présentaient aucun symptôme de la maladie. Les personnes qui sont tombées malades
étaient âgées et souffraient de déficits immunitaires plus ou moins graves.
Du point de vue de l’évolution l’infection humaine est franchement défavorable à
la bactérie. Depuis que la maladie des légionnaires sévit à travers le monde, en effet,
aucun cas de transmission interhumaine n’a été décrit. Contrairement à d’autres
agents pathogènes des voies respiratoires tels que Haemophilus influenzae, Bordetella
pertussis ou Mycobacterium tuberculosis, L.pneumophila n’est pas adapté à l’hôte
humain. En l’absence de transmission à un nouvel hôte les variants génétiques qui
survivent à la forte pression sélective exercée par les macrophages alvéolaires sont
incapables de se maintenir. En fait, le pouvoir que possède L.pneumophila d’infecter
l’homme est la conséquence de la pression de sélection issue de l’environnement. C’est
donc au cœur de l’écosystème aquatique qu’il faut aller en découvrir les mécanismes.
Le rôle des protozoaires y est prédominant. Ils sont, en effet, les hôtes privilégiés des
Legionella qui s’y multiplient en grand nombre, au cours d’un cycle biphasique qui
ressemble étroitement à celui des macrophages alvéolaires. Les bactéries acquièrent
certaines caractéristiques de virulence qui leur permettent de survivre dans le milieu
aquatique hostile puis de se transmettre à de nouvelles cellules hôtes.
Sur quelques aspects de la vie microbienne en eau douce
Notre perception de la vie bactérienne est profondément enracinée dans le
paradigme de la culture pure. Une suspension de bactéries peut, en effet, être diluée
en milieu liquide ou dispersée sur un milieu solide jusqu’à l’obtention d’une cellule
unique, formant colonie. Ce mode opératoire a été exploité et utilisé pour l’étude des
activités bactériennes dans les domaines de la physiologie, de la génétique, de la
pathogénèse etc. La bactériologie, dite médicale ou clinique exploite quotidiennement
ce paradigme en recherchant, dans les produits pathologiques, la bactérie responsable
d’une infection qui devra être isolée en culture pure. Ces bactéries, dites pathogènes,
ont à leur disposition dans les tissus humains ou animaux une quantité de matière
organique en excès(supérieure au gr/kg), y compris les facteurs de croissance qui leur
sont nécessaires pour se multiplier.
L’environnement aquatique où vivent les Legionella est, au contraire, pauvre en
matières organiques (de l’ordre du mg/L-1) et sujet à une variété de stress tels que choc
oxydatif, choc thermique, stress osmotique etc. Les eaux d’alimentation qui
proviennent de ces sources sont constamment ensemencées par des microorganismes
autochtones, bactéries, champignons, protozoaires etc. à partir des stations de
traitement. La biomasse bactérienne est le point de départ d’une chaîne trophique
complexe au cours de laquelle les plus fort consommateurs de bactéries seront les
membres les plus petits en taille du zooplancton, c’est-à-dire les protozoaires, qui sont
eux-mêmes la proie d’organismes plus évolués tels que microcrustacés, nématodes,
macroinvertébrés (Block et al., 1997). La présence des protozoaires dans les eaux
d’alimentation n’a jamais été particulièrement étudiée. L’apparition de cas de
méningoencéphalite, dus à l’amibe thermophile Naegleria fowleri dans les années 1970
a pour la première fois attiré l’attention sur leur pouvoir pathogène pour l’homme, à
partir de l’eau (Carter, 1970). Les protozoaires peuvent aussi ingérer, protéger et faire
se multiplier des bactéries d’espèces variées dont certaines, potentiellement
pathogènes comme les Legionella. Toujours présents dans les eaux de distribution à
des taux élevés de l’ordre de 105-106/L-1,ils sont consommateurs naturels de bactéries
10 LEGIONELLA : FROM ENVIRONMENTAL HABITATS
TO HUMAN DISEASE