RECONSTRUCTION MAMMAIRE IMAGE DE SOI ET MOTIVATIONS Dr Bernard DESCLAUX Oncomip 18/4/2013 Le Contexte Quand le paraître a plus d’importance que l’être, la mutilation corporelle apparaît comme une blessure physique et narcissique dont les conséquences psychologiques ne sont pas négligeables Reconstruire un sein = toucher à un lieu du corps où une femme exprime : * son identité * la fonction maternelle et érotique * des valeurs culturelles et des codes esthétiques La reconstruction d’un sein après ablation améliorerait le psychisme. Vitalité, moral, aisance sociale, image corporelle, satisfaction de l’intervention… Image du corps Définition « représentation consciente et inconsciente du corps, désignant non seulement une connaissance physiologique mais renvoyant à la notion de libido et à la signification sociale du corps » (Schilder 1935) L’image du corps correspondrait plus à une vision psychologique où prédomineraient les attitudes et les sentiments éprouvés Le schéma corporel : se focalise plus sur la perception et la représentation du corps dérivant de l’intégration des expériences sensorielles Représentation de soi : vision psychodynamique où le corps est « objectalisé » tel qu’un individu le conçoit et qu’il est perçu par autrui. A mi-chemin entre perceptions et fantasmes. L’atteinte de l’image du corps constitue un trouble clinique caractérisé par l’existence d’une différence entre l’apparence actuelle perçue d’un attribut corporel donné et la perception idéale de cet attribut par l’individu. Les troubles de l’image corporelle en oncologie résultent du diagnostic, des pertes fonctionnelles et des mutilations, des symptômes, des douleurs, des effets secondaires des traitements. Image du corps Atteinte corporelle et identité Le cancer et ses traitements mettent en péril l'identité corporelle (image de soi) et l'identité psychologique (conscience de soi). Deux questions fondamentales conditionnent l’impact sur l’identité : * comment le corps est-il investi avant l’intervention ? * comment appréhender une perspective de perte touchant son corps ? Pour se réapproprier ce nouveau corps, panser le corps mutilé mais aussi le penser « À quoi vais-je ressembler ? Mon entourage va-t-il me reconnaître ? Comment vont-ils me regarder ? » « Je me suis vue vieille avant même de vieillir et je le ressentais dans le regard de mon entourage », ( patiente 35 ans ) Image du corps et K du sein L’atteinte du sein par le cancer renvoie à diverses symboliques: – la composante anatomique : mamelle nourricière, source de vie – la composante narcissique ; source de séduction et de féminité – la composante érotique : source de fantasmes et élément de la sexualité ; - la composante imaginaire : sein du désir, celui qu’on n’a jamais eu… et qu’on n’aura jamais. La perte du sein renvoie à une altération de l’estime de soi : - impact sur l’accès au plaisir sexuel et la désirabilité - blessure narcissique par impact sur la féminité Le deuil du sein peut se transformer en névrose de deuil (15 à 25% de dépressions) La RM qui se veut réparatrice ne dispense pas la patiente du travail de deuil du sein perdu et de l’appropriation, du réinvestissement libidinal du sein reconstruit. Image du corps Evaluation des troubles * Par l’analyse des comportements objectifs : - présence ou absence de signes anxieux - refus de reconnaître ou de parler de la perte corporelle - refus de montrer ou de regarder la zone atteinte. * Par une échelle d’évaluation des troubles de l’image corporelle : la « Body Image Scale » (BIS) validée en français . Utilité en pratique et en recherche cliniques Questionnaire de 10 items qui permet une aide à la verbalisation du vécu corporel et facilite l’évaluation de l’impact des traitements sur du corps l’image Tous les éléments évoqués précédemment peuvent, isolés ou combinés, participer à la prise de décision face à une proposition, une demande ou un refus de RM. C'est dire l'importance que peut prendre l'exploration attentive des manifestations, exprimées ou non par les patientes, à propos de leur vécu corporel, de leurs attentes, de leurs motivations et de leur représentation face à ce type de geste. Motivations pour une RM Les raisons Diverses mais aisément concevables et audibles - symétrie – équilibre - le désir de combler la perte du sein, parfois vécue comme une mutilation ; - le souhait de ne pas porter une prothèse mammaire externe ; - l’envie de se sentir plus désirable et à l’aise dans son corps ; - la volonté d’oublier ce qui rappelle le cancer du sein ; - la possibilité de varier sa garde-robe, en particulier les soutien-gorge. Motivations pour une RM Dialogue médecin/patiente Selon le site internet d'un chirurgien plasticien pas moins de 25 questions au bas mot seraient à poser au médecin par la patiente. * Le savoir médical ne donne en aucun cas le droit au médecin de choisir pour sa patiente, mais de l’accompagner dans sa décision. Ses propos peuvent être déterminants pour l’acceptation ou le refus de la RM. * Souvent, les patientes s’imaginent que la RM est un acte chirurgical simple. L’information « claire et exhaustive » impose au médecin de partager ses connaissances sur la RM avec la patiente * Le dialogue médical peut ébranler la foi irréaliste que certaines patientes ont dans la chirurgie réparatrice. A l’issue d’une consultation la demande de RM formulée initialement peut être finalement abandonnée. Motivations pour une RM Seins, image du corps et sexualité * L’attachement affectif d’une femme à ses seins est un élément déterminant dans le choix de recourir ou non à une RM. Il dépend : - du rapport entretenu avec sa féminité depuis son plus jeune âge (image inconsciente des seins présente chez la femme bien avant d’exister dans leur réalité anatomique) - du cours de sa vie amoureuse, de la réalisation de ses désirs * Pour des femmes en quête d’un partenaire , la mastectomie fait souvent surgir l’inquiétude d 'une vie sentimentale menacée dans les jeux de séduction . Question : suis-je encore désirable ?. Inquiétude qui amène à miser sur la RM comme substitut indispensable pour préserver leur vie intime. Celles-ci sont davantage disposées à endurer la pénibilité de la RM. MOTIFS de REFUS Pourquoi une majorité de femmes ne veut pas de reconstruction ? * ne pas retourner à l'hôpital, * ne pas avoir un surplus de cicatrices, * ne pas avoir de douleurs, * 2 seins non indispensables, * peur d'une trop grande ambition, * peur du risque de la récidive, * Envie de souffler, de passer à autre chose. * refus d'un corps étranger * Réticence à la symétrisation du sein controlatéral MOTIFS de REFUS Renoncement à la RM * Certaines femmes, qui aspirent à la RM, renoncent à ce projet en prenant conscience qu'elle n’est qu’un artifice qui ne leur rendra pas ce qui les attachait à leur sein. * Pour d'autres, c’est l'organe sensoriel et érogène qui importe plus que l’apparence générale. Elles refusent cette absence de sensibilité. * Des femmes, par souci esthétique, sont réfractaires à l’idée d’infliger à leur buste de nouvelles cicatrices. La RM peut parfois être pré-sentie comme un dommage supplémentaire, et non comme une réparation. * Certaines femmes n’y auront jamais recours concrètement, mais savoir que le recours à la RM existe suffit à apaiser l’angoisse d’« être manquante ». Enfin certaines décident de rester asymétriques, la féminité n'étant pas pour elles seulement une histoire de sein. L’association LES AMAZONES fait le pari, à travers des créations artistiques, de changer le regard porté par la société en permettant de se familiariser avec ce qui ne se voit jamais : une femme avec un seul sein et revendiquant l'asymétrie l'abstention ne signifie pas nécessairement refus. Il ne s’agit pas de vivre en dépit de la Choix positif tourné perte du sein mais avec vers un autre horizon. cette perte. La femme étant alors engagée dans une affirmation de sa féminité autrement. Pour conclure Difficile de connaître avec précision toutes les raisons qui conduisent une femme mastectomisée à refuser une RM. La démarche conduisant à une reconstruction mammaire est personnelle et singulière à chaque femme. Le choix de l'abstention n’a rien d’évident, ni de définitif. Il importe donc de laisser le temps de la réflexion. Quoi qu’il en soit, le choix de ne pas recourir à la RM va à l’encontre d’un préjugé normatif qui considère la femme comme étant inséparable de ses seins, préjugé que nous sommes censés dépasser pour comprendre les motifs de ce refus.