Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard Olivier Brinon Résumé. Le but de ces notes (correspondant à quatre exposés donnés au groupe de travail organisé par D. Benois à l’IMB sur les travaux de Pollack-Stevens et Bellaïche sur les fonctions L p-adiques) est de présenter un aperçu des deux premières parties de [3]. Elles s’inspirent aussi fortement de [9] et [5]. Table des matières 1. Introduction 2. Théorie de Riesz 3. Variétés spectrale et de Hecke 4. Le cas GL2/ Q 5. Appendice : polygones de Newton Références Si k ∈ N≥4 1 2 8 13 18 19 1. Introduction ∞ P P d 2 est pair, la fonction Ek (z) = 1 + ζ(1−k) m ) est une σk−1 (n)q n (où q = e2iπz et σd (n) = n=1 m|n forme modulaire de niveau 1 et de poids k. Si on voit 1, E4 et E6 comme des éléments de Z[[q]], on a 1 ≡ E4 ≡ E6 mod 24 Z[[q]] Il existe des exemples de congruences encore plus forts. Dans les années 1970, Serre et Swinnerton-Dyer on étudié « toutes » les congruences modulo p entre formes modulaires de niveau 1. L’intérêt de ces congruences est qu’elles fournissent des congruences entre des représentations galoisiennes : si f et g sont deux formes propres congruentes, ρf , ρg : Gal(Q/ Q) → GL2 (O) ⊂ GL2 (Qp ) les représentations galoisiennes associées (où O est l’anneau des entiers d’une extension finie de Qp convenable), on a ρf ≃ ρg mod m GL2 (O) (où m est l’idéal maximal de O). Ensuite, les congruences modulo pn on été étudiées par Katz et Hida. Soient p ≥ 3 un nombre premier et N ∈ N≥5 tel que p ∤ N . Soit Y1 (N ) la courbe modulaire de niveau 1 Γ1 (N ) (qui classifie les courbes elliptiques sur les Z[µN , 1/N ]-schémas, munies d’un point d’ordre N ), et X1 (N ) sa compactification. On note E → Y1 (N ) la courbe elliptique universelle et ω = e∗ Ω1E /Y1 (N ) le faisceau conormal en la section unité e : Y1 (N ) → E . Ce dernier s’étend en un faisceau inversible (encore noté ω) sur X1 (N ) (cf [10, tableau (10.13.9.1)]). L’idée est alors de travailler avec la variété analytique rigide X1 (N ) sur Qp (µN ) associée à X1 (N ). La fonction Ep−1 modulo p est une « forme modulaire modulo p » : c’est X1(N)ord l’invariant de Hasse. Son q-développement appartient à 1+q Fp [[q]] (mais il n’est pas inversible). C’est une section globale du faisceau ω ⊗(p−1) sur l’espace de modules des courbes elliptiques modulo p. Ses zéros, simples, disques supersinguliers correspondent aux courbes elliptiques supersingulières 2. La variété analytique rigide X1 (N ), privée des disques supersinguliers (correspondant aux courbes elliptiques sur Qp à réduction supersingulière) fournit une variété X1 (N )ord (le lieu ordinaire). On définit alors une forme modulaire p-adique de niveau N et de poids k comme une section de ω ⊗k sur X1 (N )ord (cf [9, Chapter 2]). L’espace des formes modulaires p-adiques de niveau et de poids donné est un espace de Banach p-adique de dimension infinie 3 : Mk (Γ1 (N )) := H0 (X1 (N )ord , ω ⊗k ) Les opérateurs de Hecke (et parmi eux, l’opérateur Up ) agissent sur Mk (Γ1 (N )). Hida a considéré le sous-espace (dit ordinaire) Mk (Γ1 (N ))ord ⊂ Mk (Γ1 (N )) constitué des formes « généralisées » propres pour Up , dont la valeur Version du 21 novembre 2016. 1. Il est possible de prendre d’autres sous-groupes de congruence, même lorsque le problème de modules associé n’est pas représentable (cf [3, p. 34]). On peut en outre traiter le cas p = 2. 2. Les pointes sont ordinaires d’après ce qui précède. 3. Coleman a montré que tout élément admet un développement de Fourier en ∞. 2 Olivier Brinon propre est une unité. Il est de dimension finie. Il a trouvé des exemples de séries formelles ∞ P n=0 Λ = Zp [[T ]]) telles que si An q n ∈ Λ[[q]] (avec θk : Λ → Z p alors ∞ P n=0 ∞ P n=0 T 7→ (1 + p)k − 1 θk (An )q n est une forme modulaire p-adique ordinaire de poids k pour tout k ∈ k0 + (p − 1) Z. En outre, θk (An )q n est le q-développement d’une forme « classique » de niveau N p si k ≥ 2. En fait, Hida construit un Λ-module libre de rang fini M ⊂ Λ[[q]] tel que ∼ M ⊗Λ,θk Zp → Mk (Γ1 (N ))ord pour k ∈ k0 + (p − 1) Z. Le Λ-module M est muni d’une action des opérateurs de Hecke : il existe une Λ-algèbre libre finie Tord ∋ Up , Tℓ agissant naturellement sur M (cf [11, §4] pour plus de détails). Prolongeant l’approche de Katz (cf [9]), Coleman a considéré la traduction géométrique de ce qui précède. L’ensemble des idéaux premiers de hauteur 1 de Λ = Zp [[T ]] qui ne contiennent pas p correspond aux Qp -points du disque unité ouvert, qu’on appelle espace des poids. De même, Tord fournit une variété analytique rigide au-dessus de l’espace des poids (la projection provenant du morphisme Λ → Tord ). Coleman a observé qu’en étant plus soigneux, on peut obtenir plus de familles. Pour ε ∈ Q ∩[0, 1], posons : X1 (N )(ε) := X1 (N ) \ (disques supersinguliers de rayon 1 − ε) Bien sûr, on a X1 (N )ord = X1 (N )(0). Il définit alors l’espace des formes X1(N)(ε) modulaires p-adiques surconvergentes de poids k en posant : X1 (N )†Qp := lim H0 (X1 (N )(ε), ω ⊗k ) −→ ε→0 ε>0 et montre qu’on peut construire des familles de formes propres à partir de cet espace. Si α ∈ Q≥0 , le sous-espace de l’espace des formes modulaires p-adiques surconvergentes constitué des formes propres pour Up , pour une valeur propre de valuation ≤ α est de dimension finie (le cas α = 0 correspond à celui considéré par Hida). Par ailleurs, ces espaces peuvent s’interpoler : on peut recoller les courbes construites à partir des algèbres de Hecke qu’on en déduit, ce qui fournit la courbe de Hecke (Eigencurve en anglais). Bien entendu, on veut construire des courbes de Hecke pour d’autres groupes que GL2 . Pour pouvoir le faire de façon systématique, Buzzard a axiomatisé la construction de Coleman : Espaces de Banach munis d’opérateurs qui commutent espaces de formes modulaires surconvergentes ✤ +opérateurs de Hecke ”Eigenvariety machine” // Variétés analytiques rigides // variété de Hecke Cela dit, la construction de [3] ne semble pas avoir généralité suffisante pour couvrir tous les cas intéressants (par exemple le cas des groupes unitaires traité par Chenevier, cf [3, p. 87]). Mentionnons que l’intérêt de ces constructions est qu’elles permettent ce construire des familles de représentations galoisiennes p-adiques, qui interpolent les représentations galoisiennes associées à celles parmi les formes modulaires « classiques »auxquelles on sait en attacher. Cela permet par exemple d’associer des représentations galoisiennes p-adiques à des formes modulaires dans des cas nouveaux. 2. Théorie de Riesz Dans tout ce qui suit, K désigne un corps complet pour une valeur absolue non archimédienne non triviale |.|K . 2.1. Modules de Banach. La construction de la variété de Hecke nécessite une théorie de Riesz pour les opérateurs compacts d’espaces de Banach sur des K-algèbres affinoïdes. Dans cette section, on donne les rudiments 4 de cette théorie dans le contexte un peu plus général des espaces de Banach sur des K-algèbres de Banach. Définition 2.2. (1) Une K-algèbre unitaire commutative noethérienne A est dite de Banach si elle est munie d’une application |.| : A → R≥0 vérifiant : • |a| = 0 ⇔ a = 0 ; • |a + b| ≤ max |a|, |b| ; • |ab| ≤ |a||b| et |1| = 1 ; • |λa| = |λ|K |a| 4. Tirés de [3, §§2 & 3]. Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 3 pour tous a, b ∈ A et λ ∈ K, et telle que A soit complète pour la métrique induite par |.|. On pose A◦ = {a ∈ A, |a| ≤ 1}, c’est un sous-anneau 5 de A. Si ρ ∈ K × est tel que |ρ|K < 1, alors ρn A◦ }n∈N est une base de voisinages de 0 dans A. (2) Un A-module de Banach est un A-module M muni d’une norme application k.k : M → R≥0 vérifiant : • kmk = 0 ⇔ m =0 ; • km + nk ≤ max kmk , knk ; • kamk ≤ |a| kmk pour tous a ∈ A et m, n ∈ M , et telle que M soit complet pour la métrique induite par k.k. Dans tout ce qui suit, A désigne une K-algèbre de Banach. Rappelons que φ ∈ HomK (M, N ) est continu si et seulement si (∃C ∈ R≥0 ) (∀m ∈ M ) kφ(m)kN ≤ C kmkM , i.e. si et seulement si l’image de la « boule unité » de M est bornée. On pose alors kφ(m)kN kφk = sup m∈M\{0} kmkM Proposition 2.3. (1) Si M et N sont des A-modules de Banach, on munit M ⊕ N de la norme définie par km ⊕ nk = max kmk , knk , ce qui fait de M ⊕ N un A-module de Banach. Par exemple, Ar est un A-module de Banach. (2) On dispose du (très utile) théorème de l’image ouverte : toute application continue surjective entre Kmodules de Banach est ouverte (cf [2, I §3.3 Théorème 1]). (3) Le foncteur d’oubli, de la catégorie des A-modules de Banach de type fini (avec pour morphismes les applications A-linéaires continues) dans catégorie des A-modules de type fini est une équivalence, ce qui signifie que tout A-module de type fini admet une norme (unique à équivalence près) le munissant d’une structure de A-module de Banach, et que toute application A-linéaire entre deux A-modules de Banach est automatiquement continue (cf [1, 3.7.3 Propositions 2 & 3]). (4) Si M et P sont des A-modules de Banach, avec P de type fini, tout application A-linéaire P → M est continue 6. Exemple 2.4. Soit I un ensemble. On note cA (I) le A-module des suites qui tendent vers zéro selon le filtre complémentaire des ensembles finis : (ai )i∈I ∈ AI appartient à cA (I) si et seulement si pour tout ε ∈ R>0 , l’ensemble des indices i ∈ I tels que |ai | > ε est fini. Notons qu’il en résulte que le support de (ai )i∈I (i.e. l’ensemble des i ∈ I tels que ai 6= 0) est dénombrable. On munit cA (I) d’une norme en posant : k(ai )i∈I k = sup|ai | i∈I (où le sup est pris dans R≥0 ). Le A-module cA (I) est de Banach. Définition 2.5. Soit M un A-module de Banach. (1) M est dit orthonormalisable (ONable) s’il existe une famille (ei )i∈I dans M telle que : • (∀i ∈ I) kei k = 1 ; P ai e i ; • (∀m ∈ M ) (∃!