1 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) . . 3 1 Quelques propriétés ensemblistes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Applications et champs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 4 Entiers naturels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 9 Opérations, demi-groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12 Ensembles et monoïdes ordonnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15 Ensembles finis, infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Axiome du choix . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25 Ensembles quotients, dénombrements (I) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 2 Structure de groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Situations/Modèles : compositions de permutations . . . . . . . . . . . . . . . . 33 Notion de groupe . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 34 Morphismes de groupes, entiers relatifs . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38 Sous-groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43 Groupes ordonnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 47 3 Anneaux, corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Structure d’anneau et de corps . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 Anneaux intègres . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53 Anneaux et corps ordonnés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 54 Arithmétique de Z . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55 4 Groupes (suite) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Sous-groupes distingués et quotients de groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . 64 Groupes monogènes et cycliques . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 74 Actions de groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 86 Structure du groupe symétrique d’un ensemble fini . . . . . . . . . . . . . . . . 93 5 Constructions de corps (I) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 102 Corps des fractions d’un anneau commutatif intègre . . . . . . . . . . . . . . 102 Nombres rationnels et décimaux . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 104 Nombres réels . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 108 Exponentielles entières, rationnelles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 119 6 Travaux dirigés . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Logique et récurrence . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Limites ensemblistes (L2/L3) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 123 Arithmétique élémentaire, cryptage . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 124 Groupes, anneaux, corps, arithmétique : compléments . . . . . . . . . . . . . 128 L’anneau des entiers de Gauss (L1) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 133 Périodes et orbites : un exemple géométrique (L2) . . . . . . . . . . . . . . . . 136 7 Annexes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Comparaisons puissances/factorielles . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Axiome du choix : complément . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 139 Cardinaux infinis . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 141 Réciprocité quadratique . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 142 Table de Pythagore du groupe S4 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 144 Un groupe simple . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 145 Algorithme d’Euclide-Bezout . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 146 Index 147 3 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Commençons par énoncer quelques "règles du jeu". 1) Toute activité de démonstration repose sur la donnée préalable d’une liste de propriétés admises (axiomes) et d’une liste de termes premiers. Au niveau L1, cette liste est loin d’être minimale, exhaustive et primitive. A ce niveau, le sens des concepts en théorie des ensembles est fondé sur leurs représentations concrètes, mais un excès de confusions entre expérience concrète et modèle mathématique est nuisible aux raisonnements. Cette confusion est fréquente pour les questions de dénombrement par exemple. Plus fondamentalement, il est difficile d’admettre que l’infini est à la fois inaccessible à l’expérience, et nécessaire à la théorie, comme l’ensemble vide, modèle de ce qui n’existe pas, et 0, son cardinal. Autre exemple : les applications. Si l’on dit qu’une application d’un ensemble X dans un ensemble Y est définie par la donnée, pour chaque élément x de X, d’un élément y de Y et un seul, le mot “donnée” peut évoquer un procédé expérimental, ou un procédé théorique non précisé. Mais si une telle “donnée” va de soit, comment faire admettre qu’il se pose un problème d’existence dans le cas particulier d’une “fonction de choix” comme on le verra au § 1-1-6 ? Une première section de ce chapitre, au contenu très partiel, rassemble quelques points à l’origine d’interrogations ou d’erreurs fréquentes au niveau L, en complément du vocabulaire de base supposé connu. Dans ces préacquis, citons les relations et opérations ensemblistes suivantes : inclusion, inclusion stricte, complémentarité, réunion, intersection, produit. Si A est une partie d’un ensemble X, X\A est le complémentaire de A dans X. En particulier, si X et Y sont deux ensembles, l’ensemble X\ (X ∩ Y ) est noté X\Y . P (X) désigne l’ensemble des sous-ensembles d’un ensemble X. P (X) contient toujours la partie vide ∅. Si X n’est pas vide, les parties à un élément de X sont les singletons de X. Deux parties A, B de X réalisent une partition de X si A ∩ B = ∅ et A ∪ B = X. 2) En ce qui concerne le contenu, rappelons que ce livre n’est pas un cours, mais une ressource qui propose une mise en perspective des structures sous-tendues par une ou des problématiques. Pour ce chapitre, les questions sont “Qu’est-ce qu’un nombre entier, un nombre réel ?”, la réponse ne se limite pas à une construction effective, elle traite de l’unicité. Ceci conduit à présenter un minimum de propriétés des structures algébriques élémentaires : groupes, anneaux, corps. D’autre part, la notion de générateur est centrale, pour les groupes comme pour les espaces vectoriels. Pour les groupes, elle trouve ici sa motivation et ses applications dans les propriétés arithmétiques des nombres entiers et des polynômes, ainsi que l’étude des permuta- 4 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) tions des objets d’un ensemble fini. Pour les espaces vectoriels (au chapitre 2), il s’agit des relations entre les propriétés des vecteurs et applications linéaires et les calculs en coordonnées. 3) Enfin, disons un mot de l’ordonnancement des concepts. Pour l’étudiant, la structure d’espace vectoriel est plus familière que celle de groupe pour des raisons telles que son ancrage dans le secondaire, son rôle en géométrie, en mécanique, et pour tous les calculs matriciels. Ici, les groupes précèdent les espaces vectoriels. L’ordre hiérarchique des structures n’est pas le meilleur pour un premier apprentissage, mais il est utile pour organiser les connaissances lors d’une première synthèse et en vue d’un approfondissement que l’on trouvera au chapitre 5. 1.1 Quelques propriétés ensemblistes 1.1.1 Applications et champs Cette section précise quelques idées à propos des applications et des champs, en lien avec la structure d’ensemble produit ou d’ensemble somme. Après le concept d’ensemble, ceux d’application et de champ sont sans doute les plus utilisés dans les enseignements des sciences, à partir du collège, mais il faut bien reconnaitre que la mise en place de la formalisation est plutôt étalée dans le temps. Plus de dix années d’études peuvent séparer les premières manipulations de transformations bijectives et une véritable définition de la dérivée particulaire (qui relève du chapitre 21). 1.1.1.1 Applications On désigne par X et Y deux ensembles non vides. Dans l’ensemble produit X × Y , on s’intéresse aux sous-ensembles de la forme {x} × Y , pour x ∈ X. Définition 1.1 Dans l’ensemble produit X ×Y , pour tout x ∈ X, le sous-ensemble {x}×Y est la fibre au dessus de x. Un graphe fonctionnel sur X × Y est une partie non vide Γ ⊂ X × Y telle que, pour tout x ∈ X, Γ ∩ ({x} × Y ) soit un singleton (x, y). Cet unique élément y ∈ Y , défini par x ∈ X est noté y(x) ou yx , et appelé image ou transformé de x. On dit alors que x est un antécédent de y. Remarque 1.1 Si X ′ est une partie non vide de X, Γ′ = Γ ∩ (X ′ × Y ) est un graphe fonctionnel sur X ′ × Y . Définition 1.2 Une application (ou fonction) est un triplet f = (X, Y, Γ), où X est un ensemble non vide appelé ensemble de définition (ou ensemble source) de f, Y est un ensemble non vide appelé ensemble d’arrivée (ou ensemble but) de f , et Γ un graphe fonctionnel sur X ×Y. On dit que f est une application de X dans Y . Section 1 5 Quelques propriétés ensemblistes Si X ′ est une partie non vide de X, l’application f ′ de X ′ dans Y définie par Γ′ est appelée restriction de f à X ′ ou application induite par f sur X ′ . La notation traditionnelle pour f est f : X →Y x −→ f (x) = yx . et f |X ′ pour f ′ . L’ensemble des éléments de Y qui admettent un antécédent est noté f (X). L’application f définit une application (notée f par abus) de P (X) dans P (Y ) en posant f (∅) = ∅ et, si X ′ est une partie non vide de X, f (X ′ ) est l’ensemble des éléments de Y qui ont un antécédent dans X ′ . Il est commode de noter f −1 (y) l’ensemble (éventuellement vide) des antécédents d’un élément y ∈ Y . Ceci ne suppose pas que f −1 soit une application, cette notation ne doit pas induire en erreur. De même, pour toute partie Y ′ ⊂ Y , l’ensemble f −1 (Y ′ ), réunion des f −1 (y), lorsque y décrit Y ′ est une partie éventuellement vide de X. Définition 1.3 Une application f : X → Y étant donnée, le sous-ensemble f(X) de Y est l’image de f . Avec Y = X, une partie non vide A de X est stable par une application f si f (A) ⊂ A. Si y ∈ Y et Y ′ ⊂ Y , la pré-image de y (resp. de Y ′ ) est l’ensemble f −1 (y) (resp. f −1 (Y ′ )). Définition 1.4 Supposons donnés : des ensembles X, Y, Z, des applications h : X → Z, f : X → Y , g : Y → Z. On dit que h est composée de f et g (dans cet ordre), et l’on écrit h = g ◦ f si h(x) = g (f (x)) pour tout x ∈ X. Observons que la relation h(x) = g (f (x)) ne suffit pas pour caractériser g. La proposition 1-19 apporte des précisions. X f Y → La relation h = g ◦ f est symbolisée par le diagramme ց ↓g . h Z Définition 1.5 Cette représentation est appelée un diagramme commutatif, et l’on dit que l’application g est une factorisation de h à travers f. Définition 1.6 Si X et Y sont deux ensembles non vides, les applications π : X × Y → X définie par π(x, y) = x et π′ : X × Y → Y , définie par π ′ (x, y) = y sont respectivement la première et deuxième projection de X × Y . Une section de π (ou de X ×Y ) est une application s : X → X × Y telle que π ◦s = IX . Une section est donc de la forme s(x) = (x, y(x)), ce qui définit une application de X dans Y . 6 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Inversement, toute application f : X → Y définit une section s par s(x) = (x, f(x)), ce qui revient à considérer le graphe de f . Ainsi, les applications de X dans Y correspondent bijectivement aux sections de π (Cf. Def. 1-9). 1.1.1.2 Familles Supposons donné un ensemble X et un sous-ensemble Y de X. Deux particularités des ensembles sont à souligner. - Aucune répétition n’est acceptable pour la description des éléments de Y . Ecrire Y = {a, x, a, y, ..} n’a pas de sens faute de quoi deux ensembles finis pourraient avoir les mêmes éléments et des cardinaux différents. Par exemple si l’on prend dans X = R2 , les éléments u = x2 + 1, 2 et v = (1, y), au lieu de la paire {u, v} il est plus commode de considérer le couple (u, v) sans mettre à part le cas x = 0, y = 2. - L’ordre des éléments n’intervient pas. Or il n’est pas question de repérer un point par ses coordonnées sans que celles-ci soient énoncées dans un ordre convenu. Pour ces raisons, il et essentiel de distinguer famille et sous-ensemble. Définition 1.7 Une famille d’éléments d’un ensemble non vide X est la donnée d’un ensemble I (les indices) et d’une application (l’indexation) I → X, notée i −→ xi . On écrit cela (xi )i∈I . Une indexation des éléments de X est donc une famille dont l’image est X. X. L’ensemble image d’une famille (xi )i∈I est la partie de X notée {xi }i∈I . Une application f : X −→ Y est identifiable à une famille d’éléments de Y indexée par Il s’agit d’une extension de la notion de produit cartésien de deux ensembles. C’est la raison pour laquelle l’ensemble des applications de X dans Y est noté Y X . 1.1.1.3 Somme ensembliste et champs Le point de vue des sections d’un ensemble produit est en fait celui des “champs”. Disons un mot à ce sujet sans souci de rigueur pour commencer. Des concepts tels qu’un champ de températures dans l’espace ou un champ de vecteurs tangents à une surface ou un champ de forces sur un matériau peuvent être modélisés par des applications qui associent en chaque point la valeur du champ en ce point, sous réserve de préciser un ensemble qui contient toutes les valeurs. Cependant, il peut être indispensable de ne pas oublier le point de départ. Ainsi, l’effort résultant de deux forces opposées appliquées en deux points distincts d’un solide n’est pas dynamiquement équialent à l’absence de force (c’est un couple, comme on le verra au chapitre 24). De plus, le point de vue des sections de produits n’est pas suffisant. Dans la définition 1-1, y(x) appartient à un ensemble Y indépendant de x. L’idée des espaces tangents à une courbe par exemple conduit naturellement à un concept plus général, où y(x) appartient à un ensemble qui dépend de x. L’échappatoire consistant à plonger chaque espace tangent dans un espace fixe plus grand a ses limites. Par exemple en relativité générale, pour les espaces tangents en chaque événement spatio-temporel, ou en géométrie projective, pour les espaces tangents en chaque point projectif. Définition 1.8 Supposons donné un ensemble non vide X et une famille d’ensembles Section 1 7 Quelques propriétés ensemblistes (Yx )x∈X , indexée par X. La réunion x∈X {x}×Yx appelée somme de la famille (Yx )x∈X , est notée x∈X Yx . −1 L’application surjective π : (x) = x∈X Yx → X définie par π (x, y) = x, et π {x} × Yx est la fibre au dessus de x. Une application s : X → x∈X Yx telle que π ◦ s = IX , donc de la forme s(x) = (x, y(x)) est appelée une section de π, ou un champ d’éléments de x∈X Yx . S’il existe un ensemble Y tel que Yx = Y pour tout x, la somme x∈X Yx = x∈X {x} × Y est habituellement identifiée au produit X × Y par une bijection évidente. Les sommes d’ensembles constituent donc une extension des produits. Une distinction apparait pour les projections. Dans un produit X × Y , chacune des deux projections sur X ou sur Y définit une famille de fibres que l’on peut shématiser par des droites horizontales pour l’une et verticales pour l’autre. Dans des situations telles que les courbes et surfaces autres que droites et plans (Chap. 14), les espaces tangents en deux points sont plus visiblement distincts (bien qu’isomorphes). Au chapitre 17, le concept d’ensemble somme apparaitra ainsi pour structurer les espaces tangents, mais aussi pour modéliser l’ensemble des positions d’un milieu continu. Ces exemples expliquent pourquoi la seule projection π autrement dit la “direction verticale” est privilégiée. Hx,yL Hx,yL x x y Pour les espaces tangents, l’importance de ce choix se manifeste par la structure vectorielle des fibres. Choisir de n’additionner deux vecteurs tangents que s’ils appartiennent à la même fibre (deux vecteurs liés de même origine) est cohérent avec la réalité que l’on veut modéliser. 1.1.1.4 Injectivité, surjectivité X, Y sont des ensembles non vides (il est commode de supposer que X possède au moins deux éléments), et f : X → Y une application. Définition 1.9 f est injective si deux éléments distincts de X ont des images distinctes. f est surjective si tout élément de Y admet un antécédent1 , autrement dit f (X) = Y . f est bijective si elle est à la fois injective et surjective. La propriété suivante est équivalente à l’injectivité de f. ∀ (x, x′ ) ∈ X × X, f(x) = f(x′ ) =⇒ x = x′ . Si X ×Y est un ensemble produit, et π : X ×Y → X la projection sur X, on remarquera qu’une section s de π est toujours injective, même lorsque l’application f définie par π ne 1 On dit alors que f est une application de X sur Y . 8 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) l’est pas, car l’égalité s(x) = s(x′ ), composée avec π, donne x = x′ . Plus généralement, ce qui précède montre que toute application inverse à droite d’une surjection est une injection. Exemple 1.1 En associant à toute partie X d’un ensemble non vide E l’application χX : / X, on obtient une E → {0, 1} définie par χX (x) = 1 si x ∈ X et χX (x) = 0 si x ∈ E bijection de P (E) sur {0, 1} , à condition de définir χX comme la fonction constante égale à 0 lorsque X est vide.. Définition 1.10 La fonction χX est appelée fonction caractéristique de X. Exercices X, Y sont des ensembles non vides, et f : X → Y une application. A, B étant des parties de X, et C, D des parties de Y , démontrer les propriétés suivantes. a) (A ⊂ B) =⇒ (f (A) ⊂ f (B)) b) f (A ∪ B) = f (A) ∪ f(B) c) f (A ∩ B) ⊂ f (A) ∪ f (B), donner un exemple où l’inclusion est stricte. Démontrer que f (A ∩ B) = f (A) ∪ f (B) quel que soit (A, B) si et seulement si f est injective. d) f −1 (f(A)) ⊃ A, et f −1 (f (A)) = A pour tout A si et seulement si f est injective. e) (C ⊂ D) =⇒ f −1 (C) ⊂ f −1 (D) f) f −1 (C ∪ D) = f −1 (C) ∪ f −1 (D) g) f −1 (C ∩ D) = f −1 (C) ∩ f −1 (D) h) f f −1 (C) ⊂ C, et f f −1 (C) = C pour tout C si et seulement si f est surjective. Ces exercices élémentaires doivent être maitrisés au niveau L1. A un niveau d’abstraction plus élevé, on s’entrainera à comprendre la démonstration ci-dessous (dûe à Banach). Proposition 1.1 (Théorème de Cantor et Bernstein) Etant donné deux ensembles non vides X et Y , s’il existe une application injective f : X → Y et une application injective g : Y → X, alors il existe une bijection de X sur Y . Démonstration Etape 1. A toute partie A de X, on associe la partie A∗ de X définie par X\A∗ = g (Y \f (A)) . Par exemple, ∅∗ est le complémentaire de g(Y ) dans X. On dit que A est une partie distinguée de X si A ⊂ A∗ , c’est à dire X\A∗ ⊂ X\A, ou encore g (Y \f (A)) ⊂ X\A. Evidemment, la partie vide est distinguée. Etape 2. A et B étant deux parties de X, si A ⊂ B, alors A∗ ⊂ B ∗ . En effet, on a f(A) ⊂ f (B), donc g (Y \f (B)) ⊂ g (Y \f (A)), c’est à dire X\B ∗ ⊂ X\A∗ , et donc A∗ ⊂ B ∗ . Il en résulte que si A est distingué, alors A∗ est distingué. Etape 3. La réunion U des parties distinguées de X est une partie distinguée de X. En effet, pour toute partie distinguée A de X, l’inclusion A ⊂ U donne A∗ ⊂ U ∗ , donc A ⊂ U ∗ , et par suite U ∗ contient la réunion U des parties distinguées de X. Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 9 Etape 4. En fait, on a plus, à savoir U = U ∗ . En effet, U ∗ étant distingué, U ∗ est contenu dans la réunion U des parties distinguées de X. Cette relation U = U ∗ montre que X\U = g (Y \f (U )). On a ainsi une bijection f de U sur f (U ), et une bijection notée par abus g −1 de X\U sur Y \f (U ). Sachant que U et X\U forment une partition de X , et que f (U ) et Y \f (U ) forment une partition de X, on a obtenu une bijection de X sur Y . 1.1.2 Entiers naturels Proposition 1.2 (Axiome de Peano, 1889). Il existe un ensemble non vide noté N, et une application S : N → N qui vérifie les propriétés suivantes. (1) S est injective. (2) Il existe un élément de N, noté 0, tel que 0 ∈ / S (N). (3) Toute partie de N qui contient 0 et qui est stable par S et égale à N (Principe de récurrence)2 . Autrement dit, (A ⊂ N, 0 ∈ A, S(A) ⊂ A) =⇒ A = N. Définition 1.11 Les éléments de N sont appelés entiers naturels (ou entiers s’il n’y a pas d’ambiguité), 0 est appelé zéro, et pour tout entier n, l’entier S(n) est le successeur de n. On note 1 = S(0) et n + 1 = S(n) pour tout entier n. On verra ci-dessous (Prop. 1-7) que l’axiome de Peano définit un ensemble à une bijection près qui respecte l’ordre et l’addition. C’est dans ce sens que l’on doit entendre l’unicité de l’ensemble des entiers naturels. Proposition 1.3 Avec les notations précédentes, S(N) et {0} définissent une partition de N. Démonstration Compte tenu de (2), S(N) ∩ {0} = ∅ et si l’on pose A = S(N) ∪ {0}, on a A ⊂ N donc S (A) ⊂ S (N) ⊂ A, donc A = N par (3). Proposition 1.4 (Deuxième forme du principe de récurrence). Si P(n) est une propriété de l’entier n, vraie pour un entier fixé n0 ≥ 0, et si l’implication (P(n0 ) et P(n0 + 1) et...P(n)) =⇒ P(n + 1) est vérifiée pour tout entier n ≥ n0 , alors P(n) est vraie3 pour tout entier n ≥ n0 . Démonstration 2 Cette dénomination de “principe” est usuelle, mais elle contredit ce qui a été dit dans l’avant-propos. Il ne s’agit évidemment pas d’un principe de modélisation. 3 Cf. § 1-9-1 pour un rappel de quelques règles de logique. 10 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Si n0 = 0, il suffit d’appliquer le principe de récurrence à l’ensemble A des entiers n qui vérifient la propriété Q(n) égale à la conjonction P(0) et P(1) et...P(n). Si n0 > 0, on est ramené au cas précédent pour démontrer la propriété (∀n ∈ N) , (n ≥ n0 =⇒ Q(n)) , sachant que l’implication est vraie pour n = 0, .., n0 − 1. Exemple 1.2 Pour tout entier n ≥ 2, le nombre rationnel un = nk=1 k1 est, sous forme irréductible, le quotient d’un entier impair par un entier pair. 1 En effet, d’une part u2 = 32 , d’autre part si n = 2m + 1 est impair, un = u2m + 2m+1 , enfin si n = 2m est pair, on écrit 1 1 un = um + 1 + 3 + .. + . 2 2m − 1 On applique alors la propriété au rang m et la parenthèse est le quotient d’un entier (pair ou impair) et d’un entier impair. La conclusion pour un s’en déduit facilement. Définition 1.12 La propriété P(n0 ) est l’initialisation, l’implication P(n) =⇒ P(n + 1) pour tout entier n ≥ n0 est appelée l’hérédité. Les raisonnements par récurrence sont nombreux dans ce chapitre. Ils sont rédigés en passant rapidement sur les points les plus évidents. A contrario, les enseignants attendent d’un étudiant débutant une présentation détaillée des deux étapes initialisation (l’exercice ci-dessous en montre l’importance), et hérédité. Au delà du seul cas de la récurrence, disons que pour les étudiants plus avancés, il n’existe pas d’exigence normalisée mais seulement un principe : il faut convaincre le correcteur de sa bonne compréhension et donc sa capacité à entrer dans le détail. Dans le cas d’une répétition, on pourra ne détailler que la première présentation, à condition qu’il s’agisse bien d’une répétition. Il faut signaler également que dans une démarche de découverte, où l’énoncé P(n) n’est pas donné à priori, le travail ne se résuit pas aux seules vérifications initialisation-hérédité. Au préalable, pour conjecturer la propriété, on peut avoir à effectuer un grand nombre d’observations ou vérifications, en général sur ordinateur. Evidemment, conjecturer n’est pas démontrer. Ainsi, la propriété “p2 ne divise pas 2p−1 − 1” est vérifiée pour les entiers premiers p compris entre 2 et 100 000 sauf pour p = 1093 et 3511. Exercice Discuter la validité du raisonnement suivant. Pour tout entier n, 4n+1 + 1 = (3 + 1) 4n + 1 = 3.4n + 4n + 1, donc par récurrence n 4 + 1 est multiple de 3. Remarque 1.2 La formulation de la proposition 1-3 présente un sous-entendu et nécessite une précision. En effet, P doit être ce que l’on appelle un prédicat, c’est à dire que pour tout choix d’un entier n, P(n) est soit vrai soit faux (on dit que P(n) est une assertion). De plus, ce prédicat doit être collectivisant, c’est à dire qu’il existe un ensemble A tel que l’on ait ∀x, (P(x) vrai) ⇐⇒ (x ∈ A) . Or, en théorie des ensembles, un prédicat n’est pas nécessairement collectivisant, par exemple x ∈ / x. La propriété ∀x, (x ∈ / x) ⇐⇒ (x ∈ A) Section 1 11 Quelques propriétés ensemblistes est fausse pour x = A. Définition 1.13 Une suite d’éléments d’un ensemble non vide X est la donnée d’une famille d’éléments de X dont l’ensemble I des indices est contenu dans N. Si la suite est définie sur N et bijective, on dit qu’elle réalise une indexation des éléments de X. Lorsqu’une famille est une suite (fn )n∈N de fonctions définies sur un ensemble X, à valeurs dans un ensemble Y , il convient de bien distinguer la suite (fn ) d’éléments de l’ensemble Y X , et pour chaque élément x ∈ X, la suite (fn (x))n∈N d’éléments de Y . En anticipant évidemment sur la suite, l’exemple suivant illustre ce fait. Exemple 1.3 Pour X = Y = R, et fn (x) = sin nx, la représentation de f1 , f5 et de la liste (fn )1≤n≤10 est la suivante. -3 -2 1.0 1.0 0.5 0.5 -1 1 2 3 -3 -2 -1 1 - 0.5 - 0.5 - 1.0 - 1.0 2 3 Dans cet exemple, la suite (fn ) est bien définie dès que l’on connait la fonction sin dans le corps des nombres réels. Un autre problème est dedémontrer qu’une relation de la forme xn+1 = f (xn ) définit effectivement une suite connaissant x0 , sachant que rien ne prouve en général que l’on soit en mesure de donner une expression de xn en fonction de n. C’est en utilisant des suites de la forme xn+1 = f (xn ) que l’on définira l’addition et la multiplication des entiers dans la section suivante. Le problème est subtil. Il se pose par le fait que le raisonnement suivant est incorrect. Supposons donnée une application f : R → R, et un réel x0 . L’ensemble A des entiers n pour lesquels xn extiste contient 0, et il est stable par S compte tenu de la relation xn+1 = f (xn ), donc A = N d’après le principe de récurrence et la suite (xn ) est définie. Ce raisonnement est incorrect car on ne peut définir un ensemble par lui même (en l’occurence A). Nous allons donner un argument correct. Refermons la parenthèse des anticipations pour revenir à la suite logique de l’exposé. Proposition 1.5 (Principe de récursion) Soit X un ensemble non vide et f : X → X une application. Pour tout a ∈ X, il existe une application ϕ : N → X, autrement dit une suite d’éléments de X, et une seule, telle que ϕ ◦ S = f ◦ ϕ, et ϕ (0) = a. 12 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) La relation ci-dessus s’écrit plus familièrement xn+1 = f (xn ). Définition 1.14 Les suites définies en application de cette proposition sont appelées suites récurrentes. Exemple 1.4 Avec X = N, f = S et a = 0, on voit que ϕ = S (d’ailleurs, S ◦ S = S ◦ S et on applique l’unicité). Ceci fait apparaître les nombres entiers comme termes d’une suite caractérisée par les relations x0 = 0, xn+1 = xn + 1 = S(xn ). Démonstration de la proposition4 . Sous réserve d’existence, l’unicité est immédiate. L’ensemble des entiers pour lesquels deux solutions ϕ et ψ coïncident contient 0, et il est stable par S. Pour définir ϕ, la méthode consiste à définir un graphe d’application (section N → N ×X de la première projection π), répondant aux conditions données. Etape 1 Notons G l’ensemble des parties G de N × X qui vérifient les deux propriétés (1) G contient (0, a) (2) (n, x) ∈ G =⇒ (S(n), f (x)) ∈ G. On remarque que N × X ∈ G donc G est non vide. L’ensemble Γ = G est un élément de G. La vérification est immédiate. G∈G Etape 2 La restriction à Γ de la projection π est surjective. En effet, l’ensemble A = {n ∈ N, ∃x ∈ X, (n, x) ∈ Γ} contient 0 et il est stable par S, en raison de la définition de Γ et par le fait que Γ ∈ G.G. Du principe de récurrence on déduit que A = N. Etape 3 Il s’agit de prouver que la fibre {n} × X de N × X au dessus de tout entier n intersecte Γ en un seul point. Pour cela, on introduit l’ensemble B des entiers n tels que ({n} × X) ∩ Γ soit un singleton. B contient 0 car il existe (0, a) ∈ Γ et si (0, b) ∈ Γ avec b = a, l’ensemble G = Γ\ {(0, b)} appartient encore à G et contient strictement Γ, ce qui contredit la définition de Γ. Si (n, x) ∈ B, alors (S(n), f (x)) ∈ Γ. Si (S(n), y) ∈ Γ avec y = f(x), alors Γ\ (S(n), y) appartient à G, ce qui est contradictoire pour la même raison que précédemment. Finalement, B est stable par S donc B = N. Ainsi, Γ est un graphe, ce qui définit une suite ϕ répondant à la question. 