CURRICULUM Pulsoxymétrie nocturne avec sauvegarde des résultats Un instrument pratique en médecine de famille Thomas Rothe Zürcher Höhenklinik Davos Quintessence • Depuis janvier 2012, les internistes généraux peuvent facturer la pulsoxymétrie nocturne avec sauvegarde des résultats. • Cette méthode est indiquée en pratique, car différents tableaux cliniques donnent une hypoxémie significative la nuit déjà, qui à cette phase ne peut encore être enregistrée pendant la journée. • En plus de cela, l’oxymétrie avec sauvegarde des résultats est un important instrument de dépistage du syndrome des apnées obstructives du sommeil chez des patients ayant une grande probabilité prétest. Thomas Rothe L’auteur n’a déclaré aucun soutien financier ni d’autre conflit d’intérêts en relation avec cet article. La spot-pulsoxymétrie est très répandue en médecine de famille. La saturation d’oxygène (SaO2) ainsi mesurée est parfois considérée comme le 5e signe vital [1]. Il existe depuis 2012 une position du TARMED pour la pulsoxymétrie nocturne avec sauvegarde des résultats (position no 15.0710; PM 27.55 et PT 88.59), qui peut être facturée par les internistes généraux. Les appareils coûtent entre 600 et 3000 CHF. Il en existe de petits pour la mesure nocturne au domicile des patients, qui peuvent se porter comme une montre (fig. 1 ). Quand un tel dépistage par le médecin de famille a-t-il un sens? Cet examen sert à découvrir les troubles ventilatoires au cours du sommeil [2]. Il ne s’agit cependant pas que du syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS)! En position couchée, surtout sur le dos, le diaphragme doit comprimer l’abdomen vers le bas à chaque mouvement inspiratoire. Certains troubles neuromusculaires concernant aussi la musculature respiratoire se manifestent donc de nuit initialement. Dans les troubles ventilatoires restrictifs et obstructifs, la saturation est aussi plus basse en position couchée. L’obésité tronculaire peut potentialiser cet effet. Il est donc parfaitement possible que ces patients aient encore une SaO2 suffisante pendant la journée, mais qu’elle baisse la nuit au point qu’un cœur pulmonaire soit à prévoir et qu’une oxygénothérapie à domicile soit indiquée à visée prophylactique. Mesure pulsoxymétrique Cette mesure s’effectue au bout d’un doigt, évt aussi sur le lobe de l’oreille. Le senseur, par ex. sous forme d’un fingerclip, émet 2 rayons lumineux de 660 et 940 nm, qui traversent le tissu et sont enregistrés de l’autre côté par un photosenseur. La lumière rouge est absorbée différemment en fonction de la coloration variable de l’hémoglobine plus ou moins saturée par l’oxygène. Cet appareil mesure par voie transcutanée la fréquence cardiaque et la SaO2, qui correspond pratiquement à celle du sang artériel. Selon la qualité de l’appareil, le délai de réponse aux variations dans le temps de la SaO2 et de la fréquence cardiaque est plus ou moins long, env. 10 secondes en moyenne. Plus les mesures sont rapprochées, idéalement toutes les secondes, plus le délai d’affichage des valeurs sur l’écran est bref. Des résultats de mesure valides ne peuvent être obtenus que si le fingerclip de l’appareil ne compromet pas la perfusion sanguine, ce qui se manifesterait alors par une douleur du doigt. Ce problème est plus rare avec les électrodes adhésives. La SaO2 est également mesurée trop basse si la consommation d’oxygène du sang périphérique est accrue par une insuffisance cardiaque gauche, les extrémités sont très froides et du vernis à ongle altère la diffusion de la lumière. Ces problèmes sont parfois reconnaissables lorsque le pouls mesuré par oxymétrie ne correspond pas à la fréquence cardiaque centrale. L’écran de plusieurs appareils affiche la puissance du signal (indice de perfusion) sous la forme de traits synchrones au pouls, ascendants ou descendants. Une telle erreur de mesure ne peut malheureusement se voir que directement sur