(ai )i∈I ∈ cA (I)) m = i∈I P ai ei avec (ai )i∈I ∈ cA (I), on a kmk = k(ai )i∈I k = sup|ai |. • si 7 m = i∈I i∈I Une telle famille s’appelle une base orthonormale de M . Remarquons que la base « canonique » de cA (I) est orthonormale par définition, et que la donnée d’une base orthonormale de M équivaut à la donnée d’un ∼ isomorphisme isométrique cA (I) → M . (2) M est dit potentiellement orthonormalisable s’il existe une norme sur M , équivalente à la norme donnée, pour laquelle M admet une base orthonormée. Cela équivaut à l’existence d’une famille (ei )i∈I bornée dans M et de deux constantes C1 , C2 ∈ R telles P que : ai e i ; • (∀m ∈ M ) (∃!(ai )i∈I ∈ cA (I)) m = i∈I P ai ei avec (ai )i∈I ∈ cA (I), on a C1 sup|ai | ≤ kmk ≤ C2 sup|ai |. • si m = i∈I i∈I i∈I Une telle famille s’appelle une base potentiellement orthonormale de M . Cela équivaut aussi à l’existence ∼ d’un isomorphisme cA (I) → M . (3) On dit que M a la propriété (Pr) s’il existe un A-module de Banach N tel que M ⊕ N soit potentiellement orthonormalisable. C’est le cas si et seulement si pour tout épimorphisme f : M ′ → M ′′ de A-modules de Banach 8, toute application A-linéaire α : M → M ′′ se relève 9 par une application continue β : M → M ′ . 5. Qui n’a aucune raison d’être noethérien (par exemple si A = K = Cp ). 6. Si φ : P → M est A-linéaire et π : Ar → P une surjection de A-modules, alors π est ouverte en vertu de (2), et φ ◦ π est bornée, donc continue : il en est de même de φ. 7. la somme converge puisque kei k = 1 pour tout i ∈ I, (ai )i∈I ∈ cA (I) et M est complet. 8. Pas forcément surjectif donc. 9. On se réduit facilement au cas où M = cA (I), dans lequel c’est évident. Remarquons par ailleurs que lorsque M est de type fini, cela équivaut simplement à être unA-module projectif (au sens algébrique). 4 Olivier Brinon Remarque 2.6. (1) Supposons A = K. On montre facilement (cf [12, Lemme 1]) que si la valeur absolue |.|K est discrète, alors M est potentiellement ONable, et même ONable sur K lorsque Im(k.k) ⊆ Im(|.|K ). √ (2) Si A = K = Qp et M = Qp ( p), alors M est potentiellement ONable, mais pas ONable (car |A| ( kM k). Proposition 2.7. (cf [3, Lemma 2.8]). Si M est un A-module de Banach (potentiellement) ONable (resp. ayant b A B est un Bla propriété (Pr)), et si A → B est un morphisme continu de K-algèbres de Banach, alors M ⊗ module de Banach (potentiellement) ONable (resp. a la propriété (Pr)). si (ei )i∈I est une base (potentiellement) b A B. orthonormale de M , alors (ei ⊗ 1)i∈I est une base (potentiellement) orthonormale de M ⊗ 2.8. Opérateurs compacts. Dans ce paragraphe, M et N désignent des A-modules de Banach 10. Définition 2.9. (1) Une application A-linéaire continue de M dans N est dite de rang fini si son image est contenue dans un sous-A-module de type fini de N . (2) Une application A-linéaire continue de M dans N est dite compacte (ou complètement continue) si elle est dans l’adhérence de l’ensemble des opérateurs de rang fini dans HomA,cont (M, N ). Supposons M et N orthonormalisables : soient (ei )i∈I et (fj )j∈J des bases P orthogonales de M et N respecai,j fj avec (ai,j )j∈J ∈ cA (J) pour tivement. Soit φ ∈ HomA (M, N ). Pour tout i ∈ I, on peut écrire φ(ei ) = j∈J tout i ∈ I. On dira que (ai,j ) i∈I est la matrice de φ dans les bases orthonormées (ei )i∈I et (fj )j∈J . j∈J Proposition 2.10. (1) φ est continu si et seulement s’il existe C ∈ R≥0 tel que (∀i ∈ I) (∀j ∈ J) |ai,j | ≤ C. (2) (cf [3, Proposition 2.4]) φ est compact si et seulement si lim sup|ai,j | = 0 (i.e. si pour tout ε ∈ R>0 , l’ensemble des indices j ∈ J tels que sup|ai,j | > ε est fini). j→∞ i∈I i∈I Exemple 2.11. Soit A une K-algèbre affinoïde réduite, r ∈ Q>0 , et BA [0, r] le disque affioïde fermé de rayon P∞ r sur Spm(A). On a Mr := O(BA [0, r]) = f (T ) = n=0 an T n ∈ A[[T ]], limn→∞ |an |rn = 0 . Muni de la norme kf kr = supn∈N |an |rn , c’est un A-module de Banach. Il est ONable, de base orthonormée Br = {r−n T n }n∈N . Si s ∈ Q ∩]0, r[, n on dispose de la restriction cr,s : Mr → Ms . La matrice de cette dernière dans les bases Br et Bs est diag rs : c’est un opérateur compact. n∈N 2.12. Série caractéristique d’un opérateur compact. Soient M un A-module de Banach ONable et φ ∈ EndA,cont (M ) un opérateur compact. Soit (ei )i∈I une base orthogonale de M , et (ai,j )i,j∈I la matrice de φ dans cette base. Si S ⊂ I est fini, on pose X Y cS = ε(σ) ai,σ(i) ∈ A σ∈SS Si n ∈ N, on pose alors i∈S cn = (−1)n X cS S⊂I #S=n la somme converge dans A en vertu de la proposition 2.10 (2). On pose alors Pφ (T ) := det(1 − T φ) = ∞ X n=0 cn T n ∈ 1 + T A[[T ]] qu’on appelle série caractéristique (ou déterminant de Fredholm) de φ. Proposition 2.13. (cf [3, Lemma 2.5 & 2.7, Corollary 2.6 & 2.10] et [12, §5]) P ∞ n n (0) det(1 − T φ) ∈ A{{T }} := n=0 an T , (∀ρ ∈ R>0 ) lim |an |ρ = 0 (i.e. est de rayon de convergence n→∞ infini). (1) Si (φn )n∈N ∈ EndA,cont (M )N est une suite d’opérateurs compacts qui tend vers φ, alors lim Pφn = Pφ n→∞ pour la topologie de la convergence simple des coefficients. (2) Si l’image de φ est incluse dans un sous-A-module L ⊂ M libre de rang fini, alors Pφ ∈ 1 + T A[T ] coïncide avec le déterminant habituel 11. (3) Si k.k1 et k.k2 sont deux normes faisant de M un A-module de Banach ONable, alors φ est compact pour k.k1 si et seulement s’il l’est pour k.k2 . En outre, det(1 − T φ) ne dépend pas de la base orthonormale choisie. b A B) est (4) Si f : A → B un morphisme continu de K-algèbres de Banach, alors φ ⊗ 1 ∈ EndB,cont (M ⊗ compact, et Pφ⊗1 ∈ B{{T }} est l’image de Pφ par f . 10. Remarquons que HomA,cont (M, N ) est alors lui aussi un A-module de Banach. 11. Ce qui signifie que Pφ (T ) = det(1 − T φ) = ∞ P n=0 (−1)n tr(∧n φ)T n . Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 5 (5) Si N est un A-module de Banach ONable, u ∈ HomA,cont (M, N ) est compact et v ∈ HomA,cont (N, M ), alors u ◦ v et v ◦ u sont compacts, et 12 Pu◦v = Pv◦u Il résulte de la proposition 2.13 que le fait d’être un endomorphisme compact de M ainsi que le déterminant de Fredholm ne dépendent que de la topologie de M , et pas vraiment de la norme. Cela permet d’étendre ces notions au cas d’un A-module de Banach potentiellement ONable. En fait, on peut les étendre au cas où M a la propriété (Pr), de la façon suivante : soit N un A-module de Banach tel que M ⊕ N soit potentiellement ONable. Si φ ∈ EndA,cont (M ) est compact, il en est de même de φ ⊕ 0 ∈ EndA,cont (M ⊕ N ), et on pose Pφ := Pφ⊕0 13 La définition ne dépend pas du choix de N . Les énoncés de la proposition 2.13 se généralisent au cas des A-algèbres de Banach ayant la propriété (Pr) (cf [3, Lemma 2.12 & 2.13]). Définition 2.14. La résolvante de Fredholm de φ est : Fφ (T ) = Pφ (T ) ∈ IdM +T A[φ][[T ]] IdM −T φ P∞ On a Fφ (T ) = m=0 ψm T m , avec ψm ∈ A[φ] ⊂ EndA,cont (M ) pour tout m ∈ N. D’après [12, Proposition 10], on a (∀ρ ∈ R>0 ) lim kψm k ρm = 0. m→∞ 2.15. Résultants, théorie de Riesz. Rappelons que A{{T }} := P∞ n=0 an T n , (∀ρ ∈ R>0 ) lim |an |ρn = 0 désigne la sous-A-algèbre de A[[T ]] constituée des séries de rayon de convergence infini. n→∞ Proposition 2.16. Soient P ∈ AhT i (resp. P ∈ A{{T }}) et D ∈ A[T ]. On suppose que le coefficient dominant de D est une unité. Alors il existe Q ∈ AhT i (resp. Q ∈ A{{T }}) et R ∈ A[T ] uniques tels que P = QD + R et deg(R) < deg(D). × Démonstration. On peut supposer D unitaire. Quitte à remplacer T par aT avec a ∈ KP convenable, on peut en ∞ ◦ d d−1 outre supposer D ∈ A [T ]. Écrivons D(T ) = T + ad−1 T + · · · + a0 . Soit H(T ) = n=0 hn T n ∈ AhT i \ {0}. Comme lim |hn | = 0, il existe n0 ∈ N tel que (∀n ∈ N) |hn | ≤ |hn0 | et (∀n > n0 ) |hn | < |hn0 |. Le coefficient de n→∞ Pd−1 Pd−1 T n0 +d dans le produit HD est hn0 + i=0 hn0 +d−i ai : comme |hn0 | > | i=0 hn0 +d−i ai |, ce coefficient est non nul, de sorte que HD 6= 0. Cela implique de Q et de R. P∞ l’unicité m Pour l’existence, écrivons P (T ) = b T . Pour m ∈ N, soit T m = Qm (T )D(T ) + Rm (T ) la division m m=0 m ◦ euclidienne de T par D.P Comme Q ∈ A [T ], onPa aussi Qm , Rm ∈ A◦ [T ]. On a deg(Qm ) ≤ m − d (avec égalité ∞ ∞ si m ≥ n). Posons Q = m=0 bm Qm et R = m=0 bm Rm (les sommes convergent dans A[[T ]] et dans A[T ] respectivement parce que lim bm = 0 et les Qm , Rm sont à coefficients dans A◦ ) : on a P = QD + R dans A[[T ]]. P P∞ Pm−dm→∞ Écrivons Qm (T ) = i=0 qm,i T i : on a Q(T ) = n=0 qn T n avec qn = m≥n bm qm,n−m . Si ε ∈ R>0 (resp. ρ, ε ∈ R>0 ), soit N ∈ N tel que m ≥ N ⇒ |bm | ≤ ε (resp. m ≥ N ⇒ |bm |ρm ≤ ε) : on a aussi m ≥ N ⇒ |qm | ≤ ε (resp. m ≥ N ⇒ |qm |ρm ≤ ε), ce qui montre qu’en fait Q ∈ AhT i (resp. Q ∈ A{{T }}). Soit Q ∈ A[T ] de coefficient dominant une unité : la A-algèbre A{{T }}/(Q) est libre de rang deg(Q). Définition 2.17. Si P ∈ A{{T }}, le résultant de Q et P est le déterminant Res(Q, P ) ∈ A de la multiplication par P dans A{{T }}/(Q). Proposition 2.18. Soient Q ∈ A[X] de coefficient dominant une unité et P ∈ A{{T }}. On a : (1) (∀B ∈ A{{T }}) Res(Q, P + BQ) = Res(Q, P ) ; (2) Res(Q, 1) = 1 ; (3) Res(Q, aP ) = adeg(Q) Res(Q, P ) ; (4) (∀P1 , P2 ∈ A{{T }}) Res(Q, P1 P2 ) = Res(Q, P1 ) Res(Q, P2 ) ; (5) pour tout Q1 , Q2 ∈ A[T ] unitaires Res(Q1 Q2 , P ) = Res(Q1 , P ) Res(Q2 , P ) ; (6) Res(Q, P ) ∈ P A{{T }} + QA{{T }} ; (7) Res(Q, P ) est une unité si et seulement si (P, Q)A{{T }} = A{{T }} ; il est nul si P et Q ont un facteur commun qui est un polynôme unitaire ; (8) si P ∈ A[T ] a pour coefficient dominant une unité, on a Res(P, Q) = (−1)deg(P ) deg(Q) Res(Q, P ), et 14 Res(Q, P ∗ ) = Res(P, Q∗ ). 