item 224 - Collège des enseignants en pneumologie

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Item 224 & 326
Embolie pulmonaire et thrombose
veineuse profonde
Prescription et surveillance des
antithrombotiques
Objectifs d’enseignements tels que définis dans le programme de l’ECN :
■ Diagnostiquer une thrombose veineuse profonde et/ou une embolie pulmonaire.
■ Identifier les situations d'urgence et planifier leur prise en charge.
■ Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.
■ Connaître les indications et les limites d’un bilan de thrombophilie.
■ Prescrire et surveiller un traitement anti-thrombotique à titre préventif et curatif, à
court et à long terme
■ Connaître les mécanismes d'action de classe et des produits individuels, les
principes du bon usage, les critères de choix d’un médicament en première
intention, les causes d’échec, les principaux effets indésirables et interactions
Objectifs pédagogiques terminaux définis par le Collège des Enseignants de Pneumologie
1. Connaître les facteurs de risque de la maladie thromboembolique veineuse (MTEV)
2. Connaître les principales présentations cliniques de l’EP
3. Savoir déterminer la probabilité clinique d’une embolie pulmonaire (EP)
4. Savoir reconnaître une EP grave
5. Savoir prescrire et hiérarchiser le bilan diagnostique d’une MTEV en fonction du terrain
et des signes de gravité (algorithmes décisionnels)
6. Connaître les complications de la MTEV à court, moyen et long terme
7. Connaître les éléments du bilan étiologique d’une MTEV
8. Connaître les traitements anticoagulants disponibles selon le tableau clinique, EP ou
thrombose veineuse profonde (TVP), la gravité (EP grave ou non) et le contexte
(insuffisance rénale, obésité, âge, antécédent de thrombopénie induite à l’héparine) et
savoir prescrire le traitement de la MTEV (choix des molécules, voies d’administration,
durée de traitement).
9. Connaître les principes de la prise en charge d’une EP grave
10. Connaître les facteurs de risque de récidive de la MTEV et les hiérarchiser en fonction
de leur caractère transitoire ou persistent
Points clés
1. La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) : thrombose veineuse profonde (TVP)
et/ou embolie pulmonaire (EP) est fréquente : 110 000 cas/an en France dont 40 000
EP/an. C’est une maladie récidivante.
2. Deux présentations cliniques très différentes d’EP : une forme rare (5% des cas) qui est
l’EP grave définie par la présence d’un état de choc (mortalité 25-50%) et les EP sans
états de choc (95% de cas) dont la présentation clinique est très polymorphe et dont la
difficulté de prise en charge repose sur l’évocation du diagnostic et le respect de
l’algorithme diagnostique.
3. La stratégie diagnostique est un processus en plusieurs étapes :
émettre l’hypothèse d’une EP ou d’une TVP
estimer la probabilité clinique (PC)
doser les D-dimères si la PC est non forte ou prescrire d’emblée un examen d’imagerie
si la PC est forte (un angioscanner spiralé thoracique pour l’EP et l’échographie
veineuse pour la TVP)
4. Un taux de D-dimères normal (négatifs) par méthode ELISA élimine le diagnostic d’EP ou
de TVP, si la PC n’est pas forte
5. Le traitement de la MTEV est une anticoagulation efficace et a pour but de prévenir une
récidive.
6. La fibrinolyse est uniquement indiquée en cas d’état de choc (EP grave), elle est toujours
suivie d’une anticoagulation efficace.
7. La durée du traitement anticoagulant d’un premier épisode est limitée dans le temps. Elle
est la même pour les TVP et les EP et dépend du contexte de survenue : 3 mois en cas
facteur de risque transitoire, 6 mois dans les autres cas.
8. L’anticoagulation initiale repose sur les héparines de bas poids moléculaire, le
fondaparinux ou l’héparine non fractionnée. Le traitement d’entretien repose sur les
antagonistes de la vitamine K ou les anticoagulants oraux directs
9. Les anticoagulants oraux directs (AOD) sont au moins aussi efficaces et sûrs que le
traitement conventionnel (HBPM relais AVK). Ils sont plus simples d’utilisation
(administration orale à dose unique sans contrôle biologique) et contre-indiqués en cas
d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/min selon la formule de
Cockroft et Gault)
10. A long terme, la MTEV expose à deux complications : la récidive à l’arrêt du traitement
anticoagulant fréquente (11% à 1 an, nette diminution du risque après) et l’hypertension
pulmonaire post-embolique ou le syndrome post-thrombotique rare
2
I.
EPIDEMIOLOGIE
I.1.
Incidence
La maladie thrombo-embolique veineuse (MTEV) regroupe les thromboses veineuses profondes
(TVP) et les embolies pulmonaires (EP). Il s’agit d’une maladie fréquente dont l’incidence annuelle,
en France, est estimée à 180 cas pour 100 000 habitants dont 120 TVP et 60 EP soit environ
110 000 cas par an dont 40 000 EP.
L’incidence annuelle de la MTEV augmente avec l’âge et atteint 1 cas pour 100 après l’âge
de 75 ans.
I.2.
Pronostic
La mortalité globale de l’EP est de 8-10% durant l’hospitalisation, 15% à 6 mois et 25% à 1 an.
Les facteurs de risque de mortalité de l’EP sont la tolérance hémodynamique à l’admission (état de
choc) et le terrain sur lequel survient cette EP (âge, insuffisance respiratoire chronique ou
cardiaque, et cancer).
■ Les EP non graves (80-90% des cas) : sans état de choc et sans signe de dysfonction
ventriculaire droite. La mortalité à 1 mois est inférieure à 5%.
■ Les EP de gravité intermédiaire (10-15% des cas) : sans état de choc mais
accompagnées d’une dysfonction ventriculaire droite
■ Les EP graves (5% des cas) : responsables d’un état de choc à l’admission défini par une
pression artérielle systolique (PAs) < 90 mmHg ou chute de la PAs > à 40 mmHg par
rapport à la pression artérielle systolique de base pendant 15 minutes consécutives. La
mortalité hospitalière est de 25-50%.
I.3.
Facteurs de risque
La MTEV est une maladie multifactorielle. Il existe des facteurs de risque acquis (transitoires ou
persistants) et des facteurs de risque constitutionnels (Tableaux 1 et 2). Les facteurs de risque
peuvent se cumuler.
Tous ces facteurs de risque n’ont pas le même poids, on distingue les facteurs de risque majeurs,
modérés et faibles (Tableaux 1 et 2). Il existe des thrombophilies rares mais très thrombogènes
(déficit en antithrombine, protéines C et S) et d’autres plus fréquentes mais moins thrombogènes
(mutations facteurs V et II) (tableau 2).