l’écran, et pas après-coup dans le protocole de mesure nocturne. Des résultats inférieurs à 70% ne doivent plus être considérés comme valides pour des raisons de technique de mesure. Il faut s’attendre à avoir des résultats faussement élevés si la sonde est directement exposée à la lumière solaire ou en cas d’intoxication au monoxyde de carbone (CO). Dans ce dernier cas, seule la gazométrie artérielle est utile. Un CO-oxymètre doit être intégré à l’appareil, qui mesure également l’HbCO. La SaO2 à elle seule ne permet pas de déterminer suffisamment bien la saturation d’oxygène périphérique. Troubles de la perfusion, diminution du débit cardiaque dans l’insuffisance cardiaque gauche et anémie peuvent faire diminuer massivement la saturation d’oxygène tissulaire, malgré une SaO2 normale. La courbe de saturation d’oxygène (fig. 2 ) montre la relation entre SaO2 et pression partielle d’oxygène (pO2). Son tracé sigmoïde permet que malgré une baisse de la pression partielle d’oxygène (séjour en altitude ou maladie) à 55 mm Hg (7,5 mm Hg = 1 kPa), la SaO2 soit encore de 90%. Si la pO2 continue à baisser, elle peut être remontée par hyperventilation. Mais apparaît alors Forum Med Suisse 2013;13(43):861–867 861 CURRICULUM Présentation des résultats de mesure Figure 1 Pulsoxymètre pour mesure nocturne ambulatoire. Les pulsoxymètres mobiles avec sauvegarde des résultats pour mesures nocturnes se portent comme des montres et mesurent la saturation d’oxygène par voie transcutanée au niveau d’un doigt. Figure 2 Courbe de saturation d’oxygène en fonction du pH. Si apparaît une alcalose respiratoire, la pO2 diminue, nécessaire pour atteindre une saturation d’oxygène de 90% [3]. une alcalose respiratoire, qui améliore la captation d’oxygène par l’hémoglobine, c.-à-d. déplace vers la gauche la courbe de liaison de l’oxygène et donne ainsi une SaO2 relativement plus élevée. Avec la baisse du stimulus respiratoire de nuit, surtout pendant le sommeil REM, l’hyperventilation compensatoire diminue. Avec la plus grande pression sur le diaphragme en position couchée, la musculature respiratoire est rapidement débordée en présence de maladies chroniques des voies respiratoires et des poumons (par ex. BPCO, fibrose pulmonaire). Dans les maladies neuromusculaires (par ex. syndrome postpoliomyélitique), la musculature accessoire n’intervient plus lors de l’endormissement. Il peut alors se produire une hypoventilation alvéolaire avec hypoxémie et hypercapnie (insuffisance respiratoire globale) consécutives. Les oxymètres de pouls avec sauvegarde des résultats sont équipés d’un logiciel donnant une courbe de la SaO2 et de la fréquence cardiaque, qui calcule en outre plusieurs paramètres, par ex. fréquence cardiaque et SaO2 moyenne pendant la nuit. La pO2 de l’être humain dépend fortement de l’âge. En raison du tracé sigmoïde de la courbe de liaison de l’oxygène, la dépendance à l’âge de la SaO2 est nettement plus faible. Chez les enfants la SaO2 nocturne moyenne est d’env. 97%, chez l’adulte entre 95 et 97% [3] et chez les vieillards encore d’env. 95% [4]. A 700 mètres d’altitude, les résultats sont d’env. 2% plus bas qu’au niveau de la mer, et d’env. 3% à 1500 mètres [5, 6]. La figure 3 montre la courbe de SaO2 mesurée de nuit chez une personne en bonne santé. Les désaturations des 30 premières minutes sont des artéfacts de mouvements, probablement encore à l’état de veille. Le logiciel de l’oxymètre calcule, également avec les résultats nocturnes, l’indice de désaturation (nombre de désaturations significatives, c.