12. Lorsque M et N sont libres de rang fini, cela résulte des égalités tr(∧n (u ◦ v)) = tr(∧n u ◦ ∧n v) = tr(∧n v ◦ ∧n u) = tr(∧n (v ◦ u)). 13. C’est clair si M et N sont ONables. En général, si N ′ est tel que M ⊕ N ′ est potentiellement ONable, c’est aussi le cas de (M ⊕ N ) ⊕ (M ⊕ N ′ ), et φ ⊕ 0 ⊕ 0 ⊕ 0 et 0 ⊕ 0 ⊕ φ ⊕ 0 sont conjugués par un automorphisme isométrique, ce qui permet de conclure. 14. où P ∗ (T ) := T deg(P ) P (1/T ). 6 Olivier Brinon Démonstration. Les propriétés (1) à (5) résultent immédiatement de la définition (en observant, pour (5), qu’on a A{{T }}/(Q1Q2 ) ≃ A{{T }}/(Q1) ⊕ Q1 A{{T }}/(Q2) comme A-modules). D’après les formules de Cramer, si mP ∈ EndA A{{T }}/(Q) désigne la multiplication par P sur A{{T }}/(Q), il existe f ∈ EndA A{{T }}/(Q) tel que mP ◦ f = det(mP ) IdA{{T }}/(Q) , ce qui implique P f (1) = Res(Q, P ) dans A{{T }}/(Q) : si U ∈ A{{T }} relève f (1), il existe donc V ∈ A{{T }} tel que U P = Res(Q, P ) − V Q, ce qui montre (6). On a les équivalences Res(Q, P ) ∈ A× ⇔ mP ∈ AutA A{{T }}/(Q) ⇔ (∃U ∈ A{{T }}) U P ≡ 1 mod QA{{T }} Enfin, si P = DP1 et Q = DQ1 avec D ∈ A[X] unitaire, on a Res(Q, P ) = Res(D, P ) Res(Q1 , P ) = Res(D, D) Res(D, P1 ) Res(Q1 , P ) = 0 (en utilisant (4) et (5)) vu que Res(D, D) = 0, ce qui prouve (7). La propriété (8), classique, résulte de l’égalité de Res(Q, P ) avec le déterminant de Sylvester, et de permutations sur les lignes (resp. colonnes) sur icelui. Remarque 2.19. (1) Il résulte de (1) que quitte à remplacer P par le reste de sa division euclidienne par Q, le résultant de Q et de P peut s’écrire comme un résultant de deux polynômes. (2) On a A{{T1 , . . . , Td }}Sd = A{{σ1 , . . . , σd }} (où σ1 , . . . , σd ∈ Z[T1 . . . , Td ] sont les polynômes symétriques élémentaires) : il existe H ∈ A{{T1 , . . . , Td }} tel que P (T1 ) · · · P (Td ) = H(σ1 , . . . , σd ). Si Q(T ) = T d − a1 T d−1 + · · · + (−1)d ad , on a Res(Q, P ) = H(a1 , . . . , ad ). Définition 2.20. Soient P ∈ A{{T }} et B(T ) = b1 T + · · · + bn T n ∈ T A[T ]. On a 1 − T B(X) = 1 − b1 T X − · · · − bn T X n , de sorte que (1 − T B(X))∗ = X n − b1 T X n−1 − · · · − bn T est unitaire (vu comme élément de AhT i[X]). On dispose donc du résultant D(B, P ) := Res (1 − T B(X))∗ , P (X) ∈ AhT i Si en outre P ∈ 1 + T A[T ], le polynôme P ∗ est unitaire : on a aussi D(B, P ) = Res (1 − T B(X))∗ , P (X) = Res P ∗(X), 1 − T B(X) en vertu de la proposition 2.18 (8). Par ailleurs, l’interprétation de Res P ∗ (X), 1 − T B(X) comme le déterminant la multiplication par P dans AhT i[X]/((1 − T B(X))∗) montre que P 7→ D(B, P ) est localement uniformément continue. En particulier, si P ∈ 1 + T A{{T }} est limite d’une suite (Pn )n∈N d’éléments de 1 + T A[T ], on a D(B, P ) = lim D(B, Pn ) n→∞ Théorème 2.21. (cf [4, Theorem A3.9]). Soient M un A-module de Banach ayant la propriété (Pr), φ ∈ EndA,cont (M ) compact, et B ∈ T A[T ] (de sorte que B(φ) ∈ φA[φ] est compact). Alors PB(φ) (T ) = D(B, Pφ )(T ) ∈ AhT i Démonstration. Quitte à remplacer M par M ⊕N orthonormalisable, et à approcher φ par des opérateurs de rang fini (par passage à la limite, en utilisant la propriété 2.13 (1) et la continuité de P 7→ D(B, P ) décrite ci-dessus), on peut supposer φ de rang fini. Après le choix d’une base orthogonale de M , la technique standard consistant à projeter sur un sous-module libre de rang fini assez grand et à passer à la limite permet de se réduire au cas où M est libre de rang fini. Comme la série caractéristique et le résultant commutent au changement de base (après le choix d’une base, ce sont des polynômes en les entrées de la matrice de φ), il suffit (en regardant modulo les idéaux maximaux de A) de vérifier l’égalité lorsque A est un corps. Soient de φ Qn alors λ1 , . . . , λn les valeursQpropres r (avec multiplicité) dans une clôture algébrique de A : on a Pφ (T ) = i=1 (1 − λi T ), donc Pφ∗ (T ) = i=1 (T − λi ). Qn On a bien D(B, Pφ )(X) = Res Pφ∗ (T ), 1 − XB(T ) = i=1 (1 − XB(λi )) = det(IdM −XB(φ)) = PB(φ) (X). P n Définition 2.22. Soient R un anneau, f (T ) = ∞ n=0 an T ∈ R[[T ]] et i ∈ N. On pose ∞ X n+i an+i T n ∈ R[[T ]] ∆i (f )(T ) = i n=0 Pi i j i−j On a ∆ (f g) = j=0 ∆ (f )∆ (g). On a f ∈ A{{T }} ⇒ ∆i (f ) ∈ A{{T }}. On dit que a ∈ A est un zéro d’ordre i de f si (∀j < i) ∆j (f )(a) = 0 et ∆i (f )(a) ∈ A× . Lemme 2.23. Soit f ∈ A{{T }}. Si f (0) = 1 et a est un zéro d’ordre i > 0 de f , alors a ∈ A× et f (T ) = (1 − a−1 T )i g(T ) avec g ∈ A{{T }} et g(a) ∈ A× . Démonstration. On a f (a) = 0 ⇒ −1 = a(a1 + a2 a + · · · ) donc a ∈ A× . Montrons par récurrence sur i que (∀j < i) ∆j (f )(a) = 0 ⇒ f (T ) = (1 − a−1 T )i g(T ) avec g ∈ A{{T }}, le cas i = 0 étant trivial. Supposons (∀j < i + 1) ∆j (f )(a) = 0 : par hypothèse de récurrence, on peut écrire f (T ) = (1 − a−1 T )i h(T ) avec h ∈ A{{T }}. P On a 15 ∆i (f )(T ) = ij=0 ji (−a−1 )j (1−a−1 T )i−j ∆i−j (h)(T ) donc 0 = ∆i (f )(a) = (−a−1 )i h(a), ce qui implique que h(T ) = (1 − a−1 T )g(T ) avec g ∈ A{{T }} (cf proposition 2.16), et achève la récurrence. Le calcul qui précède montre aussi que si f (T ) = (1 − a−1 T )i g(T ) avec g ∈ A{{T }}, on a ∆i (f )(a) = (−a−1 )i g(a), de sorte que ∆i (f )(a) ∈ A× ⇒ g(a) ∈ A× . 15. En observant que ∆j (1 − bT )i = i j bj (1 − bT )i−j . Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 7 Théorème 2.24. Soient M un A-module de Banach ayant la propriété (Pr) et φ ∈ EndA,cont (M ) compact. Supposons que Pφ (T ) = Q(T )S(T ) avec S ∈ 1 + T A{{T }} et Q ∈ 1 + T A[T ] de degré n, et de coefficient dominant une unité. Si (Q, S)A{{T }} = A{{T }}, il existe une unique décomposition M =N ⊕F 16 où N et F sont le noyau et l’image d’un projecteur appartenant à l’adhérence A[φ] de A[φ] dans EndA,cont (M ), telle que Q∗ (φ) soit nul sur N et inversible sur F . En outre N est projectif de rang n, et la série caractéristique de φ sur N est Q. Lemme 2.25. Si Q ∈ A[T ] est unitaire, on a (Pφ , Q)A{{T }} = A{{T }} si et seulement si Q∗ (φ) ∈ AutA (M ). Démonstration. L’opérateur ψ = IdM −Q∗ (φ) ∈ φA[φ] est complètement continu. D’après le théorème 2.21, on a Pψ = P(1−Q∗ )(φ) = D(1 − Q∗ , Pφ ), donc Pψ (1) = Res(Q, Pφ ). Comme (IdM −T ψ)Fψ (T ) = Pψ (T ) IdM , on a (IdM −ψ) ◦ Fψ (1) = Res(Q, Pφ ) IdM , i.e. Q∗ (φ) ◦ Fψ (1) = Res(Q, Pφ ) IdM . Si (Pφ , Q)A{{T }} = A{{T }}, on a Res(Q, Pφ ) ∈ A× (proposition 2.18 (7)), donc Q∗ (φ) ∈ AutA (M ). Réciproquement, si Q∗ (φ) est inversible, on écrit Q∗ (φ)−1 = IdM −w, i.e. w = 1 − Q∗ (φ)−1 ∈ φA[φ] de sorte que w est compact. On a alors (IdM −ψ)(Idm −w) = IdM , donc det(IdM −ψ) det(IdM −w) = 1, soit Res(Q, Pφ ) = Pψ (1) ∈ A× , si bien que (Pφ , Q)A{{T }} = A{{T }} (proposition 2.18 (7)). Démonstration du théorème 2.24. Commençons par observer que si n = 0, on a Q = 1, de sorte que Q∗ (φ) = IdM : on a N = {0} et F = M dans ce cas. On suppose désormais n > 0. Cas particulier : Q(T ) = (1 − a−1 T )n , où a ∈ A× est un zéro d’ordre n de Pφ (cf [12, Proposition 12]). On a Q∗ (T ) = (−a−1 )n (1 − aT )n . On utilise la résolvante de Fredholm de φ (cf définition 2.14) : écrivons (IdM −T φ) ◦ Fφ (T ) = Pφ (T ) IdM Pour i ∈ {1, . . . , n}, on a i i−1 (IdM −aφ) ◦ ∆ (Fφ )(a) − φ ◦ ∆ i (Fφ )(a) = ∆ (Pφ )(a) IdM = ( 0 c IdM si i < n si i = n (où c = ∆n (Fφ )(a) ∈ A× ). Posons vi = ∆i (Fφ )(a) ∈ A[φ] ⊆ EndA,cont (M ) : les opérateurs φ, v0 , . . . , vn commutent deux à deux. L’égalité (IdM −aφ) ◦ vn − φ ◦ vn−1 = c IdM s’écrit e + f = IdM avec e = c−1 (IdM −aφ) ◦ vn et f = c−1 φ ◦ vn−1 . Par ailleurs, on a (IdM −aφ) ◦ v0 = 0 (IdM −aφ) ◦ vi = φ ◦ vi−1 pour i ∈ {1, . . . , n − 1} ce qui implique (IdM −aφ)n ◦ vn−1 = 0. En particulier, on a en ◦ f = 0. Posons p = en ∈ A[φ] n−2 e ◦ f 2 + · · · + f n ∈ A[φ] On a p + q = IdM et p ◦ q = en ◦ f ◦ nen−1 + n2 en−2 ◦ f + · · · + f n−1 = 0. Il en résulte que p2 = p et q 2 = q sont deux projecteurs. Posons q = nen−1 ◦ f + n 2 N = Ker(p) = Im(q) et F = Im(p) = Ker(q) Comme N = Im(q) ⊆ Im(vn−1 ) et (IdM −aφ)n ◦ vn−1 = 0, l’application (IdM −aφ)n est nulle sur N . En outre, comme e + f = IdM , on a e ◦ p + f ◦ p = p, i.e. (IdM −aφ) ◦ c−1 vn ◦ p = p (car f ◦ p = en ◦ f = 0 d’après ce qui précède), si bien que IdM −aφ est inversible sur F = Im(p). L’unicité est claire : on a nécessairement N = Ker(Q∗ (φ)) et F = Im(Q∗ (φ)) (on a Q∗ (φ) = (−a−1 )n (IdM −aφ)n ). Comme (IdN −aφ|N )n = 0, on a IdN ∈ φ|N A[φ|N ], et IdN est un opérateur compact : il existe ψ ∈ EndA,cont (N ) de rang fini tel que kIdN −ψk < 1. Il en résulte que ψ = IdN −(IdN −ψ) est inversible, de sorte que N est de type fini. Facteur direct (topologique) d’un module ayant la propriété (Pr), N a lui aussi la propriété (Pr) : il est nécessairement projectif de rang fini. On a Pφ = Pφ|N Pφ|F . Comme IdM −aφ est inversible sur F , il en est de même de Q∗ (φ). D’après le lemme 2.25, il existe U, V ∈ A{{T }} tels que QU + Pφ|F V = 1, de sorte que Pφ|N = QPφ|N U + Pφ V = Q(Pφ|N U + SV ) est divisible par Q dans A{{T }} : écrivons Pφ|N = QD avec D ∈ A{{T }}. Comme N est projectif de rang fini, on a Pφ|N ∈ A[T ] : le coefficient dominant de Q étant une unité, la proposition 2.16 implique qu’en fait, on a D ∈ A[T ]. On a QDPφ|F = Pφ = QS : comme Q(T ) = (1 − a−1 T )n n’est pas un diviseur de zéro dans A{{T }} (son terme constant vaut 1), on a DPφ|F = S. Comme a est un zéro d’ordre n de Pφ , on a S(a) ∈ A× , de sorte que D(a) ∈ A× . 