Tableau 1 :
Principaux facteurs de risque acquis de maladie thromboembolique veineuse
Persistant
Transitoire
Majeurs (Odds ratio > 6)
+
Chirurgie récente (< 3 mois)
+
Traumatisme des membres inférieurs (< 3 mois)
+
Hospitalisation pour affection médicale aiguë (< 3 mois)
+
Cancer avec chimiothérapie (< 2 ans)
Modérés (2 < Odds ratio < 6)
+
Contraception oestroprogestative
+
Traitement hormonal substitutif
+
Grossesse / post-partum
+
Antécédent de MTEV
+
Insuffisance cardiaque congestive
Faibles (Odds ratio < 2)
+
Varices
+
Obésité
+
Voyage prolongé > 6h
3
Le tabac, le diabète, les dyslipidémies, l’hypertension artérielle ne sont pas des facteurs de risque
de MTEV.
Tableau 2 : Facteurs de risque constitutionnels de maladie thromboembolique veineuse (MTEV)
Facteurs de risque
Déficit en antithrombine
Déficit en protéine C
Déficit en protéine S
Mutation Leiden du gène du facteur V
Mutation du gène de la prothrombine
G20210A
Facteur VIII > 150%
I.4.
Prévalence (%) dans la
MTEV
1
3
1-2
20
6
Odds ratio
25
2
10
10
10
5
3,5
Evolution à long terme
I.4.1 Récidives :
Après un traitement anticoagulant de 3 à 6 mois, le risque cumulé de récidive thromboembolique
veineuse après l’épisode initial est estimé à 5-10% à 1 an ; 15-25% à 5 ans et à 30% à 10 ans.
Le principal élément qui détermine le risque de récidive est la circonstance clinique dans
laquelle survient la MTEV.
■ Lorsqu’un facteur de risque transitoire est identifié (chirurgie, traumatisme notamment), le
risque de récidive après l’arrêt du traitement anticoagulant est très faible.
■ Lorsque le facteur de risque est persistant (cancer notamment) ou lorsqu’aucun facteur de
risque n’a pu être identifié, le risque de récidive après l’arrêt des anticoagulants est plus
élevé.
■ Les autres facteurs de risque de récidive sont les antécédents de MTEV, l’obésité, la
présence d’une anomalie majeure de la coagulation (déficit en antithrombine, anticoagulant
circulant, double mutation du facteur V et du facteur II, déficit en protéine S ou C) et peutêtre le sexe masculin.
I.4.2 Séquelles vasculaires et hypertension pulmonaire post embolique
■
syndrome post-thrombotique. Après une TVP, il existe des séquelles échographiques
chez 50% des malades et des séquelles cliniques chez 40% des malades. Les
manifestations sont variées : douleurs, varices, varicosités, œdème, dermite ocre et ulcères
variqueux. Le syndrome post-thrombotique sévère ne concerne que 1 à 2% des patients.
■
hypertension pulmonaire (HTP) post-embolique. Complication rare : près de 4% des
patients 2 ans après un premier épisode d’EP. A évoquer devant une dyspnée persistante
à distance d’une EP et non expliquée par une récidive ou une autre maladie respiratoire.
4
II.
PHYSIOPATHOLOGIE
La stase veineuse et les lésions endothéliales prédisposent à la thrombose. La plupart des thombi
vient des veines profondes des membres inférieurs et du pelvis.
II.1.
Conséquences hémodynamiques de l'embolie pulmonaire
L’obstruction brutale de la circulation pulmonaire par des caillots modifie plusieurs paramètres
mécaniques et métaboliques altérant initialement contractilité du ventricule droit puis en cascade le
dédit cardiaque. La séquence de ces évènements interdépendants est : :
■ augmentation de la pression artérielle pulmonaire (PAP),
■ augmentation de la post-charge ventriculaire droite qui entraîne une dilatation du ventricule
droit (VD)et une augmentation de la tension pariétale du VD,
■ augmentation du travail du VD et de la consommation en oxygène du VD,
■ ischémie du VD par écrasement des vaisseaux coronaires sous-épicardiques, diminution
de la contractilité du VD,
■ compression du VG par le VD (interdépendance VD – VG) : diminution de la précharge du
VG,
■ bas débit cardiaque, hypotension artérielle et état de choc.
La réponse hémodynamique dépend de l'importance de l'embolie et de l'état cardiovasculaire préexistant., L’importance de l’obstruction vasculaire pulmonaire anatomique n’est pas un facteur
pronostique. Ainsi, une petite embolie est plus grave lorsqu'elle survient sur un terrain cardiorespiratoire préalablement altéré alors qu’une embolie proximale peut être très bien tolérée chez
un sujet sans antécédent.
II.2.
Conséquences respiratoires de l'embolie pulmonaire
Effet espace mort initial (territoires ventilés mais non perfusés), puis apparaissent une diminution
de la ventilation dans les territoires embolisés et une redistribution du débit de perfusion vers des
territoires normalement ventilés aboutissant à un effet shunt (zones dont le rapport
ventilation/perfusion est abaissé).
L'hypoxémie est expliquée par cet effet shunt. Plus rarement, en cas d’EP compliquée d’état de
choc, le bas débit cardiaque est à l’origine d’une augmentation de l’extraction périphérique en
oxygène et entraine une diminution de la PvO2 (pression partielle en O2 dans le sang veineux mêlé
arrivant aux poumons). Enfin, l’importance de l’obstruction anatomique peut être à l’origine d’une
HTP et d’une ouverture du foramen ovale (FO) entrainant alors un shunt vrai.
En dehors des cas de réouverture du FO, l'hypoxémie est en général modérée et facilement
corrigée par l'administration d'oxygène.
III.
DIAGNOSTIC DE L’EMBOLIE PUMONAIRE : UNE DEMARCHE EN TROIS TEMPS
A. SUSPECTER LE DIAGNOSTIC D’EP
B. ETABLIR UNE PROBABILITE CLINIQUE D’EP
C. PRESCRIRE UN EXAMEN DIAGNOSTIQUE
Le diagnostic d’EP est à la fois un problème quotidien et un piège diagnostique classique qui
nécessite une approche rigoureuse et rapide (idéalement ≤ 48h).
Une fois l’EP suspectée, la stratégie diagnostique repose sur plusieurs étapes :
1. estimer la probabilité clinique
5
2. doser les D-dimères (en fonction de la probabilité clinique)ou prescrire des examens
d’imagerie
Il n’existe pas d’examen qui permet isolément d’affirmer ou d’exclure avec certitude le
diagnostic d’EP. Le diagnostic d’EP ne sera retenu ou exclu que sur les résultats combinés de
ces 3 étapes.
Il est important d’éliminer ou de confirmer le diagnostic d’EP avec la plus faible marge d’erreur
possible car :
les faux négatifs peuvent se traduire par des récidives thromboemboliques (mortelles
dans 15% des cas)
les faux positifs sont source de traitements anticoagulants injustifiés à l’origine de
complications hémorragiques potentiellement graves (mortelles dans 20% des cas).
III.1.
