❚fonctionnelle : drépanocytose, irradiation ❚❚ORL
corporelle totale, lupus, amylose
❚❚tube digestif
❚❚sang
❚❚os
❚❚congénitale : liée à l’X (maladie de
❚❚méninges, système nerveux central
Bruton), déficit immunitaire commun
variable, déficits sélectifs en IgA ou IgG ❚❚reins, voies urinaires
Hypo-g-globulinémie
❚❚bactéries : encapsulées :
(pneumocoque, Hæmophilus
influenzæ, méningocoque), salmonelle,
Campylobacter
❚❚parasites : Giardia
❚❚virus : entérovirus
❚❚acquise : myélome, maladie de
Waldenström, leucémie lymphoïde
chronique, lymphome, chimiothérapie,
syndrome néphrotique
Déficit du complément
❚❚congénitaux
❚❚lupus
Déficit de l’immunité cellulaire
Lymphopénie T globale et/ou CD4 (VIH)
Dysfonction lymphocytaire
❚❚infection par le VIH (virus de
l’immunodéficience humaine)
❚❚corticothérapie
❚❚immunosuppresseurs,
anticorps anti-TNF
❚❚lupus, vascularite
❚❚post-transplantation (moelle
osseuse, organes solides)
❚❚lymphome de Hodgkin
et non hodgkinien
❚❚déficits congénitaux
(syndrome de Di George, déficits
immunitaires combinés sévères)
❚❚poumon
❚❚système nerveux central
❚❚tube digestif
❚❚voies urinaires
❚❚œil
❚❚peau
❚❚foie, rate, ganglions
❚❚moelle osseuse
❚❚bactéries : Listeria, Salmonella,
mycobactéries, pneumocoque,
Nocardia, légionelle
❚❚champignons : Pneumocystis jirovecii,
Cryptococcus neoformans, Histoplasma
capsulatum
❚❚parasites : Toxoplasma gondii,
anguillule, leishmanie
❚❚virus : CMV (cytomégalovirus),
VZV (virus varicelle-zona),
HSV (Herpes simplex virus),
EBV (Epstein-Barr virus)
IgA : immunoglobuline A; IgB : immunoglobuline B ; TNF : tumor necrosis factor.
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––le déficit de l’immunité cellulaire. L’infection par le VIH est la
principale cause de ce type d’immunodépression : la fréquence, le type et la gravité des infections qui lui sont associées sont fonction de la profondeur de la lymphopénie CD4.
Le déficit de l’immunité cellulaire expose préférentiellement
aux infections à pathogènes intracellulaires : bactéries (salmonelles, mycobactéries), champignons (Pneumocystis, cryptocoque), parasites (Toxoplasma, leishmanies), virus (cytomégalovirus [CMV], virus varicelle-zona (VZV], Herpes simplex virus
[HSV], virus d’Epstein-Barr [EBV]).
Certaines situations associent plusieurs types de déficits immunitaires comme l’allogreffe de moelle osseuse qui additionne
un déficit de la phagocytose (neutropénie prolongée au décours
du conditionnement pré-greffe) à un déficit de l’immunité humorale et cellulaire prolongée entretenu par les immunosuppresseurs et la corticothérapie.
Identification précoce et prise en charge initiale
des signes de sepsis grave
L’état septique, quelle qu’en soit la gravité, est défini par la
présence d’une infection – documentée ou fortement suspectée
– et de signes caractérisant « la réponse inflammatoire » de l’organisme à celle-ci. La classification des états septiques et de leur
gravité est basée sur l’intensité de la réponse de l’organisme à
l’infection. Elle distingue 4 syndromes considérés comme les
phases d’aggravation successives de l’infection et de la réponse
inflammatoire à celle-ci et dont le pronostic s’aggrave à travers
ces stades (tableau 2). Cette classification largement utilisée peut
cependant sous-estimer la gravité d’une infection chez le patient
immunodéprimé en particulier neutropénique, mais doit être utilisée systématiquement afin d’évaluer la gravité de l’infection. La
présence d’un sepsis sévère et a fortiori d’un choc septique doit
amener à prendre en charge le patient immunodéprimé dans
une unité de soins intensifs.
Bilan étiologique
Toute fièvre aiguë chez un patient immunodéprimé impose la
réalisation d’un examen clinique complet, en particulier périnéal
chez le patient neutropénique, à la recherche d’un foyer clinique.