-à-d. chutes rapides de la saturation par heure). Cet indice est parfois abrégé ODI (oxygen desaturation index). Pour le diagnostic des apnées du sommeil, des désaturations de l’O2 ≥4% par rapport à la ligne de base sont considérées comme significatives par la plupart des auteurs. Les patients ayant un SAOS sont pour la plupart âgés, obèses et ont souvent aussi une BPCO (overlap syndrome). Tout cela fait que leur SaO2 de base se trouve déjà dans une zone un peu plus pentue de la courbe sigmoïde de la saturation d’oxygène. Un arrêt respiratoire de 10 secondes (définition de l’apnée) entraîne déjà une désaturation significative. Ce qui n’est généralement pas le cas des patients jeunes et sveltes. Pour eux, il peut être indiqué de fixer à ≥2% une chute de la SaO2 significative. Cet indice est également fourni par la plupart des logiciels. La sensibilité de la pulsoxymétrie pour le diagnostic des apnées obstructives du sommeil, avec un indice apnée/hypopnée (AHI) >15/h sur la base de désaturations de >4%, est d’env. 75%, et sa spécificité d’env. 86% [7]. Si des désaturations de ≥2% sont déjà définies comme significatives, sa sensibilité augmente mais sa spécificité par contre diminue [8]. Lors d’une désaturation visible à la pulsoxymétrie, la SaO2 diminue après un temps de latence de 30–60 secondes après la pause respiratoire. Les désaturations irrégulières sont souvent des artéfacts. Les phases de désaturations répétitives reflètent des apnées du sommeil, indépendamment du fait qu’elles soient obstructives ou centrales. Parallèlement aux désaturations apnéiques, nous voyons souvent une plus grande variabilité de la fréquence cardiaque (coréaction cardiaque). Une variabilité très forte et irrégulière de l’action cardiaque peut également résulter d’une fibrillation auriculaire. Les désaturations ne sont cependant que des marqueurs indirects des apnées. Pour confirmer ce diagnostic, il est donc indispensable de mesurer directement le débit ventilatoire, par ex. par polygraphie respiratoire. Les personnes sveltes, ayant un cœur et des poumons foncForum Med Suisse 2013;13(43):861–867 862 CURRICULUM Temps Figure 3 Courbe oxymétrique d’une mesure nocturne chez une personne en bonne santé. Lors des 20 premières minutes après le début de la mesure surviennent des désaturations irrégulières, expressions d’artéfacts de mouvements à l’état de veille. Situation Chance de somnoler Lire en position assise Pulsoxymétrie nocturne en cas de suspicion d’apnée du sommeil Regarder la télévision Etre assis en public passif (auditeur, par ex. au théâtre, en conférence) Etre passager en voiture pendant 1 heure sans arrêt Etre allongé l’après-midi pour se reposer Etre assis en conversation avec quelqu’un Rester assis tranquillement après le dîner (sans alcool) Devoir rester derrière le volant en voiture quelques minutes dans un embouteillage Ne pas remplir Total Figure 4 Epworth Sleepiness Scale. Les points doivent être inscrits en suivant la graduation ci-dessous: 0 = il ne m’arrive jamais de somnoler, aucune chance 1 = faible chance de somnoler 2 = chance moyenne de somnoler 3 = forte chance de somnoler. tionnant normalement, peuvent avoir une apnée du sommeil significative sans que leur ODI soit augmenté. Donc avec une clinique typique, et même si l’oxymétrie de dépistage est négative, des investigations plus poussées sont nécessaires. Une apnée du sommeil est légère si la polygraphie révèle au moins 5 apnées obstructives ou hypopnées par heure, donc si l’AHI est ≥5/h. De même, un ODI ≥5/h témoigne d’une éventuelle apnée du sommeil, pour autant qu’il ne s’agisse pas d’artéfacts. Un AHI ≥15/h caractérise une apnée du sommeil modérée, et un AHI ≥30/h une grave [9]. L’apnée du sommeil légère est encore souvent asymptomatique et n’exige aucun traitement, à part les mesures générales telles que perte pondérale et sevrage d’alcool et de benzodiazépines le soir. Il est question de syndrome des apnées obstructives du sommeil (SAOS) si la clinique est compatible, par ex. somnolence diurne excessive et/ou hypertension réfractaire. Apnée obstructive du sommeil (AOS) Plusieurs facteurs augmentent la probabilité prétest d’apnée obstructive du sommeil, faisant qu’un dépistage est indiqué (tab. 1 ). Il vaut la peine de remplir avec le patient l’Epworth Sleepiness Scale (ESS) (fig. 4 ). Il faut toujours bien préciser si le patient s’endort véritablement dans la situation donnée (somnolence diurne) ou s’il ne se sent simplement que fatigué au point de pouvoir s’endormir à tout instant (fatigue). La fatigue peut avoir plusieurs causes, dont anémie, hypothyroïdie, tumeur, infection chronique, manque d’élan dans une dépression, etc. Une somnolence diurne excessive, objectivable à la polysomnographie par le mean sleep latency test (MSLT), témoigne par contre souvent d’un problème tel que manque de sommeil, effet de toxiques (alcool, opioïdes et tranquillisants), ou d’un syndrome des apnées obstructives du sommeil. L’ESS validée permet une évaluation semi-quantitative de la somnolence diurne. Des résultats entre 11 et 24 points doivent être considérés comme pathologiques. Mais la zone grise entre ces deux cut-offs est relativement grande. Le score de Mallampati à l’examen physique est tout aussi important que l’ESS (fig. 5 ). Il quantifie le tissu muqueux du palais mou et le volume des amygdales et de la langue. Si le patient tire la langue à fond et son fond de gorge est spontanément invisible ou presque (Mallampati 3 ou 4), il y a déjà une étroitesse pharyngée faisant qu’une AOS est probable. Un tour de cou supérieur à la moyenne est un indice en faveur d’une AOS [12]. Le résultat obtenu doit cependant être corrigé en fonction de la taille avec une formule, ce qui n’est pas très simple. Dans l’étude citée, le risque d’AOS était accru si la circonférence cervicale d’un homme de 1,78 m était de plus de 42,5 cm. Les apnées, ou désaturations qui en résultent, sont plus Forum Med Suisse 2013;13(43):861–867 863 CURRICULUM fréquentes en décubitus dorsal. L’interprétation de la courbe de SaO2 est donc plus facile si le patient se souvient à quelle heure environ il s’est réveillé et dans quelle position il se trouvait. Lors d’une mesure en milieu hospitalier, la garde de nuit doit noter de telles observations, de même que quand un patient a mis ou enlevé son masque de CPAP et combien d’oxygène il a reçu pendant la nuit. Les pauses obstructives surviennent fréquemment pendant le sommeil REM. Les désaturations sont alors généralement plus basses. 3–5 phases de 20–40 minutes avec désaturations répétitives sont donc souvent un ). signe de phases de sommeil REM écoulées (fig. 6 L’association fréquente AOS et obésité-hypoventilation nocturne se reconnaît, en plus des désaturations répétitives, à une basse SaO2 de base moyenne (fig. 7 ). Figure 5 Status oropharyngé selon le score de Mallampati. Plus il est élevé, plus la muqueuse du palais mou est plissée et plus les apnées ou hypopnées obstructives sont probables. Apnée du sommeil centrale La sensibilité au CO2 du centre respiratoire varie d’un individu à l’autre, c.-à-d. que les chimiorécepteurs réagissent de manière très différente à une hypercapnie en développement. Les emphysémateux blue bloaters (gros bleus) n’y réagissent pas, sont constamment hypoxémiques et développent un cœur pulmonaire. Les pink puffers (maigres roses) par contre accomplissent un travail respiratoire consommant beaucoup de calories, de manière à conserver aussi longtemps que possible une SaO2 suffisante, et souffrent donc davantage de dyspnée. Les différences d’amplitude des réactions du centre respiratoire expliquent également pourquoi env. 40% des patients en insuffisance cardiaque gauche avec une fraction d’éjection ventriculaire gauche (FE) ≤40% ont une respiration nocturne périodique de type CheyneStokes (RCS), une forme courante de l’apnée du sommeil centrale pouvant parfois être confirmée par pulsoxymétrie [13]. A FE égale, le pronostic des patients RCS est plus mauvais que pour ceux sans preuve de RCS nocturne [14]. L’apnée du sommeil centrale est ainsi une réaction exagérée de la régulation respiratoire [15]. La servoventilation nocturne adaptive, ventilation bilevel «intelligente» par masque, est censée