Évoquer le diagnostic d’EP
III.1.1. Symptômes cliniques
Dans la majorité des cas, l'EP est suspectée en raison d'une dyspnée, d'une douleur thoracique,
d'une syncope et/ou d'une hémoptysie
Schématiquement, l’EP peut se révéler par un des 3 tableaux suivants :
■ Douleur thoracique (75 % des patients) :
− Elle traduit un infarcissement d’un territoire pulmonaire distale sous pleural
− douleur thoracique de type pleural ; parfois augmentée par la percussion ou la pression
des côtes, expectorations hémoptoïques (modérées) souvent accompagnées de fièvre
(souvent modérée mais pouvant atteindre 39°)
− diagnostic différentiel principal : pneumonie.
■ Dyspnée isolée (20 %) :
− dyspnée souvent brutale mais parfois progressive, l’examen clinique est souvent
normal, la normalité de l’auscultation pulmonaire contrastant avec une dyspnée
objectivement confirmée (tachypnée, désaturation) doit attirer l’attention.
− diagnostics différentiels : insuffisance cardiaque (OAP) chez le sujet âgé ; dyspnée sine
materia, accès d’angoisse, hyperventilation chez le sujet jeune.
■ Etat de choc (5 %) :
− avec ou sans signes d’insuffisance cardiaque droite
− une discordance entre la pauvreté de l’examen pulmonaire, une radiographie de thorax
souvent peu perturbée (aspect de «détresse respiratoire avec poumons clairs») et la
dyspnée est évocatrice du diagnostic d’EP.
L’examen clinique peut retrouver :
■ Tachypnée quasi constamment présente mais parfois modérée
■ Tachycardie moins constante
■ Signes de thrombose veineuse : < 25% des cas,
■ Signes d’insuffisance cardiaque droite (turgescence jugulaire, reflux hépato-jugulaire) : <
10% des cas.
■ Auscultation pulmonaire : souvent normale ; foyer de crépitants localisé en cas d’infarctus
pulmonaire
■ L’examen clinique peut être normal !
6
III.1.2. Facteurs de risques de MTEV
Voir section I.3.
III.1.3. Examens complémentaires de 1ère intention
Radiographie de thorax, ECG et gaz du sang ne sont ni sensibles ni spécifiques.
Leur intérêt réside surtout dans l’élimination de diagnostics alternatifs (radio et ECG).
Radiographie thoracique :
− normale dans 25 % des cas ;
− atélectasie en bande ; épanchement pleural; ascension d’une coupole diaphragmatique
; infarctus pulmonaire (opacité alvéolaire périphérique, appuyée sur la plèvre, de petite
taille);
− diagnostics différentiels : pneumonie, pneumothorax, fracture de côte.
■ ECG :
− peut être normal,
− signe le plus fréquent : la tachycardie.
− onde S en D1 et onde Q en D3 « S1Q3 », bloc de branche droit : rares et non
spécifiques.
− diagnostics différentiels : infarctus du myocarde, une péricardite aiguë
Figure 1 : aspect S1Q3 à l’ECG
■
Gaz du sang :
Hypoxémie, hypocapnie : aucune spécificité,
− Peuvent être normaux
− Peu utiles en pratique
−
III.2.
Stratégie diagnostique
III.2.1. Première étape : établir la probabilité clinique pré-test
Etape la plus importante de la stratégie diagnostique.
Conditionne la valeur diagnostique des examens paracliniques et donc la conclusion posée à
l’issue de la stratégie diagnostique.
L’analyse des facteurs de risque, des symptômes et des signes cliniques permet d’établir la
probabilité clinique soit de façon empirique, soit à l’aide d’un score. Plusieurs scores ont été
décrits ; ils ont des performances voisines (Tableau 3).
7
Tableau 3 : score de Genève modifié simplifié (il n’est pas attendu de savoir calculer le scores. L’important
est que l’étudiant sache qu’avec des éléments cliniques simples on peut estimer la probabilité clinique)
Age > 65 ans
Antécédent de thrombose veineuse ou d’embolie pulmonaire
Chirurgie sous anesthésie générale ou fracture d’un membre inférieur < 1 mois
Cancer solide ou hématologique actif ou rémission < 1 an
Douleur unilatérale d’un membre inférieur
Hémoptysie
Fréquence cardiaque : ≥ 75 bpm
1
Supplément si fréquence cardiaque > 95 bpm
Douleur à la palpation d’un trajet veineux et œdème unilatéral d’un membre inférieur
Score < 2 : probabilité faible score 2-4 : probabilité intermédiaire score ≥ 5 : probabilité forte
+1
+1
+1
+1
+1
+1
+1
+1
+1
1
si la fréquence cardiaque du patient est par exemple 105 bpm, le nombre de point total assigné sera de 2 points (1
point car FC ≥ 75 bpm + 1 point supplémentaire car FC ≥ 95 bpm).
On définit 3 classes de probabilité clinique (prétest) associées à des prévalences distinctes d’EP.
■ probabilité clinique faible
prévalence de l’EP inférieure à 10%
■ probabilité clinique intermédiaire
prévalence de l’EP de l’ordre de 30%
■ probabilité clinique forte
prévalence de l’EP supérieure à 60%.
En pratique, quand on utilise ce type de score, la probabilité clinique est beaucoup plus souvent
faible (35%) ou intermédiaire (60%) que forte (5%).
III.2.2. Deuxième étape :
• Situation 1 : PC non forte
Dosage des D-dimères dont l’objectif est d’identifier les patients sans EP avec une très
grande précision. Ceux chez qui le diagnostic n’a pas a été écarté par les D-dimères
devront bénéficier d’une imagerie thoracique
• Situation 2 : PC forte
Réalisation directe d’un examen permettant de confirmer le diagnostic d’EP. En pratique, il
s’agit le plus souvent d‘un angioscanner thoracique.
Figure 2 : Principe de l’algorithme diagnostique devant une suspicion de MTEV.
Hypothèse d’embolie pulmonaire
Non :
Oui
Aucun examen
(en particulier pas de
dosage des D-Dimères)
Evaluation de la probabilité clinique
PC non Forte
Dosage des
DDimères dans
toutes les situations
cliniques*
PC Forte
Imagerie thoracique
en première
intention **
* exception unique : patient sous anticoagulant à dose efficace
** l’angioscanner thoracique est l’examen le plus souvent proposé compte tenu de son excellente disponibilité.
8
III.3. Les différents examens utilisés dans la stratégie diagnostique
III.3.1 Les D-dimères
• Les D-Dimères sont des produits de dégradation de la fibrine par la plasmine.
• Trois tests sont validés : Vidas®DD (ELISA), Liatest® (latex quantitatif) et Tinaquant® (latex
quantitatif). Ces tests sont très sensibles (≥ 96%) ce qui signifie qu’un test négatif (résultat
au-dessous du seuil de 500 µg/L) permet d’exclure le diagnostic d’EP si la probabilité
clinique est non forte. Il ne faut pas doser les D-dimères si la probabilité clinique est forte
(risque de faux négatif).