Il est complété par un bilan étiologique paraclinique minimal
comportant au moins 2 paires d’hémocultures (aérobie et anaérobie), un examen cytobactériologique des urines (ECBU) et une
radiographie de thorax. Un bilan étiologique microbiologique est
orienté en fonction des germes suspectés et des signes cliniques présents (tableau 3).
De nombreuses infections sont liées à la réactivation, à l’occasion de l’immunodépression, de germes présents à l’état latent
dans l’organisme (HSV, VZV, CMV, Toxoplasma, mycobactéries).
La connaissance pour chaque patient des antécédents cliniques
d’infection (herpès, varicelle) et du statut sérologique vis-à-vis
de ces agents permet d’orienter les hypothèses étiologiques
(par exemple, une sérologie de la toxoplasmose négative chez
Fièvre chez un patient immunodéprimé
POINTS FORTS À RETENIR
La fièvre chez un patient immunodéprimé est une urgence
diagnostique et thérapeutique car elle représente le plus souvent
le seul symptôme d’une infection.
La reconnaissance des signes de gravité clinique (sepsis, sepsis
sévère, choc septique) associés à la fièvre est essentielle car
elle permet de débuter un traitement antibiotique probabiliste en
urgence et fait discuter un transfert en réanimation.
La connaissance des agents infectieux associés aux différents
types de déficit immunitaire est indispensable pour orienter le
bilan étiologique et le traitement anti-infectieux spécifique.
Chez les sujets neutropéniques, une antibiothérapie probabiliste
urgente est toujours indiquée en cas de fièvre car le pronostic
vital peut être rapidement engagé s’il s’agit d’une infection
bactérienne, dont le choix et la durée intègrent le terrain et le
tableau clinique initial, l’évolution clinique et du chiffre de PNN,
et l’éventuelle documentation microbiologique.
Certaines mesures préventives en particulier médicamenteuses,
adaptées au type et au niveau d’immunodépression, permettent
de réduire significativement le risque infectieux dans cette
population de patients à risque.
un patient infecté par le VIH immunodéprimé avec des abcès
cérébraux doit faire évoquer d’autres causes que la toxoplasmose cérébrale).
Il est important de signaler que les patients très immunodéprimés peuvent avoir plusieurs infections évolutives simultanées.
1.Fièvre aiguë chez un patient neutropénique
La neutropénie fébrile se définit par un chiffre de polynucléaires
neutrophiles inférieur à 500/mm3 (ou attendue comme telle dans
les 48 heures) et une température supérieure à 38,3 °C (ou > 38 °C,
2 fois à 1 heure d’intervalle). Cette situation se rencontre fréquemment après une chimiothérapie aplasiante et représente
une urgence thérapeutique car il existe un risque important de
choc septique en l’absence de traitement et la mortalité est élevée. Le risque est moindre si la durée de la neutropénie est
courte (< 7 jours : agranulocytose médicamenteuse, chimiothérapie pour cancer solide, lymphome non agressif, myélome) à
l’inverse de la neutropénie longue (> 7 jours : leucémie aiguë,
lymphome agressif, allogreffe de moelle).
Dans ce contexte, la fièvre est d’origine inconnue dans 60 %
des cas, alors qu’elle est microbiologiquement documentée
dans 30 % des cas et cliniquement documentée dans 10 % des
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TABLEAU 2
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Classification des états septiques
SRIS
Sepsis
 2 signes parmi :
1 température > 38 °C ou < 36 °C
2 rythme cardiaque > 90 bpm
3 rythme respiratoire > 20/min ou
hyperventilation associée
à une PaCO2 < 32 mmHg en air ambiant
4 leucocytes > 12 000 ou < 4 000/mm3
ou >10 % de cellules immatures
(en l’absence d’autres causes)
Sepsis sévère
SRI + infection confirmée
Sepsis + dysfonction d’organe (hypoxémie, oligurie < 0,5 mL/kg/h,
coagulopathie, acidose métabolique)
+ hypoperfusion (acidose lactique,
oligurie, encéphalopathie aiguë)
et/ou hypotension artérielle
(< 90 mmHg ou < 40 mmHg
des chiffres tensionnels habituels)
Choc septique
Sepsis sévère + hypotension artérielle
persistante malgré un remplissage
vasculaire adapté
TABLEAU 3
SRIS : syndrome de réponse inflammatoire systémique.
