Compressions chez les "spécialistes de la mort"

PHOTO STEVENS LEBLANC Alain Pouliot, vicaire épiscopal au clergé et au personnel
pastoral de l’archevêché de Québec, souhaite que l’on s’intéresse davantage
aux soins spirituels.
CHARLES LECAVALIER
Vendredi, 25 novembre 2016 00:00
MISE à JOUR Vendredi, 25 novembre 2016 00:00
Les aînés meurent de plus en plus seuls dans les CHSLD, où
les spécialistes du deuil se font de plus en plus rares.
«Comptabiliser des énergies spirituelles, c’est très difficile pour nos
patrons. C’est plus facile faire l’inventaire des seringues que des
hosties», lance Jean-Marc Bélanger, un «animateur de pastorale»
qui a pris sa retraite cette année du Centre d’hébergement Saint-
Joseph-de-la-Providence, rattaché au CIUSSS Nord-de-l’Île. Son
poste a ensuite été aboli.
Intervenants méconnus
Les intervenants en soins spirituels sont méconnus. Depuis 2010,
ils ont remplacé les aumôniers et les animateurs de pastorale dans
les hôpitaux et les CHSLD. Ils sont parfois religieux, parfois laïques
et ils apportent un soutien moral aux patients et à leur famille.
Mais depuis trois ans, ils disparaissent des centres d’hébergement,
soit par attrition, compression ou réorganisation: on les envoie de
plus en plus dans les unités de soins palliatifs pour s’occuper des
candidats à l’aide à mourir. Un employé d’un hôpital de la Rive-
Nord de Montréal estime qu’une consultation pour ce type
d’intervention requiert une demi-journée.
«Quand on s’occupe de 200 lits, ça ne laisse plus beaucoup de
temps pour les autres», confie-t-il.
Heures coupées de 25 %
Au nord de l’île de Montréal, les heures de soins spirituels en
CHSLD ont été coupées de 25 %. La garde de nuit a été abolie.
Conséquence: selon la représentante syndicale locale de l’APTS,
Josée Fréchette, le CIUSSS a refusé à une famille la bénédiction
des malades, anciennement l’extrême-onction. On leur a
recommandé d’attendre au matin. Au CIUSSS, on rétorque que la
bénédiction peut être donnée sur demande et est inscrite au
dossier du patient. «C’est valide pour un an», spécifie-t-on.
Pour M. Bélanger, un laïc doctorant en théologie, il ne s’agit
toutefois pas d’une question de sacrements, mais de contact
humain. «Tous les matins, je faisais une ronde et j’allais voir les
malades dont l’état s’était dégradé pendant la nuit. On faisait un
récapitulatif de leur vie, ce qui les a blessés... C’est important»,
note-t-il.
D’autres régions sont frappées. Dans certains centres
d’hébergement de Saint-Lin ou de Saint-Liguori, dans la région de
Lanaudière, il n’y a même plus de service sur place. Au CISSS
local, on soutient que les résidents peuvent toujours contacter leur
paroisse pour rencontrer un prêtre ou demander des services
ponctuels.
Mais pour Alain Pouliot, vicaire épiscopal au clergé et au personnel
pastoral de l’archevêché de Québec, il est très important de
donner des soins spirituels dans les centres d’hébergement.
«Ce n’est pas à l’Église de dire au gouvernement quoi faire, mais
c’est important de traiter la personne dans son ensemble. La
spiritualité est une dimension de la santé», a-t-il affirmé.
Il souligne d’ailleurs qu’il arrive régulièrement qu’une personne aux
prises avec une maladie mortelle se tourne vers la religion ou la
spiritualité pour trouver des réponses. «Le sens de la vie change»,
note-t-il.
Réseau public
Il y a 203 intervenants en soins de santé spirituels en équivalent de
temps complet. En 2011, ils étaient 226.
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