• Les D-dimères sont élevés dans de nombreuses situations (cancer, infections, chirurgie,
traumatisme, grossesse…) et ne sont donc pas spécifiques de l’EP. Un test positif n’a donc
aucune valeur et doit faire réaliser d’autres examens.
• Le dosage des D-dimères est moins souvent négatif dans certaines circonstances (le sujet âgé
> 80 ans, au cours des deux derniers trimestres de la grossesse ou en cas de cancer).
Néanmoins, la sensibilité du test est conservée quelle que soit la circonstance ce qui
signifie qu’un test négatif permet d’exclure le diagnostic d’EP avec la même sécurité dans ces
situations en cas de PC non forte.
• Le dosage des D-Dimères n’est pas interprétable chez les patients sous anticoagulants
curatifs.
III.3.2 Angioscanner spiralé thoracique multibarette
Examen d’imagerie de 1ère intention en raison de sa grande disponibilité, de son caractère non
invasif et de ses très bonnes performances diagnostiques.
• Irradiant et nécessite l’injection de produit de contraste iodé.
• Contre-indiqué en cas d’allergie aux produits de contraste ou d’insuffisance rénale (clairance
de la créatinine ≤ 30 ml/min).
• Visualise directement les thrombi dans les artères pulmonaires sous la forme de lacunes
endovasculaires ou d’absence d’opacification d’une section artérielle pulmonaire (figure 3).
Un angioscanner spiralé thoracique multibarette négatif permet donc d’exclure le
diagnostic d’EP avec une bonne sécurité sauf en cas de forte probabilité clinique. Dans cette
situation, il est recommandé de confirmer l’absence d’EP par un autre examen d’imagerie.
Figure 3 : Angioscanner spiralé thoracique montrant une embolie pulmonaire proximale. 1= aorte
ascendante, 2 = veine cave supérieure, flèches = thrombi
9
III.3.3. Scintigraphie pulmonaire
Examen non invasif qui nécessite une injection intraveineuse d’agrégats d’albumine marqués au
technétium 99m (99mTc) qui se bloquent au 1er passage dans les artérioles pulmonaires. Les
anomalies de la perfusion apparaissent sous forme de lacunes. L’étude de la ventilation utilise un
gaz radioactif, le krypton 81m, ou bien un aérosol de microparticules marqués au 99mTc que l’on
fait inhaler au patient.
Cet examen s’interprète en 3 catégories (figure 4) :
■ Normale : absence de défect
■ Haute probabilité : plusieurs défects de perfusion sans anomalie ventilatoire
■ Non diagnostique : défects de perfusion sous-segmentaires ou défects concordants en
ventilation et en perfusion
La valeur prédictive positive (VPP) de l’aspect « haute probabilité » n’est que de 87 % mais atteint
96 % quand une scintigraphie de haute probabilité est associée à une forte probabilité clinique ce
qui permet d’affirmer le diagnostic sans autre examen.
50 à 70 % des scintigraphies sont non diagnostiques et ne permettent ni d’éliminer le diagnostic ni
de le confirmer.
Une scintigraphie pulmonaire normale a une valeur prédictive négative de 96 %. Elle élimine
l’EP quelle que soit la probabilité clinique.
En raison de son manque de disponibilité 24H/24 et du nombre important d’examens non
diagnostiques, la scintigraphie est surtout utile en cas de contre-indication au scanner
(insuffisance rénale, allergie vraie au produit de contraste).
Figure 4:
Scintigraphie de perfusion et de ventilation de haute probabilité montrant de multiples
défauts de perfusion sans anomalie ventilatoire. FA : face antérieure ; PD : profil droit ;
OPD : oblique postérieur droit ; OAD : oblique antérieur droit ; FP : face postérieure ;
PG : profil gauche ; OPG : oblique postérieur gauche ; OAG : oblique antérieur gauche
III.3.4. Echographie veineuse des membres inférieurs
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Chez un patient ayant une suspicion clinique d’EP (quelle que soit la probabilité clinique), la mise
en évidence d’une TVP proximale (poplitée, fémorale ou iliaque) permet de poser le diagnostic de
MTEV et de prescrire le traitement anticoagulant sans confirmer la présence de l’EP.
Le diagnostic de TVP repose sur l’absence de compression d’un segment veineux par la sonde
d’échographie. La spécificité de cet examen est excellente (97%) pour les veines proximales
des membres inférieurs chez un patient sans antécédent de TVP. En revanche, la spécificité
chute grandement pour les veines sous-poplitées et en cas d’antécédent de TVP car il est plus
difficile de faire la part entre séquelles thrombotiques et thrombose récente. La présence d’une
thrombose distale chez un patient ayant une faible probabilité clinique ne permet donc pas de
confirmer le diagnostic d’EP. Il est alors nécessaire de confirmer la présence de l’EP par un autre
test.
La sensibilité est faible (de l’ordre de 50%). Une échographie veineuse normale ne permet
donc pas d’exclure le diagnostic d’EP.
La rentabilité diagnostique de l’échographie veineuse est faible : seuls environ 10% des patients
suspects d’EP ont une échographie veineuse positive. Cette rentabilité augmente (25%) en cas de
symptômes cliniques de TVP.
Figure 5 : échographie veineuse de compression des membres inférieurs. Persistance de la
veine fémorale lors de la compression (image de droite)
Elle est utile en 1ère intention chez un patient suspect d’EP avec D-dimères positifs et avec
une contre-indication au scanner ou ayant des signes cliniques de TVP.
III.3.5. Echographie cardiaque
L’échocardiographie n’est utile qu’en cas de suspicion d’EP grave chez un malade
intransportable avec état de choc. Dans ce cas, elle permet d’exclure les diagnostics alternatifs :
une tamponnade, une dissection aortique, un infarctus du VD. Elle peut alors affirmer le diagnostic
d’EP car la probabilité clinique d’EP est toujours forte dans cette situation.
■ Signes directs : thrombus dans les cavités cardiaques droites ou dans le tronc de l’artère
pulmonaire (exceptionnel)
■ Signes indirects : dilatation des cavités cardiaques droites, septum paradoxal, hypertension
pulmonaire
Ces signes ne sont ni sensibles (il faut une EP obstruant > 50% de la circulation pulmonaire pour
créer ces anomalies), ni spécifiques (toutes les causes d’HTP peuvent donner ces signes).
11
Figure 6: Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’EP non grave (sans état de choc) et en
l’absence de contrindication à l’injection d’iode.
En cas de contre-indication à la réalisation d’un angioscanner, une échographie veineuse ou une
scintigraphie peuvent être proposées.
Figure 7: Algorithme diagnostique en cas de suspicion d’EP grave (état de choc)
III.4.