1.1.3 Opérations, demi-groupes Au sens usuel, les opérations concernent des nombres ou des ensembles. Une première extension est d’opérer avec des fonctions. Une autre étape d’abstraction est d’opérer dans n’importe quel ensemble. 4 D’après G. Glaeser, Mathématiques pour l’élève professeur, Ed. Hermann (1971). Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 13 Définition 1.15 - Une opération interne, ou opération, dans un ensemble X est une application ∗ : X × X → X, le transformé d’un couple (x, y) est noté x ∗ y et non ∗ (x, y). On dit que x ∗ y est le composé 5 de x et y. - Une opération interne est associative si 6 ∀ (a, b, c) ∈ X 3 , (a ∗ b) ∗ c = a ∗ (b ∗ c) . - Un élément neutre e est un élément e ∈ X qui vérifie la propriété suivante. ∀a ∈ X, a ∗ e = e ∗ a = a. - Une opération interne est commutative si ∀ (a, b) ∈ X 2 , a ∗ b = b ∗ a. - Un élément c ∈ X est régulier pour l’opération ∗ si ∀ (a, b) ∈ X 2 , (a ∗ c = b ∗ c =⇒ a = b) et (c ∗ a = c ∗ b =⇒ a = b) - Dans le cas où il existe un élément neutre e, un élément c ∈ X est inversible pour l’opération ∗ s’l existe un élément c′ ∈ X (appelé symétrique de c) tel que c ∗ c′ = c′ ∗ c = e. Tout élément inversible est évidemment régulier. - Une opération ⊺ est distributive par raport à une opération ∗ si ∀ (a, b, c) ∈ X 3 , a ⊺ (b ∗ c) = (a ⊺ b) ∗ (a ⊺ c) et (b ∗ c) ⊤a = (b ⊺ a) ∗ (c ⊺ a) . - Un monoïde est un triplet (X, ∗, e) où X est un ensemble non vide, et ∗ une opération interne associative dans X, pour laquelle e est un élément neutre. C’est un monoïde commutatif si, de plus, l’opération ∗ est commutative. - Un demi-groupe (resp. demi-groupe commutatif) est un monoïde (resp. monoïde commutatif) dans lequel tout élément est régulier. Dans un demi-groupe, la régularité signifie que l’on peut “simplifier” les expressions telles que a ∗ c = b ∗ c. Une autre vision est donnée au § 1-2-2-1. Si A, B sont des sous-ensembles d’un ensemble X doté d’une opération interne ∗, il est commode de noter A ∗ B l’ensemble des composés x ∗ y, pour x ∈ A, y ∈ B et A−1 l’ensemble des symétriques des éléments de A (s’il est non vide). Exemple 1.5 Si X est un ensemble non vide, rappelons que l’application composée d’une application f de X dans X, par une application g de X dans X, est définie par (g ◦ f ) (x) = g (f (x)). De même, (f ◦ g) (x) = f (g (x)). L’application identique ou identié, notée IX est définie par IX (x) = x pour tout x ∈ X. Avec ces notations, X X , ◦, IX est un monoïde. Ce monoïde n’est pas commutatif, et il est facile de donner des exemples d’éléments non réguliers. Par exemple avec X = N, et S(n) = n + 1, on peut avoir f ◦ S = g ◦ S sans que f = g si f(0) = (0). Exemple 1.6 Si X est un ensemble, les monoïdes commutatifs (P (X) , ∩, X) et (P (X) , ∪, ∅) sont-ils des demi-groupes ? Exercice 5 Même dans le cas où l’opération ∗ est sans rapport avec une composition d’applications. Evidemment, ce terme d’élément composé est remplacé par somme ou produit dans tous les cas où cela est consacré par l’usage. 6 Observer l’évidence de cette propriété pour la composition des transformations. Par contre, rien ne permet d’étendre cette évidence à toutes les opérations, par exemple l’opération qui associe à deux points du plan le point milieu. 14 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1) S’il existe un élément neutre pour une opération interne dans un ensemble, il est unique. 2) Si, de plus, l’opération est associative, un élément inversible n’a qu’un seul symétrique. Sur N, on croit bien connaitre les opérations d’addition et de multiplication en raison de l’enseignement précoce des techniques opératoires. Mais comment sont-elles définies ? Proposition 1.6 Il existe sur N une opération notée + et une opération notée ., ou ×, ou par un espace, telles que (N, +, 0) et (N\ {0} , ., 1) sont des demi-groupes commutatifs, la deuxième est distributive par rapport à la première. Définition 1.16 L’opération + est l’addition dans N, . est la multiplication (ou produit). Démonstration Etape 1 Pour tout entier n fixé, on applique la proposition 1-1 avec X = N, f = S, a = n. La suite ϕ obtenue vérifie les relations ϕ (0) = n et ϕ (m + 1) = ϕ(m) + 1 pour tout entier m. On écrit ϕ(m) = n + m, et l’on en déduit une opération sur N qui associe au couple (n, m) l’entier n + m. Evidemment, n + 1 = S(n). Les relations ϕ ◦ S = f ◦ ϕ, et ϕ (0) = a prennent donc la forme des identités suivantes n + S(m) = S(n + m) ou n + (m + 1) = (n + m) + 1 (1) n = n+0 De même, pour tout entier n fixé, on applique la proposition 1-1 avec X = N, a = 0, f(m) = m + n. La suite ψ obtenue vérifie les relations ψ (0) = 0 et ψ (m + 1) = ψ (m) + n pour tout entier m. On écrit ψ(m) = n.m, et l’on en déduit une opération sur N qui associe au couple (n, m) l’entier n.m. Les relations ψ ◦ S = f ◦ ψ, et ψ (0) = a prennent donc la forme des identités suivantes n.S(m) = S(n + m) ou n. (m + 1) = n.m + n (2) n.0 = 0 Etape 2 Il s’agit de prouver les identités suivantes, où les entiers m, n, p sont quelconques. a) (m + n) + p = m + (n + p). On procède par récurrence sur p, n et m étant fixés. D’une part (m + 0) + p = m + p et m + (n + 0) = m + n. D’autre part, compte tenu de (1), (m + n)+S(p) = S ((m + n) + p) et m+(n + S(p)) = m + S(n + p) = S (m + (n + p)), il reste à appliquer l’hypothèse de récurrence. b) m + n = n + m. En quatre étapes. E 1. On a n = 0 + n par récurrence sur n. C’est clair pour n = 0. Si n = 0 + n, alors S(n) = S (0 + n) = 0 + S(n) d’après (1). Sachant que n = n + 0, on en déduit que 0 et n commutent, et que 0 est élément neutre additif. E 2. S(0) et n commutent. En effet, n + S(0) = S(n + 0) = S(n) par (1). Ensuite, S(0) + n = S(n) se démontre par récurrence sur n, sachant que S(S (n)) = S (S(0) + n) = S(0) + S(n) à nouveau avec (1). E 3. S(n) + m = S(n + m) se démontre avec n fixé, par récurrence sur m. L’argument principal est le suivant. S(n) + S(m) = S(S (n) + m) = S(S (n + m)) avec (1) S (n + S(m)) = S(S (n + m)) avec (1). Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 15 E 4. m + n = n + m se démontre avec n fixé, par récurrence sur m. Il s’agit de prouver que S(m) + n = n + S(m) à partir de m + n = n + m. On a en effet S(m) + n = S(m + n) par E3 = S (n + m) hypothèse de récurrence = n + S(m) avec (1). Etape 3 Tout élément est régulier. Autement dit, si n + p = m + p, alors m = n. La démonstration procède par récurrence sur p, avec m, n fixés. L’argument est (n + S(p) = m + S(p)) =⇒ (S(n + p) = S(m + p)) avec (1) =⇒ n + p = m + p injectivité de S =⇒ n = m hypothèse de récurrence Etape 4 Propriétés de la multiplication. Le détail est un exercice, par analogie avec ce qui précède. On établira successivement 0.n = n.0 = 0, la commutativité, la distributivité, l’associativité. Corollaire 1.7 Il existe une application et une seule p : N2 → N, telle que, pour tous entiers n et p, p (n, 0) = 1 et p (n, S(p)) = n.p (n, p). En écrivant p (n, p) = np , l’application p possède les propriétés suivantes. (i) (m.n)p = mp .np (ii) np.q = (np )q (iii) np+q = np .nq Il manque évidemment une propriété concernant (m + n)p , on se reportera au § 1-3-2. Définition 1.17 Pour p fixé non nul, l’application partielle p (., p) est la fonction puissance p ième sur N, et pour n fixé non nul, p (n, .) est la fonction exponentielle de base n sur N. Exercice Démontrer le corollaire. Si X est un ensemble non vide, f ∈ X X , et n entier, il est commode de définir f n ∈ X X , par récurrence sur n en posant f 0 = IX et f n+1 = f n ◦ f = f ◦ f n pour n ∈ N. 1.1.4 Ensembles et monoïdes ordonnés 1.1.4.1 Vocabulaire des relations d’ordre Définition 1.18 Une relation sur un ensemble X est une partie R de l’ensemble produit X × X. Si un couple (x, y) appartient à R, on dit que x est relié à y, et il est plus commode de remplacer l’écriture (x, y) ∈ R par xRy. Si x ∈ X et y ∈ X, x et y sont comparables si xRy ou yRx. 16 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Définition 1.19 Une relation d’ordre sur X est une relation que l’on notera plutôt que R, qui vérifie les propriétés suivantes, appelées respectivement réflexivité, antisymétrie, transitivité. O1) ∀x ∈ X, x x. O2) Si x y et y x, alors x = y. O3) Si x y et y z, alors x z. (X, ) est alors un ensemble ordonné. Si tous les éléments de X sont comparables deux à deux, est une relation d’ordre total, et (X, ) est un ensemble totalement ordonné. On peut remplacer x y par y x. D’autre part, x ≺ y signifie x y et x = y. Toute relation d’ordre sur X induit une relation d’ordre sur toute partie X ′ de X, il suffit de considérer sa restriction à X ′ × X ′ . Exemple 1.7 Si X est un ensemble, l’ensemble P (X) des sous-ensembles de X est ordonné par la relation d’inclusion. Définition 1.20 Soit (X, ∗, e) un monoïde muni d’une relation d’ordre . Cette relation d’ordre est compatible avec l’opération ∗ si la propriété suivante est vérifiée. ∀ (x, y, z) ∈ X 3 , (x y) =⇒ On dit alors que X est un monoïde ordonné. x∗z z∗x y∗z . z∗y Dans ces conditions, la propriété suivante s’en suit immédiatement ∀ (x, y, x′ , y′ ) ∈ X 4 , (x y et x′ y ′ ) =⇒ (x ∗ x′ y ∗ y′ ) . Définition 1.21 Dans un ensemble ordonné (X, ), si A est une partie non vide de X, un majorant (resp. un minorant) de A est un élément a de X, comparable à tout élément de A, et tel que x a (resp. a x) pour tout élément x ∈ A. On dira majorant (ou minorant) strict si l’on remplace par ≺. S’il existe un majorant (resp. un minorant) x de A tel que x ∈ A, il est unique (justifier). Définition 1.22 On dit alors que x est le plus grand (resp. le plus petit) élément de A. Définition 1.23 Un bon ordre sur un ensemble X est une relation d’ordre que toute partie non vide de X possède un plus petit élément. On dit alors que (X, ) est un ensemble bien ordonné. sur X telle L’ordre induit sur toute partie bien ordonnée est total (il suffit de prendre une partie à deux éléments). Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 17 Définition 1.24 Dans un ensemble ordonné (X, ), un élément maximal M ∈ X est un plus grand élément de l’ensemble des éléments de X qui lui sont comparables. Cela signifie aussi que s’il existe x ∈ X tel que M x, alors x = M . On définit de même un élément minimal. Un élément maximal s’il existe, n’est pas nécessairement unique. Par exemple dans N, en anticipant sur la sous-section suivante, pour la relation x y si x divise y, 1 est le plus petit élément, il n’existe pas de plus grand élément, et pour la relation induite sur l’ensemble des entiers plus grands que 1, il n’existe pas de plus petit élément, mais les entiers premiers sont des éléments minimaux. L’ensemble M (A) des majorants (resp. l’ensemble m (A) des minorants) de A peut être vide. Dans le cas contraire, on s’intéresse au plus petit élément M de M (A) (resp. au plus grand élément m de m (A)). Définition 1.25 S’il existe, M est appelé la borne supérieure de A, noté sup A. S’il existe, m est appelé la borne inférieure de A, noté inf A. Un ensemble ordonné (X, ) est un treillis ou ensemble réticulé si deux éléments quelconques de X ont une borne supérieure et une borne inférieure. Il importe de distinguer deux cas (en se limitant à M, il est facile de formuler la même discussion pour m). Cas 1 : (sup A) ∈ A. Dans ce cas, sup A est le plus grand élément de A, on l’écrit max A. Cas 2 : (sup A) ∈ / A. Dans ce cas, sup A est un majorant strict de A. Exemple 1.8 Si X est un ensemble, l’ensemble ordonné (P (X) , ⊂) est un treillis, avec sup(A, B) = A ∪ B et inf (A, B) = A ∩ B pour A ∈ P (X), B ∈ P (X). Définition 1.26 Si (X, ), (X ′ , ′ ) sont deux ensembles ordonnés et f : X → X ′ une application, f est une application croissante (resp. strictement croissante) si ∀ (x, y) ∈ X 2 , (x y) =⇒ (f (x) f (y)) 2 resp. ∀ (x, y) ∈ X , (x ≺ y) =⇒ (f (x) ≺ f (y)) . f est une application décroissante (resp. strictement décroissante) si ∀ (x, y) ∈ X 2 , (x y) =⇒ (f (y) f (x)) resp. ∀ (x, y) ∈ X 2 , (x ≺ y) =⇒ (f (y) ≺ f (x)) . Exercices (Les exercices 2 et 3 anticipent sur la suite). Ex. 1 Si (X, ), (X ′ , ′ ) sont deux ensembles totalement ordonnés, une application strictement croissante f : X → X ′ est injective. Ex. 2 A est le sous-ensemble de R défini comme suit. A = {xy, |x| + |y| < 1}. Déterminer sup A. Ex. 3 Si f , g sont des fonctions positives et bornées, définies sur un ensemble X, comparer (inf f ) (inf g) à inf(fg), et (sup f) (sup g) à sup(fg). Indication. Etudier les variations de x cos x sur 12 , 1 . 18 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.1.4.2 Relations d’ordre sur les entiers, division euclidienne Proposition 1.8 (1) Sur N la relation ≤ définie par a ≤ b s’il existe un unique entier c ∈ N tel que b = a+c est une relation de bon ordre (donc d’ordre total), compatible avec l’addition et la multiplication, et 0 est le plus petit élément de N. (2) Pour tout entier n, il n’existe pas d’entier m strictement compris entre n et n + 1. (3) Dans N, toute partie non vide majorée a un plus grand élément. (4) Si (N, S, 0) et (N′ , S ′ , 0′ ) vérifient l’axiome de Peano, alors il existe une bijection θ : N → N′ telle que θ(0) = 0′ , θ(1) = 1′ , θ(n + 1) = n′ +′ 1′ si n′ = θ(n). Définition 1.27 La relation ≤ est appelée l’ordre naturel de N. Dans la propriété (1), l’entier c est appelé différence de b et a, et noté b − a. Démonstration (2) Si n < m < n + 1, alors m = n + a, n + 1 = m + b avec a et b bon nuls, donc n + a + b = n + 1, et a + b = 1, d’où a < 1. On est ramené à examiner l’existence d’un entier a tel que 0 < a < 1. Si a existe, l’ensemble des entiers k tels que 0 < k < 1 possède un plus petit élément m, mais 0 < m < 1 donne 0 < m2 < m, ce qui est contradictoire. (3) Soit A partie non vide de N admettant un majorant M . Pour tout élément a ∈ A, il existe un unique entier x(a) tel que a + x(a) = M . Notons B l’ensemble (non vide) des entiers x(a), pour a ∈ A. B admet un plus petit élément x0 , associé à un élément a0 de A. Vérifier que a0 est le plus grand élément de A revient à prouver que a0 majore A. Or, pour a ∈ A, on a a + x(a) = M = a0 + x0 et x(a) ≥ x0 . S’il existe a ∈ A tel que a > a0 , alors a + x(a) ≥ a0 + x0 , ce qui est contradictoire. (4) Avec (N, S, 0), X = N′ et f = S ′ , le principe de récursion définit une suite θ : N → N′ et une seule, telle que θ ◦ S = S ′ ◦ θ, et θ (0) = 0′ . En inversant les rôles, on a une suite θ′ : N′ → N et une seule, telle que θ ′ ◦ S ′ = S ◦ θ′ , et θ′ (0′ ) = 0. On obtient θ ′ ◦ θ = IN par récurrence, sachant que θ′ ◦ θ ◦ S = θ ′ ◦ S ′ ◦ θ = S ◦ θ′ ◦ θ. De même, θ ◦ θ ′ = IN ′ , ce qui prouve que θ et θ′ sont des bijections réciproques. Corollaire 1.9 1) (propriété d’Archimède pour l’ordre naturel de N) Pour tout entier a et tout entier non nul b, il existe un entier n tel que n b ≥ a. 2) ∀ (a, b) ∈ N × N∗ , ∃1 (q, r) ∈ N × N, a = b q + r et 0 ≤ r < b. Définition 1.28 q est le quotient et r est le reste de la division euclidienne de a par b. On dit que b divise a, ou que a est multiple de b lorsque r = 0. Démonstration 1) Il suffit d’écrire (a + 1) (b − 1) ≥ 0 ce qui donne (a + 1) b ≥ a + 1 > a. 2) L’ensemble X des entiers c tels que c b > a étant non vide, notons c′ le plus petit élément de X. Alors c′ ≥ 1 car c′ b > a, et q = c′ − 1 n’appartient pas à X donc vérifie la relation b q ≤ a < b (q + 1), il suffit donc de poser r = a − b q. Section 1 19 Quelques propriétés ensemblistes L’unicité s’obtient en supposant qu’il existe deux solutions (q, r) et (q ′ , r′ ). Si q = q ′ , alors r = r′ , sinon supposons par exemple q > q ′ , on a alors b q > b q ′ , d’où bq ′ + r′ = bq + r > bq ′ + r donc b q − bq ′ + r ≥ b + r. Il en résulte que b q − b q ′ + r ≥ b, et par suite a = b q + r ≥ b q ′ + b, ce qui est inompatible avec la condition r′ < b. Exercices 1. Dans N, la relation notée x | y si x divise y est une relation d’ordre. 2. Si b est un entier non nul fixé, l’application de N dans N qui associe à un entier a son quotient dans la division par b est croissante. Si a est un entier fixé, l’application de N dans N qui associe à un entier b son quotient dans la division de a par b est décroissante. 3. L’ensemble N ×N est ordonné pour la relation (x, y) l (x′ , y ′ ) ⇐⇒ x < x′ ou ′ x = x et y ≤ y ′ . dite d’ordre lexicographique (comparer avec l’ordre des mots dans un dictionnaire). 4. L’ensemble N ×N est ordonné pour la relation (x, y) p (x′ , y ′ ) ⇐⇒ (x ≤ x′ et y ≤ y′ ) . dite d’ordre produit. 5. N ×N est bien ordonné pour l et non pour p. Soution Ex. 2 a) Soit a = b.q + r, a′ = b.q ′ + r′ avec 0 ≤ r < b et 0 ≤ r′ < b. Si a < a′ , alors b.q ≤ b.q + r < b.q ′ + r′ < b.q ′ + b, donc q < q ′ + 1 et par suite q ≤ q ′ . b) Supposons b < b′ . On a b′ .q ′ ≤ a < b′ .(q ′ + 1) et b.q ≤ a < b.(q + 1), donc b′ .(q + 1) > b.(q + 1) > a ≥ b′ .q ′ donc q ′ < q + 1 et q ′ ≤ q . 1.1.5 Ensembles finis, infinis 1.1.5.1 Ensembles équipotents Définition 1.29 Si n est un entier non nul, on note respectivement [n], [n[, ]n] l’ensemble des entiers p tels que 0 ≤ p ≤ n, 0 ≤ p < n, 0 < p ≤ n. Ces ensembles sont appelés des intervalles de N. En notant n − 1 l’entier défini par S(n − 1) = n, une autre notation est [n] = {0, 1, .., n} [n[ = {0, .., n − 1} ]n] = {1, .., n} On prolonge la notation au cas n = 0 en écrivant [0] = {0}, [0[ = ]0] = ∅. Le résultat suivant, à la base du concept de cardinal d’un ensemble fini, est aussi intéressant pour lui même. 20 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.10 Supposons donnés deux entiers n ≥ 1, m ≥ 1. Alors, - il existe une application injective de [n] dans [m] si et seulement si n ≤ m. - il existe une application surjective de [n] dans [m] si et seulement si m ≤ n. - il existe une application bijective de [n] dans [m] si et seulement si m = n. Démonstration a) Si n ≤ m, alors [n] ⊂ [m] et l’injection canonique donne le résultat. Inversement, soit f : [n] → [m] une application injective. On envisage la propriété P(n) suivante, l’entier m étant fixé. P(n) : S’il existe une application injective de [n] dans [m] , alors n ≤ m. P(0) étant évident, supposons que P(n) est vérifié pour un entier n, et que f : [n + 1] → [m] est une application injective. Le cas m = 0 est donc exclu. Deux cas se présentent. Si f(n + 1) = m, alors la restriction f ′ de f à [n] est une injection de [n] dans [m − 1], donc n ≤ m − 1, soit S(n) = n + 1 ≤ m. Si f(n + 1) < m, en composant à gauche f avec la bijection de [m] dans [m] qui échange f(n + 1) et m, on est ramené au cas précédent. b) Si m ≤ n, alors n = m + p, et toute application f : [n] → [m] dont la restriction à [m] est l’identité est surjective. Inversement, soit f : [n] → [m] une application surjective. A chaque entier p ∈ [m], on associe le plus petit élément de f −1 (p), ceci définit une application injective de [m] dans [n], et par suite m ≤ n. Ce raisonement sera généralisé dans la section suivante. c) Le résultat est une conséquence évidente des deux précédents. Exercice Si n > m, la proposition dit qu’une application de [n] dans [m] est nécessairement non injective. On appelle cela “principe des tiroirs”. Pourquoi ? Définition 1.30 Deux ensembles X et Y sont équipotents s’il existe une bijection de X sur Y. Un ensemble non vide X est fini de cardinal n s’il existe un entier non nul n tel que X soit équipotent à [n[. Un bijection de [n[ sur X est appelée une indexation de X. Un ensemble est infini s’il est non fini. La définition a un sens puisque l’entier n ne dépend alors que de X en raison du résultat précédent. Par convention, on dira que l’ensemble vide est fini, de cardinal 0. Pour un ensemble fini X de cardinal n, l’entier n est aussi appelé le nombre d’éléments de X. On écrit |X| = n. Définition 1.31 Une liste d’éléments d’un ensemble non vide X est la donnée d’une famille d’éléments de X dont l’ensemble I des indices est une partie finie de N. Il ne faut pas confondre une liste avec une famille (xi )i∈I pour laquelle l’ensemble {xi }i∈I est fini, avec I infini.7 7 Le terme “suite finie” peut donc s’avérer ambigü, sauf à décider qu’il est synonyme de liste. Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 21 La recherche du cardinal d’un ensemble fini (dénombrer, compter) est sans doute l’utilisation la plus fréquente des mathématiques au quotidien. Un premier niveau est d’appliquer la définition. Un deuxième niveau est d’appliquer la proposition suivante. D’autres procédés plus élaborés sont décrits aux § 1-1-7 et 1-8 . Proposition 1.11 Si X et Y sont deux ensembles finis, alors (1) X ∪ Y est fini et |X ∪ Y | + |X ∩ Y | = |X| + |Y |. (2) X × Y est fini, et |X × Y | = |X| . |Y |. |X| (3) L’ensemble Y X des applications de X dans Y est fini, et Y X = |Y | (on suppose ici X et Y non vides). En particulier, |P (X)| = 2|X| . Démonstration 1) Supposons que X et Y sont disjoints. Si f : X → [n[ et g : Y → [m[ sont des bijections, alors l’application h : X ∪ Y → [n + m[ définie par h(x) = f(x) si x ∈ X, et h(y) = n + g(y) si y ∈ Y est bijective. Cette additivité des cardinaux s’étend évidemment à une liste d’ensembles finis disjoints deux à deux. Si X ∩ Y = ∅, alors X\Y , Y \X et X ∩ Y définissent une partition de X ∪ Y , de sorte que |X ∪ Y | = |X ∩ Y | + |X\Y | + |Y \X|. D’autre part, |X| = |X\Y | + |X ∩ Y | et |Y | = |Y \X| + |X ∩ Y |. 2) Soit n = |X|, et m = |Y |. On raisonne par récurrence sur m, pour n fixé. Si Y = ∅, alors X × Y = ∅ et la relation s’écrit 0 = 0. Supposons la relation vérifiée pour Y de cardinal au plus égal à m, et prenons Y ′ de cardinal m + 1. Alors, pour un choix d’un élément a ∈ Y ′ , X × {a} et X × (Y ′ \ {a}) définissent une partition de X × Y ′ , ce qui donne |X × Y ′ | = |X × {a}| + |X × (Y ′ \ {a})| = n + n.m = n. (m + 1) . 3) Le résultat précédent montre que |Y × Y | = |Y |2 , ce qui s’étend par récurrence à |Y n | = |Y |n pour tout entier n > 2, en posant Y n = Y × Y n−1 . De plus, les applications f : X → Y correspondent bijectivement aux listes d’éléments de Y indexées par |X|, et les parties de X à leur fonction caractéristique (Def. 1-10). Exercice Autre démonstration de la propriété (3). On associe à toute application f de [n] dans [m] l’entier f (0) + mf (1) + .. + m(n−1) f (n − 1) . Démontrer que cela définit une bijection de [m][n] sur [mn ]. Proposition 1.12 (1) S’il exite une injection f d’un ensemble X dans un ensemble Y , et si Y est fini, alors X est fini et |X| ≤ |Y |. Si |X| = |Y |, alors f est bijective. Toute partie d’un ensemble fini est finie, tout ensemble admettant une partie infinie est infini. (2) S’il exite une surjection g d’un ensemble X dans un ensemble Y , et si X est fini, alors Y est fini et |Y | ≤ |X|. Si |X| = |Y |, alors g est bijective. Démonstration 22 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) (1-1) En composant à gauche avec une indexation de Y , on est ramené au cas d’une injection f : X → [n[, où n = |Y |. L’ensemble f(X) est une partie de [n[, en bijection avec X. Tout revient donc à démontrer la propriété suivante pour tout entier n ≥ 1. P(n) : Toute partie A ⊂ [n[ est finie, de cardinal |A| ≤ n. C’est évident pour n = 1. Supposons P(n) vraie pour un entier n ≥ 1, et prenons une partie A de [n + 1[. Deux cas se présentent. Si n ∈ / A, alors A ⊂ [n[, donc A est finie de cardinal majoré par n donc par n + 1. Si n ∈ A, on peut écrire A = {n} ∪ B avec B ⊂ [n[, donc B est finie de cardinal p ≤ n, et il existe une bijection f ′ de B sur [p[. L’application f ′′ : A → [p + 1[ définie par f ′′ (x) = f ′ (x) si x ∈ B, et f ′′ (n) = p est une bijection, donc A est finie, de cardinal |A| ≤ p + 1 ≤ n + 1. (1-2) On doit maintenant prouver que toute injection f de [n[ dans [n[ est surjective. C’est évident si n = 1. On suppose donc n ≥ 2. Dans le cas contraire, il existe un élément p ∈ [n[, sans antécédents. On définit alors une application f ′ : [n[ → [n − 1[ en posant f (x) si f(x) < p f (x) − 1 si f(x) > p. On a obtenu une injection d’un ensemble de cardinal n dans un ensemble de cardinal n − 1, ce qui contredit 1-1. f ′ (x) = (2) En associant à chaque élément y ∈ Y le plus petit élément de l’ensemble g −1 (y), on définit une application injective de Y dans X, et le (1) donne la conclusion. Corollaire 1.13 Si X, Y sont des ensembles finis de même cardinal, et f : X → Y une application, les propriétés suivantes sont équivalentes (i) f est injective (ii) f est surjective (iii) f est bijective Il en résulte qu’un ensemble fini X n’est équipotent à aucun sous-ensemble strict de X. C’est une conséquence évidente de la proposition. Définition 1.32 Un ensemble est dénombrable s’il fini ou s’il est équipotent à N. Dans le deuxième cas, on dit que X est infini dénombrable. Le sens de cette définition repose sur le corollaire suivant. Corollaire 1.14 1) Si deux ensembles sont équipotents et si l’un est infini, l’autre est infini. 2) L’ensemble N est infini. 3) Toute partie infinie A de N est dénombrable. Démonstration 1) D’après la proposition, un ensemble équipotent à un ensemble fini est fini, d’où le résultat. 2) L’application S est injective non surjective (axiome de Peano). Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 23 3) On définit par récurrence une application f : N → A. f(0) = a0 est le plus petit élément de A et, si n ≥ 1, f(n) = an est le plus petit élément de l’ensemble non vide A\ {a0 , .., an−1 }. Il reste à prouver que f est une bijection. f est strictement croissante donc injective. Démontrer la surjectivité par l’absurde. Remarque 1.3 Ce résultat permet d’alléger la démonstration si l’on veut prouver qu’un ensemble infini X est dénombrable. En suivant la définition, il faudrait prouver que X est équipotent à N. En fait, il suffit de prouver qu’il existe une injection de X dans N (X étant supposé infini). L’image de X étant équipotente à X est une partie infinie de N, donc dénombrable, et par suite X est dénombrable. Exercices 1. Démontrer que l’ensemble 2N des entiers pairs et l’ensemble 2N + 1 des entiers impairs sont dénombrables. 2. Démontrer que N2 est dénombrable, par exemple à l’aide de l’application f : N2 → N définie par f (m, n) = n + (1 + 2 + .. + (m + n)). Justifier que l’énumération f −1 des éléments de N2 s’appelle le procédé diagonal en examinant les restrictions de f aux sous-ensembles m + m = k. Proposition 1.15 La réunion d’une famille dénombrable d’ensembles dénombrables est dénombrable. Démonstration (utilise les exercices 2 et 3 ci-dessus). On suppose que pour tout entier n, An est un ensemble et qu’il existe une bijection fn : N → An . An définie par g (m, n) = fn (m) est surjecAlors, l’application g : N2 → A = n tive donc inversible à droite, de sorte que A est en bijection avec une partie d’un ensemble dénombrable. Cette démonstration ne s’applique pas à tous les cas. Compléter est un exercice. Remarquons que l’ensemble S (N) des suites d’entiers est non dénombrable. Pour cela, on démontre qu’il n’existe pas de surjection s : N → S (N). En notant sn au lieu de s(n), on vérifie que la suite u définie par un = sn (n) + 1 n’appartient pas à s (N). En effet, dans le cas contraire on aurait u = sn0 pour un entier convenable, et donc un0 = sn0 (n0 ) = sn0 (n0 ) + 1. 1.1.5.2 Bases de numération Un entier b > 1 étant donné, l’idée est de choisir un symbole (un chiffre) pour chacun des éléments 0, S(0),...,S b−1 (0) de l’ensemble [b[ et d’écrire tout entier à l’aide de ces seuls chiffres. Quel que soit le choix de b, on conserve la notation 1 pour S(0). La numération décimale consiste à partir des chiffres 0, 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9. En numération binaire, b = S(1), les chiffres sont 0 et 1. Les résultats précédents sur les ensembles finis permettent de prolonger les propriétés de la division des entiers. 