Effet de l’expression hétérologue d’une oxydase alternative sur le protéome
mitochondrial et le protéome cellulaire de Saccharomyces cerevisiae
Grégory Mathy1, Rowan Dobson2, Allan Mac’Cord1, Edwin De Pauw2, Francis Sluse1
Laboratoire de bioénergétique et de physiologie moléculaire1 et laboratoire de spectrométrie de
masse2. Université de Liège, Belgique.
L’oxydase alternative (AOX) est une ubiquinol-oxygène oxydo-réductase qui, au niveau
mitochondrial, catalyse l’oxydation de l’ubiquinol en transférant directement ses électrons à
l’oxygène. De par son activité catalytique, cette protéine entre en compétition avec le complexe III et
est donc un système dissipateur d’énergie puisque les électrons transférés par AOX à l’oxygène ne
contribuent pas à l’établissement du gradient électrochimique de protons comme c’est le cas par la
voie des cytochromes.
Dans cette étude, nous avons voulu déterminer l’impact de l’expression hétérologue d’AOX chez un
organisme qui en est naturellement dépourvu : Saccharomyces cerevisiae. L’expression d’AOX chez
S. cerevisiae est fonctionnelle et conduit à une augmentation du temps de génération de 30% par
rapport à la souche contrôle. De manière à identifier les voies métaboliques affectées par l’expression
d’AOX chez la levure, nous avons réalisé une étude protéomique sur le protéome mitochondrial et le
protéome cellulaire par l’approche SILAC.
Le SILAC (stable isotopic labelling by amino-acid in cell culture) est une technique de protéomique
comparative qui permet de calculer directement les changements de niveau d’expression des protéines
par spectrométrie de masse, contrairement aux gels 2D, ou les changements sont estimés par
densitométrie. Cette technique se base sur l’incorporation d’un acide aminé « lourd » ou « léger » lors
de la traduction des protéines dans les cultures cellulaires. L’incorporation de l’acide aminé va induire,
en spectrométrie de masse, un décalage de masse entre deux peptides de même séquence et rendre
possible directement la comparaison des niveaux d’expression en calculant le rapport d’intensité des
deux pics.
En analysant le protéome mitochondrial, nous avons remarqué, en présence d’AOX, une augmentation
générale du niveau d’expression de tous les enzymes du cycle de Krebs. Cette augmentation est
accompagnée par une augmentation du niveau d’expression des NADH déshydrogénases internes et
une diminution de la NADH déshydrogénase externe suggérant une augmentation de l’entrée des
électrons dans la chaîne respiratoire via la production d’équivalents réducteurs par le cycle de Krebs
plutôt que par les équivalent réducteurs issus du cytoplasme. En analysant le protéome cellulaire, nous
avons observés, en présence d’AOX, une diminution globale de toutes les protéines mitochondriales
suggérant une diminution de 40% de la masse mitochondriale par cellule. Cette diminution est
accompagnée par une augmentation générale de la glycolyse d’un facteur 2,5. Ceci signifie que la
levure, bien qu’ayant adapté son mitoprotéome face à la présence d’AOX, fait le choix de la glycolyse
pour assurer sa croissance.