Principaux agents infectieux avec leurs localisations cliniques et leurs examens microbiologiques
diagnostiques spécifiques
Parasites
Champignons
Virus
Bactéries
Micro-organismes
Localisation
Examens étiologique
Germes usuels
Urines/tube digestif/voies biliaires
(entérobactéries, entérocoque, P. æruginosa),
peau/cathéter (streptocoque A, staphylocoque)
Hémocultures (périphérie, cathéter,
examen cytobactériologique des urines),
prélèvements pulmonaires, ponction
Pneumocoque
Poumon, ORL
Antigénurie si pneumopathie
Mycobactérie
Poumon (M. tuberculosis++), ganglion, foie/rate,
sang, moelle osseuse, système nerveux central
Recherche de BAAR à l’examen direct, culture sur milieu
spécial (Löwenstein-Jensen), PCR
Légionelle
Poumon
Antigénurie, sérologie, culture
Nocardia
Poumon, système nerveux central, peau
Recherche au direct d’un aspect évocateur de bacille
acido-alcoolo-résistant, culture prolongée
HSV, VZV
Peau/muqueuse, système nerveux central
Isolement ou PCR sur prélèvement muqueux
CMV
Sang, système nerveux central, œil (VIH), poumon (greffé),
tube digestif
PCR sur le sang
Adénovirus, BK virus, HHV-6,
entérovirus
Système nerveux central, sang, urine
PCR sur le sang, urines, liquide céphalo-rachidien
Candida
Sang, foie/rate, os
Examen direct et culture sur Sabouraud
Aspergillus, Cryptococcus
Poumon, système nerveux central
Examen direct (encre de Chine : C. neoformans)
et culture mycologique, antigénémie
Pneumocystiis jiroveci
Poumon
Recherche de kystes à l’examen direct (crachats induits,
lavage broncho-alvéolaire), pas de culture, PCR
Histoplasma
Poumon, sang, système nerveux central
Examen direct et culture, sérologie
Toxoplasma gondii
Système nerveux central, poumon
Sérologie, examen direct, PCR (sang, liquide de ponction)
Cryptosporidies, microsporidies,
Isospora, Giardia
Tube digestif
Examen parasitologique des selles
Leishmanie
Foie/rate, moelle osseuse, sang
Examen direct avec recherche de parasites intracellulaires et
culture (sang, moelle osseuse, peau), sérologie
BAAR : bacille acido-alcoolo-résistant ; HSV : Herpes simplex virus ; ORL : oto-rhino-laryngologie ; PCR : polymerase chain reaction ; VIH : virus de l’immunodéficience humaine ; VZV : virus varicelle-zona.
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cas. Les germes isolés proviennent essentiellement de la flore
endogène (cutanée et digestive) et sont dans deux tiers des cas
des cocci à Gram positif (Staphylococcus aureus et coagulase
négatifs, streptocoques) et dans un tiers des cas des bacilles à
Gram négatif (entérobactéries, Pseudomonas æruginosa).
Les neutropénies prolongées exposent également aux infections invasives à champignons (Candida, Aspergillus) dont le
pronostic est redoutable.
Un examen clinique complet et soigneux est indiqué en particulier cutané (éruption), des cathéters (orifice d’insertion inflammatoire), de la bouche (mucite), des organes génitaux et du périnée
(cellulite). Il est à noter qu’au cours de la neutropénie les signes
inflammatoires sont souvent atténués (pneumopathie sans expectoration, toux sèche isolée, pyélonéphrite sans pyurie).
Un bilan étiologique doit être mené en urgence comprenant en
plus du bilan minimal une hémoculture prélevée au niveau du
cathéter en même temps qu’une hémoculture prélevée en périphérie (pour mesurer leur temps différentiel de culture, qui, s’il
est supérieur à 2 heures, permet d’affirmer l’infection du cathéter), une coproculture avec recherche de Clostridium difficile et
de sa toxine en cas de diarrhée et des prélèvements locaux selon les symptômes.
Une réévaluation clinique quotidienne et éventuellement microbiologique est ensuite indiquée.
2.Fièvre aiguë chez un patient asplénique
L’absence de rate (anatomique ou fonctionnelle) dont la fonction immunologique est multiple (phagocytose des germes circulants, synthèse d’anticorps, réservoir de lymphocytes) entraîne une sensibilité accrue aux infections bactériennes, en
particulier à germes encapsulés (pneumocoque++, méningocoque, Hæmophilus), avec un risque élevé de choc septique.
Enfin, chez les patients exposés en zone d’endémie palustre,
elle favorise la survenue de formes plus sévères d’infection à
Plasmodium falciparum.