24 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.16 Soit b > 1 un entier fixé. (1) Pour tout entier non nul k, [b[k étant muni de l’ordre lexicographique, l’application fk : [b[k → bk = 0, 1, .., bk − 1 k−1 (a0 , .., ak−1 ) −→ ai bk−i−1 = a0 bk−1 + .. + ak−2 b + ak−1 i=0 est une bijection croissante d’ensembles totalement ordonnés. (2) Pour tout entier non nul n, il existe un plus petit entier non nul k tel que n ∈ bk , et pour ce choix de k, a0 = 0. De plus, pour l = 1, .., k − 1, la division euclidienne de n par bl s’écrit n = a0 bk−1−l + .. + ak−1−l .bl + ak−l bl−1 + .. + ak−1 . Définition 1.33 Avec ces données, l’écriture n = a0 bk−1 + .. + ak−2 b + ak−1 est appelée développement de n en base b, et symbolisée par n = a0 ...ak−1 b ou simplement n = a0 ...ak−1 . Démonstration 1) Si k = 1, f1 : [b[ → [b[ est l’application identique. Si k = 2, on vérifiera facilement que f2 est une application strictement croissante. Il en résulte que fk est strictement croissante pour tout entier k ≥ 2 par récurrence sur k. Supposons en effet la propriété vérifiée au rang k ≥ 2. L’application de [b[k+1 dans [b[k ×[b[ qui associe à la liste a = (a0 , .., ak−1 , ak ) le couple ((a0 , .., ak−1 ) , ak ) est une bijection croissante (donc strictement croissante), et l’on a k ai bk−i = b.fk (a0 , .., ak−1 ) + ak . fk+1 (a) = i=0 Il s’agit d’abord de prouver que fk+1 [b[k+1 ⊂ bk+1 . Sachant que fk (a0 , .., ak−1 ) ≤ bk − 1 et ak ≤ b − 1, on a fk+1 (a) ≤ b. bk − 1 + b − 1 = bk+1 − 1. On démontre ensuite que fk+1 est strictement croissante. Si a < a′ , alors (a0 , .., ak−1 ) = a′0 , .., a′k−1 et ak < a′k ou (a0 , .., ak−1 ) < a′0 , .., a′k−1 par définition de l’ordre lexicographique sur [b[k+1 . Dans le premier cas, l’inégalité fk+1 (a) < fk+1 (a′ ) est évidente. Dans le deuxième cas, l’hypothèse de récurrence donne fk (a0 , .., ak−1 ) < fk a′0 , .., a′k−1 , donc fk+1 (a) < bfk (a0 , .., ak−1 ) + b ≤ bfk (a0 , .., ak−1 ) < bfk a′0 , .., a′k−1 ≤ fk+1 (a′ ) . Pour tout entier k ≥ 1, fk est donc injective. De plus, [b[k = bk , de sorte que fk est bijective. 2) Il suffit de prouver par récurrence sur n ≥ 1 que n < bn . Outre le fait que 1 < b, ceci Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 25 résulte des inégalités (n < bn ) =⇒ n + 1 ≤ bn < b.bn . Si a0 = 0, on a a < b , ce qui est contradictoire. Pour le reste de la division euclidienne de n par bl , le seul point à vérifier est l’inégalité ak−l bl−1 + .. + ak−1 < bl . Or, ak−l bl−1 + .. + ak−1 ≤ (b − 1) bl−1 + .. + 1 = b − 1 < b. k−1 Exercice x,y,z sont des entiers naturels. On suppose que y s’écrit 131 en base x, et que z s’écrit 101 en base x. 1) Montrer que l’on peut, sans connaitre x, exprime le produit x.y.z en base x. 2) Si x + y + z = 50 (en base dix), déterminer x et x.y.z dans le système décimal. Solution 1) En base x, x.y.z = 131.101.10 = 132310 (poser la multiplication). De plus, x est au moins égal à quatre. 2) Le système x+y +z = 50, y = 1+3.x+x2 , z = 1+x2 donne x = 4, d’où x.y.z = 1972 (C’est l’année du baccalauréat où cet exercice a été posé, dans l’Académie de Lyon). 1.1.6 Axiome du choix 1.1.6.1 Définitions complémentaires Définition 1.34 Dans un ensemble ordonné (X, ), soit I une partie non vide de X. I est un segment initial de X si pour tout x ∈ I et tout élément y ∈ X comparable à x tel que y ≺ x, on a y ∈ I. Autrement dit, ∀x ∈ I, {y ∈ X | y ≺ x} ⊂ I. Exemple 1.9 Dans N ×N, si n0 et n1 sont des entiers donnés, I = {0} × {0, .., n0 } est un segment initial pour l , et J = {0, .., n0 } × {0, .., n1 } est un segment initial pour p . Définition 1.35 Dans un ensemble ordonné (X, ), si C est une partie non vide de X, totalement ordonnée pour l’ordre induit, on dit que C est une chaîne dans X. Dans un ensemble bien ordonné X, la propriété définissant un segment initial I peut être complétée comme suit lorsque I = X. ∃x ∈ X, {y ∈ X | y ≺ x} = I. En effet, l’inclusion {y ∈ X | y ≺ x} ⊂ I est vérifiée pour tout x ∈ I. D’autre part, le complémentaire de I dans X est non vide et un élément de ce complémentaire majore strictement tous les éléments de I. 26 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Le plus petit élément de l’ensemble des majorants stricts de I répond à la question. Définition 1.36 Un ensemble ordonné (X, ) est inductif si toute chaîne possède un majorant. (X, ) est strictement inductif si toute chaîne possède une borne supérieure. 1.1.6.2 Fonctions de choix Choisir un élément dans chaque sous-ensemble d’un ensemble c’est définir une fonction. La question ne se pose réellement que pour un ensemble formé d’une infinité de parties. Dans certains cas, la définition d’une telle fonction peut résulter d’une propriété antérieurement établie. Par exemple pour un ensemble X de parties de N, le choix du plus petit élément dans chacune de ces parties définit une fonction de X dans N. Par contre, dans le cas général, la proposition suivante, qui donne plusieurs formes équivalentes à la question, montre que l’existence d’un tel choix n’est pas évidente. En fait, malgré son aspect “naturel”, il se trouve que l’existence d’une fonction de choix sur tout ensemble n’est pas une conséquence des axiomes de la théorie des ensembles usuelle (appelés axiomes de Zermelo et Fraenkel, non explicités ici). Il se trouve que la négation n’est pas non plus démontrable (Cohen, 1963). Définition 1.37 Pour un ensemble non vide X, une fonction de choix sur X est une application ϕ de l’ensemble A = P (X) \ {∅} dans X, telle que ϕ(Y ) ∈ Y pour tout Y ∈ A. Proposition 1.17 Les propriétés suivantes sont équivalentes (supposer qu’elles sont vraies est un axiome). 1) Sur tout ensemble non vide X, il existe une fonction de choix. 2) Soit (X, ) un ensemble non vide ordonné tel que toute partie non vide B totalement ordonnée de X possède une borne supérieure sup B. Alors X possède un élément maximal. 3) Soit (X, ) un ensemble ordonné. La famille des parties de X totalement ordonnées contient un élément maximal. 4) (Zorn) Soit (X, ) un ensemble non vide ordonné tel que toute partie non vide B totalement ordonnée de X possède un majorant (X est inductif). Alors X possède un élément maximal. 5) (Zermelo) Tout ensemble non vide peut être muni d’un bon ordre. Démonstration La preuve utilise la propriété suivante, dont la démonstration est élémentaire mais un peu laborieuse (on en trouvera la démonstration en annexe). Soit (X, ) un ensemble ordonné tel que toute partie non vide B totalement ordonnée de X possède une borne supérieure sup B. Soit f : X → X une application telle que f (x) x pour tout x ∈ X. Alors, il existe a ∈ X tel que f (a) = a. A partir de cette propriété, démontrons la proposition. Section 1 Quelques propriétés ensemblistes 27 De (1) à (2). On définit une application f de X dans X à l’aide de l’application ψ : X → P (X) définie par ψ (x) = {y ∈ X, y ≻ x} et d’une fonction de choix ϕ sur X, en posant f (x) = x si ψ (x) = ∅, et f (x) = ϕ (ψ (x)) sinon. Alors, f (x) x pour tout x ∈ X, et la propriété préliminaire montre qu’il existe effectivement un élément a ∈ X tel que f(a) = a, donc ψ (a) = ∅, et a est un élément maximal de X. De (2) à (3). Il suffit d’appliquer (2) à la famille des parties de X totalement ordonnées, dans l’ensemble ordonné (P (X) , ⊂). De (3) à (4). Soit (X, ) un ensemble ordonné tel que toute partie non vide B totalement ordonnée de X possède un majorant. Sachant qu’il existe une partie totalement ordonnée maximale B0 , notons a un majorant de B0 . Si x ∈ X et x a, alors B0 ∪ {x} est totalement ordonné donc x ∈ B0 , et par suite a x, donc x = a. De (4) à (5). X est un ensemble non vide. On désigne par A = {Ai , i ∈ I} la famille des parties Ai de X qui peuvent être bien ordonnées par une relation d’ordre i . Il existe de tels sous-ensembles, par exemple les singletons de X. On vérifie facilement que A est un ensemble ordonné par la relation ainsi définie. Ai ⊃ Aj Ai Aj ⇐⇒ (y ∈ Ai \Aj et x ∈ Aj ) =⇒ (y i x) ((x, y) ∈ Aj × Aj et y j x) =⇒ (y i x) . On note B = {Aj , j ∈ J} une sous-famille de A totalement ordonnée pour la relation . Il s’agit de prouver que B possède un majorant dans A. Pour cela, on envisage l’ensemble Aj . B= j∈J Alors, B ∈ A. En effet, si x et y sont deux éléments de B, appartenant respectivement à Ai et Aj , on a Ai ⊂ Aj ou Aj ⊂ Ai , autrement dit il existe k ∈ I tel que Ak contient x et y, et la relation x ≥ y si x k y est une relation de bon ordre sur B. D’autre part, B majore visiblement tous les éléments de B. Par hypothèse, A possède un élément maximal (A0 , 0 ). Il reste à vérifier que A0 = X. Dans le cas contraire, il existe a ∈ X\A0 , et l’ensemble A0 ∪ {a} est bien ordonné par la relation qui prolonge 0 en posant x a pour tout x ∈ A0 . Ceci contredit la maximalité de A0 . De (5) à (1). Une fonction de choix est obtenue en prenant le plus petit élément dans chaque partie non vide. Corollaire 1.18 Dans un ensemble ordonné inductif non vide (X, ), s’il existe un élément maximal unique, alors c’est un (donc le) plus grand élément. En effet, soit x ∈ X, l’ensemble des éléments comparables à x admet un plus grand élément M. Pour la même raison, y M pour tout y ∈ X, ce qu’il fallait vérifier. La propriété (1) de la proposition qui suit est une application élémentaire de l’axiome du choix. 28 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.19 1) Si f est surjective, alors f est inversible à droite. 2) Si f est inversible à droite, alors f est surjective. 3) Si f est injective, alors f est inversible à gauche. 4) Si f est inversible à gauche, alors f est injective. 5) Si f est bijective, f admet une application inverse (dite réciproque de f, notée f −1 ), unique. 6) Si f admet une application inverse, alors f est bijective.8 Démonstration 1) En effet, pour tout y ∈ Y , l’ensemble des antécédents de y étant non vide, on peut choisir un élément de cet ensemble, ce qui détermine une application g : Y → X telle que f(g(y)) = y. 2) Supposons qu’il existe une application g : Y → X telle que f ◦ g = IY . Tout élément y ∈ Y s’écrit donc y = f (g(y)), ce qui prouve que y admet au moins un antécédent par f . 3) Définissons une application h : Y → X en prenant h(y) égal à l’unique antécédent de y par f si y ∈ f(X) et h(y) choisi quelconque dans X sinon. Alors, pour tout x ∈ X, h(f(x)) = x, donc h ◦ f = IX . 4) C’est immédiat, si x et y sont deux éléments de X tels que f(x) = f (y), et h un inverse à gauche de f , alors x = h(f (x)) = h(f (y)) = y. 5) Ces démonstrations montrent que pour une application, un inverse à droite ou à gauche n’a aucune raison d’être unique en général. Par contre, si f est bijective, un inverse à droite et un inverse à gauche sont égaux, et il n’y en a qu’un seul. Avec les notations précédentes, la démonstration de l’égalité est la suivante. h = h ◦ IY = h ◦ (f ◦ g) = (h ◦ f ) ◦ g = IX ◦ g = g. Nous verrons dans la suite des applications plus profondes de l’axiome du choix. 1) Tout espace vectoriel non nul sur un corps commutatif K admet une base (Prop. 1- ). 2) Sur un espace vectoriel normé de dimension infinie, il existe des formes linéaires continues non nulles (Prop. 9- ). 3) Si U est un ouvert de R × Rn , et f ∈ C 1 (U, Rn ), pour toute donnée de Cauchy (t0 , x0 ) ∈ U, l’ensemble S des solutions du problème de Cauchy x′ = f(t, x), x(t0 ) = x0 possède un plus grand élément (Prop. 15-). 4) Pour la mesure de Lebesgue sur R, il existe un ensemble non mesurable (Prop. 20- ). Remarque 1.4 L’existence d’ensembles non mesurables au sens de la mesure de Lebesgue conduit au paradoxe de Banach-Hausdorf-Tarski (§ 20- ). Ce paradoxe est si surprenant qu’il conduit une partie des mathématiciens à refuser l’axiome du choix. Une autre raison de ce refus a trait au statut de “l’existence” d’un objet mathématique. Mais ce point est discutable. Si l’on ne sait pas construire effectivement un objet existant, par un raisonnement ou un algorithme fini, peut-on affirmer que nul n’y parviendra jamais ? 1.1.7 Ensembles quotients, dénombrements (I) D’un point de vue purement ensembliste, on regroupe ici quelques éléments relatifs aux quotients d’ensembles, classés par ordre d’abstraction croissante. 8 Toute injection de X dans Y est une bijection de X dans f (X). Section 1 29 Quelques propriétés ensemblistes 1.1.7.1 Idée 1 : classes d’équivalence. Si les vis d’un atelier sont rangées dans des boites, regroupées par la longueur et le diamètre sous la tête, l’ensemble quotient est l’ensemble des boites. A l’occasion d’une "preuve par 9", ou du calcul de l’heure d’arrivée d’un voyage (sans changement de fuseau horaire), des opérations telles que 8 + 3 = 2 ou 9 + 7 = 4 sont familières. Il s’agit de remplacer chaque entier utilisé par son reste dans la division par 9 ou par 12 respectivement. Plus généralement, réaliser une partition d’un ensemble (fini ou non) selon un critère d’équivalence donné, c’est "oublier" les objets pour ne plus regarder que les classes d’objets ainsi regroupés. Définition 1.38 Si X est un ensemble non vide, une partition de X est la donnée d’une famille A = (Ai )i∈I de sous-ensembles non vides de X, indexée par un ensemble non vide I, deux à deux disjoints (Ai ∩ Aj = ∅ si i = j), et dont la réunion Ai est X. i∈I Pour tout élément x ∈ X, il existe donc un indice i0 tel que x ∈ Ai0 . Définition 1.39 Deux éléments x, x′ de X sont équivalents s’il existe i ∈ I tel que x et y appartiennent au même ensemble Ai , qui est appelé la classe d’équivalence de chacun de ses éléments. On note x la classe d’équivalence de x et l’ensemble des classes d’équivalences sera noté X. L’application surjective π : X → X définie par π(x) = x est la surjection canonique. Chaque Ai est donc vu soit comme sous-ensemble de X, soit comme élément de X. Exercice 1) A une partition donnée A sur un ensemble X est associée une relation R sur cet ensemble, définie par xRy si x et y appartiennent à un même élément Ai de A. Démontrer les propriétés suivantes, où x, y, z sont des éléments quelconques de X. i) xRx (la relation est réflexive). ii) Si xRy alors yRx (la relation est symétrique). iii) Si xRy et yRz alors xRz (la relation est transitive). Une relation vérifiant ces trois propriétés est appelée relation d’équivalence sur X. 2) Inversement, prouver qu’une relation d’équivalence R sur un ensemble non vide définit une partition dont la relation d’équivalence associée est R. 1.1.7.2 Idée 2 : quotienter une application Reprenons l’exemple des vis. X est l’ensemble des vis, X est l’ensemble des boites. Le prix de chaque vis est une application f de X dans R. Pour définir f, il est clair qu’il suffit d’attribuer un prix à chaque boite. Non pas le prix de la boite, mais le prix unitaire des vis qu’elle contient. Définition 1.40 X, Y sont des ensembles non vides, f : X → Y est une application. On suppose donnée une partition de X, ou une relation d’équivalence R sur X. L’application f est compatible avec cette partition (ou cette relation d’équivalence) si elle est constante sur chaque classe d’équivalence (f(x) = f(x′ ) si x et x′ sont équivalents). 30 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.20 Avec les données de cette définition, il existe une application f : X → Y telle que f = f ◦ π, et une seule (c’est une factorisation de f à travers π). Démontrer cette propriété. Définition 1.41 On dit que l’application f est déduite de f par passage au quotient modulo R. X π → X ց ↓ f f Y Corollaire 1.21 X, Y sont des ensembles non vides, f : X → Y est une application. f est compatible avec la relation R définie par x R x′ si f (x) = f (x′ ), et le passage au quotient définit une application bijective, notée par abus f : X → f (X). C’est une conséquence évidente de la proposition, f étant injective par définition de R. On a donc le diagramme commutatif suivant, où i est l’injection canonique. X π → X f↓ ↓ f Y ←− f (X) i Corollaire 1.22 (Principe des bergers) X, Y étant des ensembles finis, si f : X → Y est une application surjective, et si les ensembles f −1 (y), y ∈ Y ont même cardinal p ≥ 1, alors |X| = p. |Y |. On regroupe ici par commodité quelques formules usuelles de dénombrement. L’aspect modélisation sera complété au § 1-8 . Proposition 1.23 (1) X et Y sont deux ensembles finis de cardinaux respectifs p et n, avec 1 ≤ p ≤ n. Le cardinal de l’ensemble I (X, Y ) des injections de X dans Y est n! Apn = = n(n − 1)..(n − p + 1). (n − p)! En particulier, Ann = n! (les injections sont alors des bijections). (2) Le cardinal de l’ensemble des sous-ensembles à p éléments de Y , avec p ≤ n, noté p n n! Cnp ou , est Ap!n = p! (n−p)! . p (3) L’ensemble P (Y ) est fini de cardinal 2n . Ces formules sont prolongées en posant 0! = 1, A0n = 1, Cn0 = 1 pour n ≥ 0. Section 1 31 Quelques propriétés ensemblistes Lorsque X = ]p], les éléments de I (X, Y ) sont aussi appelés arrangements à p éléments de Y , les sous-ensembles à p éléments de Y sont des combinaisons à p éléments de Y . Démonstration (1) Y et n étant fixés, on démontre par récurrence sur p la propriété suivante : Le cardinal de l’ensemble I (X, Y ) des injections d’un ensemble X de cardinal p ≥ 1 dans Y est Apn . L’initialisation est évidente. Supposons la propriété vérifiée au rang p ≥ 1. Supposons fixé un élément a ∈ X, et notons X ′ = X\ {a}. En associant à chaque injection f ∈ I (X, Y ) sa restriction f ′ à X ′ , on définit une surjection ϕ : I (X, Y ) → I (X ′ , Y ). Pour tout f ′ ∈ I (X ′ , Y ), ϕ−1 (f ′ ) est en bijection avec le sous-ensemble Y \f ′ (X ′ ) des images possibles de a par f , donc ϕ−1 (f ′ ) = n − p. Il résulte du corollaire précédent que |I (X, Y )| = (n − p) |I (X ′ , Y )| = (n − p) Apn = Ap+1 n . (2) Soit Pp (Y ) l’ensemble des sous-ensembles à p éléments de Y . L’application ϕ : I (]p] , Y ) → Pp (Y ) définie par ϕ (f ) = f (]p]) est surjective, en passant au quotient pour la relation f R f ′ si ϕ (f) = ϕ (f ′ ), on a une bijection. D’autre part, les classes f ont toutes même cardinal, égal à p!, donc (p!) . |Pp (Y )| = Apn . Pour (3) il suffit de compter les fonctions caractéristiques. Corollaire 1.24 Si n et p sont deux entiers pour lesquels chaque expression ci-dessous a un sens, on a 1) Cnp = Cnn−p . p+1 = Cnp+1 + Cnp . 2) Cn+1 n 3) p=0 Cnp = 2n . Démonstration 1) et 2) Chacune de ces deux relations peut être vérifiée par le calcul, indépendemment de toute interprétation en termes de dénombrements. Pour la première, on peut dire aussi que dans un ensemble à n éléments, l’ensemble des sous-ensembles à p éléments et l’ensemble des sous-ensembles à (n − p) éléments sont équipotents, par la bijection qui associe à chaque partie son complémentaire. Pour la seconde, on prend un ensemble X à n + 1 éléments, on fixe un élément a ∈ X. L’ensemble des parties à (p + 1) éléments de X contenant a et l’ensemble des parties à (p + 1) éléments de X qui ne contiennent pas a définissent une partition de Pp (X) qui fournit la relation nnoncée. 3) provient des propriétés (2) et (3) de la proposition. Les nombres Cnp , jusqu’à un ordre choisi, peuvent être rangés sous forme de tableau triangulaire appelé Triangle de Pascal, dont la construction utilise la propriété (2) du corollaire. p=0 1 2 3 n=0 1 1 1 1 2 1 2 1 3 1 3 3 1 4 1 4 6 4 4 Cnp Cnp+1 p+1 Cn+1 1 32 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.1.7.3 Idée 3 : une propriété universelle Une partition d’un ensemble définit un ensemble de classes X, qui possède une propriété : la factorisation des applications constantes sur les classes. Tout cela est si naturel que l’on peut douter de la nécessité d’une formalisation. On peut cependant aller plus loin. Si un ensemble X vérifie la même propriété, peut-on dire qu’il est identifiable à X ? Cette question, purement mathématique est, avec raison, déclarée comme inutile par les utilisateurs des mathématiques, à moins d’avoir un goût pour la philosophie. En fait, l’intérêt est de fournir une méthode dans un cas très élémentaire, cette méthode permettra ensuite de justifier l’article lorsque l’on dit “le corps” des nombres réels, ou “l’espace” tangent à une courbe, une surface, une variété différentielle9 , sachant que ces ensembles sont l’objet de multiples constructions, et surtout de démontrer des propriétés indépendemment du choix d’une construction particulière.10 Du point de vue pédagogique, si l’on compare la proposition qui suit à la définition d’un “fibré tangent”, on peut penser à l’escalade d’un bloc de grès de trois mêtres en forêt de Fontainebleau comparé avec un passage de même difficulté dans une grande voie des Alpes. Il s’agit d’apprendre des gestes, qu’ils soient exécutés au raz du sol ou après mille mêtres d’ascension. Proposition 1.25 Etant donné un couple (X, A) où X est un ensemble non vide et A une partition de X, envisageons l’ensemble des couples X, p où X est un ensemble et p une application de X dans X, constante sur les classes d’équivalences, qui vérifient la propriété P suivante. Toute application f : X → Y à valeurs dans un ensemble Y , P constante sur chaque classe d’équivalence admet une factorisation unique f : X → Y , à travers p (c’est à dire f = f ◦ p). Alors, 1) X, π vérifie la propriété P. 2) Si X, p et X ′ , p′ sont deux couples vérifiant P, il existe une bijection ϕ : X → X ′ et une seule, telle que ϕ ◦ p = p′ . 3) Si X, p vérifie P, alors p est une application surjective. Définition 1.42 Tout couple X, p vérifiant P est un passage au quotient pour (X, A). Un passage au quotient X, p étant donné, cette proposition autorise, par abus, à dire que l’ensemble X est le quotient de X par l’équivalence associée à la partition A.11 9 Ces objets sont définis aux chapitres 14 et 17. La présentation de l’intégration dans les chapitres 12 et 20 sera fondée sur une propriété d’unicité du complété d’un espace métrique qui sera donnée au chapitre 9. 11 La propriété dont est issue l’unicité à une bijection près de ce quotient est appelée une propriété universelle. Nous ne traiterons que des cas particuliers. Un exposé systématique fait appel aux notions de catégories, foncteurs, élément universel pour un foncteur. On trouvera un minimum à ce sujet dans la plupart des ouvrages d’algèbre niveau M. Pour une étude approfondie, on pourra se référer à S. Lang, Categories for the working mathematician, Springer Verlag (1971). 10 Section 2 33 Structure de groupe Démonstration de la proposition 2) L’application de P, indépendemment à X, p et X ′ , p′ commutatifs X p X X p′ X ′ donne les diagrammes → → ց ↓ p′ et ց ↓ p c’est à dire p′ = p′ ◦ p et p = p ◦ p′ . p′ X′ p X ′ Il en résulte que p = p′ ◦ p ◦ p′ . De même, on obtient p = p ◦ p′ ◦ p. La factorisation de p (resp. p′ ) à travers p (resp. p′ ) étant unique, et réalisée pour IX (resp. IX ′ ), on en déduit que p′ ◦ p = IX ′ et p ◦ p′ = IX , ce qui prouve que p et p′ sont des bijections réciproques, d’où la bijection (unique) ϕ cherchée. 3) La relation ϕ ◦ π = p montre que p est surjective comme π. 1.2 Structure de groupe 1.2.1 Situations/Modèles : compositions de permutations Comme on l’a dit précédemment, un saut conceptuel important consiste à passer d’une opération sur des nombres ou des ensembles à une opération sur des transformations. Cette opération est la composition. Il convient alors de bien distinguer les deux niveaux d’objets qui interviennent : les objets auxquels les transformations s’appliquent et les transformations considérées pour elles mêmes comme objets. Pour illustrer cela, comparons les situations suivantes. - On veut dresser une liste de toutes les façons de numéroter trois objets a, b, c. - On veut dresser une liste de toutes les façons de ranger les nombres 1, 2, 3 dans un ordre donné. - Un triangle équilatéral étant donné, de centre O, envisageons l’ensemble constitué des symétries orthogonales dont l’axe passe par un sommet et les rotations de centre O qui conservent ce triangle.12 Dans tous les cas, il s’agit de l’ensemble des bijections d’un ensemble X à trois éléments dans lui même. On ramène ces exemples à une seule situation, celle de l’ensemble X = {1, 2, 3}, avec l’ensemble noté S3 de toutes les permutations de ses éléments.13 Prouver que S3 est un ensemble de cardinal 6 de deux manières : sans chercher à décrire tous les éléments de S3 , ou en écrivant tous les éléments. L’ensemble S3 est représenté par le tableau suivant. σ1 = I 1 2 3 1 3 2 σ2 2 1 3 σ3 . 2 3 1 σ4 3 1 2 σ5 σ6 3 2 1 Interpréter chaque élément de S3 à l’aide des transformations d’un triangle équilatéral dont les sommets sont notés 1, 2, 3. 12 La question plus générale de l’ensemble des isométries planes qui conservent ce triangle suppose connue la classification des isométries du plan que l’on verra au chapitre 5. 13 Cette identification, intuitivement évidente, sera précisée plus loin avec la notion de conjugaison. 34 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) On s’intéresse maintenant à la composition de ces transformations deux à deux. Achever de remplir le tableau suivant des composés, sachant que l’élément situé en ligne i colonne j est σ i ◦ σj . σ1 σ2 σ3 σ4 σ5 σ6 σ1 σ1 σ2 σ3 σ4 σ5 σ6 σ2 σ2 σ1 σ3 σ3 σ4 σ4 σ4 σ3 σ5 σ5 σ6 σ6 σ6 σ5 σ1 σ5 σ4 σ1 Observer - que l’ensemble S3 est stable par cette opération de composition. - que l’ensemble des éléments de chaque ligne est égal à S3 , ce que l’on peut traduire par la relation σi ◦ S3 = S3 pour i = 1, .., 6. - De même, S3 ◦ σ j = S3 pour tout j. - σ1 ◦ σ k = σ k ◦ σ1 = σk pour tout k. Comparer cette invariance avec celles décrites par les deux propriétés précédentes. - La ligne k n’est pas toujours égale à la colonne k (l’opération ◦ n’est pas commutative). - Chaque élément σ k possède un “inverse” à droite σ′k c’est à dire que σ k ◦ σ ′k = σ1 , et un “inverse” à gauche σ ′′k c’est à dire que σ′′k ◦ σk = σ1 . Que remarque-t-on ? - Que l’on peut extraire de cette table des sous-tableaux montrant qu’il existe des sousensembles X de S3 stables par l’opération de composition. - Prendre successivement chacun des élements σ de S3 , et calculer les itérés σ2 = σ ◦ σ, n σ = σ ◦ σn−1 , de σ. Calculer de même les itérés de l’inverse de σ qu’il est commode de noter σ −1 . Que remarque-t-on ? |p| Ceci montre l’intérêt de la notation σ p , p ∈ Z, où σ 0 = I, et σp = σ −1 si p < 0. Une première tentative de généralisation consiste à remplacer X = {1, 2, 3} par X = {1, 2, 3, 4}, et donc S3 par S4 qui possède 24 éléments (pourquoi ?). Ecrire la table des composés à la main ne présente pas d’intèrêt. On trouvera cette table en annexe à la fin du chapitre. La question de savoir si les propriétés précédentes se généralisent va nécessiter une étude plus générale donc plus abstraite. 1.2.2 Notion de groupe 1.2.2.1 Equations dans un demi-groupe L’une des premières questions à traiter, pour une opération interne donnée, est la possibilité de résoudre des équations du type a ∗ x = b et y ∗ a = b, a et b étant donnés14 . On pourra constater sur les trois exemples cités que les questions d’existence et d’unicité d’une solution ont des réponses variées. Une première contrainte est de postuler l’associativité dont l’utilité est claire dès que l’on souhaite composer plus de deux éléments. Postuler cette propriété est naturel dans la modélisation des "transformations concrètes". Avec l’hypothèse d’associativité, la structure minimale pour que chacune des deux équations ci-dessus admette une solution unique, quelle que soit la donnée de (a, b), est celle de groupe (voir l’exercice ci-dessous). 14 Pour l’addition des entiers, c’est "rendre la monnaie" ou gérer une créance. Section 2 Structure de groupe 35 En ce qui concerne les équations a + x = b en nombres entiers, remarquons que la progression entre l’école primaire et le collège correspond à un usage de structures bien distinctes. Dans N, en supposant b ≥ a, on utilise la relation d’ordre (et sa représentation par l’inclusion ensembliste), la suite a + 1, a + 2, prend la valeur b après un nombre fini d’étapes. Mais la résolution générale suppose l’inclusion de N dans Z où l’existence d’un opposé permet de trouver une solution en écrivant x + a + (−a) = b + (−a). Ces observations justifient le choix des propriétés définissant un groupe.15 1.2.2.2 Définitions Définition 1.43 Un groupe est un couple 16 (G, ∗) où G est un ensemble non vide, et ∗ une opération interne sur G, associative, pour laquelle il existe un élément neutre e, et telle que tout élément de X admette un élément symétrique (qui est alors unique). G est un groupe commutatif (ou abélien) si l’opération ∗ est commutative. Définition 1.44 L’ordre d’un groupe fini est son cardinal, noté |G|. Dans un groupe, on notera −a le symétrique de a si l’opération ∗ est notée +, et plutôt a−1 dans les autres cas, et les itérés p a ou ap pour p ∈ Z, par récurrence. Remarque 1.5 Si (G, ∗) est un groupe et ε un élément tel que x ∗ ε = x pour tout x ∈ G, alors ε = e, il est inutile de vérifier ε ∗ x = x. En effet, la relation x ∗ ε = x pour x = e donne e ∗ ε = e, et e ∗ ε = ε puisque e est élément neutre. De même, pour x ∈ G, s’il existe x′ ∈ G tel que x ∗ x′ = e, on a x−1 ∗ x ∗ x′ = x−1 = x′ sans qu’il soit nécessaire de vérifier que x′ ∗ x = e. Lorsqu’une opération interne dans un ensemble fini est décrite par la table des composés, celle-ci est appelée la table de Pythagore de l’opération. Si l’opération n’est pas commutative, il est important de préciser la convention (indiquée par la flèche dans l’exemple de la section précédente) : l’élément situé à l’intersection de la ligne d’un élément ai et de la colonne d’un élément bj est ai ∗ bj . Exercice (G, ∗) est un ensemble non vide muni d’une opération interne, on suppose que cette opération est associative, et que chacune des deux équations a ∗ x = b et y ∗ a = b admet une solution unique x ou y, quel que soit le couple donné (a, b) ∈ G2 . Démontrer que (G, ∗) est un groupe. Indications Etape 1 : Pour chaque élément a ∈ G, il existe un couple (e, ε) tel que e ∗ a = a ∗ ε = a. En écrivant tout élément b ∈ G sous la forme b = a ∗ c ou b = d ∗ a, vérifier que e et ε ne dépendent pas de a. Etape 2 : Prouver que e = ε. Etape 3 : Tout élément est symétrisable à droite et à gauche, puis égalité des symétriques à droite et à gauche et unicité du symétrique. 