Terrains particuliers
III.4.1. Grossesse
Les D-dimères restent utiles et doivent êtres prescrits en cas de PC non forte, ils seront moins
souvent négatifs mais leur sensibilité est inchangée.
En cas de probabilité clinique non forte, un test négatif permettra d’exclure le diagnostic d’EP avec
la même sécurité et évitera de faire d’autres examens irradiants.
12
Quand ils sont positifs, il faut débuter par une échographie veineuse (examen non invasif et non
irradiant). Si l’échographie veineuse est négative, il est possible de faire un scanner ou une
scintigraphie ou voire même les deux examens si le 1er ne répond pas. L’irradiation fœtale est très
nettement inférieure au seuil autorisé. Si un scanner est réalisé, prévenir le pédiatre de l’injection
d’iode (risque de surcharge thyroïdienne fœtale).
III.4.2. Insuffisance respiratoire chronique obstructive
La scintigraphie est plus souvent non diagnostique en raison des anomalies scintigraphiques liées
à la maladie sous-jacente. L’angioscanner est l’examen d’imagerie à privilégier.
III.4.3. Sujets âgés
Comme en cas de grossesse, les D-dimères restent utiles, ils seront moins souvent négatifs mais
leur sensibilité est inchangée. En cas de probabilité clinique non forte, un test négatif permettra
d’exclure le diagnostic d’EP avec la même sécurité et évitera de faire d’autres examens. A partir
de 50 ans, un seuil adapté à l’âge (âge x 10) permet de diminuer le nombre de faux positifs et
d’améliorer les performances diagnostiques. La scintigraphie est plus souvent non diagnostique et
l’échographie veineuse et l’angioscanner thoracique seront privilégiés si la fonction rénale le
permet.
III.5. Diagnostic de TVP
Les principes du diagnostic sont identiques à ceux des EP.
La probabilité clinique doit précéder la réalisation des examens complémentaires
Figure 8: Algorithme diagnostique des TVP
13
Tableau 4 : score de probabilité clinique de TVP (il n’est pas attendu de savoir calculer le scores. L’important
est que l’étudiant sache qu’avec des éléments cliniques simples on peut estimer la probabilité clinique)
Age > 65 ans
Cancer actif (dernier traitement ≤ 6 mois, ou palliatif)
Paralysie, parésie ou plâtre d’un membre inférieur
Alitement de plus de 3 jours ou chirurgie majeure de moins de 4 semaines
Douleur sur un trajet veineux
Œdème de tout le membre inférieur
Plus de 3 cm de différence dans la circonférence des mollets
Œdème prenant le godet du côté symptomatique
Circulation veineuse collatérale non variqueuse
Diagnostic alternatif au moins aussi probable que le diagnostic de TVP
score < 2 : probabilité faible score ≥ 2 : probable
IV.
+1
+1
+1
+1
+1
+1
+1
+1
+1
-2
PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES EP SANS ETAT DE CHOC ET DES TVP
PROXIMALES
IV.1. Principes :
• Le traitement d’un épisode de MTEV repose sur une ANTICOAGULATION A DOSE
EFFICACE. Il empêche la formation de nouveaux caillots et prévient une récidive.
• L’EP est une urgence thérapeutique. Le traitement doit être institué dès que le diagnostic
est suspecté lorsque la probabilité clinique est forte ou intermédiaire en attendant les
résultats des examens complémentaires. Il sera interrompu une fois le diagnostic éliminé.
Les contre-indications sont exceptionnelles (Tableau 5), sont dans la grande majorité
relatives et le rapport risque-bénéfice doit être évalué individuellement.
Tableau 5 : contre-indications au traitement anticoagulant
Coagulopathie sévère constitutionnelle ou acquise (thrombopénie < 30.000.mm3, hémophilie, taux
de prothrombine < 30 %)
Hémorragie intracrânienne spontanée
Hémorragie active non facilement contrôlable
Chirurgie récente (le délai dépend du type de chirurgie, des conditions opératoires: importance
de la dissection, du saignement per-opératoire..)
Thrombopénie à l’héparine (elle ne contre-indique pas l’hirudine, ni les anti-vitamine K, ni le
danaparoïde sodique)
Un bilan biologique est indispensable avant de débuter le traitement et comprend :
- hémostase de référence (plaquettes, TP, TCA)
- hémoglobinémie de référence (NFS)
- évaluation de la fonction rénale (créatinine sanguine)
- bilan pré-transfusionnel pour les patients à risque hémorragique
La prise en charge thérapeutique de l’EP (ou d’une TVP proximale) comprend classiquement une
phase initiale puis une phase d’entretien.
14
IV.2. Phase initiale de traitement par héparine
Fait appel à des anticoagulants d’action rapide actifs dans l’heure suivant l’injection: héparine non
fractionnée (HNF), héparines de bas poids moléculaires (HBPM) ou fondaparinux (Tableau 6).
Ces 3 traitements ont une efficacité équivalente.
■
■
■
Les HBPM et le fondaparinux doivent être préférés en raison
− d’une meilleure biodisponibilité,
− d’un effet anticoagulant mieux prédictible
− d’une plus grande simplicité d’utilisation (pas de surveillance biologique, pas de
nécessité de voie veineuse)
− d’un risque inférieur de thrombopénie induite
Du fait de leur élimination rénale, les HBPM et le fondaparinux sont contre-indiqués en cas
d’insuffisance rénale sévère (clairance de la créatinine < 30 ml/mn).
L’HNF reste indiquée chez les insuffisants rénaux ou si haut risque hémorragique (postopératoire, thrombolyse préalable)
Tableau 6 : Modalités du traitement injectable initial
modalités
HNF
IV1. Bolus de 80 UI/kg puis perfusion de
18UI/kg/h adaptée au TCA (1,5 à 2,5 fois
le témoin) équivalent à une héparinémie
entre 0,3 et 0,6 UI, 6 h après chaque
changement de posologie, et au moins
une fois / j
HBPM
SC2. A dose curative
tinzaparine 175 UI/kg x 1/j
enoxaparine 100 UI/ kg x2/j
dalteparine*
100
UI/kg
x
2/j
nadroparine* 171 UI/kg x 1 /j
FondaSC. Une fois / jour 5 mg si poids < 50kg,
parinux
7,5 mg si poids entre 50 et 100 Kg, 10 mg
si poids > 100 kg
surveillance
Plaquettes 2 fois / sem.
Pas de surveillance
Pas de surveillance
plaquettaire
* seules la tinzaparine et l’enoxaparine ont l’AMM dans le traitement de l’EP
IV.3. Phase d’entretien du traitement anticoagulant
IV.3.1 Option 1 : relais précoce par antivitamine K (AVK)
débutés en même temps que le traitements injectable.
effet anticoagulant mesuré par l’INR (International Normalized Ratio)
l’effet des AVK étant progressif (en général, l’INR est supérieur à 2 à partir de 4 à 5 jours),
il est nécessaire de poursuivre les traitements injectables tant que l’INR n’est dans la cible
thérapeutique.
l’INR optimal sous AVK doit être compris entre 2 et 3.