16. En particulier, N et F sont stables par φ. 8 Olivier Brinon Comme (IdN −aφ|N )n = 0, on a det(φ|N ) ∈ A× , si bien que le coefficient dominant de Pφ|N est une unité : il en est de même de D. Si m ⊂ A est un idéal maximal, k(m) son corps résiduel, on a deg(D ⊗ k(m)) = deg(D). Par ailleurs, comme IdN ⊗A k(m) −aφ|N ⊗A k(m) est nilpotent, Pφ|N ⊗A k(m) est une puissance de 1 − aX : il en est de même de D ⊗ k(m). Comme D(a) ∈ A× , on a nécessairement D ⊗ k(m) = 1 de sorte que D = 1. Cas général : Soit ψ = IdM −Q∗ (0)−1 Q∗ (φ). Comme le terme constant de 1 − Q∗ (0)−1 Q∗ est nul, ψ ∈ φA[φ] est compact. Par ailleurs, on a Pψ = P(1−Q∗ (0)−1 Q∗ )(φ) = D(1 − Q∗ (0)−1 Q∗ , Pφ ) = D(1 − Q∗ (0)−1 Q∗ , Q)D(1 − Q∗ (0)−1 Q∗ , S) On a D(1 − Q∗ (0)−1 Q∗ , S)(1) = Res(Q∗ (0)−1 Q, S) ∈ A× vu que (Q, S)A{{T }} = A{{T }} (cf proposition 2.18 (7)). Par ailleurs, on a D(1 − Q∗ (0)−1 Q∗ , Q) = Res (1 − T (1 − Q∗ (0)−1 Q∗ (X)))∗ , Q(X) = Res(X n − T (X n − Q∗ (0)−1 Q(X)), Q(X)) = Res(X n (1 − T ), Q(X)) (proposition 2.18 (1)) = (1 − T )n Res(X n , Q(X)) (proposition 2.18 (3)) = (1 − T )n Res(X, Q(X))n n = (1 − T ) (proposition 2.18 (4)) (car Q(0) = 1) ce qui implique que 1 est un zéro d’ordre n de Pψ . D’après le cas particulier traité ci-dessus, il existe une décomposition M = N ⊕ F où N et F sont le noyau et l’image d’un projecteur appartenant à A[ψ] ⊆ A[φ], telle que Q∗ (0)−n Q∗ (φn ) = (IdM −ψ)n soit nul sur N et inversible sur F . En outre N est projectif de rang n. Il reste à voir que Q∗ (φ) (et pas seulement Q∗ (φn )) est nul sur N , et que Pφ|N = Q. D’après le lemme 2.25, on a (Pφ|F , Q)A{{T }} = A{{T }} (car Q∗ (φ|F ) ∈ AutA (F )), de sorte que Q divise Pφ|N dans A[X] : écrivons Pφ|N = DQ. Le coefficient dominant de Q étant une unité, on a deg(D) = deg(Pφ|N ) − deg(Q) = n − n = 0 (on sait que N est projectif de rang n). Comme Pφ|N (0) = Q(0), on a nécessairement D = 1. 3. Variétés spectrale et de Hecke Les données : • R une K-algèbre affinoïde réduite 17 ; • M un R-module de Banach ayant la propriété (Pr) ; • T une R-algèbre commutative ; • T → EndR,cont (M ) un homomorphisme de R-algèbres ; • φ ∈ T dont l’image dans EndR,cont (M ), encore notée φ, est supposée compacte. Notons Pφ (T ) = det(1 − T φ) ∈ R{{T }} la série caractéristique de φ, et posons B = max(R). Définition 3.1. La variété spectrale est le sous-espace fermé = B × A1,an Zφ ⊂ A1,an B K f =pr1 ,, B défini 18 par Pφ . On le voit comme paramétrant les inverses des valeurs propres non nulles de φ. On veut construire un espace rigide Dφ , la variété de Hecke, recouvrement fini de la variété spectrale Zφ , dont les points paramètrent les systèmes de valeurs propres des opérateurs de T, la valeur propre de φ étant non nulle. 3.2. Un exemple simple en rang fini. Dans ce paragraphe, on suppose M projectif de rang d et φ inversible. Il en résulte que le coefficient dominant de Pφ (T ) = det(1 − T φ) ∈ R[T ] est une unité. On a alors Zφ = max R[T ]/(Pφ ) c’est une espace rigide affinoïde 19, fini sur B. On pose T(Zφ ) = Im T → EndR (M ) Comme R est noethérien et M de rang fini, T(Zφ ) est une R-algèbre finie, donc affinoïde : on pose Dφ = max(T(Zφ )) Comme φ est inversible, le théorème de Cayley-Hamilton implique que φ−1 ∈ R[φ] ⊆ T(Zφ ). On dispose donc de l’homomorphisme de R-algèbres R[T ]/(Pφ ) → T(Zφ ) envoyant T sur φ−1 : il définit un morphisme fini Dφ → Zφ → B. 17. Qui est donc une K-algèbre de Banach, munie de la norme du sup f 7→ |f |sup := sup |f (x)| (cf [3, 6.2.1 Proposition 4 (iii)]). x∈max(R) 18. A1,an est muni de sa structure d’espace rigide analytique. B 19. cf [1, 6.1.3, Proposition 4]. Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 9 La donnée d’un point de Dφ correspond à celle d’un morphisme de K-algèbres T(Zφ ) → L (où L est une extension algébriquement close de K), c’est-à-dire à la donnée, pour tout t ∈ T(Zφ ), d’un élément de L racine b K L (i.e. d’une valeur propre de t), soit encore à un système de du polynôme annulateur de t agissant sur M ⊗ valeurs propres des opérateurs de T agissant sur M (voir proposition 3.23 pour un énoncé plus précis). Sur les points, le morphisme Dφ → Zφ est l’application qui à un tel système associe l’inverse de la valeur propre de φ. L’exemple qui suit montre qu’en général, la variété spectrale et la variété de Hecke ne sont très agréables. Exemple 3.3. SupposonsR = Khx, yi, M = R2 et T = R[φ, t] où l’action de φ sur M est donnée par la matrice 1 x et celle de t par 0 y . On a P (T ) = (1−T )2 et T(Z ) ≃ R⊕(x, y)ε, où ε = 0 1 . Dans ce cas, ni Z ni D φ φ φ φ 0 1 00 0 0 ne sont réduits. Le morphisme Dφ → Zφ , correspondant au morphisme de R-algèbres R[T ]/(1−T )2 → R⊕(x, y)ε donné par T 7→ 1 − xε n’est pas plat. 3.4. Un recouvrement admissible de la variété spectrale. On veut étendre la construction de la variété de Hecke, sans hypothèse de finitude de M , ni d’inversibilité de φ. En général, Zφ n’est pas affinoïde : la principale difficulté est de construire un recouvrement admissible de Zφ , la construction de Dφ se faisant par recollement. Dans le reste de ce numéro, on se donne P ∈ 1 + T R{{T }} (dans la suite, on prendra P = Pφ pour φ comme ci-dessus), etp on note Z ⊂ A1,an le lieu des zéros de P , et f : Z → B la projection. B Pour r ∈ |K × |, on note B[0, r] le disque affinoïde fermé sur K de rayon r : c’est un ouvert admissible de A1,an K . On dispose alors du lieu Zr des zéros de Pφ dans B ×K B[0, r] et de la première projection fr : Zr → B. On obtient ainsi un recouvrement admissible {Zr }r∈√|K × | de Z. Définition 3.5. On note C l’ensemble des sous-domaines affinoïdes Y de Z tels qu’il existe un sous-domaine affinoïde X = XY de B tel que : • Y ⊆ ZX := f −1 (X) ; • f|Y : Y → X est finie surjective. Remarque 3.6. (1) SipY est un sous-domaine affinoïde de Z, alors {Zr ∩Y }r est un recouvrement admissible de Y : il existe r ∈ |K × | tel que Y ⊂ Zr . (2) D’après Große-Klönne, les conditions de la définition 3.5 impliquent que si Y ∈ C , alors il existe une fonction e = e2 ∈ O(ZX ) telle que Y soit le lieu défini par e = 1. (3) L’introduction de la famille C est motivée par le fait que c’est au-dessus de ses éléments que l’on sait construire l’algèbre (et donc la variété) de Hecke. Pour recoller les constructions locales, on a besoin du résultat suivant. Théorème 3.7. (cf [4, Proposition A5.8] et [3, Theorem 4.6]). C est un recouvrement admissible de Z. p Comme {Zr }r∈√|K × | est un recouvrement admissible de Z, il suffit de démontrer qu’à r ∈ |K × | fixé, Zr est recouvert par un nombre fini d’affinoïdes de C . On se contente ici de mentionner quelques ingrédients de la preuve (cf [3, §4] pour les détails). On écrit P (T ) = 1 + a1 T + a2 T 2 + · · · . Proposition 3.8. Si Y ⊆ Z est affinoïde, alors f|Y : Y → B est quasi-fini et plat. Supposons en outre que X ⊆ B soit un ouvert admissible tel que Y ⊆ f −1 (X), et que les fibres de l’application induite f|Y : Y → X soient toutes de degré d. Alors f|Y : Y → X est fini et plat. p Démonstration. • Comme il existe r ∈ |K × | tel que Y ⊆ Zr , il suffit de traiter le cas Y = Zr . Quitte à augmenter r, puis à faire un changement de variable, on peut supposer r = 1 : il s’agit alors de voir que RhT i/(P ) est quasi-fini et plat sur R. Soient x0 ∈ B = Spm(R) et Px0 (T ) = 1 + a1 (x0 )T + a2 (x0 )T 2 + · · · . Soit s ∈ N tel que |Px0 | = |as (x0 )| et i > s ⇒ |ai (x0 )| < |as (x0 )|. s b b |as (x0 )| b b Quitte à remplacer B par un voisinage ouvert affinoïde de x0 , on peut supposer que (∀x ∈ B) |Px | = |as (x)| et i > s ⇒ |ai (x)| < |as (x)|. Cela signifie que P ∈ RhXi est distingué d’ordre s (cf [1, 5.2.1 Definition 1]) : le théorème de préparation de Weierstrass (cf [1, 5.2.2 Theorem 1]) fournit Pe ∈ R[T ] unitaire de degré s et Q ∈ RhT i× tels que P = Pe Q. On a alors RhT i/(P ) ≃ R[T ]/(Pe) qui est libre de rang s sur R (puisque Pe est unitaire). Cela prouve la première partie de la proposition. • Pour la deuxième, on a vu que f|Y est plat. Il est en outre quasi-compact et séparé. D’après un résultat de Conrad ([6, Theorem A.1.2]), cela implique que f|Y est fini. p