15 16 Cf. Jean Dieudonné, La genèse de la théorie des groupes, La Recherche n◦ 103, septembre 1979. Par abus, on dit aussi "le groupe G". 36 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.2.2.3 Translations dans un groupe On constate que dans la table de Pythagore d’un groupe fini G, chaque ligne et chaque colonne contient tous les éléments du groupe sans omission ni répétition. Or, la ligne d’un élément ai représente exactement les ai ∗ x, pour tous les x ∈ G, et la colonne d’un élément bi représente exactement les y ∗ bj , pour tous les y ∈ G, et il se trouve que les axiomes de groupe sont exactement ceux qu’il convient de poser pour que ces applications soient des bijections de G dans G. La définition suivante ne suppose pas que le groupe soit fini. Définition 1.45 Pour tout élément a d’un groupe (G, ∗), les bijections δ a et γ a de G dans G, définies par δ a (x) = x ∗ a et γ a (x) = a ∗ x, sont appelées respectivement translations à droite et à gauche d’élément a. 1.2.2.4 Le groupe symétrique d’un ensemble En géométrie comme en physique, une "transformation" d’un ensemble X est une bijection de X sur X. Le cas où X est un ensemble fini évoque des activités de rangement, de classement, d’énumération, qu’un enfant entreprend naturellement avant toute formalisation. Cette section trouvera une première application dans l’étude des déterminants (§ 2-). Plus généralement, il est important de savoir comment se transforme (ou non) une application définie sur un ensemble produit X n lorsque les variables sont permutées. Pour cela, il est commode de se ramener aux transpositions de deux éléments, qui sont les permutations les plus simples. A un niveau bien plus avancé, les "symétries internes" sont des attributs des particules élémentaires qui permettent de comprendre leurs propriétés et d’établir leur classification. Définition 1.46 Si X est un ensemble non vide, le groupe (S (X) , ◦) des bijections de X sur X est appelé le groupe symétrique de X. Si X possède au moins deux éléments, une transposition est une bijection qui échange deux éléments et laisse les autres invariants. Lorsque X est fini, les éléments de S (X) sont les permutations de X. En particulier si X est l’ensemble ]n] = {1, 2, ..., n}, S (X) est noté Sn . Pour une permutation σ ∈ Sn , la représentation suivante est commode, 1 2 ··· n , σ(1) σ(2) ... σ(n) mais on pourrait aussi écrire les éléments de la première ligne dans un autre ordre. De plus, pour décrire une permutation σ d’un ensemble fini X, il n’y a aucune raison pour que les éléments de X soient ordonnés. Comme on l’a vu (Prop. 1-23), si X est fini de cardinal n, |S (X)| = n!. Parmi les permutations d’un ensemble fini X, de cardinal n, on distingue le cas suivant qui consiste successivement à - fixer un entier l ∈ ]n], - choisir un sous-ensemble A de X à l éléments et une indexation (α1 , .., αl ) de A. - permuter “circulairement” les objets de A ainsi rangés comme on déplace l personnes autour d’une table selon le procédé décrit ci-dessous, Section 2 37 Structure de groupe - laisser invariants les n − l éléments qui n’appartiennent pas à la liste. Définition 1.47 Soit X un ensemble fini de cardinal n ≥ 2, l un entier tel que 2 ≤ l ≤ n, et (α1 , .., αl ) une liste de l éléments de X. La permutation σ ∈ Sn définie par σ(αi ) = αi+1 si i = 1, .., l − 1 σ(αl ) = α1 σ(a) = a si a ∈ / {α1 , .., αl } , est appelée un cycle de longueur l, ou l-cycle, et noté (α1 , .., αl ). Pour l = n, on dit que σ est une permutation circulaire, et pour l = 2, σ est appelé une transposition. Lorsque X = ]n], indexé par l’ordre naturel, les permutations 1 2 ... (n − 1) n 1 ... i ... j ... n et 2 3 ... n 1 1 ... j ... i ... n sont respectivement une permutation circulaire et une transposition. Cette transposition est notée τ i,j . Exercice Pour deux entiers positifs, notons Sp,q l’ensemble des permutations σ ∈ Sp+q telles que σ(1) < ... < σ(p) et σ(p + 1) < ... < σ(p + q). Vérifier que le cardinal de Sp+q est (p+q)! p!q! . (Battre un jeu de (p + q) cartes subdivisé en deux tas d’effectifs p, q revient à réaliser une permutation σ ∈ Sp+q )17 1.2.2.5 Produits de groupes Proposition 1.26 Si (G, ∗) et (G′ , ∗′ ) sont des groupes, alors sur l’ensemble produit cartésien, G × G′ , l’opération ⊺ définie par (x, x′ ) ⊺ (y, y ′ ) = (x ∗ y, x′ ∗′ y ′ ) définit une structure de groupe, l’élément neutre est ε = (e, e′ ), le symétrique de (x, x′ ) est x−1 , x′−1 . Définition 1.48 (G × G′ , ⊺) est le groupe produit de (G, ∗) et (G′ , ∗′ ). Exemple 1.10 Notons e et σ les éléments du groupe S2 (Identité et transposition (1, 2)). La table de Pythagore du groupe (commutatif) S2 × S2 est la suivante. 17 ⊺ (e, e) (e, σ) (σ, e) (σ, σ) (e, e) (e, e) (e, σ) (σ, e) (σ, σ) (e, σ) (e, σ) (e, e) (σ, σ) (σ, e) (σ, e) (σ, e) (σ, σ) (e, e) (e, σ) (σ, σ) (σ, σ) (σ, e) (e, σ) (e, e) En anglais : (p, q)-shuffles in Sp+q . 38 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Le fait de savoir si un groupe donné est ou non un produit de sous-groupes est important pour décrire un tel groupe. On se reportera aux § 1-2-4-4 et 1-4-1-6. Une condition suffisante de portée générale pour les groupes commutatifs sera établie au chapitre 5. 1.2.3 Morphismes de groupes, entiers relatifs 1.2.3.1 Introduction Toute structure mathématique se définit par trois types de données : la caractérisation des ensembles possédant cette structure, les sous-structures et les morphismes. On commence par les morphismes de groupes car ils fourniront des sous-groupes. L’idée est de distinguer les applications entre deux groupes qui “respectent les opérations” en un sens que l’on va préciser. Définition 1.49 Un morphisme d’un monoïde (E, ∗, e) dans un monoïde (E ′ , ∗′ , e′ ) est une application f : E → E ′ vérifiant les propriétés suivantes (1) ∀ (a, b) ∈ E × E, f(a ∗ b) = f(a) ∗′ f (b). (2) f (e) = e′ . On exprime la propriété (1) en disant que f respecte les opérations ∗ et ∗′ . Il faut noter que la relation (2) n’est pas une conséquence de la relation (1). Un premier exemple est celui des fonctions exponentielles et logarithmes. Les relations ea+b = ea eb , ln(ab) = ln a + ln b traduisent la correspondance entre les opérations d’addition et de multiplication, relativement aux groupes R et R\ {0}. Un autre exemple est donné par le groupe G des six isométries du plan qui laissent invariant l’ensemble des sommets d’un triangle équilatéral {A, B, C}. En affectant aux sommets A, B, C les numéros 1, 2, 3, on en déduit une bijection de S3 sur G. Mais la composition des permutations ne correspond pas nécessairement à la composition de ces isométries. Il est possible d’établir une correspondance pour laquelle les tables de composition sont identiques (la table du groupe S3 a été vue dans l’introduction). Plus précisément, avec la bijection f du tableau ci-dessous, repérer sur la figure les isométries indiquées pour que la propriété f (σi ◦ σ j ) = f (σ i ) ◦ f (σj ) soit réalisée pour tous les couples d’indices (i, j). Section 2 39 Structure de groupe B O σ f (σ) σ1 I σ2 réflexion 1 σ3 réflexion 2 σ4 rotation σ5 rotation inverse σ6 réflexion 3 C A 1.2.3.2 Les morphismes de groupes Pour des groupes, on ne peut se limiter aux structures sous-jacentes de monoïdes. Il faut aussi que l’image du symétrique soit le symétrique de l’image pour tout élément. En fait, il est remarquable que cette propriété soit automatiquement vérifiée. Définition 1.50 Un morphisme d’un groupe (G, ∗, e) dans un groupe (G′ , ∗′ , e′ ) est une application f : G → G′ vérifiant les propriétés suivantes (i) ∀ (a, b) ∈ G, f(a ∗ b) = f(a) ∗′ f (b). (ii) f(e) = e′ . (iii) f (a−1 ) = (f (a))−1 pour tout a ∈ G. Un isomorphisme d’un groupe (G, ∗) dans un groupe (G′ , ∗′ ) est une application bijective f de G sur G′ telle que f et f −1 soient des morphismes de groupes. Si G′ = G, ces isomorphismes sont appelés automorphisme de G, le groupe des automorphismes de G est noté (Aut(G), ◦). Exemple 1.11 Les projections d’un groupe produit sur chaque facteur G ←− G×G′ → G′ sont des morphismes surjectifs de groupes, les injections de G et G′ dans G × G′ sont des morphismes de groupes. La propriété qui suit est essentielle. Proposition 1.27 1) Toute application f : G → G′ vérifiant (i) est un morphisme de groupes. 2) Un morphisme bijectif est un isomorphisme. Démonstration 1) Il suffit de remarquer que f(e) = f (e ∗ e) puis f a ∗ a−1 = f (e). 40 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 2) Si (u, v) ∈ G′ × G′ , alors u = f (a), v = f(b), le couple (a, b) étant déterminé de manière unique par (u, v), et f f −1 (u) ∗ f −1 (v) = f f −1 (u) ∗′ f f −1 (v) = u ∗′ v, donc f −1 (u ∗′ v) = f −1 (u) ∗ f −1 (v) . Une autre simplification essentielle concerne la caractérisation de l’injectivité pour un morphisme de groupes. Si l’élément neutre e′ ∈ G′ admet un seul antécédent (qui ne peutêtre que e comme on vient de le voir), il en sera de même pour tout élément de f (G). En −1 effet, si f(u) = f (v) alors f (u ∗ v −1 ) = f(u) ∗′ (f(v)) = e′ , donc u ∗ v−1 = e et u = v. Proposition 1.28 Un morphisme f d’un groupe (G, ∗) dans un groupe (G′ , ∗′ ) est injectif si et seulement si le sous-ensemble f −1 (e′ ) de G est le singleton {e}. Définition 1.51 Si f est un morphisme de groupes, f −1 (e′ ) est appelé le noyau de f , noté ker f. Exemple 1.12 Si (G, ∗) est un groupe, les applications a → δ a et a → γ a de G dans le groupe symétrique de G sont des morphismes injectifs de groupes. Remarque 1.6 1) Etant donné deux groupes finis isomorphes, il n’existe pas d’algorithme général pour mettre en correspondance les termes de chacun d’eux, de sorte que les tables de Pythagore se superposent. 2) Pour un morphisme bijectif, le fait que la bijection réciproque soit un morphisme est également vérifié pour les applications linéaires (Cf. § 1-6-3-2, propriété P15), mais il ne faut pas croire qu’il en est de même pour toutes les structures (Cf. Chap. 9 et 11). Exercice (A, B, C, D) est un rectangle, I, J, K, L sont les milieux respectifs de (A, C), (B, D), (A, B), (C, D). G est l’ensemble des quatre transformations suivantes du plan : L’identité I, la réflexion d’axe (I, J), la réflexion d’axe (K, L), la symétrie de centre O, centre du rectangle. Ecrire la table de Pythagore de ce groupe, appelé groupe de Klein (ou groupe du matelas), et vérifier qu’il est isomorphe au groupe additif Z2 × Z2 , en notant Z2 l’ensemble {0, 1} doté de l’addition définie par 0 + 0 = 0, 0 + 1 = 1 + 0 = 1, 1 + 1 = 0. (On retrouve Z2 avec la notation Z/2Z au § 1-4-2). 1.2.3.3 Symétrisation d’un demi-groupe commutatif, entiers relatifs Pour motiver ou illustrer les propriétés des groupes abstraits dans la suite, il est utile de se référer aux exemples usuels. Les plus élémentaires sont le groupe des bijections d’un ensemble fini ou non, et le groupe additif commutatif (Z, +) des entiers relatifs. Section 2 Structure de groupe 41 Bien d’autres exemples suivront. Dans ce chapitre, les groupes multiplicatifs (K ∗ , ×) si K est un corps, notament les corps des nombres rationnels ou réels18 , et les groupes de la forme (E, +) où (E, +, .) est un espace vectoriel. Au chapitre 2, le groupe affine. Au chapitre 3, les groupes d’isométries. L’impossibilité de certaines soustractions dans le demi-groupe N vient de ce que les translations ne sont pas surjectives dans cet ensemble, contrairement aux groupes. Une extension de N repose sur l’idée suivante, basée sur la notion de bilan. On identifie les couples d’entiers naturels (a, b) et (a′ , b′ ) pour lesquels il existe soit un entier x tel que b = a + x et b′ = a′ + x, soit un entier y tel que a = b + y et a′ = b′ + y, ce qui représente les couples d’états d’un compte (état initial, état final), présentant le même bilan : un même gain de x, ou une même perte de y. Sur l’ensemble quotient, un opposé de (a, b) correspondra évidemment à (b, a). Cependant, si l’on remplace N par un demi-groupe commutatif quelconque (M, ⊤, e), rien ne prouve l’existence de x ou y. Cette difficulté se contourne en écrivant a⊤b′ = b⊤a′ la relation d’équivalence entre (a, b) et (a′ , b′ ) dans M × M. Vérifier qu’il s’agit bien d’une relation d’équivalence, et constater à cette occasion l’utilité des hypothèses de régularité et de commutativité. Sur l’ensemble quotient M de M × M par cette équivalence, définissons une opération que l’on notera +, en posant (a, b) + (a′ , b′ ) = (a⊤a′ , b⊤b′ ). Il est facile de vérifier - qu’il s’agit d’une opération interne, commutative et associative, - que (e, e) est un élément neutre, - que tout élément (a, b) ∈ M admet (b, a) comme opposé, on écrira (b, a) = − (a, b), - que l’application i : M → M définie par i (a) = (a, e) est un morphisme injectif de monoïdes. En identifiant a et i(a) pour tout élément a ∈ M, et avec l’abus habituel x+(−y) = x−y dans un groupe additif, on aura (a, b) = (a, e) + (e, b) = a − b, ce qui distingue, lorsque M = N, le sous-ensemble des (a, 0) noté aussi N et le sousensemble des (0, b) = −(b, 0), noté −N. Proposition 1.29 Etant donné un demi-groupe commutatif (M, ⊤, e), envisageons l’ensemble des couples ((G, ∗) , j) où (G, ∗) est un groupe, j : M → G est un morphisme de monoïdes, qui vérifient la propriété P suivante. Pour tout morphisme de monoïdes ϕ : M → G′ à valeurs dans un groupe (G′ , ∗′ ), il existe un morphisme de monoïdes ψ : G → G′ et un seul, qui factorise ϕ à travers j, c’est à dire ϕ = ψ ◦ j. Alors, 1) M , + , i vérifie la propriété P. 2) Si ((G, ∗) , j) et ((G1 , ∗1 ) , j1 ) sont deux couples vérifiant P, il existe un isomorphisme de groupes Φ : G → G1 et un seul, tel que Φ ◦ j = j1 . 3) Si ((G, ∗) , j) vérifie P, alors j est une application injective et G est un groupe commutatif. 18 La notation X ∗ est assez systématique en algèbre pour désigner l’ensemble des éléments inversibles d’un anneau. Elle a d’autres usages, par exemple désigner le complémentaire de 0 dans un ensemble doté d’une opération additive possédant un élément neutre noté 0 (les deux sens coïncident donc pour un corps), ou pour désigner le dual d’un espace vectoriel. 42 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Définition 1.52 1) Tout couple ((G, ∗) , j) vérifiant P est un symétrisé de (M, ⊤, e). 2) Le symétrisé M , + , i de (N, +, 0) est le groupe (Z, +) des entiers relatifs, l’injection i étant parfois notée a −→ +a, ce qui signifie que +a = (a, 0). Démonstration −1 1) En posant ψ (a, b) = ϕ (a) ∗′ (ϕ (b)) , où x−1 désigne le symétrique de x dans G′ , on définit une application de M dans G′ . En effet, si (a, b) ∈ M × M et (a′ , b′ ) ∈ M × M sont tels que a⊤b′ = b⊤a′ , donc aussi b′ ⊤a = a′ ⊤b, on a ϕ (b′ ) ∗′ ϕ (a) = ϕ (a′ ) ∗′ ϕ (b) et par suite, en raison de la commutativité de M, ϕ (a′ ) = ϕ (b′ ) ∗′ ϕ (a) ∗′ (ϕ (b))−1 donc = ϕ (a) ∗′ (ϕ (b))−1 ∗′ ϕ (b′ ) −1 ϕ (a′ ) ∗′ (ϕ (b′ )) = ϕ (a) ∗′ (ϕ (b))−1 . Cette application ψ est un morphisme de monoïdes (vérification facile), et une autre solution ψ′ telle que ϕ = ψ ◦ i = ψ′ ◦ i donnerait ψ = ψ′ compte tenu de la relation (a, b) = (a, e) − (b, e). 2) La démonstration est analogue à celle de la propriété correspondante des ensembles quotients. 3) La relation Φ ◦ i = j, où Φ est un isomorphisme de M dans G, montre que j est injective comme i, et que G est commutatif. 1.2.3.4 La conjugaison par une bijection Dans l’introduction, nous avons évoqué la bijection entre les permutations des sommets d’un triangle équilatéral définies par les isométries qui laissent ce triangle invariant et le groupe S3 des permutations de l’ensemble {1, 2, 3}. Cette bijection représente un changement de point de vue, version générale des changements de repères ou d’observateurs en physique. Il s’agit d’une relation entre les transformations d’un ensemble X et les transformations d’un ensemble Y , sous réserve de l’existence d’une bijection ϕ de X dans Y (le changement d’observateur). Cette relation associe la transformation σ ∈ S (X) et la transformation σ′ ∈ S (Y ) de telle sorte que pour x ∈ X, si ϕ transforme x en y, ϕ transforme aussi σ(x) en σ′ (y), autrement dit σ ′ ◦ ϕ = ϕ ◦ σ. ϕ X → Y σ↓ ↓ σ′ ϕ X → Y Définition 1.53 X et Y sont deux ensembles équipotents, ϕ : X → Y est une bijection. Deux permutations σ ∈ S (X) et σ ′ ∈ S (Y ) sont conjuguées par ϕ si σ ′ = ϕ ◦ σ ◦ ϕ−1 . Proposition 1.30 La conjugaison par ϕ est un isomorphisme des groupes symétriques (S (X) , ◦) et (S (Y ) , ◦). En particulier, toute énumération ϕ : {1, .., n} → X, notée i −→ xi des éléments d’un ensemble fini X de cardinal n définit un isomorphisme de Sn sur S (X), qui associe à une permutation σ ∈ Sn la permutation σ′ ∈ S (X) définie par σ′ (xi ) = xσ(i) . Section 2 Structure de groupe 43 Il s’agit en effet d’un morphisme étant donné que la permutation conjuguée d’une permutation composée σ ◦ σ1 est la composée des conjuguées σ ′ ◦ σ′1 , et d’une bijection sachant que les relations σ ′ = ϕ ◦ σ ◦ ϕ−1 et σ = ϕ−1 ◦ σ ′ ◦ ϕ sont équivalentes. L’intérêt de la conjugaison pour l’étude des groupes S (X) (avec X fini d’ordre n) est double. - Les propriétés des permutations de X invariantes par indexation des éléments de X peuvent être démontrées dans le cadre de Sn . - Une propriété définie dans Sn et invariante par conjugaison s’étend à S (X). C’est le cas pour la notion de cycle de longueur l dans un ensemble fini X d’ordre n ≥ l, en raison de la propriété suivante, utilisée au § 1-4-4-4. Proposition 1.31 Dans Sn , n ≥ 2, toute permutation conjuguée d’un cycle est un cycle de même longueur, et deux cycles de même longueur sont conjugués. Démonstration a) Soit σ = (α1 , .., αl ) un cycle de longueur l ≥ 2, et ϕ ∈ Sn une permutation. Alors, la permutation σ′ = ϕ ◦ σ ◦ ϕ−1 est le cycle (ϕ (α1 ) , .., ϕ (αl )). En effet, si x ∈ ]n] \ {ϕ (α1 ) , .., ϕ (αl )}, alors ϕ−1 (x) ∈ / {α1 , .., αl } donc σ ϕ−1 (x) = −1 ′ ϕ (x), et donc σ (x) = x. Si x = ϕ (αi ), où i = 1, .., l, alors ϕ−1 (x) = αi , et σ (αi ) = αi+1 (en remplaçant l + 1 par 1), donc σ′ (x) = ϕ (αl+1 ). b) Deux cycles de même longueur σ = (α1 , .., αl ) et σ ′ = (β 1 , .., β l ) sont conjugués par toute permutation ϕ qui transforme αi en β i , pour i = 1, .., l. 1.2.4 Sous-groupes 1.2.4.1 Caractérisations Il est indispensable de savoir si un sous-ensemble H d’un groupe G est lui même un groupe pour l’opération ∗′ induite par restriction à H × H de l’opération ∗ de G. Une condition évidemment nécessaire est que H soit stable par ∗, c’est à dire H ∗ H ⊂ H, d’où la confusion de notation, ∗′ est notée ∗. Pour une partie stable H d’un groupe G, on n’a pas nécessairement H ∗ H = H (par exemple si H est l’ensemble des entiers pairs et strictement positifs dans le groupe additif Z). Définition 1.54 Un sous-groupe d’un groupe (G, ∗) est un groupe (H, ∗′ ) tel que H soit une partie non vide de G, et que ∗′ soit la restriction à H × H de l’opération ∗ de G. Il en résulte que l’élément neutre e de G doit appartenir à H (c’est l’élément neutre de H en raison de l’unicité), et que le symétrique a′ d’un élément a ∈ H doit appartenir à H (pour la même raison d’unicité). G et {e} sont des sous-groupes de G. Tout autre sous-groupe de G (s’il en existe) est dit non trivial. Finalement, on démontrera facilement la caractérisation suivante. 44 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.32 Si (G, ∗) est un groupe, et H une partie non vide de G, alors H est un sous-groupe de G si et seulement si la propriété suivante est vérifiée. −1 ∀ (a, b) ∈ H, a ∗ b H. ∈ H. La caractérisation des sous-groupes s’écrit H ∗H −1 ⊂ H, et alors, on a aussi H ∗H −1 = Exemple 1.13 Un carré étant donné, les sommets sont désignés par 1, 2, 3, 4 comme sur la figure. Les transformations R (rotation de π2 dans le sens direct), Sv (réflexion d’axe vertical D), Sh (réflexion d’axe horizontal ∆), S1,3 (réflexion dont l’axe est la diagonale (1, 3) ), S2,4 (réflexion dont l’axe est la diagonale (2, 4)) sont des isométries du plan qui laissent le carré invariant.19 Id R R2 R3 Sv Sh S1,3 S2,4 R R2 R3 Id S1,3 S2,4 Sh Sv R2 R3 Id R Sh Sv S2,4 S1,3 R3 Id R R2 S2,4 S1,3 Sv Sh Sv S2,4 Sh S1,3 Id R2 R3 R 3 Sh S1,3 Sv S2,4 R2 Id R R3 S1,3 Sv S2,4 Sh R R3 Id R2 2 S2,4 Sh S1,3 Sv R3 R R2 Id O 4 1 Chacune de ces isométries est donc identifiables à une permutation des sommets, et l’on a un sous-groupe de S4 . Exemple 1.14 Le groupe multiplicatif U des nombres complexes de module 1 est un sousgroupe de (C\ {0} , ×) (Cf. § 1- ). 1.2.4.2 Constructions de sous-groupes La question de la recherche de tous les sous-groupes d’un groupe n’admet pas de réponse simple en général. La proposition qui suit introduit deux types de procédés théoriques. L’un 19 Il sera établi au chapitre 5 qu’il s’agit bien de toutes les isométries planes laissant le carré invariant, mais la connaissance de cette propriété n’est pas indispensable ici. Section 2 Structure de groupe 45 est basé sur l’opération d’intersection, l’autre est relatif à l’utilisation de morphismes de groupes. Proposition 1.33 (1) L’intersection d’une famille de sous-groupes d’un groupe G est un sous-groupe de G. (2) L’image d’un sous-groupe par un morphisme de groupes est un sous-groupe du groupe d’arrivée. (3) La pré-image d’un sous-groupe par un morphisme de groupes est un sous-groupe du groupe de départ. C’est le cas en particulier du noyau d’un morphisme de groupes. La démonstration est un exercice facile. La propriété (1) permet d’envisager le plus petit sous-groupe (au sens de l’inclusion) contenant une partie non vide A d’un groupe donné G, c’est l’intersection des sous-groupes de G contenant A, que l’on notera +A,. Définition 1.55 Avec ces données, +A, est appelé le sous-groupe de G engendré par A. Les éléments de A sont des générateurs de +A,. Lorsque A est fini, +A, admet une caractérisation simple. Proposition 1.34 Pour toute liste A = {a1 , .., an } d’éléments d’un groupe G, le sousgroupe20 +a1 , .., an , de G engendré par A est l’ensemble des éléments de G, de la forme ap11 ∗ ... ∗ apnn (p1 a1 + ... + pn an en notation additive), pour (p1 , ..., pn ) ∈ Zn . Démonstration L’ensemble des ap11 ∗ ... ∗ apnn est un sous-groupe de G contenant A = {a1 , .., an }. Inversement, tout sous-groupe de G contenant {a1 , .., an } contient évidemment le sous-groupe +a1 , .., an , qui est donc le plus petit sous-groupe de G contenant A. Le cas particulier des sous-groupes engendrés par un élément (n = 1) est particulièrement important. On va voir qu’il se présente à la fois du point de vue de la propriété (1) comme sousgroupe engendré et du point de vue (2) comme image de (Z, +) par un morphisme. Cela permet de construire une classe de sous-groupes, basée sur une idée simple : l’itération de l’opération de groupe à partir d’un élément et de son inverse (par exemple la rotation R dans le carré précédent). En notation additive, il s’agit de savoir ce qu’est la suite a, a + a,...et −a,(−a) + (−a), c’est à dire p a pour p ∈ Z et a élément donné du groupe. En notation multiplicative, c’est la suite ap . En fait, dans le cas général d’un groupe (G, ∗), l’application p −→ ap est un morphisme du groupe (Z, +) dans G21 , et l’on s’intéresse à son image. La réponse est claire si a = e. Plus généralement, on a le résultat suivant. Proposition 1.35 Pour tout élément a d’un groupe (G, ∗), l’ensemble des éléments de G, de la forme ap (pa en notation additive), pour p ∈ Z, est à la fois le sous-groupe +a, de G engendré par a, et l’image de Z par le morphisme de groupes ϕa : p −→ ap . 20 21 Avec un abus de notation. On devrait écrire {a1 , .., an } , ce qui rappelerait que les ai sont distincts. C’est le seul qui transforme 1 en a (Cf. § 1-9-5-1 ). 46 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) En notation additive, on écrit +a, = Za. Corollaire 1.36 Si (G, ∗) est un groupe fini, toute partie H non vide et stable est un sousgroupe. En effet, H contient e. Si H n’est pas réduit à {e}, on le vérifie en prenant un élément a ∈ H, autre que e. L’ensemble des itérés a2 = a ∗ a,..., an = an−1 ∗ a est une suite d’éléments de H qui est fini. Cette suite ne peut être injective, il existe donc un couple (m, n) d’entiers tels que am = an et donc un entier p > 1 tel que ap = e, de sorte que e ∈ H, et ap−1 est un (donc le) symétrique de a. Pour un sous-groupe engendré par un élément, deux cas se présentent. +a, est fini ou infini. Le premier cas peut se présenter même si le groupe est infini, par exemple +0, = {0} dans Z. En fait, le critère est l’injectivité du morphisme surjectif ϕa : Z → +a,. Si ϕa est un isomorphisme, le sous-groupe +a, de G est dénombrable. Sinon, il existe p, q entiers relatifs distincts tels que ap = aq , donc un entier naturel n tel que an = e. Si n est le plus petit entier naturel pour lequel an = e, les éléments e, a, a2 , .., an−1 sont nécessairement distincts. Si m est un entier naturel quelconque, la division euclidienne de m par n, m = n.q + r avec 0 ≤ r < n donne am = (an )q .ar = ar , mais cela ne donne aucun renseignement sur les inverses. Pour continuer, on a besoin d’étendre la division euclidienne aux entiers relatifs, de la caractérisation des sous-groupes de Z, et des groupes quotients. La structure des groupes engendrés par un élément sera donnée au §1-4-1 et les générateurs du groupe symétrique Sn au §1-4-4. 1.2.4.3 Centre d’un groupe Définition 1.56 Le centre Z (G) d’un groupe (G, ∗) est l’ensemble des éléments de G qui commutent avec tous les éléments de G. Z (G) est un sous-groupe de G (égal à G si et seulement si G est commutatif). En effet, il n’est pas vide (contient e) et si a, b sont dans Z (G), alors pour tout x ∈ G, (a ∗ b) ∗ x = a ∗ x ∗ b = x ∗ (a ∗ b) et a−1 ∗ x = x−1 ∗ a −1 = a ∗ x−1 −1 = x ∗ a−1 . Exercice Démontrer que G = R∗ ×R est un groupe pour l’opération (x, y)∗(x′ , y′ ) = x.x′ , x.y ′ + xy′ , dont le centre Z (G) est {(1, 0) , (−1, 0)}. Vérifier que H = (1, R) est un sous-groupe commutatif de G. Quelle est l’intersection de H et de Z (G) ? 1.2.4.4 Le treillis des sous-groupes Section 2 Structure de groupe 47 Proposition 1.37 L’ensemble, ordonné par l’inclusion, des sous-groupes d’un groupe G est un treillis, avec sup (H, K) = +H, K, et inf (H, K) = H ∩ K, H et K étant deux sous-groupes de G. Ce résultat est évident, compte tenu de ce qui précède, mais la caractérisation des éléments de +H, K, est difficile en général. Ce sous-groupe est l’ensemble des produits d’un nombre fini de termes, de la forme h1 ∗ k1 ∗ .. ∗ hn ∗ kn , avec hi ∈ H et kj ∈ K, mais l’entier n est quelconque. En effet, ces produits appartiennent à +H, K,, et tout sous-groupe de G contenant H et K contient tous ces produits. Il existe cependant des cas particuliers où la description de sup (H, K) est plus simple. - Si G est engendré par un élément. On verra au §1-4-3-4 que tout sous-groupe de G est engendré par un élément. - Si +H, K, est l’ensemble noté H.K des produits h.k, pour (h, k) ∈ H × K. L’exercice ci-dessous (complété au § 1-4-1-6) donne des conditions suffisantes. Dans ce cas, l’écriture des éléments de +H, K, est simplifiée puisque l’entier n est fixé (égal à 2). Exercice G est un groupe (notation multiplicative) et H, K deux sous-groupes de G. 1. Avec G = S3 et les notations du § 1-2-1, on suppose que H = {I, σ 3 } et K = {I, σ6 }. L’ensemble H.K est-il un sous-groupe de G ? 