Corrigé

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Cours d’Algèbre I
Prof. E. Bayer Fluckiger
Bachelor Semestre 3
30 septembre 2013
Série 2
Exercice 1. Soit G un groupe. Les assertions suivantes sont elles vraies ?
(1) Une intersection de sous-groupes de G est un sous-groupe de G.
(2) Une réunion de sous-groupes de G est un sous-groupe de G.
(3) Pour toute partie S de G, l’ensemble
ZG (S) := { g ∈ G | ∀ h ∈ S, gh = hg }
est un sous-groupe
de G.
[
(4) L’ensemble
{ g ∈ G | g n = 1G } est un sous-groupe de G.
n≥1
(5) L’ensemble { xyx−1 y −1 | x, y ∈ G } est un sous-groupe de G.
Solution.
(1) Oui. Supposons que H soit un ensemble de sous-groupes de G. Si g, h ∈
∩H∈H H, alors g −1 h ∈ H pour tout H ∈ H car H est un sous-groupe, donc
g −1 h ∈ ∩H∈H H. Ainsi, ∩H∈H H est un sous-groupe de G.
(2) Non. Par exemple, 2Z et 3Z sont des sous-groupes de Z, mais 2, 3 ∈
2Z ∪ 3Z, alors que 2 + 3 = 5 6∈ 2Z ∪ 3Z.
(3) Oui. En effet, si g1 , g2 ∈ ZG (S) et h ∈ S, alors
(g1 g2 )h = g1 (g2 h) = g1 (hg2 ) = (g1 h)g2 = h(g1 g2 ),
donc g1 g2 ∈ ZG (S). De plus, g1 h = hg1 implique que hg1−1 = g1−1 h, donc
g1−1 ∈ ZG (S).
(4) Non. Il est possible que le produit de deux éléments d’ordre fini ait ordre
infini. Par exemple, dans GL2 (R), les éléments
−1 0
−1 1
et h =
g=
0 1
0 1
ont ordre 2, mais
1 1
xy =
0 1
a ordre infini puisque (xy)n = ( 10 n1 ) 6= I2 pour tout entier n ≥ 1. Notons
néanmoins que l’assertion est vraie si G est commutatif ou fini.
2
(5) Non. Bien que l’inverse de tout élément de cet ensemble y appartienne
encore, il est possible que le produit de deux éléments n’y appartienne plus.
Toutefois, il n’est pas évident de trouver un contre-exemple (notamment,
il n’en existe pas dans un groupe fini d’ordre inférieur à 96). Un exemple
est donné dans l’appendice situé à la fin de ce corrigé.
Définition. (à retenir)
Soient a, b ∈ Z non nuls. On appelle plus grand commun diviseur de a et b, et
on note d = Pgcd(a, b), tout entier d tel que :
• d divise a et b et
• d soit divisible par tout diviseur commun de a et b.
Exercice 2. (les résultats de cet exercice sont à retenir)
Soient a, b ∈ N \ {0}.
(1) Montrer que Pgcd(a,b) existe et est unique au signe près.
(2) Soit r le reste de la division euclidienne de a par b. Montrer que
Pgcd(a, b) = Pgcd(b, r).
(3) En déduire un algorithme permettant de calculer Pgcd(a, b).
(4) Montrer l’existence d’une relation de Bézout entre a et b, i.e. l’existence
de λ, µ ∈ Z tels que λa + µb = Pgcd(a, b).
(5) Calculer une relation de Bézout entre 123 et 36.
Solution.
(1) L’existence est une conséquence du théorème fondamental de l’arithmétique :
Considérons les factorisations
a = pa11 . . . par r
b = pb11 . . . pbrr
de a, b en produits de nombres premiers distincts p1 , . . . , pr , pour ai , bi ≥ 0
des entiers. En posant
min(a1 ,b1 )
d = p1
r ,br )
. . . pmin(a
,
r
il est clair que d est un diviseur commun de a et b. De plus, si c est
un diviseur commun de a et b, alors (par unicité de la factorisation), les
premiers divisant c sont parmi p1 , . . . , pr et pi apparaı̂t à une puissance
≤ ai , bi . Ainsi, c divise d.
Montrons maintenant l’unicité au signe près. Supposons que d et d′ soient
deux plus grands diviseurs communs de a, b. Puisque d est divisible par
tout diviseur commun de a et b, on obtient que d|d′ . Réciproquement, d′ |d,
donc |d| = |d′ |.
3
(2) Par hypothèse, il existe un entier q ≥ 0 tel que a = qb + r, avec r < b. De
cette relation, il vient que Pgcd(a, b) divise r, donc est un diviseur commun
de b et r. Par définition de Pgcd(b, r), on obtient Pgcd(a, b)|Pgcd(b, r). De
même, on voit que Pgcd(b, r) divise a et b, et donc Pgcd(b, r)|Pgcd(a, b), ce
qui implique l’égalité souhaitée, les plus grands diviseurs communs étant
définis au signe près.
(3) On effectue les divisions euclidiennes successives
a = qb + r0 avec r0 < b
b = q1 r0 + r1 avec r1 < r0
r0 = q2 r1 + r2 avec r2 < r1
...
ri−1 = qi+1 ri + ri+1 avec ri+1 < ri ,
pour une suite d’entiers positifs (qi , ri ). La dernière équation est valide
pour i ≥ −2 en posant r−1 = b, r−2 = a et q0 = q. Par le point précédent,
on a
Pgcd(a, b) = Pgcd(b, r0 ) = Pgcd(r0 , r1 ) = · · · = Pgcd(ri , ri+1 ).
Comme (ri )i≥0 est une suite d’entiers positifs strictement décroissante, il
existe un entier n ≥ 0 tel que rn = 0. Par conséquent, rn−1 divise rn−2 , et
donc
Pgcd(a, b) = Pgcd(rn−1 , rn−2 ) = rn−1 .
Ainsi, on obtient un algorithme (l’algorithme d’Euclide) permettant de
calculer le plus grand diviseur commun de deux entiers en un nombre fini
d’étapes.
(4) On procède par récurrence sur la longueur de l’algorithme exposé au point
précédent (i.e. sur le plus petit entier n ≥ 0 tel que rn = 0). Si n = 0,
alors b|a, Pgcd(a, b) = b, et il est clair qu’une relation de Bézout entre a