Fixons r ∈ |K × |. Pour prouver que Zr est recouvert par un nombre fini d’affinoïdes de C , on introduit la famille décroissante {Ui }i∈N de parties de B définie par 20 Ui = x ∈ B, deg(fr−1 (x)) ≥ i 20. Si x ∈ B, alors fr−1 (x) est un k(x)-schéma de dimension 0, et on pose deg(fr−1 (x)) := dimk(x) Of −1 (x) . r 10 Olivier Brinon Lemme 3.9. Ui est une réunion finie de domaines affinoïdes de B, et Ui est vide pour i assez grand. Démonstration. Comme lim |am |rm = 0, pour tout x ∈ B, on dispose de Mx = max |am (x)|rm (le max n→∞ m∈N est atteint). Comme a0 = 1, on a Mx ≥ 1. Soit N ∈ N>0 tel que m > N ⇒ |am |rm < 1 : on a alors Mx = max |am (x)|rm et |am (x)|rm < Mx pour tout m > N . Pour n ∈ {0, . . . , N }, posons 0≤m≤N Sn = {x ∈ B, |an (x)|rn = Mx } C’est un domaine affinoïde de B, qui est vide pour n > N . On a x ∈ Sn si et seulement si |an (x)|rn ≥ |am (x)|rm ln(r) v(p)(m − n) pour tout m ∈ N. Cela équivaut au fait que le polygone de Newton i.e. v(am (x)) ≥ v(an (x)) + ln(p) ln(r) v(p)(x − n), ce qui signifie que Px admet au NPx de Px est au-dessus de la droite d’équation y = v(an (x)) + ln(p) ln(r) b telles que −v(α) ≤ v(p), i.e. telles que |α| ≤ r, et donc que deg(fr−1 (x)) ≥ n. On a moins n racines α ∈ K ln(p) −1 donc ∪n≥i Sn = ∪n≥i x ∈ B, deg(fr (x)) ≥ n = Ui . n b b |an (x)| b b Soit d = max{i ∈ N, Ui 6= ∅}. On montre par récurrence descendante sur i ∈ {1, . . . , d} la propriété H(i) : il existe n(i) ∈ N>0 , Y1 , . . . , Yn(i) ∈ C et X1 , . . . , Xn(i) ⊆ B des domaines affinoïdes tels que : • (∀n ∈ {1, . . . , n(i)}) f|Yn : Yn → Xn soit finie plate et surjective ; n(i) • fr−1 (Ui ) ⊆ ∪n=1 Yn ; n(i) • Ui ⊆ ∪n=1 Xn est un voisinage strict dans B. Remarquons que la propriété H(1) signifie exactement que fr−1 (U1 ) = Zr est recouvert par un nombre fini d’affinoïdes de C . La propriété H(d) ainsi que l’induction se démontrent en utilisant la proposition 3.8, et en construisant des domaines affinoïdes définis par des équations construites à partir du polygone de Newton de P . 3.10. Construction locale de la variété de Hecke. On reprend les notations du début de cette section. D’après ce qui précède, on dispose du recouvrement admissible C de la variété spectrale Zφ . Soient Y ∈ C et X ⊆ B son image. Par définition de C , X est affinoïde : posons A = O(X). C’est une R-algèbre réduite (cf [1, b R A et tA = t ⊗ 1 ∈ EndA (MA ) pour tout t ∈ T. Comme φ ∈ T est Corollary 7.3.2.10]). On pose MA = M ⊗ compact, il en est de même de φA et PφA est l’image de Pφ dans A{{T }} (cf proposition 2.13 (4)). Supposons X connexe. Par définition de C , la A-algèbre O(Y ) est finie et plate (cf aussi proposition 3.8), donc un A-module projectif : soit d son rang. Notons QY,0 le polynôme caractéristique de la multiplication par T sur A : c’est un polynôme unitaire dep degré d, et on a un morphisme de A-algèbres A[T ]/(QY,0 ) → O(Y ) (Cayley-Hamilton). Comme il existe r ∈ |K × | tel que Y ⊆ Zr , il existe η ∈ K × tel que AhηT i → O(Y ) soit surjectif. Cela implique que le morphisme A[T ]/(QY,0 ) → O(Y ) est surjectif. C’est donc un isomorphisme parce que A[T ]/(QY,0 ) et O(Y ) sont des A-modules projectifs de même rang. L’image de PφA dans A[T ]/(QY,0 ) est donc nulle : le polynôme QY,0 divise PφA dans A{{T }} (cf proposition 2.16). Comme PφA (0) = 1, on a QY,0 (0) ∈ A× : posons QY = QY,0 (0)−1 QY,0 ∈ 1+T A[T ]. On a SY ∈ 1+T A{{T }} tel que PφA = QY SY . Comme Y est « déconnecté » de son complémentaire dans ZX = Spm AhT i/(PφA ) , le morphisme surjectif canonique AhT i/(PφA ) → AhT i/(QY ) = A[T ]/(QY ) admet une section σ : AhT i/(QY ) → AhT i/(PφA ). Soit E ∈ AhT i tel que σ(1) ≡ E mod PφA . On a E ≡ 1 mod QY AhT i (puisque c’est une section) : écrivons 1 = E + U QY avec U ∈ AhT i. Par ailleurs, on a QY E ≡ σ(QY ) mod PφA i.e. PφA = QY SY | QY E, soit encore SY | E (dans AhT i) d’après la proposition 2.16 : écrivons E = V SY avec V ∈ AhT i. Il en résulte que 1 = U QY + V SY . En particulier, SY a pour image une unité dans A[T ]/(QY ), i.e. Res(QY , SY ) = 1, donc QY A{{T }} + SY A{{T }} = A{{T }} d’après la proposition 2.18. On peut donc appliquer le théorème 2.24 : il existe une unique décomposition MA = NY ⊕ FY , où NY et FY sont les noyaux de projecteurs dans l’adhérence A[φ] de A[φ] ⊆ EndA (MA ), et tels que Q∗Y (φA ) soit nul sur NY et inversible sur FY . En outre, NY est projectif 21 de rang d sur A, et la série caractéristique de φA|NY est QY . Comme le projecteur MA → NY appartient à A[φ], et comme T est commutative, NY est stable sous chaque tA pour t ∈ T. On dispose donc d’un morphisme d’anneaux T → EndA (NY ) On note T(Y ) son image. Comme NY est un A-module projectif de rang fini, la A-algèbre EndA (NY ) est finie : il en est de même de T(Y ) (puisque A est noethérien). On note D(Y ) = Spm(T(Y )) 21. Mais pas libre en général. Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 11 la variété affinoïde associée. Le terme constant de QY étant une unité, on a l’isomorphisme O(Y ) ≃ A[T ]/(QY ) → A[S]/(Q∗Y ) T 7→ S −1 Comme Q∗Y (φA ) est nul sur NY , on dispose en outre du morphisme fini A[S]/(Q∗Y ) → T(Y ) S 7→ φA En les composant, on en déduit que T(Y ) est une O(Y )-algèbre finie, qui fournit donc un morphisme fini D(Y ) → Y Lorsque X n’est plus supposé connexe, on écrit Y comme réunion disjointe décomposition en composantes connexes de X. On pose alors c a D(Yi ) D(Y ) = `c i=1 Yi , correspondant à la i=1 3.11. Construction globale de la variété de Hecke. D’après ce qui précède, pour chaque Y ∈ C , on dispose d’un revêtement fini D(Y ) → Y . Il s’agit désormais de recoller ces constructions pour obtenir un recouvrement fini Dφ → Zφ . On utilise pour cela les lemmes suivants : Lemme 3.12. (cf [3, Lemma 5.1]) Soient Y ∈ C , X son image dans B = Spm(R), X ′ ⊆ X un sous-domaine affinoïde et Y ′ sa préimage dans Y . Alors Y ′ ∈ C est un sous-domaine affinoïde de Y et D(Y ′ ) est canoniquement isomorphe à la préimage de Y ′ par D(Y ) → Y . D(Y ′ ) Y′ X′ // D(Y ) // Y // X Démonstration. Le fait que Y ′ soit un sous-domaine affinoïde de Y résulte de [1, Proposition 7.2.2.4]. Le reste est élémentaire. Lemme 3.13. (cf [3, Lemma 5.2]) Soient Y1 , Y2 ∈ C . Alors Y = Y1 ∩ Y2 ∈ C . Pour i ∈ {1, 2}, Y est un sous-domaine affinoïde de Yi et D(Y ) est canoniquement isomorphe à la préimage de Y par D(Yi ) → Yi . Démonstration. On se ramène au cas où l’image X de Y dans B est une composante de X1 ∩ X2 , et on utilise le lemme précédent. Il résulte alors 22 de [1, Propositions 9.3.2.1 & 9.3.3.1] que les D(Y ) ainsi que les morphismes D(Y ) → Y (pour Y ∈ C ) se recollent en une variété rigide Dφ et un morphisme de variétés rigides Dφ → Zφ Définition 3.14. Dφ est la variété de Hecke associée aux données (R, M, T, φ). Proposition 3.15. (cf [3, Lemma 5.3]) Les variétés Zφ et Dφ sont séparées, et le morphisme Dφ → Zφ est fini. Démonstration. Zφ est séparé d’après [1, Proposition 9.6.1], et le morphisme Dφ → Zφ est fini, donc séparé, par construction, de sorte que Dφ est séparée. 3.16. Fonctorialité. On conserve les données du début de cette section, et on se donne un morphisme de Kb R R′ , T′ = T⊗ b R R′ et φ′ = φ ⊗ 1. Rappelons que algèbres affinoïdes R → R′ , avec R′ réduite. On pose M ′ = M ⊗ ′ ′ φ est compact et que Pφ est l’image de Pφ par l’application naturelle R{{T }} → R′ {{T }}. Il en résulte qu’on a un diagramme cartésien // Zφ Z φ′ max(R′ ) // max(R) (cf [3, Lemma 5.4]). Proposition 3.17. (cf [3, Lemma 5.5]). Si R → R′ est plat, on a un diagramme cartésien // Dφ D φ′ Z φ′ // Zφ 22. Les conditions de cocycle proviennent des conditions de cocycle pour le recouvrement C . 12 Olivier Brinon Démonstration. Le point est que si Y ∈ C , son image inverse Y ′ ⊆ Zφ′ appartient 23 à C ′ , et qu’en outre les éléments de C ′ qui proviennent ainsi d’un élément de C forment encore un recouvrement admissible de Zφ′ : on peut encore construire Dφ′ à partir de ces derniers. Les applications T → EndR (M ) → EndR′ (M ′ ) induisent un b R R′ → T(Y ′ ) qui est un isomorphisme par platitude de R → R′ , ce qui montre qu’on a un morphisme T(Y )⊗ diagramme cartésien // D(Y ) D(Y ′ ) Y′ // Y ce qui permet de conclure. Remarque 3.18. Dans la suite, on appliquera la proposition dans le cas où max(R′ ) ⊆ max(R) est un sousdomaine affinoïde, pour lequel la platitude de R → R′ est automatique. 