Le traitement injectable est stoppé si et seulement si 2 conditions sont obtenues :
• 5 jours minimum de chevauchement entre les AVK et le traitement anticoagulant
injectable, ET
• 2 INR entre 2 et 3 à 24h d’intervalle.
1
2
intra-veineuse
sous cutanée
15
Inconvénients des AVK :
■ nécessité de réaliser des dosages de l’INR,
■ fenêtre thérapeutique étroite avec des variabilités inter et intra-individuelles importantes de
l’effet anticoagulant
■ interactions médicamenteuses et alimentaires nombreuses
IV.3.2 Option 2 : les anticoagulants oraux directs (AOD)
Ces molécules ont en commun (Tableau 7) :
• une cible biologique unique : elles inhibent spécifiquement et de manière réversible le
facteur Xa (rivaroxaban, apixaban, edoxaban) ou le facteur IIa (dabigatran).
• une administration par voie orale à dose fixe sans contrôle biologique de l’effet
thérapeutique.
• une action rapide : le pic de concentration plasmatique (Tmax) est obtenu rapidement
après une prise orale ce qui autorise leur utilisation d’emblée sans prescription initiale
d’une héparine.
• une demi-vie relativement courte
• une élimination en partie rénale : contre-indiquées en cas d’insuffisance rénale sévère
(clairance de la créatinine < 30 ml/min avec la formule de Cockroft et Gault)
• d’être au moins aussi efficaces que le traitement conventionnel (HBPM + AVK)3
Dans les essais thérapeutiques, les complications hémorragiques sous AOD étaient comparables
voire parfois significativement moins fréquentes à celles observées sous traitement conventionnel.
Ces résultats doivent être interprétés avec prudence car obtenus dans des essais ayant inclus des
patients plus jeunes et sélectionnés. Ils doivent être confirmés dans la « vraie vie ».
En décembre 2014, seul le rivaroxaban est approuvé pour le traitement de l’EP et la TVP.
Les autres AOD seront prochainement disponibles.
Tableau 7 : Principales caractéristiques des AOD
Cible
Tmax
Demi-vie
Activation
Elimination
rénale
Antidote
Dose et schéma
thérapeutique
évalué
Rivaroxaban
Facteur Xa
2à4h
9 à 13 h
non
Apixaban
Facteur Xa
1à3h
8 à 15 h
non
Edoxaban
Facteur Xa
1,5 h
10 à 14 h
non
66%
25%
35%
non
15 mg x 2 / j
pendant 21
jours puis 20
mg x 1 / j
non
10 mg x 2 / j
pendant 7
jours puis 5
mg x 2 / j
non
HBPM 5 jours puis
60 mg x 1 / j ou 30 mg x 1
/ j si clairance de la
créatinine 30-50 ml/min
ou poids < 60 kg
3
Dabigatran
Facteur IIa
1.25 à 3 h
12 à 14 h
Pro-drogue (dabigatran
etexilate) hydrolysé sous
forme active (dabigatran)
80%
non
HBPM 5 jours puis 150 mg
x2/j
Les AOD ont été évalués dans le traitement curatif de la MTEV dans des essais randomisés de non infériorité ayant
inclus au total près de 25000 patients. Dans ces essais, l’AOD à l’étude était comparé au traitement conventionnel
(HBPM relayé par un AVK). Le rivaroxaban et l’apixaban ont été évalués comme traitement unique (sans traitement par
héparine) ; l’edoxaban et le dabigatran ont été évalués en relais d’un traitement initial de 5 jours par une HBPM. Ces
essais utilisaient un critère principal d’efficacité (survenue d’une récidive thromboembolique mortelle ou non) et des
critères de tolérance (survenue d’une hémorragie majeure ou cliniquement significative).
16
Il est très important de ne pas oublier que les AOD :
sont contre-indiqués en cas d’insuffisance rénale sévère, de grossesse ou d’allaitement
n’ont pas été évalués chez des malades avec un cancer
n’ont pas d’antidote
sont une alternative au traitement conventionnel en simplifiant la gestion du traitement
anticoagulant
IV.3.3 Education thérapeutique
Quelle que soit la molécule prescrite, une éducation du patient est obligatoire.
Il est primordial :
• d’informer le médecin traitant du traitement anticoagulant prescrit
• que le patient informe tout autre praticien de santé amené à le prendre en charge de son
traitement anticoagulant
• de vérifier l’absence d’interaction médicamenteuse avant toute nouvelle prescription
• de contre-indiquer l’automédication (aspirine et AINS notamment qui augmentent le risque
de complication hémorragique)
• de contre-indiquer les injections intramusculaires
• que le patient soit vigilant à l’apparition de complications hémorragiques (épistaxis,
gingivorragies répétées, hématomes sous cutanées spontanées) et qu’il limite les activités
à risque traumatique dans la vie quotidienne ou dans le cadre d’une pratique sportive.
• de remettre une carte précisant le type et l’indication du traitement anticoagulant prescrit
Le traitement par AVK impose, en plus, d’éduquer le patient sur la surveillance de l’INR : cible (2 à
3), contrôles réguliers avec communication des résultats au médecin traitant, remise d’un carnet
de surveillance. Les interactions médicamenteuses sont plus fréquentes qu’avec les AOD. Les
règles alimentaires doivent aussi êtres précisées au patient.
IV.4 Durée du traitement anticoagulant
La durée du traitement (Tableau 8) est:
■ jamais inférieure à 3 mois
■ la même pour la TVP proximale et l’EP
■ la même quel que soit la molécule utilisée (AVK ou AOD)
■ variable selon la circonstance dans laquelle survient l’EP ou la TVP proximale
■ variable selon l’intensité du risque hémorragique (Tableau 9).
■ au-delà de 3 mois, le contexte clinique de survenue est le paramètre déterminant du risque
de récidive et de la durée du traitement anticoagulant
IV.5. Filtre cave
Trois indications sont reconnues :
■ CI absolue aux anticoagulants : hématome intracranien, … (tableau 5)
■ CI temporaire aux anticoagulants : hémorragie active grave pouvant être traitée (ulcère
hémorragique…)
■ Récidive d’EP prouvée sous traitement bien conduit
L’ensemble de ces situations concerne moins de 5% des patients.
Aucune autre indication n’est reconnue ou validée.
Des dispositifs d’interruption cave temporaire sont une option en cas de CI temporaire aux
anticoagulants.