améliorer le pronostic des patients RCS [16]. La resynchronisation cardiaque permet elle aussi d’observer une diminution des épisodes de RCS [17]. Les opioïdes dans le traitement de la douleur ou dans le cadre d’un programme méthadone, de même que l’hypertension artérielle pulmonaire, peuvent également être en cause dans la RCS nocturne [18]. Un sé- Rythme cardiaque Réponse cardiaque Réponse cardiaque Figure 6 Oxymétrie lors d’une AOS légère à prédominance pendant le sommeil REM. Dans le sommeil REM, le tonus musculaire baisse, ce qui provoque plus volontiers des apnées obstructives. Avec la diminution du stimulus respiratoire, la SaO2 moyenne baisse chez les patients obèses ou souffrant d’un trouble ventilatoire. Forum Med Suisse 2013;13(43):861–867 864 CURRICULUM jour à plus de 1550 mètres d’altitude favorise les apnées centrales nocturnes [19]. L’acétazolamide à une dose de 250–500 mg peut antagoniser cet effet, même chez les patients sous CPAP [20]. Du fait que la SaO2 en altitude tombe facilement dans la zone pentue de la courbe de saturation d’oxygène, la sensibilité de la pulsoxymétrie dans le diagnostic d’une apnée du sommeil augmente en montagne. Dans le SAOS, les désaturations sont souvent irrégulièrement basses et fréquentes, par phases. Des désaturations très régulières, sinusoïdales, parlent par contre pour une RCS (fig. 8 ). Les formes mixtes sont fréquentes. Les phases sans désaturations signent des phases d’éveil ou de sommeil REM, pendant lequel le stimulus respiratoire diminue et la tendance à l’hyperventilation, coresponsable de la RCS, n’existe pas. Une polygraphie respiratoire est souvent nécessaire pour faire le diagnostic différentiel précis entre apnées centrales et obstructives. Pulsoxymétrie nocturne en cas de suspicion d’hypoxémie nocturne En plus des désaturations répétitives, la pulsoxymétrie permet parfois de voir une baisse de longue durée de la Figure 7 Oxymétrie lors d’une AOS et hypoxémie nocturne. 2 résultats pathologiques sont visibles ici: désaturations irrégulières, en général répétitives (suspicion d’AOS) et SaO2 moyenne abaissée (hypoxémie nocturne). Pouls Figure 8 Oxymétrie avec respiration de Cheyne-Stokes (RCS) dans l’insuffisance cardiaque gauche chronique. Les désaturations répétitives, très régulières, sinusoïdales (respiration périodique) témoignent d’une RCS, surtout s’il y a aussi une variabilité du pouls régulière, synchrone. Il peut cependant aussi s’agir d’une association RCS et AOS! Forum Med Suisse 2013;13(43):861–867 865 CURRICULUM SaO2 moyenne lors de l’endormissement ou pendant le sommeil. Si la SaO2 moyenne est <90%, il faut parler d’hypoxémie nocturne significative. Des hypoxémies nocturnes peuvent également se présenter alors qu’un patient éveillé et assis, de jour, a encore une SaO2 suffisante. Tableau 1 Facteurs de risque d’une AOS. Ronflement avec pauses respiratoires (renseignement fourni par des proches) Excès pondéral net Tour de cou nettement supérieur à la moyenne Somnolence diurne excessive sur l’Epworth Sleepiness Scale (ESS) [10] (fig. 4) Score de Mallampati pathologiquement élevé [11] (fig. 5) Rétrognathie ≥5 mm chez le patient couché Hypertension artérielle réfractaire avec valeurs matinales élevées Sexe masculin Grand âge Prise de benzodiazépines Consommation élevée d’alcool avant le coucher Tableau 2 Facteurs de risque d’hypoxémies nocturnes. Grand âge Vie à plus de 1500 m d’altitude Obésité sévère Troubles ventilatoires obstructifs Pneumopathies restrictives telles que fibrose pulmonaire, status après lobectomie ou pneumectomie, grave cyphoscoliose, épanchement pleural, couenne pleurale Myopathies telles que dystrophie musculaire de Duchenne, maladie de Pompe Neuropathies telles que syndrome postpoliomyélitique, sclérose latérale amyotrophique, myasthénie, atrophie musculaire spinale, parésie diaphragmatique idiopathique ou traumatique Prise de benzodiazépines et/ou opioïdes La