Colloque 318
Colloque Chikungunya à la Réunion, décembre 2007.
Aedes dans ces territoires, le risque d’introduction du virus
a été envisagé, un premier cas importé a été signalé en février
2006. Le plan de surveillance (Programme de surveillance,
d’alerte et de gestion du risque d’émergence du virus Chikun-
gunya dans les départements français d’Amérique) comporte
l’auto-signalement « incitatif » de tous les voyageurs arri-
vant d’une zone à risque ; le signalement précoce par tous
les professionnels de santé des cas suspects ou confirmés ;
l’intervention systématique des services de démoustication
au domicile des voyageurs et des cas ; et enfin la prévention
de la transmission en milieu hospitalier.
Quel risque en métropole ?
L4 Aedes albopictus a été retrouvé dans plusieurs départe-
ments métropolitains, notamment le long de la côte méditer-
ranéenne et en Haute Corse. Alors que chaque année, près
de 300 000 touristes métropolitains se rendent à la Réunion,
la quantification des cas importés de chikungunya est un élé-
ment nécessaire à l’évaluation du risque potentiel de trans-
mission autochtone en métropole.
Le chikungunya est devenue maladie à déclaration obligatoire
à partir de juillet 2006, avec un dispositif de signalement ren-
forcé dans les Alpes-Maritimes, le Var et en Corse ainsi qu’en
Antilles Guyane.
La survenue d’une épidémie de Chikungunya en Italie en
août 2007 a montré l’importance de mettre en place un dis-
positif de surveillance en Europe, et un renforcement de la
lutte antivectorielle.
Les principales leçons tirées de cette épidémie pour la sur-
veillance de telles arboviroses sont :
– l’importance de l’articulation de la surveillance
épidémiologique et entomologique ; c’est une voie dans
laquelle il faut progresser par l’exploitation conjointe des
données pour mieux anticiper sur les risques de développe-
ment épidémique ;
– l’importance d’intégrer en amont les différents réseaux de
professionnels de santé (les médecins généralistes et hospita-
liers, les laboratoires…) dans des plans de surveillance comme
il en existe pour la dengue ;
– les synergies à trouver entre la veille et la recherche notam-
ment en épidémiologie pour renforcer la modélisation et les
analyses prospectives ;
– la nécessité de renforcer la veille internationale, tant au
niveau de l’océan indien que pour l’ensemble des pays où la
présence du vecteur et la fréquence des échanges internatio-
naux constituent un risque justifient les nouvelles mesures
de surveillance.
Références bibliographiques
1. RENAULT P, SOLET JL, SISSOKO D et al. – A major epidemic of
Chikungunya virus infection in Reunion island, France, 2005-2006.
American Jour of Trop Med and Health, in press.
2. INVS – Surveillance active des formes émergentes hospitalières
de chikungunya. La Réunion, avril 2005-mars 2006. Rapport InVS.
Août 2007. (http://www.invs.sante.fr/publications/2007/chik_sur-
veillance_2007/chik_rapport_synthetique.pdf).
3. JOSSERAN L, PAQUET C, ZEGHNOUN A et al. – Chikungunya
disease outbreak, Reunion Island. Emerg Infect Dis, 2006, 12,
1994-1995.
4. LEDRANS M, QUATRESOUS I, RENAULT P & PIERRE V – Outbreak
of chikungunya in the French Territories, 2006: lessons learned.
Euro Surveill, 2007, 12, E070906.3. (http://www.eurosurveillance.
org/ew/2007/070906.asp#3)
Les questions virologiques posées par l’épidémie.
I. Schuffenecker (1), M. Grandadam (2),
I. Iteman (3), A. Michault (4), M.C. Jaffar (5),
S. Brisse (3), H. Tolou (2) & H. Zeller (1)
(1) Centre de référence des arbovirus, Institut Pasteur, IFR 128, Lyon, France.
(2) Unité de virologie tropicale, Institut de médecine tropicale du Service de santé des
Armées, Marseille, France.
(3) Plateforme de génotypage des pathogènes, Institut Pasteur, Paris, France.
(4) Laboratoire de microbiologie, Groupe hospitalier Sud Réunion, Saint-Pierre, France.
(5) Laboratoire de microbiologie, Centre hospitalier Felix-Guyon, Saint-Denis, France.
Introduction
Début 2005, le virus Chikungunya (CHIKV) émergeait
dans les îles de l’OI, à l’origine d’une épidémie majeure qui a
impliqué les Comores, Mayotte, les Seychelles, l’île Maurice,
la Réunion et Madagascar (1, 2). À la Réunion, une des îles
les plus touchées par l’épidémie, près de 40 % de la popula-
tion totale (770 000 habitants) a été affectée. Après 30 ans de
silence épidémique, le CHIKV est également réapparu en Inde
fin 2005, puis s’est propagé au Sri Lanka.
L’épidémie de Chikungunya en OI, comme celle de West
Nile aux États-Unis, nous a surpris par son ampleur et nous
a rappelé que les arbovirus avaient la capacité d’émerger dans
de nouveaux territoires et de causer d’importantes épidémies
au sein de populations non immunes. Par ailleurs, des formes
sévères de la maladie ont été décrites de même que des modes
de transmission inhabituels de la maladie.
Les investigations initiales de terrain et les programmes de
recherche mis en œuvre ont permis de répondre au moins
partiellement à un certain nombre de questions d’ordre viro-
logique. D’autres restent sans réponse…
Les questions virologiques posées par l’épidémie
Origine du virus
Des arguments épidémiologiques suggéraient que l’épidé-
mie en OI faisait suite à deux épisodes épidémiques survenus
au Kenya en 2004. Des études moléculaires conduites sur
145 patients provenant de différentes îles de l’OI (Réunion,
Mayotte, Madagascar, Maurice, Seychelles) ont démontré
l’origine africaine du virus responsable de l’épidémie et son
apparentement aux souches isolées entre 1952 et 2000 en
Afrique de l’Est, du Sud et Centrale (3). D’autres études ont
montré que l’épidémie indienne actuelle était causée par un
virus d’origine africaine – très proche du virus circulant en
OI – à la différence des épidémies précédentes causées par des
virus appartenant au génotype asiatique (2).
Lien entre évolution virale et efficacité de la transmission
L’analyse des séquences des souches virales ayant circulé dans
les îles de l’OI sur une période de 2 ans a montré une grande
stabilité des génomes viraux, probablement en lien avec la
nécessité pour le virus de se multiplier à la fois chez le vec-
teur et l’homme. Cependant, le suivi virologique des patients
réunionnais a permis de mettre en évidence la sélection d’une
mutation A226V dans la protéine d’enveloppe E1 au cours
de l’épidémie (3). Des infections expérimentales conduites
chez des moustiques issus de larves collectées début 2006 en
différents sites de la Réunion ont montré que l’infectivité des
souches V226 était très nettement supérieure à celle observée
pour les souches A226 de début d’épidémie (> 80 % de femel-
les infectées contre 20 à 40 %), suggérant que l’évolution du
virus avait pu contribuer à l’adaptation du virus au moustique
vecteur réunionnais, Aedes albopictus et expliquer en partie
l’ampleur de la transmission (A.-B. FAILLOUX, communi-
cation personnelle). L’analyse des séquences indiennes n’a
pas montré d’évolution similaire, cependant aucune étude
séquentielle n’a été conduite.