17
Tableau 8 : Durée du traitement par AVK d’un épisode d’EP ou de TVP proximale (d’après
Recommandations de Bonne Pratique ; AFSSAPS : Novembre 2009)
Contexte de survenue
facteur de risque
majeur transitoire
facteur de risque
majeur persistant
MTEV idiopathique
Risque annuel de récidive
après arrêt d’un traitement
de 3 mois
Durée de
traitement
recommandée
Faible (3%)
3 mois
Elevé (9%)
≥ 6 mois ET tant
que le facteur
persiste
Elevé (9%)
≥ 6 mois
Chirurgie
Immobilisation prolongée ≥
3 jours
Fractures des membres
inférieurs dans les 3 mois
Cancer en cours de
traitement
Syndrome des
antiphospholipides
aucun
Tableau 9 : Risque hémorragique sous antivitamine K
Facteurs majeurs
- Âge > 75 ans
- Antécédent d ’hémorragie digestive
- Accident vasculaire cérébral
- Alcoolisme chronique
- Diabète
- Prise concomitante d ’antiagrégants
- AVK mal équilibré
- Polymorphismes sur le cytochrome P450
V. PRISE EN CHARGE THERAPEUTIQUE DES EP AVEC ETAT DE CHOC
V.1. Traitement symptomatique
L’oxygénothérapie nasale suffit le plus souvent à corriger l’hypoxémie.
La ventilation mécanique est utile en cas d’arrêt cardiaque ou de troubles de la conscience
Une expansion volémique modérée (500 mL de sérum physiologique) est suffisante et améliore le
débit cardiaque.
En cas d’inefficacité, l’inotrope de première intention est la dobutamine IVSE. En cas de choc
persistant, la noradrénaline peut être associée à la dobutamine.
V.2. Traitement fibrinolytique
La seule indication reconnue est l’EP grave compliquée d’état de choc, en l’absence de contreindication (Tableau 10).4
4
L’indication en cas d’EP de gravité intermédiaire reste débattue. Un essai multicentrique randomisé (PEITHO) a
démontré, chez des malades avec une EP sans état de choc compliquée d’une dysfonction cardiaque droite sévère
(dilatation du ventricule droit et élévation de la troponine), que, comparativement au placebo, l’administration de
fibrinolyse diminuait significativement le risque d’aggravation (état de choc) sans modifier la mortalité, mais augmentait
significativement les complications hémorragiques. Il est donc recommandé d’hospitaliser en unité de soins intensifs les
patients avec des EP sans état de choc compliquées de dysfonction cardiaque droite sévère, de les surveiller
attentivement sous anticoagulant (HNF ou HBPM) et de les thrombolyser en cas d’aggravation clinique et en l’absence
de contre-indication (tableau 10).
18
Trois fibrinolytiques sont approuvés (alteplase (rtPA), ou streptokinase, ou urokinase). L’héparine
non fractionnée est interrompue pendant la fibrinolyse et reprise dès que le TCA est inférieur à 3
fois le temps du témoin.
Tableau 10 : contre-indications au traitement fibrinolytique
Absolues
Hémorragie active
Relatives
Chirurgie majeure, accouchement, biopsie profonde, ponction
d’un vaisseau non compressible datant de moins de 10 jours
Accident ischémique Traumatisme datant de moins de 15 jours
cérébral de moins de
2 mois
Hémorragie
Neurochirurgie ou chirurgie ophtalmologique datant de moins d’un
intracrânienne
mois
Hypertension sévère (systolique > 180 mm Hg, diastolique > 120
mm Hg)
Massage cardiaque prolongé
Taux de plaquettes < 100.000. mm-3
Grossesse
Endocardite
Rétinopathie diabétique proliférative
La fibrinolyse comporte un risque hémorragique plus élevé que celui de l’héparine et
s’accompagne d’une hémorragie intracrânienne chez près de 2 % des patients souffrant d’EP.
V.3. Embolectomie chirurgicale
L’embolectomie sous circulation extra-corporelle est une technique d’exception indiquée dans :
■ les EP massives s’aggravant malgré un traitement médical optimal du choc et la fibrinolyse
■ les EP massives avec CI absolue à la fibrinolyse (post-opératoire immédiat par exemple)
VI.
STRATEGIES THERAPEUTIQUES DE L’EP GUIDEES PAR
PRONOSTIQUE : TRAITEMENT HOSPITALIER OU AMBULATOIRE
L’EVALUATION
VI.1. Thrombose veineuse profonde
La simplification des schémas permet de traiter à domicile la majorité des patients avec une TVP.
L’hospitalisation demeurant indispensable en cas de contre-indications au traitement par HBPM,
fondaparinux ou AOD (Insuffisance rénale sévère), de comorbidités importantes, de TVP
obstructive sévère (phlegmatia cerulea).
VI.2 Embolie pulmonaire
19
Tableau 11 : Score PESI original et score PESI simplifié permettant d’identifier les patients à faible
risque de mortalité (ces scores sont donnés à titre indicatif, le but étant que l’étudiant
sache qu’avec des éléments cliniques simples on peut identifier les patients à risque
de mortalité)
Paramètre
Age
Sexe masculin
Cancer
Insuffisance cardiaque
Insuffisance respiratoire chronique
Pouls > 110/min
Pression artérielle systolique < 1000 mmHg
Fréquence respiratoire > 30/min
Temperature < 36°C
Confusion, trouble de conscience
Saturation artérielle en oxygène<90%
Score PESI original
Age en année
+ 10 points
+ 30 points
+ 10 points
+ 10 points
+ 20 points
+ 30 points
+ 20 points
+ 20 points
+ 60 points
+ 20 points
Score PESI simplifié
1 point si âge>80 ans
1 point
1 point
1 point
1 point
1 point
Mortalité prédite
Classe I < 65 points
0 point : risque de mortalité à 30 jours
risque de mortalité à 30 jours 1,6%
< 1,0%
Classe II 66-85 points
≥ 1 point : risque de mortalité à 30
risque de mortalité à 30 jours 1,7% à 3,5%
jours 10,9%
Class III :86-105 points
Class IV 106-125 points
Class V> 125 points
Figure 9 : algorithme d’évaluation pronostique et de prise en charge (European Society of
Cardiology 2014).
VD : ventricule droit, AC : anticoagulant curatif, USC : unité de surveillance continue, HNF :
héparine non fractionnée.
20
Il est recommandé de débuter l’évaluation pronostique par la mesure de la pression artérielle à la
recherche d’un état de choc.
Les malades choqués sont à risque élevé de mortalité et justifient une prise en charge adaptée en
réanimation ou soins intensifs (cf EP grave).
Chez les malades non choqués, la seconde étape consiste à calculer un score de gravité clinique
(PESI ou version simplifiée : sPESI ; Tableau 11).