3.Fièvre aiguë chez un patient infecté par le VIH
La primo-infection par le VIH est une cause de fièvre aiguë se
prolongeant parfois plusieurs semaines. La notion de facteurs de
risque (rapports sexuels non protégés, toxicomanie intraveineuse) et la présence d’une angine traînante, d’une poly-adénopathie, d’une splénomégalie, d’un rash cutané et d’ulcérations
buccales et génitales, d’un syndrome mononucléosique sur l’hémogramme doivent faire réaliser un test sérologique de dépistage du VIH après en avoir informé le patient et avec son accord.
Chez un patient dont l’infection VIH est connue, les principales
causes d’infections opportunistes sont étroitement liées au taux
de lymphocytes CD4 (tableau 4) :
––en dessous de 200 CD4/mm3 ou dans un contexte d’urgence
en l’absence de prophylaxie antibiotique adaptée : pneumocystose pulmonaire, toxoplasmose cérébrale, tuberculose disséminée ;
––en dessous de 100 CD4/mm3 : infection à cytomégalovirus ou
à mycobactérie atypique, cryptococcose disséminée ;
––à tous les stades d’immunodépression : tuberculose pulmonaire, pneumopathie à pneumocoque.
Le bilan étiologique est adapté à la recherche de ces pathogènes spécifiques en fonction de la symptomatologie clinique (tableau 4) :
––en présence de signes pulmonaires : hémocultures, examen
cytobactériologique des crachats, antigénurie du pneumocoque,
recherche de mycobactérie et de Pneumocystis jirovecii
(examen des crachats induits, aspiration bronchique, lavage
broncho-alvéolaire), gazométrie artérielle, radiographie voire
scanner du thorax ;
––en présence de signes cérébro-méningés : scanner cérébral
ou imagerie par résonance magnétique (IRM), ponction lombaire en l’absence de processus expansif intracrânien avec
recherche de cryptocoque (encre de Chine, antigène circulant
dans le sang et le liquide céphalo-rachidien), de mycobactérie
et de virus (cytomégalovirus, virus JC), sérologie de la toxo­
plasmose ;
––en présence d’une polyadénopathie : cytoponction voire biopsie ganglionnaire à la recherche de mycobactérie, d’un lymphome ou d’une maladie de Castleman.
4.Fièvre aiguë chez un patient greffé
L’infection est la complication la plus fréquente au décours de
la greffe en raison du traitement immunosuppresseur. En cas de
transplantation d’organe solide, ce risque est majeur dans les
3-4 mois post-greffe, mais persiste par la suite en raison du traitement immunosuppresseur pour éviter le rejet du greffon. Il est
de plus majoré en cas de transplantation pulmonaire, cardiopulmonaire, hépatique ou pancréatique. L’infection de l’organe
transplanté est la plus fréquente au cours du premier mois de la
greffe, mais son risque demeure élevé par la suite, et doit être
systématiquement recherchée.
L’allogreffe de moelle osseuse (ou de cellules souches périphériques) représente une situation à part car s’ajoute à l’immunodépression médicamenteuse indiquée pour éviter le rejet du
greffon et la réaction du greffon contre l’hôte (GVH), celle liée à
la neutropénie prolongée précédant la reconstitution médullaire,
à l’immaturité des nouvelles cellules immunitaires et à l’hypo-g-globulinémie induite par la chimiothérapie et l’irradiation
corporelle totale du conditionnement myélo-ablatif. Il est important de signaler que dans cette situation des pathologies non
infectieuses peuvent se révéler également par de la fièvre
comme la maladie du greffon contre l’hôte et qu’il est fréquent
que ces pathologies soient associées. L’autogreffe de cellules
souches hématopoïétiques, largement utilisée dans le traitement
des lymphomes et des myélomes, pour laquelle la durée de la
neutropénie est limitée (< 14 jours) et qui ne nécessite pas d’immunosuppresseurs, est associée à un risque infectieux modéré
s’apparentant à celui des lymphomes.
Les agents infectieux varient schématiquement en fonction du
délai de l’infection par rapport à la greffe et leur connaissance
oriente le bilan étiologique (tableau 5).