3.19. La "Eigenvariety machine". Dans les applications (construction de variétés de Hecke associées aux formes modulaires p-adiques surconvergentes), on a besoin d’une construction un peu plus générale que celle qui précède, parce qu’on n’a pas un seul module M , mais plutôt une famille. Dans tout ce qui suit, R est une K-algèbre affinoïde réduite, T une R-algèbre commutative et φ ∈ T comme au début de cette section. Définition 3.20. Soient M et M ′ des R-modules de Banach ayant la propriété (Pr), munis d’homomorphismes de R-algèbres T → EndR (M ) et T → EndR (M ′ ) respectivement. On suppose que l’image φ ∈ EndR (M ) (resp. φ′ ∈ EndR (M ′ )) de φ ∈ T est compacte. Soit α : M ′ → M une application R-linéaire continue et T-équivariante. (1) On dit que α est un lien primitif s’il existe une application R-linéaire continue, T-équivariante et compacte c : M → M ′ telle que φ = α ◦ c et φ′ = c ◦ α : α M′ φ // M c ′ zz M′ φ α // M Remarquons qu’on a alors Pφ = Pφ′ en vertu de la proposition 2.13 (5). (2) On dit que α est un lien s’il existe une suite finie M0 = M ′ , M1 , . . . , Mn (où chaque Mi est un R-module de Banach ayant la propriété (Pr), muni d’un homomorphisme de R-algèbres T → EndR (Mi ) tel que l’image φi ∈ EndR (Mi ) de φ ∈ T soit compacte) et pour tout i ∈ {1, . . . , n} un lien primitif αi : Mi−1 → Mi tel que α = αn ◦ αn−1 ◦ · · · ◦ α2 ◦ α1 . α α1 M′ φ′ c1 yy M′ α1 α2 // M1 φ1 c2 yy // M1 α2 // M2 φn−2 φ2 // M2 αn−1 Mn−2 ······ Mn−2 ······ cn−1 ww αn−1 αn // Mn−1 φn−1 cn // Mn−1 xx αn ,, // M φ 22// M α D’après ce qui précède, on a alors Pφ = Pφ′ . Supposons donné un lien α : M ′ → M . Avec les notations de la définition, on a Pφ = Pφ′ , ce qui implique Z φ = Z φ′ . Lemme 3.21. Les variétés de Hecke Dφ et Dφ′ sont isomorphes. ∼ Démonstration. Il s’agit de voir, pour Y ∈ C fixé, que α induit un isomorphisme NY′ → NY (étant T-linéaire, il fournit alors un isomorphisme de R-algèbres T′ (Y ) → T(Y )). Il suffit de traiter le cas où α est primitif. Rappelons que NY = Ker(Q∗Y (φ)) et NY′ = Ker(Q∗Y (φ′ )) (notons que le polynôme QY ∈ 1 + T O(X)[T ] ne dépend que de Pφ et de Y ). On a alors Q∗Y (φ) ◦ α = Q∗Y (α ◦ c) ◦ α = α ◦ Q∗Y (c ◦ α) = α ◦ Q∗Y (φ′ ) c ◦ Q∗Y (φ) = c ◦ Q∗Y (α ◦ c) = Q∗Y (c ◦ α) ◦ c = Q∗Y (φ′ ) ◦ c ce qui implique que α(NY′ ) ⊆ NY et c(NY ) ⊆ NY′ . Comme Q∗Y (φ) = 0 sur NY , l’endomorphisme induit par φ = α ◦ c sur NY est un automorphisme. De même, c ◦ α induit un automorphisme de NY′ . Cela implique que α induit un isomorphisme NY′ → NY , ce qu’on voulait. Données : • une K-algèbre affinoïde réduite R ; • une R-algèbre commutative T ; • un élément φ ∈ T ; 23. Avec des notations évidentes. Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 13 • un R-espace rigide réduit W (l’espace des poids) ; • pour chaque ouvert affinoïde admissible X ⊆ W, un RX -module de Banach MX ayant la propriété (Pr) (où RX = O(X) est muni de la norme du sup) ; • un homomorphisme de R-algèbres T → EndRX (MX ), tel que l’image φX de φ soit un endomorphisme compact de MX ; b RX RX ′ , de sorte que si • pour X ′ ⊆ X ⊆ W des ouverts affinoïdes admissibles, un lien α : MX ′ → MX ⊗ X1 ⊆ X2 ⊆ X3 ⊆ W sont des ouverts affinoïdes admissibles, la condition de cocycle évidente est vérifiée. Produit : Variété de Hecke Dφ → W : espace rigide tel que pour tout ouvert affinoïde admissible X ⊆ W, le produit fibré Dφ ×W X s’identifie canoniquement à la variété de Hecke associée à la donnée (RX , MX , T, φX ). Elle s’obtient par recollement (en utilisant les liens α, la proposition 3.17 et le lemme 3.21) des variétés de Hecke associées aux données (RX , MX , T, φX ) pour X ⊆ W ouvert affinoïde admissible. Soit L une extension complète de K. Définition 3.22. Un système de valeurs propres à valeurs dans L est une application λ : T → L telle qu’il existe un ouvert affinoïde admissible X = max(RX ) ⊆ W, un point de X(L) (correspondant à un morphisme de b RX L \ {0} tel que (∀t ∈ T) t(m) = λ(t)m. Un tel système de valeurs propres K-algèbres RX → L) et m ∈ MX ⊗ est dit φ-fini si en outre λ(φ) 6= 0. Proposition 3.23. ([3, Lemma 5.9]). L’ensemble des L-points de Dφ s’identifie aux systèmes de valeurs propres à valeurs dans L qui sont φ-finis. Démonstration. On peut supposer L = K. Comme Dφ est recouvert par les D(Y ) pour Y ∈ C , on peut supposer Dφ = D(Y ) et que W est égal à l’image X de Y . Soit x ∈ X(K) : il s’agit de voir que les K-points de D(Y ) au-dessus de x correspondent aux systèmes de valeurs propres φ-finis à valeurs dans K, associés à des vecteurs propres dans NY ⊆ MX . Le point x correspond à un idéal maximal m ∈ max(RX ) tel que RX /m ≃ K. On dispose alors du morphisme T/mT → EndK (NY /mNY ) : soit T (m) son image. On a un morphisme surjectif T(Y )/mT(Y ) → T (m). Son noyau est nilpotent (quitte à localiser en m, on peut supposer que NY est libre ; si l’image de t ∈ T(Y ) est dans le noyau, les coefficients de son polynôme caractéristique appartiennent à m : d’après le théorème de Cayley-Hamilton, si d = dimRX /m (NY /mNY ) on a td ∈ mT(Y )). Cela implique que Spec(T(Y )/mT(Y )) ≃ Spec(T (m)). Un K-point de ce dernier correspond à la donnée, pour tout t ∈ T (m), d’une valeur propre de t agissant sur le K-espace vectoriel NY /mNY . Comme T est commutatif, il existe un vecteur b RX K \ {0}. Par construction de NY , la valeur propre de φ est non propre commun m ∈ NY ⊗RX K \ {0} ⊆ MX ⊗ nulle (parce que le coefficient constant de son polynôme caractéristique QY,0 est une unité). 4. Le cas GL2/ Q 4.1. Formes modulaires classiques. 4.1.1. Définition. On reprend les notations de l’introduction : p > 2 est un nombre premier et N ≥ 5 un entier premier à p. On dispose du faisceau inversible ω sur X1 (N ), muni de l’action naturelle de Gm . Si k ∈ Z, on en déduit une action de Gm sur le faisceau ω ⊗k . On définit une forme modulaire de poids k et de niveau Γ1 (N ) comme une section de ω ⊗k . Cela correspond à la donnée d’une « règle », qui pour tout Z[µN , 1/N ]-schéma S, et tout couple (E, w) où E ∈ X1 (N )(S) et w est une base de ωE/S associe une section de S de sorte que 24 (1) f soit constante sur les classes d’isomorphisme ; (2) f commute aux changements de base ; (3) (∀t ∈ Γ(S, OS )× ) f (E, tw) = t−k f (E, w) ; (4) en toute pointe, le q-développement de f (cf plus bas) est holomorphe 25. Remarquons que cette définition est compatible avec la définition « habituelle » : soient H le demi-plan de Poincaré, τ ∈ H et Eτ = C /(Z ⊕τ Z) la courbe elliptique associée. Si γ = ac db ∈ Γ1 (N ) ⊂ SL2 (Z) et ∼ +b γ · τ = aτ cτ +d ∈ H , on a l’isomorphisme Eγ·τ → Eτ ; [z] 7→ [(cτ + d)z], qui transforme la différentielle invariante dz en (cτ + d) dz. On a donc (1) (3) (γ · f )(Eτ , dz) = f (Eγ·τ , dz) = f (Eτ , (cτ + d) dz) = (cτ + d)−k f (Eτ , dz) 4.1.2. q-développements. On dispose de la courbe de Tate (Tate(q N ), ωcan ), définie sur Z[µN , 1/N ]((q)). Si ζN i j est une racine primitive N -ième de l’unité, les points de N torsion de Tate(q N ) sont les images de ζN q pour 0 ≤ i, j < N : ils sont définis sur Z[µN , 1/N ][[q]]. Si f est une forme modulaire de poids k et de niveau Γ1 (N ), on a autant de q-développements que de points P , donnés par 26 f (Tate(q N ), P, wcan ) ∈ Z[µN , 1/N ]((q)) On dit que f est holomorphe en ∞ si tous ses q-développements sont dans Z[µN , 1/N ][[q]]. 24. R en 25. 26. Étant donné une Z[µN , 1/N ]-algèbre R, on définit de même la notion de forme modulaire de poids k et de niveau Γ1 (N ) sur se restreignant aux R-schémas S. Ie appartient à Z[µN , 1/N ][[q]]. Ils appartiennent à R ⊗Z Z((q)) si f est définie sur une Z[µN , 1/N ]-algèbre R. 14 Olivier Brinon × 4.2. L’espace des poids. Le groupe Homgr,cont (Z× p , Cp ) est le l’ensemble des Cp -points d’un espace rigide W : 27 l’espace des poids . En effet, on a un isomorphisme µp−1 × (1 + p Zp ) → Z× p . Par ailleurs, l’application f : Zp → 1 + p Zp z 7→ exp(pz) est un isomorphisme bicontinu 28, ce qui implique qu’on a un isomorphisme × × Homgr,cont (Z× [ p−1 × Homgr,cont (Zp , Cp ) p , Cp ) → µ où µ [ p−1 := Homgr (µp−1 , C× p) κ 7→ (κ|µp−1 , κ ◦ f ) ≃ µp−1 . Notons D = D(1, 1) le disque ouvert de centre 1 et de rayon 1, on a × donc Homgr,cont (Z× p , Cp ) ≃ W(Cp ) avec Homgr,cont (Zp , C× p ) ≃ D(Cp ) W= M χW1 χ∈µ[ p−1 29 où W1 ≃ D est la composante connexe du caractère trivial 1, si bien que W n’est autre qu’une réunion disjointe de p − 1 disques ouverts de rayon 1. En particulier, W est réduit. Parmi ces poids, ceux qui correspondent à des morphismes de groupes algébriques (i.e. à l’image de Z ≃ Homgr (Gm , Gm ) → W) sont dits classiques. Au niveau des Cp -points, ils correspondent aux morphismes × θk : Z× p → Cp z 7→ z k pour k ∈ Z. Supposons désormais la valeur absolue de Cp normalisée par |p| = p−1 . Si r ∈ pQ et z ∈ Zp , on note B[z, r] la boule fermée de centre z et de rayon r. Si r = pa/b avec a, b ∈ Z × N>0 , on a B[z, r] = Spm(Qp hX, Y i/((X − z)b − pa Y )) : c’est une variété affinoïde définie sur Qp . On pose aussi [ [ Br = B[z, r] et B× B[z, r] r = z∈Zp z∈Z× p Comme Zp et Z× p sont compacts, ce sont en fait des unions finies : ce sont donc des espaces affinoïdes eux aussi. On les voit comme des épaississements de Zp et Z× p respectivement. Pour n ∈ N>0 , on a un sous-espace Xn de W tel que × pn−1 − 1| ≤ |p| Xn (Cp ) = κ ∈ Homgr,cont (Z× p , Cp ), |κ(1 + p) n−1 L’intersection Xn,1 de Xn avec W1 est un disque fermé (qui correspond à B 1, p−1/p , via l’isomorphisme [ W1 ≃ D) : il en est de même de l’intersection Xn,χ avec χW1 pour tout χ ∈ µ p−1 , si bien que Xn est un n−1 étant un recouvrement admissible de D, sous-espace affinoïde de W. En outre, la famille B 1, p−1/p n∈N>0 la famille X1 ⊆ X2 ⊆ · · · est un recouvrement admissible de W. an Lemme 4.3. Si κ ∈ Xn , alors κ se prolonge de façon unique en une application analytique B× |p|n → Gm . Démonstration. Quitte à multiplier κ par χ ∈ µ [ p−1 convenable, on peut supposer que κ ∈ Xn ∩ W1 (Cp ). Raph 1 i − pelons que les fonctions analytiques exp et log fournissent des bijections inverses l’une de l’autre D 0, p p−1 ⇋ h h 1 i 1 i − − D 1, p p−1 ; en outre (∀x ∈ D 0, p p−1 ) |log(x − 1)| = |exp(x) − 1| = |x| (cf [7, Chapter II, Proposition 1.1 & Lemma 4.1]). On a donc log κ(1+p)pn−1 1 n−1 p log(1+p) ≤ |p|n−1 log(x) log κ(1+p)pn−1 ≤ |p|. Comme la fonction exp Si |x − 1| ≤ |p|n , on a donc |log(x)| = |x − 1| ≤ |p|n , donc pn−1 log(1+p) log(x) log κ(1+p)pn−1 h 1 i − est analytique sur B× est analytique sur B[0, |p|] ⊂ D 0, p p−1 , l’application x 7→ exp pn−1 log(1+p) |p|n et prolonge κ. L’unicité résulte du principe de prolongement analytique. 