2. On suppose dans la suite de l’exercice que h.k = k.h pour tout couple (h, k) ∈ H × K. Vérifier que l’ensemble H.K est un sous-groupe de G, en déduire que +H, K, = H.K. 3. Si H ∩ K = {e}, et +H, K, = G, prouver que l’application f : H × K → G définie par f (h, k) = h.k est un isomorphisme. 4. Plus généralement, on suppose que k.H.k−1 ⊂ H pour tout k ∈ K. Démontrer que H.K est un sous-groupe de G, en déduire que +H, K, = H.K. Solution 1) H.K = {I, σ3 , σ 6 , σ5 } n’est pas un groupe, sachant que σ3 ◦ σ6 = σ5 et σ6 ◦ σ3 = σ 4 . −1 2) (h.k) . (h′ .k′ ) = h.k.k′−1 .h′−1 = h.h′−1 .k.k′−1 , avec h.h′−1 ∈ H et k.k′−1 ∈ K . Le groupe H.K contient évidemment H et K , et tout sous-groupe de G contenant H et K contient H.K , donc +H, K, = H.K . 3) Avec la définition de l’opération dans un groupe produit, on vérifie facilement que f est un morphisme (on notera le rôle de l’hypothèse qui permet de permuter les éléments), de noyau H ∩ K , d’image +H, K,. 4) H.K contient évidemment e. De plus, si h.k ∈ H.K et h′ .k′ ∈ H.K , alors h.k.h′ .k′ = h. k.h′ .k−1 .k.k′ ∈ H.K. Enfin, (h.k) −1 = k−1 .h−1 = k−1 .h−1 .k .k−1 ∈ H.K . 1.2.5 Groupes ordonnés Définition 1.57 1) Un groupe ordonné est un couple ((G, ∗, e) , ) où (G, ∗, e) est un groupe et une relation d’ordre total22 sur G, compatible avec l’opération ∗ (cela signifie que G est totalement ordonné en tant que monoïde). 22 Cette contrainte peut être levée pour certaines propriétés, mais nous ne considérerons que des relations d’ordre total. 48 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 2) Un morphisme de groupes ordonnés est un morphisme de groupes qui est croissant. Proposition 1.38 Dans un groupe ordonné G, en notant x−1 le symétrique d’un élément x, les propriétés suivantes sont vérifiées quel que soit le choix des éléments. 1) x y =⇒ y −1 x−1 . 2) ((a b) et (c d)) =⇒ (a ∗ c b ∗ d) 3) Soient m, n deux entiers relatifs. Si e a, et alors (am an ) ⇐⇒ (n ≤ m) . 4) Si une partie A de G possède une borne supérieure M qui n’est pas le plus grand élément de A (sup A ∈ / A), alors pour tout ε ∈ G tel que ε ≻ e, il existe a ∈ A tel que M ∗ ε−1 ≺ a ≺ M. En notation additive : M − ε ≺ a ≺ M . La démonstration est un exercice. Définition 1.58 Dans un groupe ordonné ((G, ∗, e) , ), supposons que pour tous a et b vérifiant e a et e ≺ b, il existe un entier naturel n tel que a bn . On dit alors que le groupe ordonné est archimédien (ou qu’il vérifie la propriété d’Archimède). Exemple 1.15 (Z, +) est un groupe totalement ordonné et archimédien pour la relation d’ordre ≤ (qui prolonge celle de N) définie par a ≤ b si b − a ∈ N, autrement dit s’il existe c ∈ N tel que b = a + c. Proposition 1.39 (Hölder) Tout groupe ordonné et archimédien est commutatif. Démonstration Notons G++ l’ensemble (non vide) des éléments x de G tels que e ≺ x. a) Supposons que G++ admet un plus petit élément a. Pour tout élément x ∈ G++ , il existe un entier naturel non nul n tel que an x ≺ an+1 , donc e x ∗ a−n ≺ a et par −n n suite e = x ∗ a , donc x = a . Selon la propriété 1 de proposition précédente, l’application p −→ ap est donc un isomorphisme de groupes ordonnés de Z dans G, et en particulier G est commutatif. b) Supposons que G++ n’admet pas de plus petit élément. Alors, pour tout a de G tels que G++ , il existe b ∈ G++ tel que b2 a. En effet, il existe c ∈ G++ tel que e ≺ c ≺ a, et le résultat est acquis si c2 a, et dans le cas contraire où a ≺ c2 , on a e ≺ c−1 ∗ a ≺ c 2 e ≺ c−1 ∗ a = c−1 ∗ a ∗ c−1 ∗ a ≺ c ∗ c−1 ∗ a = a, 2 de sorte que b = c−1 ∗ a convient. c) La proposition est acquise dès que l’on aura prouvé que deux éléments de G++ commutent. Supposons qu’il existe x ∈ G++ , y ∈ G++ tels que x ∗ y = y ∗ x, et posons c = x−1 ∗ y −1 ∗ x ∗ y. On peut supposer que c ∈ G++ (quitte à inverser les choix). Section 3 Anneaux, corps 49 Il existe donc d ∈ G++ tel que d2 c, et l’on peut supposer en outre que d ≺ x et d ≺ y. Notons k, l deux entiers naturels tels que dk x ≺ dk+1 et dl y ≺ dl+1 , de sorte que x ∗ y ≺ dk+l+2 , et x−1 ∗ y −1 d−(k+l) . On en déduit c ≺ d2 , ce qui est contradictoire. 1.3 Anneaux, corps 1.3.1 Introduction Un anneau n’est autre qu’un groupe commutatif (additif) doté d’un produit interne associatif et distributif sur l’addition. L’exemple le plus immédiat sera celui des entiers relatifs, obtenu en prolongeant la multiplication des enntiers naturels. Viendront ensuite les endomorphismes linéaires, et les polynômes. Historiquement, cette structure s’est développée à propos des équations diophantiennes. Il s’agit de trouver les solutions entières d’équations de la forme P (x1 , .., xn ) = 0, où P est un polynôme à n variables à coefficients dans Z, l’entier n ≥ 1 étant donné. Le paradoxe de ces équations est dans le fait que leur énoncé ne donne aucune indication sur le degré de difficulté. Ainsi, affirmer que l’équation 6x18 − x + 3 = 0 n’a aucune solution entière et énoncer le célèbre théorème de Fermat selon lequel il n’existe pas d’entiers naturels non nuls (x, y, z) tels que xn + yn = z n pour tout entier n ≥ 3 sont des propositions compréhensibles du grand public. Tandis que la première relève du bon sens (pour tout entier x, 6x18 > x − 3), la seconde a résisté pendant plus de trois cents ans depuis son énoncé par Fermat (1637) jusqu’à sa démonstration par Andrew Wiles (Princeton, 1993), et la version actuelle de cette démonstration, publiée aux Annals of Mathematics en 1995 n’est compréhensible que par quelques spécialistes. 1.3.2 Structure d’anneau et de corps Définition 1.59 Un anneau est un triplet 23 (A, +, .) où (A, +, 0A ) est un groupe commutatif, et où l’opération notée . appelée produit, est interne, associative et distributive par rapport à l’addition. L’ensemble des éléments de A distincts de 0A , supposé non vide, est noté A∗ . L’anneau est unitaire s’il existe un élément neutre pour le produit appelé l’unité24 , noté 1A , distinct de 0A . L’anneau est commutatif si l’opération . est commutative. Une première conséquence de la distributivité est la propriété 0A .x = 0A vérifiée pour tout x ∈ A. Il suffit de développer le produit (0A + 0A ) .x. De même, vérifier que si x et y sont éléments d’un anneau, alors (−x).y = −(x.y). Exemple 1.16 L’ensemble AX des applications définies sur un ensemble non vide X, à valeurs dans un anneau unitaire (A, +, .) est un anneau unitaire pour les opérations définies 23 24 Par abus, on dit aussi "l’anneau A". Cet élément neutre est nécessairement unique. 50 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) par f + g : x −→ f (x) + g(x) f.g : x −→ f (x).g(x), les éléments neutres sont la fonction constante nulle et la fonction constante égale à 1A . Exemple 1.17 L’ensemble des morphismes d’un groupe commutatif (G, +) dans lui même est un anneau unitaire pour les opérations d’addition et composition des morphismes. Les éléments neutres étant la fonction constante nulle et l’application identique. Proposition 1.40 Le groupe (Z, +) est un anneau commutatif avec 1Z = 1 pour le prolongement de la multiplication des entiers naturels défini par les relations suivantes. a.b si a = (a, 0) ∈ N et b = (b, 0) ∈ N (−a) . (−b) si a = (0, a) ∈ −N et b = (0, b) ∈ −N a.b = . − (−a) .b si a = (0, a) ∈ −N et b = (b, 0) ∈ N − a. (−b) si a = (a, 0) ∈ N et b = (0, b) ∈ −N Dans un anneau unitaire A, l’ensemble UA des éléments inversibles pour le produit est un groupe contenant ±1A . Si a, b sont inversibles, alors (a.b)−1 = b−1 .a−1 . Par exemple, UZ = {−1, +1}. Définition 1.60 Le groupe UA des éléments inversibles d’un anneau unitaire A est appelé groupe des unités de A. Définition 1.61 Un corps est un anneau unitaire K pour lequel le groupe des unités est l’ensemble des éléments non nuls, autrement dit tout élément non nul est inversible. Un corps est commutatif s’il est commutatif en tant qu’anneau. Définition 1.62 Un morphisme d’un anneau (A, +, .) dans un anneau (A′ , +′ , .′ ) est une application f : A → A′ qui est à la fois un morphisme du monoïde (A, +) dans (A′ , +′ ) et un morphisme du monoïde (A, .) dans (A′ , .′ ). Si les anneaux sont unitaires, on impose en outre la propriété f (1A ) = 1A′ . Rappelons que la relation f (0A ) = 0A′ est conséquence de la structure de groupe, mais que la relation f (1A ) = 1A′ doit être vérifiée. Définition 1.63 Un morphisme de corps est un morphisme pour les structures d’anneaux sous-jacentes. Section 3 51 Anneaux, corps Pour un morphisme non nul d’un corps K dans un corps K ′ , la propriété f (1K ) = 1K ′ est automatique, puisque f (1K ) = f (1K .1K ) = f (1K )f (1K ) Si f (1K ) = 0K ′ , alors f = 0, sinon f (1K ) est inversible et f(1K ) = 1K ′ . Définition 1.64 Un sous-anneau d’un anneau (A, +, .) est une partie de A, stable par le produit, et qui est un sous-groupe de (A, +). Définition 1.65 Un sous-corps d’un corps (K, +, .) est un sous-anneau L de K qui est un corps (il suffit que L contienne les inverses de tous ses éléments non nuls). On dit alors que K est une extension du corps L. Remarque 1.7 Dans l’anneau Z des entiers relatifs, les sous-groupes coïncident avec les sous-anneaux. Remarque 1.8 Un sous-anneau d’un anneau unitaire n’est pas nécessairement unitaire, ou peut avoir une unité distincte de l’unité de A. Par exemple (en anticipant sur la suite), 2Z dans l’anneau Z des entiers relatifs, ou l’ensemble des fonctions de carré intégrable au sens de Lebesgue dans l’anneau des fonctions réelles d’une variable réelle, la fonction constante 1 n’étant pas intégrable. Dans le sous-anneau de l’anneau des matrices carrées réelles de taille 2, le sous-anneau x 0 1 0 des matrices est unitaire, d’unité . 0 0 0 0 Remarque 1.9 Si X est un groupe ou un anneau ou un corps, et f une bijection de X sur un ensemble Y , on associe à chaque opération ∗ sur X une opération ∗′ sur Y en posant f (x) ∗′ f (y) = f (x ∗ y). On obtient ainsi sur Y une structure analogue à celle de X, pour laquelle f est un isomorphisme. Ce procédé est appelé transport de structure. Exemple 1.18 L’ensemble {0, 1} (ou tout ensemble à deux éléments) est doté d’une structure de corps25 pour les opérations suivantes. + 0 1 × 0 1 0 0 1 0 0 0 . 1 1 0 1 0 1 Si E est un ensemble non vide, l’exemple 1-16 définit l’anneau {0, 1}E , en bijection avec l’ensemble P (E) par les fonctions caractéristiques (Exemple 1-1). 25 Il s’agit en fait du corps des classes d’entiers modulo 2 (pairs/impairs) qui est défini par les propositions 1-59 et 1-72, mais la vérification directe de la structure suffit ici. 52 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Par transport de {0, 1}E à P (E), les opérations ⊤ et ⊥ respectivement associées à × et + sont définies par χX⊤Y = χX × χY , et donc, pour tout x ∈ E, x ∈ X⊤Y si et seulement si χX (x) = χY (x) = 1, c’est à dire x ∈ X ∩Y . L’opération ⊤ n’est autre que l’intersection. D’autre part, χX⊥Y = χX + χY , et donc, pour tout x ∈ E, x ∈ X⊥Y si et seulement si χX (x) = 1 et χY (x) = 0, soit x ∈ X\Y ou χX (x) = 0 et χY (x) = 1, soit x ∈ Y \X. E L’opération notée ∆ sur P (E), associée à l’addition de {0, 1} , définie par X∆Y = (X\Y ) ∪ (Y \X) est la différence symétrique. (P (E) , ∆, ∩) est donc un corps, les éléments neutres correspondants sont ∅ et E, les symétriques sont donnés par les relations X∆X = ∅ et X ∩ (E\X) = ∅. De plus, X∆X = ∅ et X ∩ X = X pour tout X ∈ P (E). Compte tenu de ces deux propriétés, l’anneau P (E) est appelé un anneau de Boole. Proposition 1.41 (Formule du binôme de Newton) a et b sont deux éléments permutables (a.b = b.a) d’un anneau commutatif unitaire A. Pour tout entier n ≥ 1, on a n (a + b)n = Cnk an−k .bk . k=0 Démonstration (par récurrence sur n) La relation étant évidente pour n = 1, supposons la vérifiée au rang n ≥ 1. On observe que les puissnces de a et les puissances de b commutent, et l’on écrit (a + b)n+1 = a. (a + b)n + b. (a + b)n n n Cnl an+1−l .bl + = l=0 n Cnk an−k .bk+1 k=0 n+1 Cnl an+1−l .bl + = l=0 Cnl−1 an−l+1 .bl l=1 en posant l = k + 1 dans la deuxième somme. n+1 0 Compte tenu des relations Cn0 = Cn+1 et Cnn = Cn+1 , en isolant le terme de rang l = 0 de la première somme et l = n + 1 dans la deuxième somme, on obtient n n+1 (a + b) = 0 Cn+1 an+1 .b0 n+1 n+1 b Cnl + Cnl−1 an+1−l .bl + Cn+1 + l=1 n 0 = Cn+1 an+1 .b0 + n+1 n+1 l Cn+1 an+1−l .bl + Cn+1 b l=1 n+1 l Cn+1 an+1−l .bl . = l=0 Cette formule sera très utilisée dans l’anneau des endomorphismes linéires, au chapitre 4 entre autres, avec une particularité : l’existence éventuelle d’une puissance nulle pour un élément non nul. La section suivante met en évidence ce fait. Exercice Dans un anneau commutatif unitaire A, une suite de la forme (xk ) = (a + k r)k∈N , où a et r sont fixés dans A, est appelée suite arithmétique de raison a. Section 3 53 Anneaux, corps n k=0 xk 1. Donner l’expression de S1 (n) = supposer n ≥ 2). en fonction de l’entier naturel n (on pourra 2. Il n’existe pas de formule générale donnant Sp (n) = nk=0 xpk en fonction des entiers n et p. Par contre, on peut les évaluer de proche en proche à partir de S1 (n). a. Exprimer (a + (k + 1) r)p+1 − (a + k r)p+1 à l’aide de la formule du binôme. b. Pour A = Z, a = r = 1, en déduire les sommes n n k2 et S3 (n) = S2 (n) = k=0 k3 . k=0 Solution 1) Au préalable, il convient d’évaluer S = 1 + 2 + .. + n. La méthode est d’écrire S = n + (n − 1) + .. + 2 + 1, et faire l’addition terme à terme. Il vient n (n + 1) . S= 2 On en déduit aussitôt n (n + 1) r. 2 p+1 l p+1−l l . l=1 Cp+1 r (a + k r) S1 (n) = (n + 1) a + p+1 p+1 2-a) (a + (k + 1) r) − (a + k r) = 2-b) En sommant les reltions précédentes dans ce cas particulier, on trouve n k2 = k=0 n (n + 1) (2n + 1) puis 6 n k3 = k=0 n2 (n + 1)2 . 4 1.3.3 Anneaux intègres Soit (A, +, .) un anneau unitaire. Notons 0 et 1 les éléments neutres respectifs de l’addition et du produit. Une conséquence évidente de la distributivité est que, pour tout x ∈ A, x.0 = 0.x = 0. Il en résulte que 0 n’est pas régulier pour le produit. Si l’on veut appliquer le procédé de symétrisation à la multiplication, en vue de pouvoir résoudre les équations de la forme b = a.x et b′ = a′ .x, il est nécessaire que (A\ {0} , .) soit un demi-groupe. Ce n’est pas vrai pour tous les anneaux. Ainsi, le produit d’une fonction réelle nulle sur ]−∞, 0] par une fonction nulle sur [0, +∞[ est la fonction nulle. D’où la définition qui suit. Définition 1.66 Un anneau unitaire (A, +, .) est intègre si la propriété suivante est vérifiée. ∀ (x, y) ∈ A2 , (x.y = 0) ⇐⇒ (x = 0 ou y = 0) . Exemple 1.19 Z est un anneau intègre. Cela résulte de la définition du produit et de la proposition 1-6. Proposition 1.42 Un corps est intègre en tant qu’anneau. En effet, si un produit x.y est nul, avec par exemple x = 0, alors x−1 .x.y = x−1 .0 = 0 donc y = 0. 54 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.3.4 Anneaux et corps ordonnés Définition 1.67 Un anneau ordonné est un couple ((A, +, .) , ) où (A, +, .) est un anneau, une relation d’ordre sur A telle que ((A, +) , ) est un groupe commutatif ordonné (l’ordre est donc supposé total), et que la propriété suivante soit vérifiée ∀ (x, y) ∈ A2 , ((0 x) et (0 y)) =⇒ (0 x.y) . Un corps ordonné est un corps dont l’anneau sous-jacent est ordonné. Il en résulte que l’ordre est compatible avec le produit par un élément supérieur à 0. Il est commode de noter A+ l’ensemble des éléments x de A tels que 0 x, et A− l’ensemble des éléments x de A tels que x 0, de sorte que A = A+ ∪A− et A+ ∩A− = {0}. Proposition 1.43 Dans un anneau ordonné, ∀ (x, y) ∈ A2 , ∀z ∈ A+ (x y) =⇒ ((x.z y.z) et (z.x z.y)) . Exercice 1) Ecrire une démonstration de la proposition précédente. 2) Dans un anneau ordonné, démontrer les propriétés suivantes (“règle des signes”). ∀ (x, y) ∈ A2 , ((x 0) et (y 0)) =⇒ (0 x.y) ∀ (x, y) ∈ A2 , ((x 0) et (0 y)) =⇒ (x.y 0) ∀x ∈ A, 0 x2 . En particulier, 1A ≻ 0. 3) Dans un corps ordonné K, les propriétés sont complétées ainsi. a) Deux éléments inverses l’un de l’autre sont de même signe, donc x.y−1 et x.y sont de même signe, et si x ≻ y ≻ 0, alors y−1 ≻ x−1 ≻ 0. b) Dans la règle des signes, on peut remplacer les relations par ≺. c) Si x ≻ 0, alors xp ≻ 0 pour tout p ∈ Z. Il s’en suit que l’ensemble des éléments ≻ 0 de K est un groupe multiplicatif ordonné. Proposition 1.44 Z est un anneau ordonné. Pour étendre la division euclidienne aux entiers relatifs, commençons par définir la valeur absolue dans un anneau ordonné. Définition 1.68 Dans un anneau ordonné (A, ), pour tout x ∈ A, on pose x+ = max (x, 0), x− = max (−x, 0), |x| = max (x, −x) de sorte que x = x+ − x− , |x| = x+ + x− , |x| ≥ 0. L’application |.| de A dans A+ ainsi définie est la valeur absolue. Proposition 1.45 La valeur absolue possède les propriétés suivantes. |−x| = |x| , (|x| = 0) ⇐⇒ (x = 0) , ||x| − |y|| ≤ |x + y| ≤ |x| + |y| , |x.y| = |x| . |y| . La démonstration est un exercice qui n’utilise que la définition. Section 3 Anneaux, corps 55 L’inégalité ||x| − |y|| ≤ |x + y|, sera déduite de la suivante et des égalités x = x + y − y, y = x + y − x. Pour la relation |x.y| = |x| . |y|, distinguer trois cas pour les signes de x et y. x Si A est un corps, on a évidemment |x| |y| = y pour y = 0. 1.3.5 Arithmétique de Z Il s’agit des propriétés de la divisibilité dans l’anneau des entiers relatifs. Tout repose sur l’extension à Z de la division euclidienne dans N, à partir de quoi on détermine tous les sous-groupes de (Z, +), et donc les sous-anneaux de (Z, +, .). 1.3.5.1 Division euclidienne Pour les entiers naturels, l’unicité du couple quotient-reste résultait de la double condition 0 ≤ r < b, dans la relation a = b q + r, c’est à dire que dans la suite croissante 0, b, 2.b, .., k.b, .. le quotient q correspond à la plus grande valeur de k telle que k.b ≤ a, c’est à dire 0 < b < 2.b < .. < q.b ≤ a < (q + 1) .b Evidemment q = 0 si a < b. Dans Z on commence par traiter le cas b > 0. Pour diviser a = −15 par b = 2 par exemple, la suite des multiples de 2 qu’il convient d’envisager pour encadrer −15 est la suite décroissante (−8) .2 ≤ −15 < (−7) .2 < ... < (−2) .2 < (−1) .2 < 0. La condition 0 ≤ a − q.b < b sera assurée non pour q = −7 mais q = −8. Pour diviser a = −15 par b = −2 , on écrira d’abord −15 = 2 (−8) + 1, c’est à dire la division de −15 par 2, puis −15 = (−2) 8 + 1, soit q = 8, r = 1. Proposition 1.46 ∀ (a, b) ∈ Z × Z∗ , ∃1 (q, r) ∈ Z × N, a = b q + r et 0 ≤ r < |b|. Définition 1.69 q est le quotient et r est le reste de la division euclidienne de a par b. Démonstration Existence - Si a ≥ 0 et b > 0, on est ramené à la proposition 1- , a = b q + r et 0 ≤ r < b. - Si a ≥ 0 et b < 0, le cas précédent s’applique à a et −b : a = (−b) q + r = b (−q) + r et 0 ≤ r < b. Par exemple, 15 = (−2) . (−7) + 1. - Si a < 0 et b > 0, l’ensemble X des multiples de b majorés par a est une partie non vide et majorée de Z, elle admet un plus grand élément. Notons le b q, de sorte que b q ≤ a < b(q + 1), ce qui montre que r = a − b q vérifie 0 ≤ r < b. - Si a < 0 et b < 0, le cas précédent donne l’existence d’un couple (q, r) ∈ Z × N tel que a = (−b) q + r = b (−q) + r et 0 ≤ r < −b = |b| . Unicité S’il existe (q, r) ∈ Z × N et (q ′ , r′ ) ∈ Z × N tels que a = b q + r, a = b q ′ + r′ et 0 ≤ r < |b|, 0 ≤ r′ < |b|, alors par soustraction, 0 = b (q − q ′ ) + (r − r′ ), donc |b| |q − q ′ | = |r − r′ | . ′ ′ Si q = q , alors r = r . 56 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Sinon, |q − q ′ | ≥ 1, donc d’une part, |b| |q − q ′ | ≥ |b |, d’autre part |r − r′ | est strictement inférieur à |b| (vérifier ce fait précisément), ce qui est contradictoire. Corollaire 1.47 Tout sous-groupe H de (Z, +) est monogène, de la forme +n, = nZ, où n est soit 0 soit le plus petit élément strictement positif de H. Démonstration L’ensemble des éléments positifs de H admet un plus petit élément n. Si n = 0, alors H = {0}. Sinon, la division euclidienne d’un élément a ∈ H par n s’écrit a = nq + r avec 0 ≤ r < n, et r = a − nq ∈ H, ce qui conduit à une contradiction à moins que r = 0. 1.3.5.2 Condensé d’arithmétique élémentaire Définition 1.70 Etant donné un couple (a, b) ∈ Z × Z∗ , disons que b divise a ou que b est un diviseur de a (ou que a est un multiple de b, ou divisible par b) s’il existe un élément c ∈ Z tel que a = b.c. On écrit b | a. La raison pour laquelle on évacue le cas b = 0 est claire : b = 0 ne diviserait que a = 0, et c serait indéterminé. Si b = 0, c est uniquement déterminé par a et b, y compris pour a = 0 (0 est divisible par tout entier b). De plus, la relation b divise a, correspond dans ce cas au reste nul dans la division euclidienne de a par b. La divisibilité est une relation réflexive (a divise a pour tout entier non nul a), et transitive (si a divise b et si b divise c, alors a divise c). De plus, si a divise b et si b divise a, alors a = b.c et b = a.c′ donc a = a.c′ .c. Si a = 0, alors b = 0. Sinon, c est inversible donc a = ±b. Restreinte à N × N, la relation de divisibilité est donc une relation d’ordre. Il est clair que chaque entier relatif n non nul admet n, −n, 1 et −1 comme diviseurs. Si m est un diviseur, il en est de même de −m, donc pour la suite, "diviseur" signifiera "diviseur positif”. Un entier non nul n n’a qu’un nombre fini de diviseurs puis qu’ils sont compris entre 1 et n. Définition 1.71 Un entier naturel n est un nombre premier s’il est au moins égal à 2, et si 1 et n sont les seuls diviseurs de n. Les entiers primaires sont les puissances de nombres premiers, d’exposant entier au moins égal à 1. Pour la divisibilité, les nombres premiers jouent évidemment un rôle particulier. Proposition 1.48 1) Si b divise a, et a = 0, alors |b| ≤ |a|. Il en résulte que l’ensemble des diviseurs d’un entier non nul est fini. 2) Tout entier a distinct de 0, −1 et 1 admet au moins un diviseur premier. 3) L’ensemble P des nombres premiers est infini (Euclide). Section 3 57 Anneaux, corps Démonstration 1) Si a = b.c, alors c est non nul et |a| = |b| + |b| (|c| − 1), donc |a| − |b| ≥ 0. 2) Soit X l’ensemble des diviseurs de a (positifs) et autres que 1. Ce sous-ensemble non vide de N admet un plus petit élément p. Alors p est premier. Sinon, p admettrait un diviseur d autre que 1, et d appartiendrait à X avec d < p, ce qui est contradictoire. & 3) Si P est fini, l’entier n = 1 + p admettant un diviseur premier q, il est clair que p∈P q∈ / P, ce qui est contradictoire. Une relation remarquable entre l’ensemble ordonné (N∗ , |) et l’ensemble des sous-groupes de Z ordonné par l’inclusion, et à la source des propriétés de la divisibilité des entiers. Proposition 1.49 Si m et n sont deux entiers positifs, alors (nZ ⊂ mZ) ⇐⇒ (m | n) . On notera le renversement des ordres. En effet, si n = km, alors tout multiple de n est un multiple de m. Inversement, si nZ ⊂ mZ, alors n ∈ mZ, donc m est un diviseur de n. Soit {a1 , .., ak } un ensemble de k entiers relatifs non nuls. Le sous-groupe de (Z, +) engendré par a1 , .., ak est a1 Z + ... + ak Z. Ce sous-groupe admet un générateur d > 0, caractérisé par la relation a1 Z + ... + ak Z = dZ. Proposition 1.50 L’entier d > 0 ainsi défini est un diviseur commun des ai , et tout diviseur commun des ai est un diviseur de d. Inversement, si un entier d > 0 est un diviseur commun des ai , et si tout diviseur commun des ai est un diviseur de d, alors a1 Z + ... + ak Z = dZ. Démonstration a) Supposons que a1 Z + ... + ak Z = dZ. Alors chacun des entiers ai est un multiple de d. D’autre part, il existe k entiers relatifs q1 , .., qk tels que k d= ai qi (relation de Bachet-Bezout) i=1 donc tout diviseur δ de a1 , .., ak est un diviseur de d.26 b) Les ai déterminent un entier d′ tel que a1 Z + ... + ak Z = d′ Z. L’entier d étant un diviseur commun des ai , on peut affirmer que d′ Z ⊂ dZ, donc d divise d′ . De plus, d′ est un diviseur commun des ai donc d′ divise d. Finalement, d′ = d. d est à la fois le plus petit élément > 0 du sous-groupe a1 Z + ... + ak Z, et le plus grand élément de l’ensemble des diviseurs de a1 , .., ak . Définition 1.72 On dit que d est le plus grand diviseur commun de l’ensemble {a1 , .., ak }, et l’on écrit d = pgcd {a1 , .., ak }, ou d = a1 ∧ .. ∧ ak . 26 Bezout ou Bézout. 58 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) On verra dans la section suivante un procédé de calcul effectif de d et des suites (q1 , .., qk ). Corollaire 1.51 Pour deux entiers non nuls a et b, et un entier naturel n, on a l’équivalence (a ∧ b = d) ⇐⇒ (n.a ∧ n.b = n.d) Démonstration On peut supposer n = 0 et a = b. a) Si d = pgcd {a, b}, il est clair que n.d est un diviseur commun de n.a et n.b. D’autre part, il existe x, y entiers tels que a.x + b.y = d, donc n.a.x + n.b.y = n.d, de sorte que tout diviseur commun de n.a et n.b est un diviseur de n.d. b) Supposons que n.a ∧ n.b = n.d. D’une part a.n Z + b.n Z = d.n Z, donc n.a est un multiple de n.d et a est multiple de d. Ainsi, d est un diviseur commun de a et b. D’autre part, il existe x, y entiers tels que n.a.x + n.b.y = n.d, donc a.x + b.y = d, et par suite tout diviseur commun de a et b est un diviseur de d. Définition 1.73 Les entiers relatifs non nuls et distincts a1 , .., ak sont premiers entre eux (dans leur ensemble) ou étrangers si d = 1. Dans ce cas, la relation 1 = ki=1 ai qi devient caractéristique : un diviseur commun des ai est nécessairement un diviseur de 1. Une conséquence utile est la suivante. Si d = pgcd {a1 , .., ak }, alors 1 ∈ ad1 Z+...+ adk Z, et donc ad1 , .., adk sont premiers entre eux. Proposition 1.52 a) {a1 , .., ak } sont étrangers si et seulement si il existe k entiers relatifs q1 , .., qk tels que ki=1 ai qi = 1. b) Pour toute liste d’entiers non nuls {a1 , .., ak }, dont le pgcd est d, les entiers ad1 , .., adk sont premiers entre eux. c) Un nombre premier est étranger à tout entier dont il n’est pas diviseur. Proposition 1.53 (Théorème de Gauss) Soient a, b, c des entiers non nuls. Si a divise le produit b.c et si a et b sont premiers entre eux, alors a divise c. En effet, il existe un couple (u, v) d’entiers tel que 1 = a.u+b.v, et donc c = a.u.c+b.v.c. a divise a.u.c et b.v.c donc a divise c. Corollaire 1.54 1) Si un nombre premier divise un produit de facteurs entiers, il divise au moins l’un d’eux. 2) Si un nombre premier divise un produit de facteurs premiers, il est égal à l’un d’eux. 3) Si un entier non nul n est divisible par k ≥ 2 entiers étrangers a1 ,..,ak , alors n est divisible par le produit a1 ..ak . 4) Soient a, b, c des entiers non nuls. Si c est étranger avec a et b, il est étranger avec le produit a.b. 5) (Décomposition en produit de facteurs primaires). Pour tout entier n ≥ 2, il existe une liste (p1 , .., pk ) de nombres premiers distincts, avec k ≥ 1, et une liste (α1 , .., αk ) d’entiers Section 3 Anneaux, corps 59 non nuls, tel que αk 1 n = pα 1 ...pk , et cette décomposition est unique à l’ordre près des facteurs. Démonstration Les propriétés 1) et 2) sont immédiates. 3) se vérifie en prenant d’abord k = 2. On écrit n = d.a1 et l’on applique le théorème de Gauss : a2 divise d.a1 , a2 est premier avec a1 donc a2 divise d et par suite n est multiple de a1 .a2 . Si k > 2, on applique le raisonnement précédent aux produits successifs (a1 .a2 ) a3 , (a1 .a2 .a3 ) a4 et ainsi de suite. Pour 4), on prend un diviseur commun d de a.b et c. Tout diviseur commun de d et a divise c et a donc a et d sont étrangers. Il résulte du théorème de Gauss que d divise b, mais d divise c donc d = 1. Pour 5), l’existence d’une telle décomposition vient de ce que n admet au moins un diviseur premier p. Si p est distinct de n, on recommence le raisonnement en remplaçant n par n d , et ainsi de suite jusqu’à obtention d’un nombre premier. Le processus est fini puisque n n’a qu’un nombre fini de diviseurs. L’unicité s’obtient en deux étapes. β1 βl αk 1 Supposons pα 1 ...pk = q1 ...ql . Chaque entier qi est égal à l’un des entiers p1 , .., pk d’après la propriété 2), et inversement donc k = l, et l’on peut supposer que p1 = q1 ,..., et pk = qk . γ β2 βl k Ensuite, si α1 > β 1 , on écrit p1 1 ...pα k = q2 ...ql avec γ 1 = α1 − β 1 , ce qui contredit le raisonnement précédent. De proche en proche, on obtient α2 = β 2 ,...,αk = β k . Définition 1.74 Le plus petit multiple commun d’un ensemble de k entiers relatifs non nuls {a1 , .., ak } est le générateur m du sous-groupe de (Z, +) intersection des sous-groupes +ai ,, i = 1, .., k. a1 Z ∩ ... ∩ ak Z = mZ. m est effectivement un multiple de chacun des entiers ai , et tout multiple commun des ai est un multiple de m. On écrira m = ppcm {a1 , .., ak } ou m = a1 ∨ .. ∨ ak . Proposition 1.55 Si a, b sont deux entiers non nuls, et d = pgcd {a, b}, m = ppcm {a, b}, alors |ab| = md. Démonstration En divisant par d, on est ramené au cas où a et b sont premiers entre eux. Dans ce cas, si c est un multiple commun de a et b, écrivons c = a.a′ = b.b′ . Alors, a divise b.b′ donc b′ (Gauss), soit b′ = a.a′′ , et par suite c est un multiple de a.b. En particulier, m est un multiple de a.b. D’autre part, a.b est évidemment un multiple commun de a et b, donc un multiple de m, il en résulte que |a.b| = m. Proposition 1.56 L’ensemble ordonné (N∗ , |) est un treillis. Pour deux entiers a, b on a en effet sup(a, b) = ppcm {a, b} et inf(a, b) = pgcd {a, b}. 