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TABLEAU 4
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Agents responsables d’infections chez le patient infecté par le VIH selon le niveau de CD4
et la localisation clinique et leur traitement curatif et préventif
Taux de CD4
par mm3
> 500
200-500
Infections opportunistes
possibles
Localisation
préférentielles
< 100
Prévention
Tuberculose
Poumon, ganglion, moelle
Isoniazide, rifampicine, pyrizinamide,
éthambutol
Dépistage et traitement
d’une tuberculose latente
Zona, HSV
Peau, œil, système nerveux central
Aciclovir/valaciclovir
Aciclovir/valaciclovir si récurrence
fréquente (> 4-6/an)
Candidose orale
Cavité buccale
Fluconazole
Pneumopathies bactériennes
Poumon
Céphalosporines
de 3e génération,
macrolides (légionelle)
Maladie de Kaposi (liée à HHV-8)
Peau, ganglions, tube digestif,
poumon
Traitement antirétroviral
± chimiothérapie
Lymphome (liée à EBV)
< 200
Traitement
Vaccination antipneumococcique
(vaccin conjugué puis rappel
 2 mois avec polyosidique)
Chimiothérapie, radiothérapie,
traitement antirétroviral
Cancers viro-induits
Col utérin et anus (HPV),
hépato-carcinome (HVB, HVC)
Chirurgie, chimiothérapie,
radiothérapie, traitement
antirétroviral
Dépistage et traitement
des condylomes, échographie
hépatique et dosage
de l’α-fœtoprotéine
Pneumocystose
Poumon
Cotrimoxazole
Cotrimoxazole
Candidose œsophagienne
Œsophage
Fluconazole
Fluconazole
en cas de multirécidive
Toxoplasmose
Système nerveux central
Sulfadiazine + pyriméthamine
Cotrimoxazole, traitement
d’attaque à demi-dose
en prévention secondaire
Infection à cytomégalovirus
Rétine, tube digestif et voies biliaires,
système nerveux central
(Val)ganciclovir,
foscarnet
Valganciclovir en prévention
secondaire (CD4 < 100/mm3)
Mycobactériose atypique
Sang, ganglion, tube digestif,
disséminé
Clarithromycine, éthambutol
(± rifabutine)
Azithromycine hebdomadaire
si CD4 < 75/mm3
Cryptococcose
Système nerveux central, poumon,
disséminée
Amphotéricine B+ flucytosine
puis fluconazole
Fluconazole en prévention
secondaire
Histoplasmose
Poumons, ganglions, disséminée
Amphotéricine B,
itraconazole
Itraconazole en prévention
secondaire
Cryptosporidiose
Tube digestif, voies biliaires
Nitazoxamide
N.B. Lorsque le déficit immunitaire s’aggrave les infections opportunistes s’additionnent.
Par exemple, le patient ayant un taux < 200 CD4/mm3 est aussi à risque de développer les infections rencontrées chez le patient ayant un taux > 200 CD4/mm3.
HSV : Herpes simplex virus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; HHV : human herpes virus ; HPV : Human papilloma virus ; HVB : virus de l’hépatite B ; HVC : virus de l’hépatite C.
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Principes de prise en charge
Elle repose, après la réalisation des prélèvements microbiologiques, sur l’administration d’une antibiothérapie probabiliste
active sur les germes potentiellement en cause en fonction du
contexte d’immunodépression en raison du risque d’évolution
rapide vers le décès en cas de retard thérapeutique. Le spectre
de cette antibiothérapie devra également couvrir les germes
précédemment isolés chez le patient (infection, colonisation) et
potentiellement à l’origine de l’infection actuelle. Cette antibiothérapie sera adaptée aux données du bilan paraclinique et sera
réévaluée en fonction de l’évolution clinique à 24-48 heures.
Dans tous les cas, à moyen et à long terme, une diminution de
l’immunodépression, si elle est possible, est indiquée pour optimiser la réponse anti-infectieuse et prévenir les éventuelles récidives.
Chez le patient neutropénique
En l’absence de signe évoquant un foyer clinique une monothérapie avec une bêtalactamine à large spectre à activité antipyocyanique (céphalosporines de 4e génération, carbapénèmes,
carboxy- ou uréido-pénicilline + inhibiteur de pénicillinase) est
recommandée. En présence de signe de gravité et/ou de suspicion de bactérie multirésistante, afin d’obtenir une activité synergique contre les bacilles à Gram négatif et limiter l’émergence de
souches résistantes, son association à un aminoside se justifie.
Il est également indiqué d’associer un glycopeptide uniquement
s’il existe des signes d’infection de cathéter, en cas de sepsis
sévère ou si le patient est connu pour être colonisé à Staphylo­
coccus aureus résistant à la méthicilline.