et b existe. Si l’algorithme pour a, b est de longueur n, alors
Pgcd(a, b) = Pgcd(b, r)
pour r le reste de la division euclidienne de a par b. Notons que la longueur
de l’algorithme pour b, r est égale à n − 1. Si une relation de Bézout pour
b, r existe, disons
bx + ry = Pgcd(b, r),
alors il existe une relation de Bézout pour a, b, à savoir
ay + b(x − qy) = bx + (a − qb)y = Pgcd(b, r) = Pgcd(a, b)
(1)
pour q est le quotient de la division euclidienne de a par b. Par conséquent,
on peut conclure par récurrence.
4
(5) L’algorithme d’Euclide pour 123 et 36 est le suivant :
123
36
15
6
=
=
=
=
3 · 36 + 15
2 · 15 + 6
2·6+3
2 · 3 + 0.
Par conséquent, Pgcd(123, 36) = 3. Pour trouver une relation de Bézout,
on procède récursivement en utilisant l’équation (1) :
0·6+1·3
1 · 15 − 2 · 6
−2 · 36 + 5 · 15
5 · 123 − 17 · 36
=
=
=
=
3,
3,
3,
3.
Définition. (à retenir)
Soient G un groupe, et g, h ∈ G. On appelle commutateur de g et h, et on note
[g, h], l’élément [g, h] := ghg −1 h−1 .
Exercice 3. Montrer que { [g1 , h1 ] . . . [gr , hr ] | r ∈ N, gi ∈ G, hi ∈ G } est un
sous-groupe de G.
Solution. Appelons H l’ensemble considéré. Pour g, h ∈ G, En premier lieu,
remarquons que
[g, h][h, g] = ghg −1 h−1 hgh−1 g −1 = e,
donc [g, h]−1 = [h, g]. Montrons que H est un sous-groupe de G, c’est-à-dire qu’il
est stable par inversion et multiplication. Si g1 , . . . , gr , h1 , . . . , hr ∈ H, alors
([g1 , h1 ] . . . [gr , hr ])−1 = [gr , hr ]−1 . . . [g1 , h1 ]−1
= [hr , gr ] . . . [h1 , g1 ] ∈ E.
Par définition, il est clair que tout produit d’éléments de H est un élément de H.
Ainsi, H est un sous-groupe de G. En fait, on remarque que H est le plus petit
sous-groupe de G contenant tous les commutateurs de G.
5
Appendice : l’ensemble des commutateurs d’un groupe n’est pas
forcément un sous-groupe
Dans cet appendice, nous développons un contre-exemple à l’assertion (5) de
l’exercice 1.
Groupes libres. Pour S un ensemble, on dénote par M (S) l’ensemble des mots
de longueur finie dont les lettres sont des éléments de S.1 Si x1 . . . xN1 et y1 . . . yN2
sont des éléments de M (S), on peut considérer leur concaténation
(x1 . . . xN1 ) ⋆ (y1 . . . yN2 ) = x1 . . . xN1 y1 . . . yN2 ∈ M (S),
ce qui définit une loi de composition associative sur M (S), possédant un élément
neutre donné par le mot vide, que nous noterons e. Pour simplifier, on omettra
parfois l’écriture de ⋆.
Il est possible de transformer cet ensemble en groupe de la manière suivante :
soit S −1 une copie de S. Pour s ∈ S, on dénote par s−1 sa copie dans S −1 et on
considère T = S ∪ S −1 , E = M (T ).
Exemple : si S = {a, b}, alors E est constitué de tous les mots finis avec les lettres
a, b, a−1 , b−1 , par exemple aaba ou abb−1 .
On définit une relation symétrique ∼ sur E par
(
x1 . . . xi aa−1 xi+1 . . . xn
x1 . . . xi xi+1 . . . xn ∼
x1 . . . xi a−1 axi+1 . . . xn
pour x1 . . . xn ∈ E, a ∈ S. On dit qu’un mot qui n’est pas en relation avec un
mot de longueur plus courte est réduit. En d’autres termes, un mot réduit est
un mot ne contenant pas de suite de deux lettres aa−1 ou a−1 a pour a ∈ S. Ici,
nous appellerons simplification le passage d’un mot à un mot plus court par la
relation ∼.
Exemple : Pour S = {a, b}, on a abb−1 a ∼ aa, qui est sous forme réduite.
Soit F (S) l’ensemble de tous les mots réduits. Puisque les mots sont finis, il existe
une opération de réduction r : M (S) → F (S). A partir de là, on peut définir une
loi de composition ⋆ sur F (S) par
x⋆y = r(x ⋆ y)
pour x, y ∈ F (S).
Exemple : Pour S = {a, b}, on a (ab)⋆(b−1 a) = r(abb−1 a) = aa.
A partir des propriétés analogues pour ⋆, il est facile de voir que ⋆ est également
une loi de composition associative, avec élément neutre e. De plus, on a existence
d’inverses : si x1 . . . xn ∈ F (S), alors
−1
−1
−1
(x1 . . . xn )⋆(x−1
n . . . x1 ) = (xn . . . x1 ) ⋆ (x1 . . . xn ) = e,
1En
d’autres termes, les suites finies d’éléments de S.
6
avec la convention que (s−1 )−1 := s pour tout s ∈ S.
Exemple : Pour S = {a, b}, on a (ab)⋆(b−1 a−1 ) = r(abb−1 a−1 ) = e.
Par conséquent, F (S) possède une structure de groupe. On appelle ce dernier le
groupe libre sur l’ensemble S. Si S est non-vide, il s’agit d’un groupe infini et
non-commutatif. Notons que l’écriture d’un élément de M (S) sous forme réduite
est unique et que l’inverse d’un élément de F (S) a même longueur que l’élément.
Le contre-exemple. Dans le groupe libre sur quatre variables F (x, y, z, w) :=
F ({x, y, z, w}), on remarque que le produit de commutateurs
[x, y]⋆[z, w] = r(xyx−1 y −1 zwz −1 w−1 ) = xyx−1 y −1 zwz −1 w−1
(2)
n’est pas lui-même un commutateur.
En effet, supposons que [x, y]⋆[z, w] = [a, b] avec a, b ∈ F (x, y, z, w). Notons
que l’expression aba−1 b−1 n’est pas forcément réduite, puisque l’on peut avoir
simplification entre :