60 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Exercices 1. Retrouver et justifier la méthode de calcul du pgcd et du ppcm de deux entiers connaissant leur décomposition en produit de facteurs primaires, et retrouver ainsi la relation |ab| = md. 2. Existe-t-il un entier naturel n qui s’écrit abcca en base cinq et bbab en base huit ? 3. Etendre la propriété (3) du corollaire 1-50 au cas de n entiers : Si c est étranger avec a1 , .., an , alors c est étranger avec le produit a1 ..an . Solution Ex.2 Les deux conditions de l’énoncé conduisent à l’équation 309 a − 226 b + 15 c = 0. Donc 3 divise 226 b, étant premier avec 226, 3 divise b (Gauss) donc b = 3. Il s’en suit que a = 2 et c = 4, donc n = 1747. Solution Ex.3 Si d est un diviseur commun de c et a1 ..an , on peut supposer que d est premier. c étant premier avec a1 , d ne divise pas a1 donc (Gauss) d divise a2 ..an . En itérant le raisonnement, on arrive à la conclusion que d divise an , ce qui est contradictoire. 1.3.5.3 Deux algorithmes de calcul Si a et b sont deux entiers non nuls l’entier d = pgcd (a, b) est noté a ∧ b. On se limitera sans inconvénient à supposer a et b positifs, et a = b. Le calcul effectif de a ∧ b sans utiliser la décomposition en facteurs premiers de a et b est basé sur la propriété (immédiate) suivante. Si k est un entier, alors a ∧ b = b ∧ (a − k b). Il s’en suit que si l’on effectue successivement - la division euclidienne de a par b : a = b q1 + r1 , 0 ≤ r1 < b, - si r1 = 0, la division euclidienne de b par r1 : b = r1 q2 + r2 , 0 ≤ r2 < r1 , - si r2 = 0, la division euclidienne de r1 par r2 : r1 = r2 q3 + r3 , 0 ≤ r3 < r2 , et ainsi de suite, on a une suite strictement décroissante de restes tant qu’ils ne sont pas nuls. rk−2 = rk−1 qk + rk , 0 ≤ rk < rk−1 . Le processus est arrêté au premier reste nul, soit rn = 0, la dernière étape s’écrivant rn−2 = rn−1 qn . On a alors rn−1 = rn−2 ∧ rn−1 = ... = r2 ∧ r1 = r1 ∧ b = a ∧ b. Autrement dit, a ∧ b est le dernier reste non nul. Remarquons qu’il est intéressant de choisir a > b, sinon la première division s’écrit a = r1 , et la suivante b = a q2 + r2 , 0 ≤ r2 < a. Définition 1.75 Cet algorithme, initié par la division euclidienne de a par b (a > b), où à chaque étape, le diviseur et le reste précédents deviennent le dividende et le diviseur, est appelé algorithme d’Euclide. Par exemple, le calcul de pgcd (99099, 43928) “à la main” peut être ainsi présenté. Section 3 61 Anneaux, corps dividende diviseur quotient reste 99099 43928 2 r1 = 11243 43928 11243 3 r2 = 10199 11243 10199 1 r3 = 1044 10199 1044 9 r4 = 803 1044 803 1 r5 = 241 803 241 3 r6 = 80 241 80 3 r7 = 1 = pgcd (99099, 43928) 80 1 80 0 Il est facile de programmer l’algorithme d’Euclide en utilisant une fonction notée a mod b qui donne le reste de la division eulidienne de a par b. Entrer a > b > 0 Tant que (b = 0) faire r ←− a mod b a ←− b b ←− r Retourner a. Le fait de pouvoir exprimer successivement chacun des restes non nuls r1 , .., rn−1 uniquement en fonction de a et b permet d’écrire une solution particulière de l’équation de Bezout a x + b y = d, (x, y) ∈ Z2 , d = a ∧ b. Pour l’exemple précédent, ceci s’écrit r1 = a − 2 b r2 = b − 3r1 = 3a + 7b r3 = r1 − r2 = 4a − 9b r4 = r2 − 9r3 = −39a + 88b r5 = r3 − r4 = 43a − 97b r6 = r4 − 3r5 = −168a + 379b r7 = 1 = r5 − 3r6 = 547a − 1234b. Pour programmer le calcul, on a maintenant besoin des quotients q1 , .., qn−1 . En effet, il s’agit de calculer (u1 , .., un−1 ) et (v1 , .., vn−1 ), outre (r1 , .., rn−1 = d) tels que r1 = a, u1 = 1, v1 = 0 r2 = b, u2 = 0, v2 = 1 rk = auk + bvk pour k = 1, 2, .., n − 1 rn−1 = d = aun−1 + bvn−1 . La relation de récurrence des restes rk−2 = rk−1 qk + rk donne rk = auk−2 + bvk−2 − (auk−1 + bvk−1 ) qk , donc uk = uk−2 − qk uk−1 vk = vk−2 − qk vk−1 . Le calcul nécessite la connaissance des quotients, une fonction notée a div b donne le quotient de la division eulidienne de a par b. La valeur de n devant être connue, on utilise un algorithme qui contient le précédent. Un proramme est donné en annexe au § 1-10. Exercice 62 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Calculer pgcd (30576, 6600), et déterminer une solution de l’équation de Bezout associée. Exercice 1. Si (x0 , y0 ) est une solution de la relation de Bezout a x + b y = d, (x, y) ∈ Z2 , d = a ∧ b, prouver que les solutions sont les couples (x0 + k b, y0 − k a), k ∈ Z. 2. Une condition d’unicité. a et b sont des entiers naturels premiers entre eux, tels que a ≥ 2, b ≥ 2, a > b. Prouver qu’il existe un couple unique (u, v) ∈ Z × Z tel que 0 < u < b, 0 < v < a, et a u − b v = 1. Indication. Déduire l’existence d’une telle solution à partir d’un couple (x, y) tel que ax−by = 1 en divisant x par b. Solution Ex. 2 Existence. Soit ax − by = 1. On divise x par b, x = b.q + u et 0 ≤ u < b, soit a.u − b.v = 1 où v = y − a.q . Si u = 0, on a −b(y − a.q) = 1 et b ≥ 2, donc b = 1 et 0 < u < b. De même, v > 0, et v = a.u−1 < a.b−1 = a − 1b < a. b b Unicité. Si a.u − b.v = a.u′ − b.v ′ , alors a. |u − u′ | = b. |v − v ′ |, b divise |u − u′ | (Gauss) donc |u − u′ | est à la fois plus petit que b est supérieur à b si u = u′ . 1.3.5.4 Quelques équations diophantiennes Voici trois équations diophantiennes qui n’utilisent que les propriétés élémentaires précédentes. 1) Les équations du premier degré sont les plus élémentaires. Avec deux variables, il s’agit de déterminer les couples (x, y) ∈ Z2 tels que a x + b y = c, 3 où (a, b, c) ∈ Z sont donnés, a = 0, b = 0, autrement dit les points à coordonnées entières hors des axes sur une droite d’équation a x + b y = c à coefficients entiers. Notons d le pgcd de a et b. Si c n’est pas un multiple de d, la relation aZ + bZ = dZ montre qu’il n’existe pas de solution (x, y). Sinon, c = c′ d, et l’équation est équivalente à a′ x + b′ y = c′ avec a′ ∧ b′ = 1. On a vu l’ensemble des solutions à l’exercice 1 ci-dessus. 2) Un autre exemple élémentaire est celui de l’équation dite de Pythagore x2 + y2 = z 2 dont les solutions entières avec x.y.z = 0 correspondent aux triangles rectangles à côtés entiers, par exemple (3, 4, 5). On peut les déterminer comme suit. Pour commencer, on peut supposer que x, y, z sont étrangers, quitte à les diviser par leur pgcd. Dans ces conditions, ils sont étrangers deux à deux. Par exemple, si x et z ont un diviseur premier commun d, alors d divise y 2 = z 2 − x2 , donc y. De même pour y, z et pour x, y. Il en résulte que deux des trois nombres x, y, z sont impairs et le troisième est pair. D’autre part, avec cette hypothèse, x et y sont de parité différente donc z est impair. En effet, si x et y sont pairs, z 2 est multiple de 4, donc z est pair et y et z ne sont pas premiers entre eux. Si x et y sont impairs, la somme x2 + y 2 est un multiple de 4 plus 2, ce qui n’est jamais le cas pour z 2 . Section 3 Anneaux, corps 63 Quitte à permuter x et y, supposons x impair, y pair, z impair et écrivons y 2 = z 2 − x2 = (z − x)(z + x). Il en résulte que δ = (z − x) ∧ (z + x) = 2. En effet, z − x et z + x sont pairs donc 2 divise δ. De plus, δ divise (z − x) + (z + x) = 2z, et δ divise (z + x) − (z − x) = 2x, donc δ divise 2z ∧ 2x = 2. 2 z+x On peut donc écrire par exemple y2 = z−x , soit a2 = b c. 2 2 Un diviseur commun de b et c divise b + c = z et b − c = x, donc b et c sont premiers entre eux. La décomposition en facteurs premiers de a montre alors que b et c sont des carrés, notons les u2 et v2 . On a ainsi a2 = u2 v 2 b = u2 c = v2 d’où x = v2 − u2 y = 2uv z = u2 + v2 , avec u < v et u ∧ v = 1. La réciproque est évidente, de sorte que les solutions s’écrivent x = k v2 − u2 y = 2kuv z = k u2 + v2 , où u, v, k sont des entiers naturels non nuls, avec u < v et u ∧ v = 1. 3) Fermat a démontré que l’équation x4 + y 4 = z 4 n’a pas de solutions formées d’entiers (x, y, z) non nuls. Pour cela, il commence par prouver que l’équation x4 + y 4 = z 2 n’a pas de solutions formées d’entiers (x, y, z) non nuls à l’aide d’une méthode dite de descente infinie que l’on va décrire (le cas de l’équation x4 + y 4 = z 4 s’en déduit aussitôt). Supposons que l’équation x4 + y4 = z 2 admette une solution avec x, y, z non nuls. Il existe donc une solution pour laquelle z est minimal. Pour cette solution, x, y, z sont étrangers deux à deux. En effet, si x et y par exemple admettent un diviseur commun premier p, alors p4 divise z 2 , donc p2 divise z, et xp , yp , pz2 est une solution qui contredit la minimalité. Dans ces conditions, x2 , y 2 , z est une solution de l’équation de Pythagore donc il existe (u, v) premiers entre eux tels que x2 = u2 − v 2 , y 2 = 2uv, z = u2 + v2 . (x, v, u) est encore une solution de l’équation de Pythagore, il existe donc (a, b) premiers entre eux tels que x = a2 − b2 , v = 2ab, u = a2 + b2 , 2 2 2 et donc y = 4ab a + b . Sachant que a, b, a2 + b2 sont étrangers, la décomposition en facteurs premiers de y 2 montre que a, b, a2 + b2 sont des carrés. Notons a = α2 , b = β 2 , a2 + b2 = γ 2 . On a α4 + β 4 = γ 2 , ce qui donne une solution (α, β, γ) de l’équation avec γ < γ 2 = u < u2 + v2 = z, ce qui contredit la minimalité. 64 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.4 Groupes (suite) 1.4.1 Sous-groupes distingués et quotients de groupes 1.4.1.1 Entiers modulo n Dans le groupe (Z, +), la division euclidienne par 2 distingue une partition en deux classes, entiers pairs et impairs, correspondant aux restes 0 ou 1. Retenons comme intéressant la fait que le sous-groupe H = 2Z détermine à lui seul les deux classes. En effet, soit un entier x appartient à H, soit x − 1 appartient à H. Dans la “preuve par 927 ” d’une addition ou d’une multiplication (donc d’une division), H est le sous-groupe 9Z des multiples de 9, et l’on identifie deux entiers qui ont même reste dans la division par 9, ce qui donne neuf classes d’équivalences, représentées par les restes 0,..,8. La partition des entiers représentée par les restes de la division par 9 est donc déterminée par la seule donnée du sous-groupe H = 9Z. L’argument qui permettra de généraliser cette construction de quotient est que deux entiers x et y ont même reste dans la division par 9 si et seulement si y − x ∈ H. On considère donc comme équivalents à x les entiers de la forme x + H, translatés de x par les éléments de H. La preuve par 9 repose sur deux résultats supplémentaires : la classe d’une somme (resp. d’un produit) est la somme (resp. le produit) des classes, et la classe de 10n est 1 pour tout n, ce qui permet de ne considérer que les chiffres de l’écriture décimale, au lieu des nombres. Le fait que les classes aient même cardinal (fini ou non) est une propriété générale des groupes que l’on va établir et utiliser dans la suite. Dans un premier temps, on se limite au cas du groupe (Z, +) où l’étude est facilitée par deux faits. - Ce groupe est commutatif. - On connait tous les sous-groupes (Corollaire 1-45). Proposition 1.57 Dans le groupe (Z, +), soit H = nZ un sous-groupe, où n est un entier naturel non nul. Pour deux entiers x et y, les propriétés suivantes sont équivalentes. (1) x − y ∈ nZ. (2) x et y ont même reste dans la division par n. Démonstration De (1) à (2), on écrit x = n.q + r et y = m.q + r′ avec 0 ≤ r < n et 0 ≤ r′ < n. Par soustraction, et en prenant les valeurs absolues, on en déduit que |r − r′ | est un multiple de n, avec 0 ≤ |r − r′ | < n, donc nécessairement r = r′ . La réciproque est évidente. Définition 1.76 Dans les conditions de la proposition, on dit28 que x est congru à y modulo n, et l’on écrit x ≡ y (mod n). La notation usuelle de la classe x + nZ d’un entier x ∈ Z est x, mais si x ∈ {0, .., n − 1}, il est habituel d’identifier classe et reste, en écrivant x au lieu de x. 27 Qui n’est qu’une condition nécessaire pour qu’une opération soit exacte, ce n’est donc pas une preuve de validité du résultat. 28 Suivant Gauss. Section 4 Groupes (suite) 65 L’ensemble des classes d’équivalence est donc de cardinal n, et identifiable à l’ensemble {0, .., n − 1} des n restes. Cela dit, des relations telles que n ≡ 0, n + 1 ≡ 1 etc montrent qu’il serait imprudent de noter [n[ cet ensemble quotient. En vue de la généralisation ultérieure, on note Z/nZ l’ensemble des classes d’entiers modulo n. Une autre étape, dont l’utilité a été évoquée à propos de la preuve par 9, consiste à doter l’ensemble des classes d’une structure de groupe pour laquelle la somme de deux classes d’équivalence est égale à la classe de la somme des représentants, ce qui suppose que cette somme soit indépendante du choix des représentants. Proposition 1.58 L’entier n > 0 étant fixé, en posant x + y = x + y on définit sur Z/nZ une structure de groupe commutatif pour laquelle la projection canonique π : Z → Z/nZ est un morphisme de groupes. Ce groupe est fini d’ordre n, et engendré par 1. Démonstration La définition de l’addition des classes a un sens sachant que x + y = x′ + y ′ lorsque x ≡ x′ et y ≡ y′ (si x − x′ et y − y ′ sont des multiples de n, leur somme est un multiple de n). Commutativité et associativité sont des évidences, la classe 0 = nZ est un élément neutre et n − x est opposé à x, pour tout entier x. Remarque 1.10 Le groupe de Klein (Z/2Z × Z/2Z, +) et le groupe (Z/4Z, +) ne sont pas isomorphes (dans le groupe de Klein, x + x = 0 pour tout x). Il est remarquable que la structure d’anneau de Z passe au quotient, c’est la raison pour laquelle la notion d’idéal d’un anneau, qui sera nécessaire au chapitre 4, n’est pas nécessaire ici. Proposition 1.59 Le groupe (Z/nZ, +) avec n > 0 est un anneau commutatif pour le produit défini (avec un abus de notation) par x.y = x.y. De plus, la projection canonique π : Z → Z/nZ est un morphisme d’anneaux. La démonstration est un exercice. Le seul point non évident est celui de la validité de cette définition. Si x − x′ ∈ nZ et y − y ′ ∈ nZ, il suffit d’écrire x.y − x′ .y′ = (x − x′ ) .y + x′ . (y − y′ ) . La question de l’intégrité de l’anneau (Z/nZ, +, .) est immédiate. Si n est composé (non premier), soit n = x.y, alors x.y = 0. Si n est premier, l’anneau Z/nZ est intègre sachant que si un produit x.y est nul, avec x = 0 et y = 0, n divise x.y donc n est un diviseur premier de x ou de y, de sorte x ou y est nul. Exercices 1. Résoudre les équations suivantes. a. x2 + x + 7 = 0 dans Z/13Z. b. x2 + x − 2 = 0 dans Z/10Z. 66 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 2. Démontrer les “caractères de divisibilité” suivants, où ap ..a0 est l’écriture décimale29 d’un entier n ≥ 0. a. n ≡ a0 (mod 2). b. n ≡ a0 (mod 5). p c. n ≡ i=0 ai (mod 3). d. n ≡ a0 − a1 + ... (mod 11). e. n ≡ a0 a1 (mod 4). 3. La numération décimale ne donne pas de caractère de divisilibité simple pour la division par 7. Pourquoi ? Eléments de méthode Ex. 1-a) A partir d’une solution “évidente” telle que x = 2, on peut dire que x est solution si et seulement si x2 + x + 7 = 22 + 2 + 7, soit 0 = (x − 2) (x + 2) + (x − 2) = (x − 2) (x + 3) et donc x ∈ {2, 10} sachant que l’anneau Z/13Z est intègre. Ex. 1-b) Comme précédemment, la solution x = 1 conduit à (x − 1) (x + 2) = 0. Mais Z/10Z n’est pas intègre, on doit lister tous les cas possibles, ce qui donne x−1 0 x 1 x+2 5 2 0 2 5 . 8 / 3 Ex. 3 Modulo 7, 10 est équivalent à 3, donc 10k à 3k . Le calcul des classes 3k successives donne 3, 2, 6, 4, 5, 1. Il est évidemment possible d’en déduire la classe d’un entier ap ..a0 modulo 7, mais cela ne se prête pas facilement au calcul mental, sachant que les puissances de 10 équivalentes à 1 ne sont obtenues que pour l’exposant multiple de 6. 1.4.1.2 Equivalences compatibles avec une structure de groupe On procède par analogie avec les congruences d’entiers, en tenant compte de la commutativité éventuelle. Définition 1.77 Soit (G, ∗) un groupe. Une relation d’équivalence R sur G est compatible à gauche avec la structure de groupe de G si ∀ (x, y, z) ∈ G3 , (xRy) =⇒ ((z ∗ x) R (z ∗ y)) . De même, une relation d’équivalence R sur G est compatible à droite avec la structure de groupe de G si ∀ (x, y, z) ∈ G3 , (xRy) =⇒ ((x ∗ z) R (y ∗ z)) . L’intervention des sous-groupes provient du résultat suivant. Proposition 1.60 Une relation d’équivalence R sur un groupe G est compatible à gauche avec la structure de groupe de G si et seulement si il existe un sous-groupe H de G tel que ∀ (x, y) ∈ G2 , (xRy) ⇐⇒ x−1 ∗ y ∈ H , ce qui s’écrit y ∈ x ∗ H. Autrement dit, la classe x d’un élément x ∈ G est x = x ∗ H, et H = e. 29 Ecriture à ne pas confondre avec une classe d’équivalence. Section 4 67 Groupes (suite) De même, la compatibilité à droite s’écrit y ∗ x−1 ∈ H, soit y ∈ H ∗ x, et x = H ∗ x. Démonstration Si R est compatible à gauche avec la structure de groupe de G, alors (xRy) =⇒ x−1 ∗ y Re . De plus, H = e est un sous-groupe de G. En effet, si xRe et yRe, alors x ∗ yRx et xRe donnent x ∗ yRe. De plus, x−1 ∗ xRx−1 soit x−1 Re. Inversement, s’il existe un sous-groupe H de G qui vérifie la condition énoncée, d’une part cela définit une relation d’équivalence (vérifier), d’autre part cette relation est compatible à gauche. En effet, supposons xRy et z ∈ G. On a x−1 ∗ y ∈ H donc −1 (z ∗ x) ∗ (z ∗ y) = x−1 ∗ y ∈ H, et par suite (z ∗ x) R (z ∗ y). Définition 1.78 Dans les conditions de la proposition, l’ensemble x ∗ H (resp. H ∗ x) est appelé la classe à gauche (resp. classe à droite) de x modulo H. Exercice Soit G le groupe des isométries du carré (Ex. 1-2). Vérifier que H = I, R2 , Sv , Sh est un sous-groupe de G. En prenant pour g chacun des huit éléments de G, écrire les sous-ensembles gH et Hg. Combien obtient-on de classes ? 1.4.1.3 Notion d’indice Dans un groupe G, un sous-groupe H définit donc une partition de G en classes à gauche et une autre partition en classes à droite. Il faut savoir vérifier directement qu’il s’agit de partitions de G. Par exemple pour les classes à gauche, tout élément x ∈ G appartient à la classe x ∗ H, et deux classes y ∗ H et x ∗ H sont disjointes ou confondues, autrement dit si y ∈ x ∗ H, alors y ∗ H = x ∗ H. En effet, y = x ∗ h avec h ∈ H, donc y ∗ H = x ∗ h ∗ H ⊂ x ∗ H et si z = x ∗ k ∈ x ∗ H, alors z = x ∗ h ∗ h−1 ∗ k ∈ y ∗ H. L’axiome du choix permet d’indexer l’ensemble des classes (par ex. à gauche) modulo un sous-groupe donné. En choisissant un élément dans chaque classe, on définit une famille injective (xi )i∈I d’éléments de G telle que G = xi ∗ H, avec (xi ∗ H) ∩ (xj ∗ H) = ∅ i∈I si i = j. Exercice Soit G un groupe, H un sous-groupe de G, K un sous-groupe de H. Comme on vient de le décrire, l’ensemble des classes à gauche de G modulo H est indexé par la famille (ai ∗ H)i∈I , et l’ensemble des classes à gauche de H modulo K est indexé par la famille (bj ∗ K)j∈J . Vérifier que la famille (ai ∗ bj ∗ K)(i,j)∈I×J définit une partition de G qui correspond aux classes modulo K. Comme le montre l’exemple des congruences d’entiers, un groupe quotient G/H peut être fini avec G et H infinis. Ceci s’étend aux ensembles quotients des classes à gauche ou à droite modulo un sous-groupe dans un groupe quelconque. Cette situation est mise en évidence avec la notion d’indice. 68 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.61 Soit G un groupe et H un sous-groupe de G. Pour tout x ∈ G, les translations γ x : h −→ x ∗ h de H dans x ∗ H et δ x : h −→ h ∗ x de H dans H ∗ x sont des bijections. L’ensemble des classes à gauche modulo H est fini si et seulement si l’ensemble des classes à droite modulo H est fini, et dans ces conditions les cardinaux de ces deux ensembles quotient sont égaux. Démonstration Ce résultat est immédiat. On peut aussi vérifier directement que l’application a ∗ H −→ H ∗ a−1 est une bijection de l’ensemble des classes à gauche sur l’ensemble des classes à droite. En effet, a∗H = b ∗ H ⇐⇒ b ∈ a ∗ H ⇐⇒ ∃h ∈ H, b = a ∗ h ⇐⇒ ∃h ∈ H, b−1 = h−1 ∗ a−1 ⇐⇒ b−1 ∈ H ∗ a−1 ⇐⇒ H ∗ a−1 = H ∗ b−1 . Définition 1.79 Si l’ensemble des classes à gauche modulo H est fini, ce cardinal commun de l’ensemble quotient à droite ou à gauche est noté [G : H] et appelé indice de H dans G. Le principe des bergers (Corollaire 1-22) donne le résultat suivant. Corollaire 1.62 (Théorème de Lagrange) (G, ∗) est un groupe fini, H un sous-groupe de G. Toutes les classes à droite (et à gauche) modulo H sont équipotentes, de cardinal |H|. Il en résulte que |G|, |H| et l’indice [G : H] sont liés par l’égalité |G| = |H| . [G : H] . L’ordre de tout sous-groupe d’un groupe fini est donc un diviseur de l’ordre du groupe, en particulier un groupe fini G d’ordre premier n’admet pas d’autre sous-groupe que G et {e}. Dans l’exercice ci-dessus, si deux des indices [G : H], [G : K], [H : K] sont finis, le troisième est fini et l’indexation réalisée des classes de G modulo K donne la relation [G : K] = [G : H] . [H : K] . Remarque 1.11 La réciproque du théorème de Lagrange est fausse. On trouvera un exemple au § 1-4-4-5. Il est évidemment intéressant de connaitre des conditions suffisantes pour qu’un groupe fini possède un sous groupe d’ordre donné. Trois situations seront envisagées. - Les groupes cycliques (§ 1- ) - Le théorème de Cauchy (Prop. 1- ) - Les théorèmes de Sylow (Prop. 4- ), dont le théorème de Cauchy constitue un cas particulier. Exercice Si f : G → G′ est un morphisme de groupes,vérifier que les ensembles f −1 (y), pour y ∈ f (G), sont équipotents entre eux, donc en particulier à ker f . Section 4 Groupes (suite) 69 1.4.1.4 Structure de groupe sur l’ensemble quotient, sous-groupes distingués Une autre étape consiste à essayer de doter l’ensemble des classes (par exemple à gauche) d’une structure de groupe pour laquelle la composée de deux classes d’équivalences égale à la classe des composées. Ainsi, en notant G/H cet ensemble quotient, on veut que la projection canonique p : G → G/H soit un morphisme de groupes. Evidemment, au départ, il convient que la classe du composé a ∗ b de deux éléments de G soit indépendante du choix des éléments dans la classe de a et de b, autrement-dit, que (a ∗ b) ∗ H = (a′ ∗ b′ ) ∗ H si a = a′ et b = b′ . Pour tout (h, k) ∈ H 2 , on doit avoir (a ∗ b) ∗ H = (a ∗ h ∗ b ∗ k) ∗ H. Si G est abélien, c’est une évidence, sinon, ceci impose la contrainte de n’envisager que des sous-groupes H pour lesquels a ∗ H = H ∗ a. On aura donc besoin de postuler l’égalité des classes à droite et à gauche. Définition 1.80 Un sous-groupe H de G tel que, pour tout g ∈ G, g ∗ H = H ∗ g, est appelé sous-groupe normal ou distingué. On écrit H ⊳ G. Il revient au même d’imposer la condition ∀g ∈ G, g ∗ H ∗ g −1 ⊂ H. L’inclusion inverse H ⊂ g ∗ H ∗ g −1 en résulte, sachant que si g ∈ G, et h ∈ H, on peut écrire h = g ∗ g −1 ∗ h ∗ g ∗ g−1 , −1 et k = g ∗ h ∗ g ∈ H par hypothèse. Ce couplage de deux translations est l’objet d’une notion que l’on retrouvera au § 1-4-3. Dans un groupe G, tout élément g ∈ G définit un automorphisme ig : G → G par ig (x) = g ∗ x ∗ g−1 . Exemple 1.20 Dans S4 , avec les notations de l’annexe, le groupe B4 = {σ1 , σ2 , σ 3 , σ4 } est un sous-groupe distingué de A4 . En effet, la table de Pythagore montre que c’est un sous-groupe, et que B4 est l’ensemble des éléments σ ∈ S4 tels que σ ◦ σ = σ 1 . Définition 1.81 ig est appelé un automorphisme intérieur de G. Ainsi, dire qu’un sous-groupe H d’un groupe G est distingué revient à dire que H est stable par la restriction à H de tout automorphisme intérieur de G. Remarque 1.12 Si le groupe G est commutatif, alors tout sous-groupe de G est distingué. La proposition suivante fournit un moyen simple pour établir qu’un sous-groupe est distingué. Proposition 1.63 Si f : G → G′ est un morphisme de groupes, alors 1) L’image f(H) d’un sous groupe distingué de G est un sous-groupe distingué du groupe image f (G) (mais f (G) n’est pas nécessairement un sous-groupe distingué de G′ ). 70 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 2) La pré-image f −1 (H ′ ) d’un sous groupe distingué de G′ est un sous-groupe distingué de G. En particulier, ker f est un sous-groupe distingué de G. La démonstation est un exercice simple, basé sur la relation f(g) ∗ f (h) ∗ f (g)−1 = f g ∗ h ∗ g −1 . Par abus, l’opération est notée ∗ à la fois dans G et G′ . On peut aussi prouver directement la dernière assertion en remarquant que si a ∈ ker f , et b ∈ G, alors f b ∗ a ∗ b−1 = f(b) ∗ e′ ∗ f (b)−1 = e′ . La notion de sous-groupe distingué permet de traiter la question des quotients de groupes. Définition 1.82 Une relation d’équivalence ∼ étant donnée sur un groupe (G, ∗), cette relation est compatible avec la structure de groupe de G si ∀ (x, y, x′ , y ′ ) ∈ G4 , ((x ∼ y) et (x′ ∼ y ′ )) =⇒ (x ∗ x′ ∼ y ∗ y ′ ) . Proposition 1.64 1) Si ∼ est une relation d’équivalence compatible avec la structure d’un groupe G, alors x ∼ y est équivalent à x−1 ∗ y ∈ H (ou y ∈ x ∗ H), où H est la classe d’équivalence de l’élément neutre e. De plus, H est un sous-groupe distingué de G. 2) Dans ces conditions, l’ensemble quotient noté G/H est un groupe pour l’opération notée par abus ∗, et définie par x ∗ y = x ∗ y, autrement dit la projection canonique π : G → G/H est un morphisme de groupes, de noyau H. Définition 1.83 Pour cette opération, l’ensemble G/H est appelé groupe quotient de G par le sous-groupe distingué H. Exemple 1.21 Les projections d’un groupe produit sur chaque facteur G × G′ → G et G × G′ → G′ ont pour noyau respectif G′ et G, de sorte que le groupe quotient (G × G′ ) /G (resp. (G × G′ ) /G′ ) est isomorphe à G′ (resp. G). Le corollaire 1-21 montre qu’une application f se factorise à travers un quotient (ensembliste) dès que cette application est constante sur les classes. Pour un morphisme de groupes, c’est évidemment le cas pour les classes modulo le noyau. De plus, l’injection f associée à f définit un isomorphisme de groupes si l’on remplace G′ par le groupe image f (G), ce qui montre l’intérêt de cette factorisation. En effet, f (x ∗ y) = f (x ∗ y) = f (x ∗ y) = f (x) ∗ f (y) = f (x) ∗ f (y) . En résumé, Proposition 1.65 Si f : G → G′ est un morphisme de groupes, alors f est constant sur chaque classe d’équivalence modulo ker f , et la factorisation f de f à travers la projection Section 4 71 Groupes (suite) canonique π : G → G/ ker f , définie par f = f ◦π, est un isomorphisme du groupe quotient G/ ker f sur le groupe image f (G). G π G/ ker f ց ↓f → f f (G) ⊂ G′ Une application essentielle de cette proposition est la mesure des angles et l’argument d’un nombre complexe, définis à l’aide de la fonction exponentielle complexe au § 13-3-4. Restons pour l’instant au niveau de l’usage “naïf” du secondaire. Les nombres réels étant représentés par les points d’une droite repérée, l’enroulement de cette droite sur un cercle de rayon unité, lorsque le point 2π coïncide avec le point 0, donne la mesure des angles en radians. Le cercle peut être vu soit comme ensemble U des nombres complexes de module 1, soit comme ensemble quotient G/H = R/2πZ. La somme des arguments correspond au produit des nombres complexes de module 1, de sorte que les groupes (R/2πZ, +) et (U, .) sont isomorphes. Exercice Dans un groupe G, prouver que tout sous-groupe H d’indice 2 est distingué. Solution Soit H et a ∗ H la partition de G en deux classes disjointes modulo H . On veut prouver que ∀x ∈ G, x ∗ H ∗ x−1 ⊂ H . Deux cas se présentent. Ou bien x ∈ H et c’est évident, ou bien x = a ∗ h ∈ aH , et dans ce cas x ∗ H ∗ x−1 = a ∗ h ∗ H ∗ h−1 ∗ a−1 . Pour tout k ∈ H , on a l = h ∗ k ∗ h−1 ∈ H . Si a ∗ l ∗ a−1 ∈ / H , alors a ∗ l ∗ a−1 ∈ a ∗ H , donc l ∗ a−1 ∈ H et par suite a−1 ∈ H , donc a ∈ H , ce qui est contradictoire. 