En présence d’un foyer clinique, l’antibiothérapie à large spectre
doit être active est sur les germes qui lui sont épidémiologiquement associés (tableau 6).
La persistance de la fièvre malgré une antibiothérapie à large
spectre doit faire systématiquement rechercher une infection à
champignon (scanner thoracique, antigénémie aspergillaire) et,
si la neutropénie persiste, ajouter un traitement antifungique probabiliste, à large spectre et par voie systémique, type amphotéricine B ou ses dérivés ou caspofungine.
Une antibiothérapie orale en externe peut être proposée
(amoxicilline/acide clavulanique + ciprofloxacine) chez l’adulte,
en cas de neutropénie courte et en l’absence de signe de sepsis
et/ou de foyer infectieux documenté, et sous surveillance médicale ambulatoire.
Chez un patient asplénique
Une antibiothérapie active sur le pneumocoque est à débuter
rapidement, y compris en l’absence de point d’appel clinique et
après la réalisation des prélèvements microbiologiques par une
céphalosporine de 3e génération (ceftriaxone ou céfotaxime),
même si le patient a été vacciné contre le pneumocoque et s’il
reçoit une antibioprophylaxie.
Il est important au décours de l’épisode infectieux de reprendre
la prophylaxie par pénicilline au long cours.
Chez un patient infecté par le VIH
Le traitement anti-infectieux probabiliste prendra en compte le
risque d’infection opportuniste selon le niveau d’immunodépression (taux de lymphocytes CD4) et la localisation du foyer clinique (tableau 4). En l’absence de signe de mauvaise tolérance
de l’infection et d’orientation clinique, il n’est pas recommandé
de débuter en urgence une antibiothérapie probabiliste. Une
surveillance clinique attentive et régulière est recommandée en
attendant les résultats des examens paracliniques.
Chez un patient greffé
En l’absence de neutropénie profonde, d’asplénie ou de
signes de sepsis, une antibiothérapie précoce probabiliste n’est
pas indiquée au bénéfice d’une surveillance clinique pluriquotidienne et en attendant les résultats des examens paracliniques.
La prise en charge anti-infectieuse est à adapter également
selon le risque d’infection opportuniste qui diffère selon le délai
par rapport à la greffe et la localisation clinique (tableaux 5 et 6).
Prévention
Chez le patient neutropénique
Les mesures d’hygiène reposent avant tout sur les précautions standard, essentiellement l’hygiène des mains. L’intérêt
des mesures d’isolement protecteur est controversé pour les
neutropénies inférieures à 7-10 jours.
Les mesures préventives doivent être maximales (chambre à
flux laminaire, alimentation stérile…) pour les inductions de leucémie aiguë et les allogreffés de cellules souches hématopoïétiques.
La décontamination digestive n’a jamais fait la preuve de son
efficacité, et ne peut qu’augmenter le risque d’émergence de
bactéries multirésistantes. L’antibiothérapie systémique prophylactique par fluoroquinolones orales (lévofloxacine, ciprofloxacine)
peut être envisagée chez les patients à haut risque (neutropénie
 100/mm3 pour une durée > 7 jours).
Un traitement antifongique prophylactique a montré un bénéfice chez certains patients d’hématologie ou greffés d’organes
solides. Une prophylaxie par fluconazole permet de prévenir la
survenue d’infection invasive à Candida lors des allogreffes de
cellules souches hématopoïétiques (CSH) et des chimiothérapies
d’induction des leucémies aiguës. Une prophylaxie par posaconazole pour prévenir la survenue d’aspergillose invasive est recommandée lors des neutropénies suite aux chimiothérapies
des leucémies aiguës myélocytaires et au cours des syndromes
myéloprolifératifs.