Les malades ayant un score faible (PESI I/II ou sPESI nul) sont à faible risque de complication,
ils reçoivent une anticoagulation curative (HBPM/fondaparinux + AVK ou AOD) et sont
potentiellement éligibles à un traitement ambulatoire ou une très courte hospitalisation. Avant
d’envisager un traitement ambulatoire, il est recommandé (AFSSAPS 2009) de :
obtenir un diagnostic de certitude de l’EP
évaluer les facteurs de risque de complications (récidives, mortalité, hémorragie)
évaluer les facteurs psycho-sociaux (compréhension du traitement, isolement…) limitant la
prise en charge ambulatoire
prévoir un temps d’éducation pour le traitement anticoagulant
organiser la surveillance du traitement anticoagulant en concertation avec le médecin
traitant et si besoin une infirmière
programmer une consultation rapprochée pour évaluer l’observance, l’efficacité et la
tolérance du traitement anticoagulant
Ainsi, les patients à risque hémorragique ou présentant des obstacles médicaux ou psychosociaux à la bonne gestion du traitement doivent être hospitalisés même avec un score de PESI I
ou II.
Les malades ayant un score non faible (PESI III/V ou sPESI ≥ 1), la troisième étape consiste à
évaluer le retentissement ventriculaire droit sur l’imagerie (échocardiographie ou scanner) et le
dosage de biomarqueurs (troponine, BNP). Les patients ayant à la fois une dilatation ventriculaire
droite ET un biomarqueur élevé sont à risque intermédiaire fort et nécessitent d’être surveillés
étroitement en unité de soins intensifs sous traitement anticoagulant curatif (HNF ou HBPM). En
cas d’aggravation clinique (apparition de signes de choc ou détresse respiratoire aiguë), un
traitement fibrinolytique doit être administré en l’absence de contre-indication. Les malades ayant
un VD non dilaté ou un biomarqueur normal ou l’un de ces 2 paramètres anormaux, sont considéré
à risque intermédiaire faible et nécessitent d’être hospitalisés pour débuter les anticoagulants
(HBPM/fondaparinux + AVK ou AOD).
VII. CAS PARTICULIERS
VII.1 Traitement de la TVP proximale ou de l’EP non grave chez le patient cancéreux
Le traitement initial n’a pas de spécificités mais on ne prend pas de relais par les AVK (en raison
du risque élevé de risque de récidive sous AVK). Les AOD ne doivent pas être utilisés.
Le traitement doit reposer sur l'utilisation d'HBPM à visée curative
■ pendant une durée optimale de six mois et à défaut trois mois minimum.
■ au-delà de 6 mois, le traitement par HBPM doit être poursuivi tant que le cancer est présent
ou traité (chimiothérapie, hormonothérapie).
En cas de thrombopénie survenant au décours d’une chimiothérapie (plaquettes < 50 G/L), il est
recommandé d’interrompre le traitement par HBPM et de le reprendre quand la numération des
plaquettes est à nouveau supérieure à cette valeur.
VII.2 Traitement de la TVP distale (c'est-à-dire sous-poplitée)
21
Le traitement initial est le même que celui des TVP proximales et des EP : HBPM ou le
fondaparinux préférés à une HNF avec relais précoce par AVK.
Durée du traitement par AVK
er
■ 6 semaines en cas de 1 épisode avec facteur déclenchant évident et sans facteur de
risque persistant
■ 3 mois dans les autres cas
VIII. QUEL BILAN ETIOLOGIQUE DEVANT UN EPISODE DE MVTE ?
En l’absence de survenue provoquée (post-opératoire, immobilisation, alitement) ou de néoplasie
évolutive, un bilan étiologique est nécessaire à la recherche d’une néoplasie ou d’une anomalie de
la coagulation. Ce bilan est négatif chez environ 30% des patients (MTEV idiopathique).
■
■
Recherche d’un cancer méconnu
− Méthodes : examen clinique complet avec touchers pelviens, interrogatoire, et
numération formule sanguine et vitesse de sédimentation. Les autres examens
complémentaires sont orientés par la clinique. Un bilan exhaustif (TDM, fibroscopies,
marqueurs tumoraux…) n’est pas recommandé car coûteux, invasif.
− Indications : TVP proximale ou EP non provoquées ou récidivantes, quelque soit l’âge.
Bilan de coagulation :
Nature : dosages de protéine C, de protéine S, de l’antithrombine, recherche de
mutation du facteur V (mutation Leiden) et du facteur II (mutation G20210A du gène de
la prothrombine), recherche d’anticoagulant lupique et d’anticorps anticardiolipine.
er
− Indications : 1 épisode de TVP proximale ou d’EP non provoquées avant 60 ans.
−
IX. TRAITEMENT PROPHYLACTIQUE
La prophylaxie de la maladie veineuse thromboembolique est indiquée pendant la période postopératoire et en cas d’hospitalisation en milieu médical.
IX.1. Prophylaxie post-opératoire
Le risque est estimé en fonction des caractéristiques du malade et de la chirurgie.
Le traitement prophylactique est indiqué en cas de risque modéré ou majeur mais pas en cas de
risque faible (Tableau 12).
Tableau 12 : Indications et modalités du traitement prophylactique en post-opératoire
Risque faible
Risque modéré
Risque élevé
- Chirurgie générale + âge < Chirurgie générale + âge > - Chirurgie de hanche ou du genou
40 ans sans facteur de 40 ans sans facteur de - Chirurgie carcinologique
risque
risque
- Anomalie de coagulation
- Chirurgie mineure (< 30
- Age > 40 ans + antécédent de
minutes) + âge > 40 ans
MTEV
sans facteur de risque
Pas de prévention
HNF : 5000 UI x 2 / j
HNF: 5000 UI x 3 / j
Dalteparine 2500 UI / j
Dalteparine 5000 UI /j
Enoxaparine 2000 UI / j
Enoxaparine 4000 UI / j
Fondaparinux 2,5 mg / j
Fondaparinux 2,5 mg / j
Le fondaparinux est contre-indiqué en cas d’insuffisance rénale (cl créatinine < 20 ml/mn).
22
IX.2. Prophylaxie en milieu médical
Le traitement prophylactique de la maladie veineuse thromboembolique est indiqué en cas
d’immobilisation (à l’hôpital ou à domicile) dans les circonstances suivantes :
■ Polytraumatismes, immobilisation plâtrée, suites d’infarctus du myocarde, accidents
vasculaires cérébraux ischémiques, insuffisance cardiaque, insuffisance respiratoire aiguë.
■ Affection rhumatologique, maladie inflammatoire intestinale, infection et un des facteurs de
risque suivants:
− âge > 75 ans,
− cancer,
− antécédent thromboembolique,
− obésité,
− varices,
− traitement oestroprogestatif,
− insuffisance respiratoire ou cardiaque chronique
Les HBPM, l’HNF ou le fondaparinux peuvent être utilisés :
■ HNF : 5000 UI x 2 / j
■ Enoxaparine 4000 UI / j
■ Dalteparine 5000 Ui / j
■ Fondaparinux 2,5 mg / j
La durée de prescription recommandée est de 7 à 14 jours.
Une prophylaxie par compression veineuse élastique (contention moyenne : 20 à 30 mmHg) est
recommandée en cas de contre-indication aux anticoagulants.
23
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