1.4.1.5 Application aux groupes produits, produits semi-directs (L3) Les sous-groupes distingués sont intervenus naturellement à propos des groupes quotient. On explore ici un autre domaine d’application. On a vu au § 1-2-4-4 une condition suffisante pour qu’un groupe soit un produit de deux sous-groupes. La motivation de cette section suppose acquis le concept de décomposition d’un espace vectoriel en somme directe de deux sous-espaces (Définition 2-5) et sa caractérisation (§ 25). Il s’agit de la même question (décomposition unique) à propos des groupes, étant entendu que la situation des groupes commutatifs est plus proche de celle des espaces vectoriels (ce sont des Z-modules) et sera exposée au chapitre 5. Proposition 1.66 (G, ∗) est un groupe. 1) Si (H1 , .., Hn ) est une liste de n ≥ 2 sous-groupes distingués d’un groupe (G, ∗), et H = +H1 , .., Hn , le sous-groupe engendré, alors H = H1 ∗ .. ∗ Hn . Il en résulte que H = Hσ(1) ∗ .. ∗ Hσ(n) pour toute permutation σ ∈ Sn . De plus, H est un sous-groupe distingué de G. 2) Si H et K sont des sous-groupes distingués de G, tels que H ∩ K = {e} et +H, K, = G, alors - h ∗ k = k ∗ h pour deux éléments quelconques h et k de H et K. - G = H ∗ K. 72 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) - La décomposition de tout élément g ∈ G sous la forme g = h ∗ k, avec (h, k) ∈ H × K est unique. Remarque 1.13 La propriété 2) signifie que l’application (h, k) −→ h ∗ k, de H × K dans G, est un isomorphisme de groupes. On notera que l’hypothèse (sous-groupes distingués) ne peut être afaiblie. En effet, si (h, k) −→ h ∗ k est un isomorphisme, les applications h ∗ k −→ h et h ∗ k −→ k sont des morphismes de noyau respectif H et K. D’autre part, l’existence et l’unicité d’une décomposition de tout élément d’un groupe G, comme composé d’un élément d’un sous-groupe H par un élément d’un sous-groupe K ne garantit pas que cette bijection de H × K dans G soit un morphisme de groupes (voir l’exemple des dilatations d’un corps ci-dessous). Démonstration 1) Le cas n = 2 a été traité en exercice au § 1-2-4-4 (question 3). De plus, H = +H1 , H2 , = H1 ∗ H2 est distingué dans G sachant que si g ∈ G et x = x1 ∗ x2 ∈ H, alors ig (x) = ig (x1 ) ∗ ig (x2 ). L’hérédité, de (n − 1) à n, pour n ≥ 3, s’en déduit en remarquant que si H ′ = +H1 , .., Hn−1 , = H1 ∗ .. ∗ Hn−1 , alors H = +H ′ , Hn , = H ∗ Hn . 2) Les questions 1) et 2) du même exercice donnent la conclusion dès que l’on aura vérifié la commutation de deux éléments quelconques h et k de H et K. Or, la relation h ∗ k = k ∗ h équivaut à k ∗ h ∗ k−1 ∗ h−1 = e, et cette relation vient de ce que k ∗ h ∗ k−1 ∗ h−1 ∈ H ∩ K. En effet, h ∗ k−1 ∗ h−1 ∈ K et k ∗ h ∗ k−1 ∈ H. Corollaire 1.67 G est un groupe multiplicatif fini. H et K sont des sous-groupes distingués de G, tels que |H| |K| = |G|. Si H ∩ K = {e} ou H.K = G, alors G est isomorphe à H × K. Lemme 1.68 Soient H et K des sous-groupes d’un groupe multiplicatif fini G, et I = H ∩ K. Alors, |H.K| = |H||K| |I| . Démonstration du lemme I est un sous-groupe de K, les classes à droite modulo I définissent une partition (I.kα )α=1,..,n de K, où n = [K : I] = |K| |I| est l’indice de I dans K. D’autre part, la liste (H.kα )α=1,..,n définit une partition du groupe produit H.K. En effet, - Pour tout élément h.k ∈ H.K, k appartient à une classe modulo I, donc est de la forme k = l.kα pour un entier α bien déterminé, avec l ∈ I. Il s’en suit que h.k = (h.l) .kα et donc H.K = ∪α H.kα , sachant que l’inclusion H.K ⊃ ∪α H.kα est évidente. - Si H.kα ∩ H.kβ = ∅ pour un couple d’indices distincts (α, β), alors il existe h ∈ H, h′ ∈ H tels que h.kα = h′ .kβ . L’élément h−1 .h′ = kα .kβ−1 appartient à H ∩ K = I, donc kα ∈ I.kα ∩ I.kβ , ce qui est contradictoire. Cette partition de H.K conduit à la relation |H.K| = α |H.kα | = n |H| puisque les classes sont équipotentes par translation. Finalement, on a |H.K| = |K| |I| |H|, c’est la relation cherchée. Section 4 Groupes (suite) 73 Démonstration du corollaire Si H ∩ K = {e}, le Lemme donne |H.K| = |H| |K| = |G|, donc H.K = G et G est isomorphe à H × K. Si H.K = G et |H| |K| = |G|, le Lemme donne |I| = 1, donc H ∩ K = {e}. Exemple 1.22 On trouvera dans la section suivante (§ 1-4-2-2) une conséquence du corol∗ laire : le groupe multiplicatif G = (Z/16Z) des éléments inversibles de l’anneau Z/16Z est le produit de deux sous-groupes. On s’intéresse maintenant à la situation suivante : (G, ∗) est un groupe, H et K sont des sous-groupes G, l’un est distingué (par exemple H), et H ∩ K = {e}, G = H ∗ K. Cette généralisation n’est pas une question artificielle. On la voit apparaître en composant des fonctions affines réelles. Plus généralement, si K est un corps commutatif, notons G l’ensemble des applications de K dans K, de la forme g(x) = a.x+b , avec (a, b) ∈ K∗ ×K30 . Il est clair que G est un sous-groupe du groupe symétrique (S (K) , ◦) (écrire l’expression de f −1 ), que si l’on fixe b = 0, on obtient les transformations linéaires de K, qui sont les homothéties, et forment un sous-groupe L de G, isomorphe à (K∗ , ×), et que si l’on fixe a = 1, on obtient les translations de de K, qui forment un sous-groupe T de G, isomorphe à (K, +). Le sous-groupe L n’est pas distingué dans G. En effet, soit g ∈ G, de la forme g(x) = a.x + b et h ∈ L, de la forme h(x) = c.x. S’il existe h′ ∈ L (h′ (x) = c′ .x), tel que g ◦ h = h′ ◦ g, alors g (h (x)) = g(c.x) = a.c.x + b = h′ (g (x)) = c′ .a.x + c′ .b ce qui est exclu, à moins que c′ = c = 1. Par contre, le sous-groupe T est distingué dans G (vérifier cette affirmation). On observe en outre que G = L ◦ T = T ◦ L (vérifier), L ∩ T = {I}, et que la décomposition d’un élément de G comme composé d’une translation et d’une homothétie est unique. Ceci définit une bijection θ de L × T sur G, autrement dit de K∗ × K sur G, mais θ n’est pas un morphisme de groupes comme l’indique la relation (g ′ ◦ g) (x) = a.a′ .x + a′ .b + b′ . A partir de cet exemple, envisageons la situation générale d’un groupe (G, ∗) dans lequel sont donnés deux sous-groupes H et K, avec H ⊳ G. Une première propriété est que H ∗ K = K ∗ H et que cet ensemble est un sous-groupe de G. La démonstration est instructive, elle utilise la projection canonique π : G → G/H. π (K) est en effet un sous-groupe de G/H, formé des classes des éléments de K modulo H. Précisons. Par restriction, π : K → π (K) est un morphisme surjectif de noyau H ∩ K, donc π (K) est isomorphe à K/ (H ∩ K). Il s’en suit que π −1 (π (K)) est un sous-groupe de G, formé des éléments équivalents aux éléments de K modulo H, c’est à dire K ∗ H, mais aussi H ∗ K puisque H est distingué. Ajoutons maintenant les hypothèses K ∗ H = G et H ∩ K = {e}, de sorte que l’application θ : (h, k) −→ h ∗ k est une bijection de H × K sur G. On introduit alors l’opération sur H × K pour laquelle θ est un isomorphisme, c’est à dire (h, k) . (h′ , k′ ) = θ−1 (h ∗ k ∗ h′ ∗ k′ ) = θ−1 h ∗ k ∗ h′ ∗ k−1 ∗ k ∗ k′ = h ∗ k ∗ h′ ∗ k−1 , k ∗ k′ sachant que k ∗ h′ ∗ k−1 ∈ H par hypothèse. On voit apparaitre le morphisme α : G →Aut(G) qui associe à g l’automorphisme intérieur αg , avec αg (x) = g ∗ x ∗ g−1 . 30 On verra au chapitre 2 qu’il s’agit des bijections affines de ce corps, d’où le nom. 74 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) H étant stable par αg , on a par restriction un morphisme K →Aut(H), et l’on note par abus αk (h) = k ∗ h ∗ k−1 . La proposition suivante généralise cette situation. Proposition 1.69 Si H et K sont deux groupes multiplicatifs d’éléments neutres respectifs eH , ek , et α : K →Aut(H) un morphisme de groupes, alors H × K est un groupe noté H ×α K pour l’opération (h, k) . (h′ , k′ ) = (h ∗ αk (h′ ), k ∗ k′ ). −1 L’élément neutre de H ×α K est (eH , ek ) et (h, k) = αk−1 (h−1 ), k−1 . Les applications h −→ (h, eK ) et k −→ (eH , k) sont respectivement des morphismes injectifs de H et K sur H ×α K, de plus la projection (h, k) −→ k est un morphisme de noyau H qui est donc un sous-groupe distingué de H ×α K. Définition 1.84 Le groupe H ×α K est appelé produit semi-direct de H par K relativement à α. La démonstration est un exercice de vérification. 1.4.2 Groupes monogènes et cycliques 1.4.2.1 Retour sur un morphisme On revient sur la discussion amorcée au § 1-2-4-2 concernant les sous-groupes engendrés par un élément. Rappelons (Prop. 1-35) que dans un groupe G, le sous-groupe +a, engendré par un élément a est l’image du morphisme de groupes ϕa : Z→G p −→ ap (p a en notation additive) Définition 1.85 a) Un élément a d’un groupe G est d’ordre fini si le sous-groupe +a, engendré par a est fini. Dans ce cas, l’ordre |+a,| du sous-groupe +a, est appelé l’ordre de a. b) Un élément a d’un groupe G est de torsion si le morphisme ϕa n’est pas injectif. Il s’agit de relier ces deux concepts. On observe que a est de torsion si et seulement si il existe un entier p > 0 tel que ap = e. De plus, dans un groupe fini, tout élément est de torsion. Proposition 1.70 Dans un groupe G, un élément a est de torsion si et seulement si il est d’ordre fini, et l’ordre de a est le plus petit entier naturel n > 0 tel que an = e, donc +a, = e, a, a2 , ..., an−1 . Le noyau du morphisme de groupes ϕa : p −→ ap est alors le sous-groupe nZ de Z, donc +a, est isomorphe à (Z/nZ, +). Démonstration Section 4 75 Groupes (suite) Si l’image de ϕa est finie, ϕa ne peut être injective. Inversement, si ϕa n’est pas injectif, le noyau de ϕa est un sous-groupe de Z non réduit à {0}, donc de la forme nZ avec n > 0, et +a, est isomorphe à (Z/nZ, +) donc fini d’ordre n. Remarquons que n est le plus petit entier m > 0 tel que am = e. En effet, soit p le plus petit entier non nul tel que ap = an = e. Si p < n, la division euclidienne n = p.q + r, avec 0 ≤ r < p donne ar = e, ce qui est contradictoire à moins que r = 0 auquel cas n n’est pas le plus petit élément positif de ker ϕa . Il en résulte que dans +a, les n éléments e, a, a2 , ..., an−1 sont distincts, et donc que +a, = e, a, a2 , ..., an−1 . Exemple 1.23 Dans Sn , un cycle de longueur l est d’ordre l. Les résultats suivants sont à la fois des corollaires de la proposition précédente et du théorème de Lagrange (Corollaire 1-62). Corollaire 1.71 Soit G un groupe fini. a) Pour tout élément a ∈ G, a|G| = e. b) Si m est un entier tel que am = e, alors m est un multiple de l’ordre de a. En particulier, l’ordre d’un élément dans un groupe fini divise l’ordre du groupe. Démonstration a) +a, est un sous-groupe de G, donc son ordre n est un diviseur de l’ordre de G. L’égalité a|G| = e est donc une conséquence de an = e. b) Si n est l’ordre de a, et si am = e, alors en divisant m par n, on a aussitôt une contradiction si le reste n’est pas nul. Corollaire 1.72 Soit (G, .) un groupe, a ∈ G, b ∈ G tels que a.b = b.a. On suppose que a et b sont d’ordre fini, respectivement notés p et q. 1) Si p et q sont premiers entre eux, alors a.b est d’ordre p.q. 2) Si m = ppcm {p, q}, alors il existe dans le sous-groupe +a, b, un élément d’ordre m. Démonstration q p 1) D’une part, l’ordre de a.b divise p.q. En effet, (a.b)p.q = ((a)p ) . ((b)q ) = eq .ep = e. D’autre part, l’ordre de a.b est un multiple de p.q. On le voit en remarquant d’abord que +a, ∩ +b, est un sous-groupe de +a, et de +b,, donc (Lagrange), |+a, ∩ +b,| divise p et q. Il en résulte que +a, ∩ +b, est un singleton, et donc +a, ∩ +b, = {e}. Ensuite, si l’on note n l’ordre de a.b, la relation e = (a.b)n = an .bn montre que an ∈ +a, ∩ +b,, donc an = e et par suite n est multiple de p. De même bn = e donc n est multiple de q, finalement n est multiple de p.q = ppcm {p, q}. 2) Notons p1 , .., pr les diviseurs premiers de m. On peut supposer que ce sont les nombres premiers qui interviennent dans la décomposition en facteurs premiers de p et q, en admettant des exposants nuls. De plus, on supposera que cette liste d’entiers premiers est classée de telle sorte que les décompositions de p et q s’écrivent ainsi αs+1 α1 ′ αs r p = p′ .ps+1 ...pα r où p = p1 ...ps q avec αi β β s+1 = p1 1 ...pβs s .q ′ où q ′ = ps+1 ...pβr r ≥ β i pour i = 1, .., s et αj ≤ β j pour j = s + 1, .., r 76 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) de sorte que m = p′ .q ′ . p q On constate que p′ ∧ q ′ = 1, p′ divise p, q ′ divise q, et l’on pose c = a p′ .b q′ . Il reste à calculer l’ordre de c. ′ p q p L’ordre de a p′ est p′ (relation analogue pour b q′ ). En effet, a p′ p = e, donc si l’ordre δp p′ n’est pas p′ c’est un diviseur strict δ de p′ et a = e et l’ordre de a serait un diviseur strict de p. p q L’ordre de c est donc le produit m = p′ .q ′ des ordres de a p′ et b q′ . Exercices 1. Dans un groupe fini G × G′ , produit de deux groupes finis G et G′ , l’ordre d’un élément (a, b) est le ppcm des ordres de a et b. 2. Q/Z est un groupe infini dans lequel l’ordre de tout élément est fini. Solution n 1)Tout entier naturel non nul n tel que (a, b) = (e, e′ ) est un multiple commun de l’ordre de a et de l’ordre de b (donc multiple de leur ppcm m), puisque an = e et bn = e′ . D’autre part, (a, b)m = (e, e′ ). m est donc l’ordre de (a, b). 1 2) Si a = ab + Z , alors b α = 0. D’autre part, les éléments n + Z sont tous distincts. Définition 1.86 Un groupe G est monogène s’il existe un élément a ∈ G tel que G = +a,, G est cyclique s’il est monogène et fini. Plus généralement, G est de type fini s’il est de la forme +a1 , .., an ,. En résumé, on vient de voir que - (Z, +) est monogène, et 1 ou −1 sont des générateurs (ce sont les seuls), et tout groupe monogène infini est isomorphe à Z. - Si n > 0, (Z/nZ, +) est cyclique, et tout groupe cyclique d’ordre n est isomorphe à Z/nZ. Exemple 1.24 Un groupe fini d’ordre premier est nécessairement cyclique. Proposition 1.73 Le groupe produit de deux groupes cycliques est cyclique si et seulement si leurs ordres sont premiers entre eux. Démonstration Supposons que G = +a,, G′ = +a′ , sont deux groupes cycliques d’ordre respectif n, n′ . Les propriétés suivantes sont équivalentes. a) G × G′ est un groupe cyclique. b) Il existe un élément (u, v) ∈ G × G′ d’ordre nn′ . c) Il existe un élément (u, v) ∈ G × G′ tel que le ppcm de l’ordre α de u et de l’ordre α′ de u′ soit nn′ . D’autre part, n = αβ, et n′ = α′ β ′ , donc nn′ = αα′ ββ ′ . Ainsi, la propriété 3) est équivalente à d) Il existe un élément (u, v) ∈ G × G′ tel que le ppcm de l’ordre α de u et de l’ordre α′ de u′ soit le produit αα′ , et α = n, α′ = n′ . D’où le résultat. Section 4 77 Groupes (suite) 1.4.2.2 Générateurs d’un groupe cyclique, l’indicateur d’Euler Commençons par quelques remarques sur les sous-groupes cycliques dans un groupe fini G d’ordre n. 1) En prenant les puissances successives de chaque élément de G, on calcule à la fois l’ordre de cet élément et les sous-groupes cycliques de G. ∗ Par exemple, le groupe multiplicatif G = (Z/16Z) des éléments inversibles de l’anneau Z/16Z est d’ordre 8 et l’ordre de chacun de ses éléments est donné par le tableau suivant. a 1 3 5 7 9 11 13 15 o(a) 1 4 4 2 2 4 4 2 . Observons que - G n’est pas cyclique (il n’existe pas d’élément d’ordre 8). - Conformément au théorème de Lagrange (Corollaire 1-62), l’ordre de chaque élément est un diviseur de 8, et ici tous les diviseurs de 8 sont représentés. Remarquons aussi que les sous-groupes H = +7, et K = +3, vérifient les hypothèses du corollaire 1-67, il s’en suit que G est isomorphe au groupe produit additif Z/2Z ×Z/4Z. 2) Lorsqu’il est établi qu’un groupe fini d’ordre n est cyclique, il n’existe pas nécessairement d’isomorphisme naturel entre ce groupe et Z/nZ, ce qui prive d’un procédé systématique pour rechercher les générateurs. Pour les valeurs assez petites de n, on peut déterminer "à la main" les générateurs de (Z/nZ, +). Par exemple pour (Z/18Z, +), on trouvera facilement les résultats suivants. +1, = +5, = +7, = +11, = +13, = +17, = Z/18Z Les deux problèmes suivants : - Détermination des générateurs d’un groupe cyclique d’ordre n - Détermination du groupe des unités de l’anneau Z/nZ ont en fait la même réponse, donnée par le résultat suivant. Proposition 1.74 Soit G un groupe cyclique d’ordre n ≥ 2. Supposons donnés un générateur a de G (a est donc d’ordre n) et un entier q compris entre 1 et (n − 1). Les propriétés suivantes sont équivalentes. i) pgcd(q, n) = 1. ii) q est inversible pour la multiplication dans l’anneau Z/nZ. iii) aq est un générateur de G. Avec les données de la proposition, il y a donc égalité des nombres suivants. - Le nombre des entiers q compris entre 1 et n, et premiers avec n. - Le nombre d’éléments inversibles du groupe (Z/nZ, +). - Le nombre de générateurs du groupe (Z/nZ, +) (en prenant a = 1 dans ce groupe, sachant qu’en notation additive, aq = q a = q). - Le nombre de générateurs de G (sachant que aq prend n valeurs lorsque q varie de 1 à n d’après la proposition 1-64). Définition 1.87 Ce nombre noté ϕ(n) est l’indicateur d’Euler de l’entier n > 0. On se reportera au § 1-9-2-3 pour un calcul effectif de ϕ(n). 78 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Démonstration de la proposition De (i) à (ii), il suffit d’utiliser la relation de Bachet-Bezout (Prop. 1-50). Il existe deux entiers relatifs x, y tels que q.x + n.y = 1, ce qui prouve que la classe de q modulo n est inversible (l’inverse est la classe de x). De (ii) à (iii), on suppose qu’il existe un entier u ∈ Z tel que 1 = u.q, ce qui signifie que 1 − u.q est un multiple de n, soit u.q = l.n + 1. Tout élément x ∈ G s’écrit x = ak , k ∈ Z, donc x = ak.u.q .a−k.l.n = (aq )k.u d’après le corollaire 1-67, ce qui prouve que G ⊂ +aq ,, et donc G = +aq ,. De (iii) à (i), on remarque que aq est un générateur de G si et seulement si a ∈ +aq ,, ce qui signifie qu’il existe un entier m ∈ Z tel que a = aq.m , c’est à dire aq.m−1 = e, et donc q.m − 1 = k.n (Corollaire 1-67), d’où pgcd(q, n) = 1 (Prop. 1-50). Corollaire 1.75 (Formule d’Euler) n est un entier naturel non nul, a est un entier compris entre 1 et n. Si pgcd (a, n) = 1, alors aϕ(n) ≡ 1 (mod n) . En particulier, si n est premier (on l’écrit alors p), ap−1 ≡ 1 (mod p) (“Petit théorème” de Fermat). Ceci résulte du corollaire 1-67, sachant que a appartient au groupe des inversibles de l’anneau Z/nZ, dont le cardinal est ϕ (n). Remarquons que la réciproque est fausse; modulo 15, 42 ≡ −1 donc 414 ≡ 1. La proposition précédente dans le cas particulier du groupe (Z/pZ, +), lorsque p est un entier premier admet quelques conséquences évidentes. - ϕ (p) = p − 1. - Les p − 1 éléments non nuls 1, 2,.., p − 1 de l’anneau Z/pZ sont inversibles, c’est donc un corps. - Parmi ces p − 1 éléments non nuls, ceux qui sont égaux à leur inverse sont les solutions de l’équation x2 = 1 dans Z/pZ, c’est à dire x = 1 ou x = p − 1. - Il en résulte que le produit 1.2.... (p − 1) = (p − 1)! se simplifie en (p − 1), ce qui s’écrit aussi (p − 1)! + 1 ≡ 0 (mod p). - Si l’entier n > 1 n’est pas premier, l’anneau Z/nZ n’est pas intègre, ce n’est donc pas un corps. - Si l’entier n > 1 est tel que (n − 1)! + 1 est divisible par n, alors tout élément non nul x ∈ Z/nZ possède un inverse x′ (c’est clair si n = 2), sinon on prend x′ égal à l’opposé du produit des (n − 2) éléments distincts de 0 et x. On aura en effet x.x′ = −(p − 1)! = 1. En résumé, on a prouvé les résultats suivants. Corollaire 1.76 1) Si p est un entier premier, l’anneau (Z/pZ, +, .) est un corps, et inversement (Z/nZ, +, .) n’est pas un corps si n > 1 n’est pas premier. 2) (Théorème de Wilson) Un entier n > 1 est premier si et seulement si (n − 1)! + 1 est divisible par n. 1.4.2.3 Systèmes de congruences, le problème des restes chinois Commençons par un problème “concret”, dont l’énoncé est le suivant. Section 4 79 Groupes (suite) Une bande de 17 pirates s’empare d’un butin composé de pièces d’or d’égale valeur. Ils décident de se les partager également et de donner le reste au cuisinier chinois. Celui-ci recevrait alors 3 pièces. Mais les pirates se querellent et 6 d’entre eux sont tués. Le cuisinier devrait alors recevoir 4 pièces. Dans un naufrage ultérieur, seul le butin, 6 pirates, et le cuisinier sont sauvés, et le partage laisse 5 pièces à ce dernier. Quelle est le nompre de pièces que peut espérer au minimum le cuisinier quand il décide d’empoisonner le reste des pirates ? Le nombre n de pièces doit vérifier le système n ≡ 3 (mod 17) n ≡ 4 (mod 11) n ≡ 5 (mod 6) . La proposition qui suit montre qu’il existe au moins une solution et fournit un procédé de calcul. Proposition 1.77 Si (a1 , .., ak ) est une liste de k entiers étrangers deux à deux, et (x1 , .., xk ) une liste de k entiers donnés, il existe x ∈ N tel que x ≡ x1 (mod a1 ) ... x ≡ xk (mod ak ) . Démonstration Etape 1 On traite les systèmes à 2 congruences. D’après la relation de Bezout, il existe u, v entiers relatifs tels que a1 u + a2 v = 1. Les entiers x = ua1 x2 + va2 x1 + ka1 a2 , k ∈ Z sont tels que x − x1 ≡ (va2 − 1) x1 ≡ 0 (mod a1 ) x − x2 ≡ (ua1 − 1) x1 ≡ 0 (mod a2 ) . Etape 2 Dans le cas général, on applique le résultat précédent aux k systèmes yi yi Alors, x = k i=1 yi xi ≡ 1 (mod ai ) ≡ 0 (mod a1 ...ai−1 .ai+1 ...ak ) . est une solution. Au delà des systèmes de congruences, cette étude conduit à un important théorème de structure. Proposition 1.78 Si (a1 , .., ak ) est une liste de k entiers étrangers deux à deux, et a = a1 ....ak leur produit, l’application f : Z → Z/a1 Z × .. × Z/ak Z définie par f (x) = (x + a1 Z, ..., x + ak Z) est un morphisme surjectif de groupes dont le noyau est aZ. En passant au quotient, on obtient un isomorphisme de groupes f , de Z/aZ sur Z/a1 Z × .. × Z/ak Z. Le seul point non évident est la surjectivité, démontrée précédemment. 80 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) αk 1 Corollaire 1.79 Si n = pα 1 ...pk est la décomposition en facteurs premiers d’un entier αk 1 n > 1, alors le groupe (Z/nZ, +) est isomorphe à (Z/pα 1 Z × ... × Z/pk Z, +). Remarque 1.14 Dans le corollaire, il est exclu de poursuivre la décomposition. On a vu au § 1-4-1-1 (Remarque 1-9) que Z/4Z n’est pas isomorphe à Z/2Z × Z/2Z. Le premier est cyclique, le second ne l’est pas. Exercice Résoudre le problème des restes chinois. Solution x1 = 3, x2 = 4, x3 = 5, a1 = 17, a2 = 11, a3 = 6. Les systèmes en y sont y1 ≡ 1 (mod 17), y1 ≡ 0 (mod 66). Avec 1 = 66 × 8 − 17 × 31, on obtient y1 = 528. y2 ≡ 1 (mod 11), y2 ≡ 0 (mod 102). Avec 1 = 102 × 4 − 11 × 37, on obtient y2 = 408. y3 ≡ 1 (mod 6), y2 ≡ 0 (mod 187). Avec 1 = 187 − 6 × 31, on obtient y3 = 5797. k Finalement, x = i=1 yi xi = 32201. Ceci n’est qu’une solution. Les autres solutions sont équivalentes modulo 17 × 11 × 6 = 1122, ce qui donne la plus petite solution positive comme reste de laa division de 32201 par 1122, soit 785 (pièces). Exercice Déterminer les éléments inversibles de l’anneau Z/30Z. Indication Les éléments inversibles de Z/30Z et Z/2Z×Z/3Z×Z/5Z se correspondent par l’isomorphisme f , et les éléments inversibles des corps Z/2Z , Z/3Z , Z/5Z sont les éléments non nuls. 1.4.2.4 Sous-groupes d’un groupe cyclique : introduction concrète Jusqu’ici, les groupes cycliques sont liés à des situations arithmétiques. En anticipant sur la mesure des angles (§ 13-3-4), il est intéressant d’ajouter une représentation géométrique. Admettons que l’ensemble Un des solutions complexes de l’équation z n − 1 = 0 est le groupe cyclique ' ( ) 2π * 2π 2π 2π Un = 1, ei n , .., eik n , .., ei(n−1) n = ei n . Sur le cercle unité, Un est représenté par les sommets d’un polygone régulier convexe. 2π Un isomorphisme évident de (Z/nZ, +) vers (Un , .) est obtenu en associant k et eik n . Un groupe cyclique G d’ordre n étant représenté par les sommets d’un polygone régulier convexe, à un isomorphisme près, ces sommets sont soit les entiers k représentants des classes 2π modulo n, si l’on identifie G à Z/nZ, soit les zk = eik n si l’on prend G = Un . Nous allons voir que tout sous-groupe d’un groupe cyclique est cyclique, il suffit donc de s’intéresser aux sous-groupes engendrés par un élément. Le sommet choisi correspond à un entier k compris entre 0 et n−1, et les points représentant 2k, 3k, etc ou zk2 , zk3 , etc selon le modèle choisi sont obtenus en joignant les sommets de k en k à partir du point initial, en tournant dans le sens direct. Les opposés ou inverses sont obtenus en tournant en sens inverse. Ce procédé conduit à un polygône dont l’angle au centre est k 2π n , et la longueur du côté est 2 sin kπ , dont les sommets sont en bijection avec le sous-groupe H = +k, ou +zk ,. Il n s’agit d’en dénombrer les côtés. Section 4 81 Groupes (suite) Les figures suivantes représentent les polygônes obtenus pour n = 12, k ∈ {1, 2, 3, 4, 5, 6}. X1\ X2\ X3\ X4\ X5\ X6\ Il y a davantage de polygones réguliers que de sous-groupes puisque le sous-groupe n’est que la liste des sommets indépendemment du chemin suivi. En particulier, toute corde qui sous-tend k sommets d’un coté en sous-tend n−k de l’autre côté, c’est pourquoi il suffit de supposer que l’entier k est compris entre 1 et n2 . Sous l’hypothèse n = 12, soulignons les faits suivants. 1) Sachant que les générateurs de G sont k = 1, 5, 7, 11, on est alors certain, pour ces choix de k, de passer par les 12 sommets du dodécagone initial. 2) Les huit autres valeurs de k donnent les cinq sous-groupes suivants (k et −k génèrent le même sous-groupe) +0, +2, +3, +4, +6, = = = = = {0} {2, 4, 6, 8, 10, 0} = +10, {3, 6, 9, 0} = +9, {4, 8, 0} = +8, {6, 0} . 3) Si k est l’un des quatre générateurs de G, un sous-groupe cyclique H de G est à priori de la forme H = +m k, ou +km , selon le modèle, avec m fixé. Autrement dit, les éléments de 82 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) H sont de la forme q m k ou km q , q ∈ Z et la question se pose de relier cela à la classification précédente. Remarque 1.15 Il n’est pas surprenant qu’en tournant toujours dans le même sens, ou en changeant le sens de lotation, les points obtenus soient les mêmes. Si a est d’ordre p, et k ∈ Z, ak = ar où r est le quotient de la division euclidienne de k par p (Prop. 1-64). 1.4.2.5 Description des sous-groupes d’un groupe cyclique Proposition 1.80 1) Les sous-groupes d’un groupe cyclique sont cycliques. Plus précisément, si H est un sous-groupe de G = +a, avec |+a,| = n, alors H = +am , où m est le plus petit entier naturel tel que am ∈ H. 2) a) Dans le résultat précédent, on peut se limiter à choisir + d ,m parmi les diviseurs de n. Les sous-groupes de G sont donc les groupes cycliques a , où d décrit l’ensemble des + , diviseurs de n, et +ad , = nd . b) Les groupes ad , d Z/n Z et Z/ nd Z sont isomorphes. 3) La relation entre les points de vue 1) et 2) précédents est donnée par les propriétés suivantes. ) * n +am , = apgcd(m,n) et |+am ,| = . pgcd(m, n) On remarquera que dans le cadre restreint des groupes cycliques, la réciproque du théorème de Lagrange est valide. Démonstration 1) Soit H est un sous-groupe d’un groupe cyclique +a,. La propriété est vérifiée avec m = 0 si H est réduit à l’élément neutre. Sinon, l’ensemble X des entiers naturels n > 0 tels que an ∈ H est non vide, et l’on note m le plus petit élément de X. D’une part, +am , ⊂ H, d’autre part tout élément x ∈ H étant de la forme ap , en écrivant la division de p par m sous la forme p = mk + r, on a ar = x. (am )−k ∈ H, ce qui est contradictoire si r est non nul. Finalement, H = +am ,. 