Les facteurs de croissance hématopoïétiques sont recommandés en prophylaxie quand le risque de neutropénie postchimiothérapie est supérieur à 20 %. L’absence de bénéfice
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TABLEAU 5
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Risque infectieux en fonction du délai par rapport à la greffe, bilan étiologique et prévention
Post-greffe
Allogreffé de moelle
Transplanté d’organe solide
(cœur, poumon, rein, foie)
Phase précoce
(< 30 j)
Phase intermédiaire
(1-6 mois)
Infection virale : HSV+++
Infections virales : CMV+++,
adénovirus, EBV (syndrome
lymphoprolifératif)
Infections virales : VZV++
HSV, VZV : aciclovir/valaciclovir
CMV : valaciclovir, valganciclovir
Infections bactérienne liées à la
neutropénie (Gram + > Gram -)
Infections bactériennes à germes
usuels (poumons, urines…),
opportunistes (Nocardia,
mycobactéries, Listeria
monocytogenes, Legionella)
Infections bactériennes : idem
+ germes encapsulés
Lévofloxacine ou ciprofloxacine
pendant la neutropénie (si > 7 j)
Vaccination (pneumocoque,
Hæmophilus)
Infections fongiques invasives :
Candida
Infections fongiques : Candida,
Aspergillus
Infections fongiques :
Aspergillus, cryptocoque
Fluconazole pendant la neutropénie
Posaconazole en cas de
neutropénie ou GVH traité par
corticoïdes
Infections parasitaires :
Pneumocystis jiroveci,
Toxoplasma gondii
Infections parasitaires : idem
Si persistance du déficit
immunitaire
Cotrimoxazole
Infections nosocomiales
« postopératoires »
Phase tardive
(> 6 mois)
Idem allogreffe +
Idem allogreffe
- rein : voies urinaires (bactéries,
BK virus)
- cœur, poumon : pneumopathies
- foie : infection hépatobiliaire,
récidive de d’hépatite virale (B, C)
Prévention
Anti-hépatite B (entécavir, ténofovir,
lamivudine)
CMV : cytomégalovirus ; EBV : virus d’Epstein-Barr ; GVH : greffon contre l’hôte ; HSV : Herpes simplex virus ; VZV : virus varicelle-zona.
démontré sur la survie, associée au coût élevé, ne justifie pas
d’utiliser des facteurs de croissance myéloïdes en cas de
neutropénies fébriles, sauf exception.
Chez le patient infecté par le VIH
La prise régulière d’une antibioprophylaxie primaire par cotrimoxazole (Bactrim) est indiquée lorsque le taux de CD4 est
inférieur à 200/mm3 (ou < 15 %) pour la prévention des infections à Pneumocystis et Toxoplasma, ou secondaire au décours d’infections opportunistes (pneumocystose, toxoplasmose, cryptococcose, mycobactériose, CMV) [tableau 4] et ce
jusqu’à la restauration immunitaire suffisante (CD4  200/mm3,
 15 %).
Chez le patient asplénique
L’asplénie (splénectomie ou déficit fonctionnel) justifie à la fois
une vaccination contre les germes les plus fréquemment impliqués (pneumocoque, Hæmophilus influenzæ, méningocoque),
de préférence avant la splénectomie, et une antibioprophylaxie
par la pénicilline au long cours (à poursuivre au minimum 2 ans).
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Chez le patient greffé
Les moyens de prévention varient en fonction du type de
greffe, du délai par rapport à la greffe et de l’évolution du régime
immunosuppresseur (tableau 5).
Une multi-antibioprophylaxie est généralement indiquée pour
prévenir les infections, comprenant de l’aciclovir/valaciclovir
(HSV, VZV et aussi cytomégalovirus en cas de transplantation
rénale), du cotrimoxazole ou sulfadoxine + pyriméthamine
(Pneumocystis, Toxoplasma), de l’amoxicilline en cas de risque
d’asplénie post-greffe (greffe de CSH), d’antifongiques azolés
chez l’allogreffé de moelle (fluconazole : Candida, posaconazole
en cas de maladie du greffon contre l’hôte traitée par corticoïdes : Aspergillus).•
S. Gallien et J.-M. Molina déclarent n’avoir aucun lien d’intérêts.
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TABLEAU 6
Agents responsables d’infections chez les patients neutropéniques et greffés en fonction
de la localisation clinique et leur traitement
Antibiothérapie
HSV, Candida, streptocoques
Aciclovir IV, fluconazole, pénicilline
Lésions ulcéro-nécrotiques
Anaérobies, streptocoques
Amoxicillline + acide clavulanique
Vésicules
HSV, VZV
Aciclovir IV
Lésions nécrotiques
Entérobactéries, Pseudomonas, infections fongiques
invasives
Pipéracilline-tazobactam + amikacine, ceftazidime, imipénème,
céfépime, antifongiques systémiques
Inflammation, suppuration
Staphylocoque, bacilles à Gram négatif (pyocyanique)
Glycopeptides, bêtalactamines à activité
anti-pyocyanique
Suppuration, nécrose
Entérobactéries, anaérobies, Pseudomonas,
streptocoques
Imipénème ou pipéracilline-tazobactam
Infection localisée
Entérobactéries, entérocoques, anaérobies
Imipénème ou pipéracilline-tazobactam + amikacine
Pneumopathie
Entérobactéries, pneumocoque, Pseudomonas,
Staphylococcus aureus
Légionelle (si échec de l’antibiothérapie)
Aspergillose invasive
Pipéracilline-tazobactam ou céfépime ou imipénème
+ glycopeptide + amikacine ou ciprofloxacine
Macrolide ou fluoroquinolone
Voriconazole
Poumon
Tube
digestif
Peau
Bouche
Lésions vésiculeuses, mucite
Cathéter
Germes en cause
Périnée
Foyer clinique
Message de l'auteur
+
POUR EN SAVOIR ●
Pilly E. 24e édition. Collège de maladies infectieuses et tropicales. Vivactis
Plus, 2014.