SaO2 moyenne est calculée par le logiciel de l’oxymètre. Si par exemple un patient est longtemps éveillé la nuit, la SaO2 moyenne peut simuler une valeur faussement haute. C’est pourquoi il est important de bien examiner la courbe visuellement: il faut préciser s’il y a une SaO2 de base de longue durée, nettement plus basse. Une telle phase avec des valeurs très basses pourrait correspondre à une phase de sommeil, de sommeil en décubitus dorsal ou de sommeil REM. Plusieurs autres facteurs augmentent le risque d’hypoxémie nocturne (tab. 2 ). L’âge ou la vie en montagne, facteurs de risque pris tels quels jugés banaux, peuvent participer avec d’autres à une hypoxémie nocturne significative et imprévisible. Ce qui fait que l’espérance de vie moyenne des patients BPCO vivant en moyenne altitude est déjà réduite [21]. La fixation de l’apport d’oxygène à un patient est du ressort du pneumologue, qui le cas échéant met en route la suite du diagnostic et le traitement. Avec sa collaboration, l’interniste peut faire un examen pulsoxymétrique à son cabinet, si un patient présente des facteurs de risque évidents de développer une hypoxémie nocturne. L’indication à l’oxygénothérapie chronique à domicile est posée lorsque la pO2 est <55 mm Hg même pendant les phases stables, avec un cœur pulmonaire <60 mm Hg. Comme de nuit, il peut y avoir une hypoxémie notable malgré une telle valeur, la pulsoxymétrie nocturne donne de plus amples informations. Après une exacerbation de BPCO, il peut être utile en milieu hospitalier d’arrêter l’oxygénothérapie pernasale pendant 1 heure de nuit sous contrôle oxymétrique et d’enregistrer ce qui se passe exactement. Il sera alors facile de déterminer si l’oxygénothérapie nocturne est toujours indiquée (fig. 9 ). Le débit d’oxygène ne doit pas être fixé sur la base de résultats pulsoxymétriques ambulatoires. Il y a risque de carbonarcose! L’oxygénothérapie chronique à domicile ne peut être prescrite que par un pneumologue. Les patients doivent donc consulter leur pneumologue chaque année, pour qu’il fasse un contrôle de l’indication, de l’efficacité et de la tolérance de ce traitement, et rédige une nouvelle ordonnance annuelle le cas échéant. sans O2 Figure 9 Oxymétrie avec ou sans inhalation d’oxygène dans une exacerbation de BPCO. L’inhalation pernasale d’O2 a été interrompue pendant une bonne heure de nuit. La baisse de la SaO2 moyenne pendant cette phase prouve que le patient a besoin d’oxygène pendant la nuit. Forum Med Suisse 2013;13(43):861–867 866 CURRICULUM Conclusion Il y a quelques dizaines d’années encore, le sommeil était une tache blanche dans les connaissances médicales. Avec la pulsoxymétrie nocturne, l’interniste généraliste a un outil qui lui aide à diagnostiquer les troubles respiratoires pendant le sommeil, indétectables pendant la journée. Ce diagnostic doit être posé en étroite coopération avec le médecin de famille et le pneumologue. Correspondance: Dr Thomas Rothe Chefarzt Abt. Innere Medizin & Pneumologie Zürcher Höhenklinik Davos CH-7272 Davos Clavadel thomas.rothe[at]zhd.ch Références La liste des références complète et numérotée se trouve sous www.medicalforum.ch. Qu’est-ce que c’est? Réponse: C’est un nævus mélanocystique congénital. C’est la dignité qui est déterminante: ce nævus peut être congénital et présenter un risque de transformation en mélanome nettement plus élevé que les formes non congénitales. S’il n’est pas opéré cet enfant doit être contrôlé chaque année. Bruno Truniger NEJM. 2012;367:362. Tache foncée sur le front – bénigne ou maligne? Un enfant blond de 3 ans a depuis sa naissance une tache foncée et pileuse de 3×3 cm avec une dyscoloration semblable de la peau en dessus sur l’os frontal. Cette dyscoloration était plus marquée au début que maintenant. Aucune douleur, pas de démangeaison, pas d’hémorragie ni d’autre lésion cutanée. Qu’est-ce que c’est? Forum Med Suisse 2013;13(43):861–867 867