Le bon et le moins bon
La pression expiratoire positive (PEP) est un atout majeur du
traitement par ventilation mécanique pour les patients en SDRA. La
PEP permet de garder les alvéoles ouvertes pendant tout le cycle
respiratoire. Elle est considérée essentielle dès que le patient nécessite
une FiO₂ > 50% pour maintenir une PaO₂ normale. La PEP a plusieurs
effets, négatifs et positifs, sur l’ensemble des systèmes mais l’effet le
plus notable se voit sur les systèmes pulmonaire et circulatoire.
Au niveau pulmonaire, la PEP diminue l’affaissement des alvéoles,
augmente la capacité vitale, améliore la compliance, diminue le shunt
intrapulmonaire et favorise le dégagement des petites voies
respiratoires. Mais cela vient aussi avec des conséquences néfastes: la
PEP peut causer une surdistension des alvéoles, et ainsi provoquer des
barotraumas (dommage au parenchyme pulmonaire en raison de
l’augmentation de la pression et du volume). Le risque et le nombre de
barotraumas augmentent avec la durée de l’usage de la PEP et de son
intensité, et les parois alvéolaires les plus vulnérables finissent par se
rompre. Sur le système cardiovasculaire, l’impact négatif de la PEP se
voit dans l’augmentation de la pression intrathoracique, qui, { partir
d’un certain degré, diminue le retour veineux. Elle créé aussi une
augmentation de pression sur le cœur durant la diastole, ce qui
empêche les chambres cardiaques de se remplir de façon optimale. Ces
deux conditions peuvent diminuer le débit cardiaque.
À la recherche de la bonne dose
Dans les dernières décennies, plusieurs avenues pharmacologiques ont
été tentées pour traiter le SDRA. Malheureusement, aucune ne s’est
avérée totalement efficace. Voici un aperçu des traitements
pharmacologiques qui sont tout de même utilisés, malgré leur succès
limité :
Antibiotiques : L’antibiothérapie ciblée (avec sensibilité
microbienne déterminée par résultat de culture) est utilisée pour
contrer le processus pathologique sous-jacent du SDRA secondaire à
un sepsis. L’antibiothérapie de départ doit être puissante et à large
spectre, puis spécifique au microorganisme en cause dès que les
résultats de culture sont connus.
Corticostéroïdes : L’usage des corticostéroïdes pour traiter le
SDRA est controversé, mais des résultats positifs ont été démontrés
dans quelques études. Les corticostéroïdes pourraient prévenir
l’agrégation des globules blancs dans les capillaires pulmonaires, et
ainsi réduire le phénomène de congestion vasculaire qui limite le flot
sanguin. Ils pourraient également favoriser la production de surfactant,
et rétablir la perméabilité normale de la membrane alvéolocapillaire.
Par contre, il est reconnu que les corticostéroïdes affectent le système
immunitaire, et cela peut être fatal pour les patients souffrant de SDRA.
Vasodilatateurs : Les vasodilatateurs, comme la nitroglycérine et le
nitroprussiate (Nipride), sont principalement utilisés pour gérer
l’hypertension pulmonaire associée au SDRA. Mais des inotropes,
comme la dopamine ou la dobutamine, devront alors être utilisés
conjointement aux vasodilatateurs pour maintenir la pression
artérielle systémique.
Bronchodilatateurs : L’albutérol (Proventil, Ventolin) et
l’aminophylline sont des bronchodilatateurs utilisés pour ouvrir les
voies respiratoires. Ils agissent en relaxant les muscles lisses de l’arbre
bronchique, mais ils n’ont aucune action sur les alvéoles.
Mucolytiques : L’acétylcystéine (Mucomyst) permet de liquéfier le
mucus, pour favoriser sa mobilisation et son expectoration.
Diurétiques : Le furosémide (Lasix) est un diurétique de l’anse qui
peut être utilisé pour diminuer l’œdème interstitiel et alvéolaire. En
diminuant le volume sanguin circulant, il diminue le retour veineux et
la congestion vasculaire pulmonaire. La diminution de la précharge
pourrait toutefois avoir un impact néfaste sur l’hémodynamie,
particulièrement en sepsis.
Colloïdes : Les colloïdes, comme l’albumine, peuvent mobiliser le
fluide interstitiel vers l’espace intravasculaire en augmentant la
pression oncotique dans les capillaires. Par contre, cela pourrait au
contraire faire augmenter l’œdème interstitiel puisque, en SDRA, la
perméabilité anormale de la membrane alvéolocapillaire va laisser
passer ces molécules dans l’espace interstitiel. Le liquide
supplémentaire sera alors attiré vers l’espace interstitiel dans le but de
rééquilibrer la pression oncotique interstitielle, créant ainsi plus
d’œdème. Pour cette raison, les colloïdes ne devraient être administrés
que lorsque la perméabilité normale de la membrane est rétablie.
Opioïdes, sédatifs et bloqueurs neuromusculaires : Les
patients sous ventilation mécanique peuvent nécessiter une sédation
pour maintenir une ventilation adéquate, spécialement si des efforts
respiratoires spontanés vont { l’encontre du mode ventilatoire
optimal : autrement dit, si le patient « combat » la ventilation
mécanique programmée. Les opioïdes et les benzodiazépines
augmentent le confort et diminuent l’effort respiratoire. Si la sédation
ne parvient pas à stopper les efforts respiratoires, un bloqueur
neuromusculaire est conseillé. La paralysie induite par ce type de
médicament va permettre d’augmenter l’efficacité de la ventilation
mécanique tout en diminuant la consommation en O₂ du patient.
Acide nitrique (NO) : Ce gaz agit comme un relaxant vasculaire
pulmonaire. Il réduit l’hypertension pulmonaire et améliore le ratio
ventilation/perfusion.
Prostaglandines E : L’usage de prostaglandines E est encore
expérimental en SDRA, mais quelques études ont montré qu’elles
pouvaient produire une vasodilatation et inhiber l’agrégation
plaquettaire. En sepsis, cette vasodilatation induite devra être contrée
par l’ajout de vasopresseurs.
Surfactant en aérosol : Les nouveau-nés prématurés souffrant de
détresse respiratoire reçoivent du surfactant en aérosol, mais ce
traitement s’est avéré inefficace dans les études faites chez l’adulte.
Ventilation liquide partielle (VLP) : Cette thérapie implique
une infusion graduelle de perfluorocarbones via le tube endotrachéal
du patient. Le perfluorocarbone est un liquide inerte, dense, qui permet
aux gaz (O₂ et CO₂) de diffuser plus librement. Ainsi, l’oxygène
distribué par la ventilation mécanique circule aisément à travers le
perfluorocarbone pour passer des alvéoles aux capillaires. L’avantage
de la VPL est d’augmenter la capacité résiduelle fonctionnelle :
l’exsudat alvéolaire, contenant les médiateurs inflammatoires, s’en
trouvera plus facilement délogé des voies respiratoires inférieures.
L’autre avantage est que le perfluorocarbone sert de PEP, en
maintenant l’ouverture des alvéoles durant toute la durée du cycle
respiratoire. Ce « PEP liquide » contrebalance l’atélectasie et améliore
le ratio ventilation/perfusion et la compliance pulmonaire. Le patient
chez qui l’on utilise ce traitement doit absolument être sous sédation,
sinon il aura l’impression de se noyer. Malgré que la VLP semble
prometteuse, elle n’a pas démontré une réduction de la mortalité
jusqu’{ maintenant.