27. Il y a bien sûr des généralisations en dimension supérieure (cas Siegel, Hilbert, etc). On peut aussi rajouter un caractère de niveau × × modéré N : on a une variété rigide (réunion finie de disques ouverts) dont les Cp -points sont donnés par Homcont (Z× p ×(Z /N Z) , Cp ) m m × k (une forme modulaire de niveau Γ1 (N p ) de poids k et de (Z /N p Z) -caractère ε a pour « caractère-poids » κ = (z 7→ z )ε, où × en composant avec la réduction modulo pm ), cf [5]. ε est vu comme un caractère de Z× p ×(Z /N Z) 28. Rappelons qu’on a supposé p > 2. p−1 −1), 29. De façon plus intrinsèque, µ \ p−1 est le groupe des Cp -points de l’espace rigide associé à la Qp -algèbre affinoïde Qp hT i/(T p−1 de sorte que W = max(Qp hT i/(T − 1) ×Qp W1 . Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 15 4.4. Formes modulaires p-adiques (à la Katz). 4.4.1. Définition. Sur le lieu ordinaire Y1 (N )ord (dans l’espace rigide Y1 (N ) sur Qp (µN ) associé à Y1 (N )), on dispose de la décomposition connexe-étale du groupe de Barsotti-Tate tronqué 30 0 → E ord [pn ]◦ → E ord [pn ] → E ord [pn ]ét → 0 La partie multiplicative E ord [pn ]◦ est une forme tordue de µpn , on dispose donc du (Z /pn Z)× -torseur étale Tn = Isom(µpn , E ord [pn ]◦ ) au-dessus de Y1 (N )ord , qui se prolonge en un (Z /pn Z)× -torseur étale Πn : Tn → X1 (N )ord au-dessus de X1 (N )ord . La tour de revêtements X1 (N )ord ← T1 ← T2 ← · · · s’appelle la tour d’Igusa. En passant à la limite, on obtient un Z× p -torseur pro-étale Π X1 (N )ord ←− T∞ = lim Tn ←− n Il se prolonge au complété formel 31 p-adique de X1 (N ). Il correspond par ailleurs à la représentation p-adique × ord ∞ ét π1 (X1 (N )ord [p ] . s ) → Zp duale du module de Tate Tp E Pour n ∈ N>0 , le faisceau OTn est de Banach, pour la norme 32 |f | = sup |f (x)|. Cela munit le faisceau x∈Tn OT∞ = lim OTn de la topologie de la limite inductive. L’espace des formes modulaires p-adiques est alors −→ n bT∞ ) V = H0 (X1 (N )ord , O × Il est muni d’une action de Z× p (l’action de γ ∈ Zp sur f ∈ OT∞ étant donnée par (γ · f )(w) = f (γw)). Si κ ∈ W(Cp ) est un poids, l’espace des formes modulaires p-adiques de poids κ est bT∞ [κ−1 ]) Vκ = H0 (X1 (N )ord , O bT∞ pour la valeur propre κ−1 (sous l’action de Z× ), i.e. des sections bT∞ [κ−1 ] est le sous-espace propre de O où O p f telles que γ · f = κ(γ)−1 f pour tout γ ∈ Z× p. La donnée d’une forme modulaire p-adique de poids κ ∈ W(Cp ) correspond à celle d’une règle f qui à tout Z[µN , 1/N ]-schéma S, tout quadruplet (E, P, ι, w) (où E est une courbe elliptique ordinaire sur S, P un point de N -torsion de E, ι : Zp (1) ֒→ Tp E une base de la partie multiplicative de Tp E, et w une base de ωE/S ) associe une section de S de sorte que : (1) f soit constante sur les classes d’isomorphisme ; (2) f commute aux changements de base ; (3) (∀t ∈ Γ(S, OS )× ) f (E, P, ι, tw) = κ−1 (t)f (E, P, ι, w). Comme les courbes de Tate sont ordinaires (comme on le voit directement sur la p-torsion), les formes modulaires p-adiques admettent des q-développements, tout comme les formes classiques. 4.4.2. Opérateurs de Hecke. Soient S un Z[µN , 1/N ]-schéma et (E, P, ι, w) une courbe elliptique ordinaire sur S munie d’un point P d’ordre N de E, de ι : Zp (1) ֒→ Tp E une base de la partie multiplicative de Tp E et de w une base de ωE/S . On se donne f ∈ Vκ . • Si ℓ est un nombre premier ne divisant pas N p et inversible sur S, le schéma en groupes E[ℓ] est fini étale sur S, et il existe S ′ un S-schéma fini étale tel que E[ℓ]S ′ ≃ (Z /ℓ Z)2S ′ . En particulier, ce dernier admet ℓ + 1 sous-schémas en groupes d’ordre ℓ. Si H est un tel sous-groupe, on dispose de l’isogénie πH : ES ′ → ES ′ /H. L’isogénie duale π̌H : ES ′ /H → ES ′ est finie étale de degré ℓ, et les composés πH ◦ π̌H et π̌H ◦ πH sont la ∗ multiplication par ℓ (sur ES ′ /H et ES ′ respectivement). Via πH , le point P définit un point πH P d’ordre N de ∼ ∗ ′ ′ ES /H (rappelons que ℓ ∤ N ). De même, πH ι = Tp πH ◦ ι : Zp (1) ֒→ Tp E → Tp (ES /H) fournit une base de la partie multiplicative de Tp (ES ′ /H) (rappelons que ℓ ∤ p). Par ailleurs, π̌ ∗ wS ′ est une base de ωES′ /H/S ′ : on peut ∗ ∗ ∗ P, πH ι, π̌H wS ′ ). On pose évaluer f en (ES ′ /H, πH X ∗ ∗ ∗ P, πH ι, π̌H wS ′ ) ∈ Γ(S ′ , OS ′ ) f (ES ′ /H, πH Tℓ f (E, P, ι, w) = ℓ−1 κ(ℓ) H≤E[ℓ]S ′ #H=ℓ En fait, le résultat appartient à Γ(S, OS ). Cela définit un opérateur Tℓ sur Vκ . Les Tℓ commutent deux-à-deux : il engendrent une algèbre (isomorphe à une algèbre de polynômes à coefficients dans Qp (µN )) qu’on note TpN . 30. Bien sûr, on commet ici (et dans tout le reste du texte) l’abus coupable consistant à noter encore E ord la fibre générique du complété formel p-adique de E ord . 31. Qui est un modèle formel de X1 (N )ord . 32. Observons que Tn est quasi-compact. 16 Olivier Brinon Lien avec la formule classique : si τ ∈ H , on pose F (τ ) = f (Eτ , d z) ∈ C. Les sous-groupes d’ordre ℓ de Eτ [ℓ] correspondent aux réseaux 1ℓ Z ⊕τ Z et Z ⊕ τ +i ℓ Z pour i ∈ {0, . . . , ℓ − 1}, de sorte que ℓ−1 X F Tℓ F (τ ) = ℓk−1 F (ℓτ ) + ℓ−k τ +i ℓ i=0 • Le schéma en groupes E ord [p]◦ est localement isomorphe à µp . C’est un relèvement, au-dessus de X1 (N )ord , ord (p) du noyau du morphisme de Frobenius Ekord → Ek sur la fibre spéciale (c’est le sous-groupe canonique). La ord ord propriété universelle de E → X1 (N ) implique qu’il existe un unique morphisme ϕ : X1 (N )ord → X1 (N )ord s’insérant dans le diagramme commutatif. E ord ▼ ▼▼▼ ▼▼▼ ▼▼▼ ▼&& ord E /E ord [p]◦ X1 (N )ord // E ord ϕ // X1 (N )ord (rigoureusement parlant, on a un tel diagramme sur X1 (N )ord ⊗Z (Z /pn Z) pour tout n ∈ N>0 , on en déduit un sur le complété formel p-adique de X1 (N )ord , dont la fibre générique fournit le diagramme ci-dessus). Le morphisme ϕ (qui relève le Frobenius absolu de la fibre spéciale) induit un morphisme fini et plat ϕ: V → V On pose alors Up = p1 Trϕ : V → V qu’on appelle opérateur d’Atkin-Lehner. Explicitement, comme E est ordinaire, il existe un S-schéma fini étale S ′ tel que E[p]S ′ ≃ E[p]◦S ′ × (Z /p Z)S ′ avec E[p]◦S ′ ≃ µp,S ′ . Si π0 : E → E/E[p]◦ est la projection, π̌0 sa duale, on a ϕ(E, P ) = (E/E[p]◦ , π0∗ P ). On a donc ϕ(f )(E, P, ι, w) = f (E/E[p]◦ , π0∗ P, p1 Tp π0 ◦ ι, π̌0∗ w) X ∗ ∗ P, Tp πH ◦ ι, p1 π̌H f (ES ′ /H, πH Up f (E, P, ι, w) = p1 wS ′ ) H≤E[p]S ′ #H=p H6=E[p]◦ S′ L’opérateur Up commute à TN p . On note T la Qp (µN )-algèbre (commutative) engendrée par TN p et Up . Bien entendu, on peut expliciter l’action de T sur les q-développements de formes modulaires (cf [9, Formula 1.11.1]). P ai (P, ι, wcan )q i , alors Précisons celle de Up : si f (Tate(q N ), P, ι, wcan ) = i∈N Up f (Tate(q N ), P, ι, wcan ) = 1 p X f (Tate(ζq N/p ), πζ∗ P, πζ∗ ι, 1p π̌ζ∗ wcan ) = ζ p =1 X api (P, ι, wcan )q i i∈N Il en résulte que l’opérateur Up , agissant sur l’espaces des formes modulaires p-adiques, n’est pas compact. Lien avec la formule classique : rappelons que si τ ∈ H , on pose F (τ ) = f (Eτ , d z) ∈ C. Les sous-groupes d’ordre p de Eτ [p], qui sont distincts du sous-groupe canonique correspondent aux réseaux Z ⊕ τ p+i Z pour i ∈ Pp−1 {0, . . . , p − 1}, de sorte que Up F (τ ) = p1 i=0 F τ p+i . • Enfin, a = (b, c) ∈ (Z /N Z)× × Z× p , on pose f |hai(E, P, ι, w) = f (E, bP, c−1 ι, w) (opérateur diamant) ce qui fournit une action de (Z /N Z)× × Z× p sur Vκ . Remarquons que par restriction, cela fournit une action de µp−1 (qui servira pour définir les modules de formes surconvergentes). Là encore, on peut retrouver la formule classique sur C. 4.4.3. Lien avec les formes « classiques ». Si k ∈ Z, on dispose du poids « classique » θk : z 7→ z k . On a alors une application naturelle 33 Mk (Γ1 (N )) → Vθk 33. Injective (par principe du q-développement). Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 17 déduite de l’application de Hodge-Tate 34 α : Tp E ord [p∞ ]ét → ω ψ 7→ ψ ∗ dT T Bien entendu, via cette application, l’espace Mk (Γ1 (N )) est stable sous l’action de TN p , de Up et des opérateurs diamant. 4.4.4. Familles d’Eisenstein. Soit W + la partie de W correspondant aux caractères κ tels que κ(−1) = 1. On dispose alors de la fonction zêta p-adique ζ ∗ : c’est une fonction analytique sur le complémentaire du caractère trivial 35 dans W + . Par ailleurs, pour κ ∈ W(Cp ) et n ∈ N>0 , on pose X κ(d) σκ∗ (n) = d d|n pgcd(d,p)=1 ce qui définit une fonction sur W. Si ζ ∗ (κ) 6= 0, on pose Eκ (q) = 1 + 2 ζ ∗ (κ) ∞ X σκ∗ (n)q n n=1 (on a E1 (q) = 1). Cela définit une famille de q-développements paramétrée par l’espace analytique rigide WEis , complémentaire des zéros de ζ ∗ dans W + (on a W1 ⊆ WEis ), appelée la famille d’Eisenstein basique. Elle correspond à un élément E◦ (q) ∈ 1 + qA(WEis )[[q]] Sa restriction E à W1 s’appelle la famille d’Eisenstein restreinte. D’après [5, Proposition 2.3.1], c’est le qdéveloppement d’une forme modulaire p-adique (cf section 4.4) définie sur A(W1 ) ≃ Λ(0) := Zp [[1 + p Zp ]]. On voit sur les coefficients qu’elle est invariante sous l’action de l’opérateur Up . 