a
la dernière lettre de b

 −1
a


b
et la première lettre de a−1

 −1
b
En premier lieu, nous déterminons donc la réduction de aba−1 b−1 :
• S’il y a simplification entre a et b, il existe a′ , b′ , u ∈ F (x, y, z, w) tels que
a = a′ u, b = u−1 b′ . Sans perte de généralité, on peut supposer a′ b′ réduit.
Par suite,
aba−1 b−1 ∼ a′ b′ u−1 (a′ )−1 (b′ )−1 u.
(3)
Dans l’expression de droite, une simplification peut se produire uniquement entre b′ et u−1 , et entre (a′ )−1 et (b′ )−1 , du fait que a′ u, u−1 b′ , a′ b′
et leurs inverses soient réduits. S’il n’y a pas simplification entre a et b,
l’équation (3) est toujours valable en posant u = e.
• En continuant ainsi deux fois, réduisant à chaque fois le nombre de simplifications possibles, on obtient l’existence de â, b̂, u, v, s ∈ F (x, y, z, w)
tels que
a = s−1 v −1 âus
b = s−1 u−1 b̂vs
avec
[a, b] ∼ s−1 v −1 âb̂vu−1 (â)−1 (b̂)−1 us
(4)
quasi-réduit (i.e. réduit sauf éventuellement des termes égaux à e).
En comparant les expressions quasi-réduites (2) et (4), on voit que (2) doit commencer par la première lettre de s−1 et finir par l’inverse de celle-ci. Or, en utilisant
que l’expression (2) est écrite comme un produit de lettres, on voit que ceci n’est
pas possible, à moins que s = e. Par conséquent,
[a, b] = v −1 âb̂vu−1 (â)−1 (b̂)−1 u.
(5)
7
Puisque cette expression quasi-réduite possède 8 termes, tout comme (2), qui est
réduite, elle est réduite. Par unicité de l’écriture réduite, on voit alors que l’égalité
entre (2) et (5) n’est pas possible.
Ainsi, l’ensemble des commutateurs de F (x, y, z, w) n’est pas un sous-groupe.
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