La question requiert des connaissances précises en microbiologie
Prise en charge initiale des états septiques graves. Conférences d’experts
(ADARPEF, GRFUP, SPILF, SRLF, SFAR, SFM, SMU, SFP) 2007.
et en immunologie pour faire le distinguo entre les différents risques
Prise en charge médicale des personnes vivant avec le VIH.
Recommandations du groupe d’experts. Rapport 2013 sous la direction
du Pr Morlat. Paris : La Documentation française.
et ainsi orienter la prise en charge diagnostique et thérapeutique.
Recommandations de la Société américaine de maladies infectieuses
et d’oncologie pour l’utilisation des antibiotiques chez le patient cancéreux
neutropénique : – Clinical Infectious Diseases 2011;52:427-31 ;
– Journal of Clinical Oncology 2013;20:794-810.
Recommandations des Sociétés américaines de greffe de moelle
et de transplantation :
– Biology of Blood and Marrow Transplantation 2009;15(10):1143-238;
infectieux en fonction des différents types d’immunodépression
Les questions posées dans un dossier progressif pourraient allier
des questions de cours, par exemple sur l’épidémiologie des infections
et sur les types d’immunodépression, et des questions d’interprétation
d’examens complémentaires microbiologiques ou radiologiques
et d’analyse thérapeutique. Par ailleurs, une bonne connaissance
de la question « Infections à VIH » (item n° 165) qui recoupe
en de nombreux points l’item n° 187, sera un complément dans
l’apprentissage de cet item.
– American Journal of Transplantation 2013;13(s4):1-371.
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Qu’est-ce qui peut tomber à l’examen ?
CAS CLINIQUE
QUESTION 5
Un patient de 32 ans infecté par le VIH chez qui une leucémie aiguë wlymphoblastique
a été diagnostiquée, vient de débuter une polychimiothérapie.
Dix jours après la fin des perfusions de cytotoxiques, il présente une fièvre à 38,4 °C
pour laquelle il consulte aux urgences.
Son examen clinique révèle une pression artérielle à 100/70 mmHg, une fréquence
cardiaque à 100 batt/min, une saturation en O2 à 98 %.
L’examen physique est sans particularité hormis une perte de cheveux.
Son hémogramme montre les résultats suivants : hémoglobine 7 g/dL, globules blancs
450/mm3, plaquettes 150 000/mm3.
Un traitement par piperacilline/tazobactam
a été débuté dans l’heure qui a suivi sa prise
en charge aux urgences.
Le lendemain, il reste toujours fébrile
et son état clinique n’est pas modifié.
Les hémocultures n’ont pas poussé.
En l’examinant, vous remarquez à l’inspection
que l’orifice d’insertion du cathéter veineux
central est inflammatoire.
Quelle(s) modification(s) dans la prise en charge
thérapeutique de ce patient cette observation
doit-elle vous faire prendre ?
QUESTION 6
Voici des exemples des questions en rapport avec cet item.
QUESTION 1
QUESTION 3
Quels sont les germes les plus
susceptibles de provoquer un choc septique
rapidement dans cette situation en l’absence
d’antibiothérapie ?
Parmi les antibiotiques suivants,
lesquels sont indiqués dans cette
situation en première intention ?
Parmi les examens complémentaires suivants,
lesquels sont recommandés en première
intention pour le diagnostic d’une infection
fongique invasive en cas de neutropénie
prolongée ?
QUESTION 4
QUESTION 2
Quel examen microbiologique spécifique est
indiqué en cas de présence d’une voie veineuse
centrale dans ce contexte ?
Selon vous, la découverte
d’ulcérations buccales douloureuses
évoquerait quel agent infectieux
dans ce contexte ?
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