4.5. Formes modulaires p-adiques surconvergentes, et courbe de Hecke de Coleman-Mazur. 4.5.1. Hauteur de Hodge et voisinages stricts du lieu ordinaire. Si S est un schéma de caractéristique p, et E une courbe elliptique sur S, on dispose du Frobenius relatif FE/S : E → E (p) := E ×S,FS S. L’isogénie duale ∗ ∗ VE/S : E (p) → E (le Verschiebung) a pour application tangente tg(VE/S ) : ωE (p) /S → ωE/S . Comme ωE (p) /S ≃ ωE/S )⊗p , elle correspond à une section ⊗(p−1) Ha(E) ∈ ωE/S qu’on appelle l’invariant de Hasse (qu’on peut donc voir comme une forme modulaire modulo p, de poids p − 1). ⊗(p−1) Une courbe elliptique est ordinaire si son invariant de Hasse est inversible (i.e. engendre ωE/S ). Soit m ∈ N. L’espace rigide Y1 (N pm ) est la fibre générique du complété formel p-adique Yb1 (N pm ). Si K est une extension finie de Qp (µN ), on a Y1 (N pm )(K) ≃ Yb1 (N pm )(OK ). On dispose donc de l’application h Y1 (N pm )(K) x✤ ∼ // Yb1 (N pm )(OK ) // Y1 (N pm )(OK /pOK ) // x ✤ //,, [0, 1] // min(1, vp (Ha(Ex )) où on a noté Ex « la » courbe elliptique sur OK /pOK qui correspond au point x, et identifié Ha(Ex ) à un élément de OK /pOK ≃ ωEx (via le choix d’une base, dont ne dépend pas vp (Ha(Ex )). L’application h se prolonge à X1 (N pm ). Si v ∈ [0, 1], on pose X1 (N pm )≤v = h−1 ([0, v]) Bien sûr, X1 (N pm )≤0 = X1 (N pm )ord est le lieu ordinaire (le complémentaire des tubes supersinguliers). Par ailleurs, si v ∈]0, 1], alors X1 (N pm )≤v est un voisinage strict de X1 (N pm )ord . Remarquons qu’en outre la variété X1 (N pm )≤v est affinoïde (car c’est le complémentaire d’un nombre fini non nul de disques ouverts dans la courbe compactifiée X1 (N pm )). 34. Si S est un schéma, et G un schéma en groupes fini localement libre sur S, on peut voir G comme un faisceau fppf sur S. Par u ailleurs, tout faisceau localement libre M sur S définit un faisceau fppf M en posant M(T − → S) = Γ(T, u∗ M). La catégorie des morphismes de faisceaux fppf G → M admet un objet initial : l’application de Hodge-Tate αG : G = Hom(GD , Gm ) → ω GD ; ψ 7→ ψ∗ dT T (où GD = Hom(G, Gm ) est le dual de Cartier de G) : on a HomOS (ωGD , M) ≃ Homfppf (G, M). L’application α du texte s’obtient en prenant la limite des applications de Hodge-Tate des schémas en groupes E ord [pn ]ét pour n ∈ N>0 . 35. Elle a un pôle simple en κ = 1. 18 Olivier Brinon Définition 4.6. Soit n ∈ N>0 . Au-dessus du lieu ordinaire, le groupe de Barsotti-Tate tronqué E ord [pn ]◦ fournit un relèvement en caractéristique 0 du noyau de la puissance n-ième du Frobenius ϕ : Ekord → Ekord sur la fibre spéciale. En fait ce relèvement est unique : on l’appelle le sous-groupe canonique de niveau n. On montre (mais c’est un fait non trivial, à la base d’une des principales difficultés de la théorie) que ce groupe de Barsotti-Tate tronqué se prolonge de façon unique au-dessus de X1 (N pm )≤v lorsque 36 v < pn−11(p+1) . Le prolongement s’appelle lui aussi sous-groupe canonique de niveau n. 4.6.1. Formes surconvergentes. Définition 4.7. Soit V un espace analytique rigide 37. Une famille surconvergente de fonctions analytiques m ord m rigides sur Xord 1 (N p ) paramétrée par V est la donnée d’une fonction analytique rigide f sur X1 (N p ) × V telle qu’il existe un (Vi )i∈I de V par des affinoïdes tel que pour tout i ∈ I, il existe vi ∈ recouvrement admissible m m Q ∩ 0, pm−21(p+1) tel que f |Xord 1 (N p ) × Vi se prolonge en une fonction analytique rigide sur X1 (N p )≤vi × Vi . E(q) Interlude : choix de rayons de convergence. D’après [5, Proposition 2.2.7], le quotient Ep (q) = E(q p ) est le qord développement d’une fonction analytique rigide sur X1 (N p) × W1 , qui n’a pas de zéros, et qui surconverge ainsi que son inverse. En outre, elle est invariante sous les opérateurs diamant de poids 0. Pour n ∈ N>0 , on fixe rn ∈ Q ∩]0, 1[ tel que Ep et 1/Ep se prolongent à X1 (N p)≤rn × Xn,1 . On les choisit en outre de sorte que la suite (rn )n∈N>0 soit décroissante, et que 38 rn < pn−11(p+1) pour tout n ∈ N>0 (de sorte qu’on dispose du sous-groupe canonique de niveau n au-dessus de X1 (N )≤rn ). Construction des données locales. Soit n ∈ N>0 . On a M Rn,χ Rn := A(Xn ) = χ∈µ[ p−1 avec Rn,χ := A(Xn,χ ) : on pose b Qp A(X1 (N p)≤rn ) Bn,χ = Rn,χ ⊗ C’est un Rn,χ -module de Banach potentiellement ONable (parce que A(X1 (N p)≤rn ) l’est sur Qp , cf remarque 2.6 (1)). Il est en outre muni d’une action de µp−1 (triviale sur Rn,χ , et donnée par les opérateurs diamant de poids 0 sur A(X1 (N p)≤rn )). On note alors Mn,χ le facteur direct de Bn,χ sur lequel µp−1 agit via χ : c’est un Rn,χ -module de Banach ayant la propriété (Pr). On note alors Mn le Rn -module dont la Rn,χ -composante est Mn,χ : c’est un Rn -module de Banach ayant la propriété (Pr). Il est naturellement muni d’une action des opérateurs diamant (via χ sur Mn,χ ). La définition qui précède fournit les espaces de formes modulaires surconvergentes de poids 0. L’idée est que grosso-modo, on retrouve l’espace des formes modulaires surconvergentes de poids κ en multipliant par la série d’Eisenstein. En poids classique, on retrouve en effet les espaces de formes modulaires surconvergentes au sens de Katz (cf [9] et [3, Propositions 6.1 & Corollary 6.2]). Par restriction au lieu ordinaire, on peut voir les formes modulaires surconvergentes comme des formes p-adiques. Remarquons que la construction qui précède peut se faire pour d’autres sous-groupes de congruence, et qu’elle est fonctorielle par rapport aux sous-groupes de congruence : cela permet de définir l’action de opérateurs de Hecke, et de l’opérateur Up (qu’on construit de la façon habituelle en utilisant le sous-groupe canonique). Leur action E(q) sur les q-développements s’explicite grâce à la surconvergence des Eℓ (q) = E(q ℓ ) , cf [5, §3.4]. Bien entendu, ces définitions sont compatibles avec les définitions de ces opérateurs sur les espaces de formes modulaires p-adiques. L’opérateur Up agissant sur l’espaces des formes modulaires r-surconvergentes se factorise en Up = R ◦ C, où C est un opérateur continu des formes r-surconvergentes dans les formes s-surconvergentes (avec s > r), et R l’opérateur, compact (cf exemple 2.11), de restriction des formes s-surconvergentes aux formes r-surconvergentes. Il est donc compact. Si on définit T comme la Rn -algèbre engendrée par TpN , l’opérateur Up et les opérateurs diamant, on obtient une donnée à laquelle on peut appliquer la "Eigenvariety machine" (locale). Enfin, si 0 < r < p r′ < p+1 , la restriction des r′ -surconvergentes aux formes r-surconvergentes est un lien au sens de la définition 3.20, ce qui permet d’obtenir la variété de Hecke au-dessus de W, dont les point paramètrent les systèmes de valeurs propres des opérateurs de Hecke (hors pN ) et de Up (la valeur propre de ce dernier étant non nulle). 5. Appendice : polygones de Newton b et on note encore v l’extension de v à Ω. Soit Soit v : K → R ∪{∞} « la » valuation. On pose Ω = K ∞ P f (T ) = an T n ∈ K[[T ]]. n=0 1 si p > 3 et 36. En fait, la borne optimale est 2pn−1 37. Dans ce qui suit, on prendra V ⊆ W. 1 38. rn < 2pn−1 est probablement suffisant. 1 3n si p = 3, cf [8]. Variétés de Hecke, d’après K. Buzzard 19 Définition 5.1. Le polygone de Newton de f est l’enveloppe convexe Nf de l’ensemble {(n, v(an ))}n∈N ∪ {(0, ∞)} (où on identifie (n, ∞) à (0, ∞) pour tout n ∈ N). Proposition 5.2. Si α ∈ Ω est une racine de f , alors Nf a un côté (de longueur finie ou non) de pente −v(α). Soient λ ∈ R et nλ ∈ R≥0 la longueur du projeté du côté de pente −λ de Nf sur l’axe des abscisses. Si nλ < +∞, alors f admet exactement nλ racines (en comptant les multiplicité) α ∈ Ω telles que v(α) = λ. b b nλ b Démonstration. [7, Theorem 2.1]. pente −λ b b Références [1] S. Bosch, U. Güntzer & R. Remmert – Non-archimedean analysis. a systematic approach to rigid analytic geometry, Grundlehren der Mathematischen Wissenschaften, vol. 261, Springer Verlag, 1984. [2] N. Bourbaki – Espaces vectoriels topologiques, Masson, 1981. [3] K. Buzzard – « Eigenvarieties », in L-functions and Galois representations, London Math. Soc. Lecture Note Series, vol. 320, Cambridge University Press, 2007, p. 59–120. [4] R. 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Mazur – Arithmetic moduli of elliptic curves, Annals of Mathematics Studies, vol. 108, Princeton University Press, 1985. [11] B. Mazur – « A brief introduction to the work of Haruzo Hida », for the conference in celebration of the 60th birthday of H. Hida, held at UCLA, June 18-23, 2012, disponible à l’adresse http://www.math.harvard.edu/~mazur/papers/Hida.August11.pdf. [12] J.-P. Serre – « Endomorphismes complètement continus des espaces de Banach p-adiques », Publications Mathématiques de l’IHES 12 (1962), p. 69–85. IMB, Université Bordeaux 1, 351, cours de la Libération, 33405 Talence