2) a) Le générateur a de G définit un morphisme surjectif de groupes fa : Z → G par fa (k) = ak et ker fa = n Z (Corollaire 1-67). Si H est un sous-groupe de G, alors fa−1 (H) −1 est un sous-groupe de Z, donc de la forme + d , d Z, et la relation fa ◦ fa (H) = H, conséquence de la surjectivité de fa , donne H = a . De plus, fa−1 , contient ker fa donc d divise n. + (H) L’ordre de ad est m = nd car les éléments e, ad , ...,a(m−1)d sont distincts sachant que d est le plus petit élément strictement positif+ de,ker fa . d Inversement, pour + tout , diviseur d de n, a est un sous-groupe de G. d 2) b) Avec H = a , considérons la restriction ga : d Z → H de fa au sous-groupe d Z, et sa décomposition canonique. L’inclusion n Z ⊂ d Z donne l’isomorphisme de d Z/n Z sur H. Indépendemment de G, la décomposition canonique du morphisme surjectif ϕ : Z → d Z/n Z défini par ϕ (k) = k d (mod n) donne l’isomorphisme de Z/ nd Z sur d Z/n Z. En effet, k d (mod n) équivaut à k ∈ nd Z. On retrouve ainsi l’ordre de H. 3) Considérons les sous-groupes +am , envisagés au 1). Si d = pgcd(m, n), posons n′ = n m ′ d, m = d . Section 4 83 Groupes (suite) + , + , m′ D’une part am = ad ∈ ad , donc +am , ⊂ ad . + , D’autre part on peut écrire (Bezout) d = αn + βm, donc ad ∈ +am , et par suite ad = +am ,, et l’égalité des cardinaux s’en suit. Corollaire 1.81 n est un entier non nul, d∈Dn ϕ (d) = n, où Dn est l’ensemble des diviseurs > 0 de n. Démonstration A tout élément d ∈ Dn on associe l’unique sous-groupe cyclique à nd éléments de Z/n Z, engendré par d. Ce groupe est +d, = {0, d, .., (δ − 1) d}, où δ = nd . C’est l’ensemble des éléments d’ordre δ de Z/n Z. En effet, tout élément de +d, est d’ordre δ, et si x ∈ Z/n Z est d’ordre δ, alors δ.x ≡ 0, donc δ.x est un multiple de n = δ.d, et par suite x ∈ +d,. D’autre part, +d, étant cyclique d’ordre δ possède ϕ (δ) générateurs, et les générateurs sont les éléments d’ordre δ, donc |+d,| = ϕ nd . On réalise une partition de Z/nZ en considérant le sous-groupe engendré par chaque élément, et en regroupant ceux qui engendrent le même sous-groupe, c’est à dire les classes ϕ nd . des éléments de même ordre. Il en résulte que n = d∈Dn Enfin, la transformation d −→ n d étant une bijection de Dn , on a ϕ d∈Dn n d ϕ (d). = d∈Dn Exercice Déterminer les sous-groupes propres de Z/18Z. 1.4.2.6 Racines de l’unité dans un groupe cyclique Revenons sur les équations xk = e (k entier naturel non nul) dans un groupe fini G d’ordre n, et posons Gk = x ∈ G, xk = e . Suivant le corollaire du théorème de Lagrange, d’une part Gn = G, d’autre part l’ordre de chacun des éléments de Gk divise k. De plus, la plus petite valeur de k pour un x donné est un diviseur de n. On le voit facilement en divisant n par k. Remarquons aussi que si G est commutatif, les Gk sont des sous-groupes de G. En effet, Gk contient e, est stable car (x.y)k = xk .y k et contient l’inverse de chacun de ses éléments k −1 sachant que x−1 = xk . Finalement, nous nous intéressons aux Gk pour lesquels k est un diviseur de n (on écrira d au lieu de k), et nous supposerons que G est commutatif. Proposition 1.82 Soit G un groupe commutatif fini d’ordre n, et d un diviseur de n. 1) Si G est cyclique, alors Gd est cyclique isomorphe à nd Z/n Z et donc d’ordre d. 2) Inversement, si pour tout diviseur d de n, Gd contient au plus d éléments alors, G est cyclique. Démonstration 84 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1) Si G est cyclique, le sous-groupe Gd est cyclique de la forme δ Z/n Z , où δ est un diviseur de n, d’après le proposition précédente. Il reste à prouver que δ = nd . - Si x = k nd , avec k entier, alors dx = kn = 0 (mod. n), donc x ∈ Gd . - Inversement, si x ∈ Gd , alors dx = 0 (mod. n), donc dx ∈ nZ et x ∈ nd Z. 2) Dans une première étape, supposons que pour un diviseur d de n, il existe un élément a ∈ G d’ordre d. Alors d’une part +a, = Gd . En effet, a étant d’ordre d, on sait que a ∈ Gd donc +a, ⊂ Gd . D’autre part, |+a,| = d et |Gd | ≤ d par hypothèse, donc +a, = Gd . D’autre part, dire que a ∈ G est d’ordre d équivaut à dire que a ∈ Gd est d’ordre d. Le sous-groupe Gd étant cyclique d’ordre d, le nombre d’éléments d’ordre d est ϕ (d). Dans une deuxième étape, on prouve que pour tout diviseur d de n il existe un élément a ∈ G d’ordre d (ceci donnera la conclusion en prenant d = n). Le nombre d’éléments d’ordre d de G est à priori soit 0 soit ϕ(d). Or, si l’un d’eux est ϕ (d) = n est contredite. nul, la relation d∈Dn Corollaire 1.83 Si K est un corps commutatif, tout sous-groupe fini G du groupe (K ∗ , ×) est cyclique. Ceci résulte du fait que dans un corps, le nombre de solutions de l’équation xd − 1 = 0 est au plus égal à d. Ce résultat sera établi dans le § 4- consacré à K [X]. Exemple 1.25 En utilisant la représentation polygonale du groupe (Un , .) vue dans l’intro2π duction, les générateurs de Un sont les sommets eik n pour lesquels pgcd(k, n) = 1. On les appelle les racines primitives nièmes de l’unité. 1.4.2.7 Morphismes de groupes monogènes ou cycliques Exercice préliminaire Soit Aut(Z/nZ) l’ensemble des morphismes bijectifs de groupe additif Z/nZ dans lui même, et U le groupe mutiplicatif des éléments inversibles de l’anneau Z/nZ. Démontrer que l’application φ : Aut(Z/nZ) → U , définie par f −→ f (1) est un isomorphisme de groupes. Indication - Commencer par exprimer f(x) pour x ∈ Z/nZ. - En déduire que f(1) est un générateur de (Z/nZ, +). - Vérifier que φ est un morphisme bijectif. Cet exercice est maintenant généralisé. La suite donne les éléments d’une solution. Il s’agit de décrire l’ensemble M des morphismes d’un groupe G dans un groupe G′ , dans les cas suivants. Cas 1. G = G′ = Z. Si f ∈ M, alors f (x) = xf(1) pour tout entier relatif x, et inversement. M est donc l’ensemble des applications fa de la forme x −→ a.x, pour a ∈ Z. Section 4 Groupes (suite) 85 L’application a −→ fa de Z dans M est une bijection qui respecte les additions d’une part et la multiplication des entiers, la composition des applications d’autre part. Il en résulte que M est un anneau isomorphe à Z. Les éléments inversibles de cet anneau sont ±IZ . Cas 2. G = Z, G′ = Z/nZ (n > 0). a) Comme précédemment, M est l’ensemble des applications fa de la forme x −→ a.x, pour a = f(1) ∈ Z/nZ. Il en résulte que M est fini de cardinal n. b) fa (Z) est un sous-groupe de Z/nZ, donc de la forme fa (Z) = +d, = Z/ nd Z, où d est un diviseur de n (Prop. 1-74), et ker fa est un sous-groupe de Z, donc de la forme δZ. On peut déterminer d et δ en fonction de n et a. n x.a n En effet, fa (x) = a.x = 0 équivaut à n divise x.a, donc à n∧a divise n∧a , et donc à n∧a divise x d’après le théorème de Gauss (Prop. 1-49). n n Il en résulte que x ∈ ker fa si et seulement si x est multiple de n∧a , donc δ = n∧a . On retrouve le fait que fa ne peut être injectif. D’autre part, les éléments fa (1) , .., fa (δ − 1) sont non nuls, distincts deux à deux, et fa (Z) est un sous-groupe fini de cardinal δ dans Z/nZ. Il résulte de la proposition 1-74 que n d = δ, soit d = n ∧ a. Il résulte de la définition 1-85 qu’il y a ϕ (n) morphismes injectifs. Cas 3. G = Z/nZ, G′ = Z. M se réduit alors au morphisme nul (vérifier). Cas 4. G = Z/nZ, G′ = Z/mZ. a) Si f ∈ M est un morphisme de groupes additifs, notons a = f 1 . Alors, f (x) = x.a. On peut supposer que a < m. En particulier, n.a = f (n) = f 0 = 0, donc m divise n.a. Soit d = n ∧ m, n = d.n′ , m = d.m′ . Alors, m′ divise n′ .a, et m′ est étranger à n′ , donc m′ divise a. Il en résulte que a ∈ {0, m′ , .., (d − 1)m′ } . Inversement, il est clair que chacune de ces valeurs de a définit un morphisme f ∈ M. En résumé, M est un ensemble à d = n ∧ m éléments, ils sont de la forme fk (x) = (k.m′ ) .x, pour k = 0, .., d − 1, avec m′ = m d. b) Recherchons les éventuels morphismes injectifs dans M, et ker fk pour commencer. Modulo n, x ∈ ker fk si et seulement si (k.m′ ) .x est un multiple de m = d.m′ , autrement dit, si d divise k.x. d On peut exprimer cette condition à l’aide de ω = d∧k . k.x λ.d Si d divise k.x, on a k.x = λ.d, donc d∧k = d∧k = λ.ω. Il résulte du théorème de Gauss que ω divise x. k.µ d Inversement, si ω divise x, alors x = µ. d∧k donc k.x = d∧k .d est multiple de d. d En résumé, x (mod n) ∈ ker fk si et seulement si ω = d∧k divise x. On prend donc les multiples successifs de ω, restant strictement inférieurs à n. Pour cela, on remarque ω divise d et d divise n, donc ωn est entier, il en résulte que ' ( n n ker fk = 0, ω, .., − 1 .ω = ω. Z/ Z . ω ω De là, on déduit une condition d’injectivité de fk . La relation ωn = 1 s’écrit aussi n′ . (d ∧ k) = 1, donc n′ = d ∧ k = 1, et inversement. Finalement, (fk est injective ) ⇐⇒ (n divise m (donc d = n) et k ∧ n = 1) . Sous la condition n divise m, on obtient donc ϕ (n) injections. 86 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) c) Recherchons les éventuels morphismes surjectifs dans M, et fk (G) pour commencer. Au quotient, on obtient fk (G) isomorphe à (Z/nZ) / ker fk . Donc fk (G) est un sousgroupe de Z/mZ, d’ordre nn = ω, un tel groupe est déterminé par la proposition 1-75 ω m Z /mZ ≈ Z/ωZ. fk (Z/nZ) = ω De là, on déduit une condition de surjectivité de fk . ′ ′ La relation m ω = 1 s’écrit aussi m . (d ∧ k) = 1, donc m = d ∧ k = 1, et inversement. Finalement, (fk est surjective ) ⇐⇒ (m divise n (donc d = m) et k ∧ m = 1) . Sous la condition m divise n, on obtient donc ϕ (m) surjections. Cas 5. Automorphismes de G = Z/nZ. Ce cont les morphismes fk avec la condition nécessaire et suffisante k ∧ n = 1, ce qui équivaut aussi à dire que k est inversible dans Z/nZ. Le groupe des automorphismes de G est donc fini de cardinal ϕ (n), et isomorphe au groupe des éléments inversibles de l’anneau Z/nZ (sachant que k −→ fk est visiblement un morphisme). On retrouve les conclusions de l’exercice préliminaire. 1.4.3 Actions de groupes 1.4.3.1 Le concept d’action de groupe L’intervention la plus naturelle d’une action d’un groupe G sur un ensemble X est dans les situations où G est un groupe de bijections de X dans X, c’est à dire un sous-groupe de (S (X) , ◦). Une bijection g ∈ G étant donnée, la variable est un élément x ∈ X, mais d’emblée, il semble naturel d’envisager toutes les bijections g ∈ G, c’est à dire deux variables au lieu d’une, ce qui donne une application θ de G × X dans X. Une situation plus générale est donnée comme suit. Une indexation des éléments d’un ensemble fini X consiste à écrire X = {x1 , .., xn } (Def. 1-30), et changer l’ordre de ces éléments c’est faire agir sur X le groupe symétrique Sn de l’ensemble ]n] = {1, 2, ..., n}, en posant θ(σ, xi ) = xσ(i) . Pour que la correspondance ainsi établie entre le groupe symétrique Sn et le groupe symétrique S (X) soit un morphisme, il est nécessaire qu’à la composée de deux permutations σ, σ′ de ]n] corresponde la permutation composée des éléments de X, autrement dit θ(σ′ ◦ σ, xi ) = θ(σ′ , θ(σ, xi )) ce qui est bien le cas. Un autre exemple est celui de l’action par conjugaison, qui apparaitra au § 1-4-3-4 , où X est l’ensemble des sous-groupes d’un groupe G. Pour tenir compte de ces diverses situations, l’élément y = θ (g, x) de X est noté y = g.x et non pas y = g(x). Dans tous les cas, on attend d’une action d’un groupe (G, ∗) sur un ensemble X, qu’elle vérifie la propriété suivante : si un objet x ∈ X est transformé en y = g.x par g, et si y est transformé en z = g ′ .x par g ′ , alors z est transformé de x par l’élément composé g ∗ g′ , ce qui est une évidence lorsque G est un sous-groupe de (S (X) , ◦). 1.4.3.2 Action d’un groupe, deux visions équivalentes Section 4 87 Groupes (suite) Définition 1.88 Une action (à gauche) d’un groupe (G, ∗, e) sur un ensemble non vide31 X est une application θ : (g, x) −→ g.x de G × X dans X qui vérifie les propriétés suivantes 1) ∀x ∈ X, e.x = x. 2) ∀ (g, g′ , x) ∈ G × G × X, g. (g′ .x) = (g ∗ g ′ ) .x. X est alors appelé un G-ensemble, on dit aussi que G opère ou agit sur X. On définirait de même une action à droite avec la propriété x. (g ∗ g′ ) = (x.g) .g ′ . Exemple 1.26 Le groupe symétrique S (X) d’un ensemble X agit sur X par l’action naturelle (g, x) −→ g.x = g(x). Exemple 1.27 Si un groupe G opère sur un ensemble X, et si Y est un ensemble (X et Y non vides), alors G opère sur Y X en posant (g.f ) (x) = f g −1 .x Lorsqu’un même groupe G opère sur deux ensembles X et Y , il est utile de mettre en évidence les situations où l’on peut dire que G agit sur Y “comme” sur X. Définition 1.89 Un G-morphisme ou application équivariante d’un G-ensemble X sur un G-ensemble Y est une application f : X → Y telle que ∀ (g, x) ∈ G × X, f (g.x) = g.f (x). Autrement dit, le diagramme suivant commute (les actions sont notées θ1 et θ2 ). G×X ↓ I ×f G×Y θ →1 θ →2 X ↓f Y Si f est un G-morphisme bijectif, il est facile de vérifier que f −1 est un G-morphisme, on dira alors que f est un G-isomorphisme. Une action θ d’un groupe sur un ensemble étant donnée, mettons en évidence quelques propriétés de chacune des deux applications partielles associées à cette action. 1) Dans un premier temps, fixons un élément g ∈ G. −1 : x −→ g −1 .x sont réciproques, elles sont donc Les applications g : x −→ g.x et gbijectives. De plus, l’application g → g est un morphisme de groupes de G dans le groupe symétrique S (X). Inversement, tout morphisme de G dans le groupe symétrique S (X) détermine une action de G dans X. Exercice 31 Cette hypothèse, valable dans toute la section consacrée aux actions de groupes, ne sera pas répétée. 88 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Vérifier cette affirmation. Indication : Si ϕ : G → S (X) est un morphisme de groupes, prouver que g.x = ϕ (g) (x) est une action. Une action de groupe sur un ensemble X peut donc être regardée comme une famille de bijections de X, indexée par G, qui se "composent comme les éléments de G". Résumons en termes plus précis. Proposition 1.84 Les actions d’un groupe G sur un ensemble X correspondent bijectivement aux morphismes de G dans le groupe symétrique S (X). Pourquoi une action de groupe n’est-elle pas réductible à l’action naturelle d’un sousgroupe de S (X) ? Autrement-dit, pourquoi doit-on distinguer g.x et g(x) ? Cette distinction ne se présente que si le morphisme g → g n’est pas injectif, c’est à dire lorsqu’il existe des éléments g autres que e, tels que g = IX . Un exemple est donné par les mouvements d’un solide dans le cas particulier où le solide est modélisé par une tige (sans épaisseur). En termes géométriques, si D est une droite de l’espace, et G le groupe des déplacements de l’espace, toutes les rotations d’axe D ont une restriction à D égale à l’identité. Ceci est à l’origine d’une difficulté cinématique (Cf. Chap. 17). Exemple 1.28 Tout groupe (G, ∗) agit sur lui même par les translations à gauche γ g ou à droite δ g (Def. 1-45), ou les automorphismes intérieurs ιg (Def. 1-81), grâce à l’associativité de l’opération ∗. Les deux visions d’une action de groupe sont ici les suivantes (par exemple pour les translations à gauche). - L’action θ : (g, x) −→ g.x = g ∗ x = γ g (x). - Le morphisme γ : G → S (G) est défini par γ(g)(x) = g ∗ x. Il est injectif. Définition 1.90 Une action est effective ou fidèle si le morphisme g −→ g est injectif. Cela signifie que seul l’élément neutre de G laisse fixe chaque élément de X, et que G s’identifie à un sous-groupe du groupe symétrique S (X). 2) Dans un deuxième temps, fixons un élément x ∈ X. Cela conduit naturellement à la notion d’orbite. Définition 1.91 Un G-ensemble (G, X) étant donné, l’orbite d’un élément x ∈ X est l’ensemble G.x des g.x, pour g ∈ G. Exemple 1.29 Pour l’action naturelle de G = S3 sur X = {1, 2, 3}, déterminer l’orbite de x = 1. Que peut-on en déduire pour les orbites de x = 2, et x = 3 ? Section 4 Groupes (suite) 89 Exemple 1.30 Si H est un sous-groupe distingué de G, l’action de H sur G par translation à droite et l’action par translation à gauche ont les mêmes orbites, la partition de G obtenue correspondant à une équivalence compatible avec la structure de groupe de G. Lorsqu’il existe plus d’une orbite, celles-ci constituent une partition de X. Comme toute partition d’un ensemble, celle-ci est associé à une relation d’équivalence y ∼ x si y ∈ G.x, l’orbite de x est la classe (à gauche) de x modulo G. On va maintenant s’intéresser à la relation entre G et une orbite donnée, c’est à dire aux applications partielles θx pour x fixé dans X. Chaque élément y de l’orbite G.x est transformé de x par l’action d’un élément g ∈ G, mais que peut-on dire de l’ensemble des éléments de G qui transforment x en y ? On étudie quelques situations de généralité croissante, qui donnent lieu à des concepts généraux que l’on définira au passage. 1.4.3.3 Action simplement transitive Définition 1.92 Une action d’un groupe G sur un ensemble X est simplement transitive si, pour tout couple (x, y) ∈ X × X, il existe un élément g ∈ G et un seul, tel que g.x = y. Proposition 1.85 Pour une action simplement transitive θ, il n’y a qu’une orbite (égale à X), et la correspondance θx entre G et G.x = X est bijective pour tout choix de x ∈ X. D’autre part, toute action simplement transitive est fidèle. Cette notion est utilisée (implicitement) au début de toute étude en géométrie affine. Par exemple en géométrie plane, X est l’ensemble des points du plan, G est le groupe des translations de X, opérant par l’action naturelle puisque G est un groupe de bijections de X. → est bien l’unique Etant donné un couple (x, y) de points de X la translation de vecteur − xy translation qui transforme x en y. Dans l’enseignement secondaire, le concept d’espace affine n’est pas explicité, mais cette propriété est utilisée implicitement. Au chapitre 2, elle servira de point de départ pour une définition de la structure affine. De manière analogue, une demi-droite δ du plan (euclidien) étant fixée, les rotations g correspondent bijectivement aux demi-droites g(δ). Cette propriété est exploitée pour la représentation des angles au chapitre 3. Exemple 1.31 L’action d’un groupe sur lui même par translations est simplement transitive. Il en résulte que tout groupe fini G d’ordre n est isomorphe à un sous-groupe de Sn (Théorème de Cayley). 1.4.3.4 Espaces homogènes Une première généralisation du cas précédent est obtenue en supprimant la contrainte de l’injectivité des θx . 90 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Définition 1.93 Une action est transitive s’il n’y a qu’une seule orbite, autrement dit si l’application θx est surjective pour tout choix de x ∈ X. Dans ce cas, le couple (X, G) est appelé un espace homogène. Exercice Démontrer qu’une action est fidèle et transitive si et seulement si elle est simplement transitive. Exemple 1.32 Si (G, ∗) est un groupe, H un sous-groupe (pas nécessairement distingué) de G, et X = G/H l’ensemble des classes à droite a = a ∗ H modulo H, alors G opère transitivement sur G/H par g.a = g ∗ a, (g, a) ∈ G × G. En effet, si (a, b) ∈ G × G, il existe g ∈ G tel que g ∗ a = b. g = b ∗ a−1 convient, mais aussi tout élément de la forme g = h ∗ b ∗ a−1 , où h ∈ H. Pour “paramétrer” X à l’aide des éléments du groupe, par analogie avec les actions simplement transitives, la méthode consiste à choisir un élément x ∈ X, et considérer comme équivalents les éléments de G qui transforment x en le même élément de X, autrement dit quotienter la surjection θx . Cette construction conduit à un quotient de G qui dépend à priori du choix de x, mais on va voir que ces quotients sont isomorphes, ce qui justifie le terme “homogène”. On envisage donc dans G, la relation d’équivalence suivante (x est fixé). h ∼ g ⇐⇒ h.x = g.x ⇐⇒ (g −1 ∗ h).x = x. Ceci met en évidence le sous-groupe des éléments de G qui fixent x, et conduit à la définition suivante. Définition 1.94 Pour toute action d’un groupe G sur un ensemble X, on associe à tout élément x ∈ X le sous-groupe de G, noté Gx , défini par Gx = {g ∈ G, g.x = x} . Ce sous-groupe est appelé le sous-groupe stabilisateur de x (ou groupe d’isotropie de x). L’équivalence ci-dessus se traduit donc ainsi h ∼ g ⇐⇒ g −1 ∗ h ∈ Gx ⇐⇒ h ∈ g ∗ Gx , donc g = g ∗ Gx . Proposition 1.86 Supposons donnée un espace homogène (X, G), l’action étant notée θ. a) Pour tout élément x ∈ X, la factorisation canonique θx de la surjection θx : g → g.x de G sur X est définie par θx (g) = θx (g) = g.x, autrement dit le diagramme suivant commute θx G → X ց ↑ θx π G/Gx . b) Relativement à l’action θ, et à l’action θ′ : g, h = g ∗ h de G sur G/Gx définie à l’exemple 1-29 (pour H = Gx ), la bijection θx est un G-isomorphisme. Section 4 91 Groupes (suite) Il suffit en effet de vérifier la commutativité du diagramme suivant G×X ↑ I × θx θ → θ′ X ↑ θx G × G/Gx → G/Gx ce qui se traduit par la relation (g ∗ h) .x = g. (h.x). Exemple 1.33 (Cet exemple suppose connues quelques propriétés des rotations de l’espace que l’on trouvera au § 3- ). G est le groupe noté SO(R3 ) des rotations de l’espace euclidien R3 , et S 2 est la sphère unité de R3 . Pour l’action naturelle g.k = g(k), S 2 , G est un espace homogène (vérifier). k est un vecteur donné de S 2 . H est le sous-groupe de G, ensemble des rotations d’axe R k et de l’identité. Alors, H est le sous-groupe d’isotropie de k et l’application de G/H dans S 2 qui transforme g en g(k) est bijective. Exercice Pour l’action naturelle de G = S3 sur X = {1, 2, 3}, avec les notations de § 1-2-1, compléter le tableau suivant. x G.x Gx G/Gx 1 X 2 X {σ1 , σ 2 } {{σ1 , σ2 } , {σ3 , σ4 } , {σ5 , σ6 }} 3 X {σ1 , σ 6 } {σ1 , σ 3 } Comme on le voit dans ce cas particulier, les stabilisateurs n’étant pas nécessairements des sous-groupes distingués, les G/Gx ne sont pas des groupes quotients. Par exemple σ 3 σ2 σ−1 3 = σ 6 montre que G1 n’est pas distingué. On peut aussi remarquer que le produit des classes ne peut être défini par la classe du produit, par exemple σ3 σ5 = σ4 σ6 . Si l’on remplace x par un autre élément y ∈ X, on a une autre bijection, de G/Gy sur X. Il est intéressant de comparer les stabilisateurs Gx et Gy (le raisonnement qui va suivre donnera une propriété plus générale qui sera énoncée ci-dessous). Sachant qu’il existe g ∈ G tel que y = g.x, on voit que pour un élément h ∈ G, la propriété h ∈ Gy est équivalente à g−1 ∗ h ∗ g ∈ Gx . Cette observation conduit à la définition suivante. Définition 1.95 Pour un groupe (G, ∗), l’action de G sur l’ensemble S des sous-groupes de G, définie par g.H = g ∗ H ∗ g −1 est apelée conjugaison. Vérifier qu’il s’agit bien d’une action de groupe. La proposition précédente montre qu’un G-espace homogène est G-isomorphe à un quotient de G par un sous-groupe. Ce fait est obtenu en prenant un stabilisateur Gx , un autre choix serait un sous-groupe conjugué. En fait, ceci n’est que la manifestation d’une propriété plus générale. 92 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.87 Si G est un groupe, et H, K deux sous-groupes de G, alors les ensembles G/H et G/K sont G-isomorphes relativement à l’action de G définie à l’exemple 1-28 si et seulement si les sous-groupes H et K sont conjugués. Démonstration Prenons X = G/H. Si K = g ∗ H ∗ g−1 pour un élément g ∈ G, alors K est le stabilisateur de x = g ∗ H, donc G/K est G-isomorphe à X par la proposition précédente. Pour la réciproque, remarquons que pour l’action de G sur G/H, le stabilisateur GH de la classe de l’élément neutre est {H}, et donc, si f est un G-isomorphisme de G/H et G/K, le stabilisateur Gf (H) pour l’action de G sur G/K est encore H. En effet, g ∗ f (H) = f(g ∗ H) = f (H) équivaut à g ∗ H = H. Dans l’espace homogène G/K, les stabilisateurs H et K sont conjugués. 1.4.3.5 Cas où le groupe agit de manière simplement transitive sur chaque orbite Une deuxième généralisation des actions simplement transitives obtenue en supprimant la contrainte de la surjectivité des θ x . Il s’agit donc des actions de groupe admettant plusieurs orbites, chacune étant en bijection avec le groupe. Définition 1.96 Une action d’un groupe G sur un ensemble X est libre ou sans points fixes si, pour tout x ∈ X, Gx = {e}. Chaque orbite d’une action libre est en bijection avec G. Une situation importante de ce type est obtenue comme suit (attention au changement de notations). L’ensemble X est un groupe multiplicatif G, le groupe est un sous-groupe H de G agissant par translation à gauche, c’est à dire que θ (h, g) = h g. L’orbite d’un élément g ∈ G est donc la classe à gauche H g de g modulo H. Deux éléments g1 , g2 appartiennent à la même orbite si g2 g1−1 ∈ H. H est donc la classe de e. L’application h −→ h g de H dans la classe Hg de g étant bijective, toutes les orbites sont en bijection avec H. On a de même une action à droite et des classes à droite gH. Si G est un groupe fini, et H un sous-groupe de G, toutes les orbites pour l’action de G sur H par translation (à gauche ou à droite) ont même cardinal, on retrouve le théorème de Lagrange (Corollaire 1-62). 1.4.3.6 Cas général Dans une action de groupe, une double partition apparait. La partition de X en orbites et pour chaque orbite, la partition de G en classes à droite modulo le stabilisateur d’un élément donné x de l’orbite, les stabilisateurs des éléments d’une même orbite étant conjugués. Précisons. Proposition 1.88 1) Supposons donnée une action θ d’un groupe G sur un ensemble X. Pour tout élément x ∈ X, la factorisation canonique de la surjection g → g.x de G sur G.x Section 4 G 93 Groupes (suite) θ x → can ց G.x . ↑ G/Gx 2) Les stabilisateurs Gx et Gy de deux éléments x et y d’une même orbite sont conjugués. 3) Si un groupe fini G agit sur un ensemble fini X, pour tout x ∈ X, le cardinal de l’orbite G.x de x, égal à l’indice du stabilisateur Gx , est un diviseur de l’ordre du groupe. Plus précisément, |G| |G.x| = [G : Gx ] = . |Gx | ′ Si X est une partie de X qui contient un élément et un seul de chaque orbite, il en résulte que |X| = [G : Gx ] (équation des classes). est x∈X ′ 1) et 2) se démontrent comme dans le cas d’une action transitive. 3) est une conséquence évidente du théorème de Lagrange (Corollaire 1-62), compte tenu de la définition de l’indice (Def. 1-79). Donnons une autre démonstration de 3). Si y ∈ G.x, notons Cy l’ensemble des éléments g ∈ G tels que g.x = y. Tout élément h ∈ Cy définit une bijection de Cy sur Gx en associant h−1 g à g. Il en résulte que |Gx | = |Cy |. D’autre part, on voit que |G| = y∈G.x |Cy |, et donc |G| = |G.x| |Gx |. Corollaire 1.89 Soit X un ensemble fini sur lequel agit un groupe fini G d’ordre pα , où p est un entier premier et α > 0, Démonstration Commençons par une propriété préliminaire. Si X G est l’ensemble des éléments de X dont l’orbite est un singleton (éléments fixés par tous les éléments de G), alors X G ≡ |X| (mod p). En effet, si O est une orbite qui n’est pas un singleton, sachant que 1 < |O| et que |O| divise l’ordre de G, on en déduit que p divise |O|. La partition de X en orbites donne aussitôt la conclusion. Les propriétés établies dans cette section dans le cas fini trouvent leur application dans la section suivante pour l’étude des groupes symétriques Sn , au § 1-6-1 pour des dénombrements, et au chapitre 5 pour les groupes finis d’isométries. 1.4.4 Structure du groupe symétrique d’un ensemble fini Lorsqu’un groupe fini comporte un grand nombre d’éléments (n! pour Sn ), il est clair que le recours à la table du groupe est exclu (au moins manuellement). Les générateurs ont alors un rôle important. Commençons par une définition commode pour la suite. Définition 1.97 Si X est un ensemble fini, Y une partie non vide de X, et σ ∈ SX . On dit que σ opère sur Y si la restriction de σ à X\Y est l’application identique. On met en évidence le plus grand sous-ensemble Y ′ de X sur lequel la restriction de σ est l’identité, et Y = X\Y ′ est appelé le support de σ. 94 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Proposition 1.90 Si deux permutations de SX ont des supports disjoints, alors elles commutent. Démonstration Notons Supp σ et Supp σ ′ les supports de deux permutations σ et σ ′ de X. Si x ∈ X, deux cas se présentent et deux seulement (à un échange près des permutations). Le premier est x ∈ / Supp σ et x ∈ / Supp σ′ . Dans ce cas, (σ ◦ σ ′ ) (x) = (σ′ ◦ σ) (x) = x. Le second est x ∈ Supp σ et x ∈ / Supp σ ′ . Dans ce cas, σ (x) ∈ Supp σ. On a donc ′ ′ (σ ◦ σ ) (x) = σ(x) = (σ ◦ σ) (x). 1.4.4.1 Une action de groupe cyclique Pour une permutation σ ∈ Sn , avec n ≥ 2, envisageons le sous-groupe cyclique G = +σ, de Sn engendré par σ. Ce groupe étant +σ, = {σp , p ∈ Z} (Prop. 1-66), il agit sur ]n]. Une première idée serait d’exprimer les itérés successifs de σ. Par exemple, avec n = 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 et σ = , on a σ2 = puis σ 3 et ainsi de 7 4 2 5 3 6 1 10 8 9 1 5 4 3 2 6 7 9 10 8 suite, étant certain (puisque |S10 | = 10!) de l’existence d’un entier p (on s’intéresse au plus petit) pour lequel σ p est l’identité. Le cardinal du groupe symétrique n’engage pas à poursuivre dans cette voie. La question du calcul de p sera reprise après un détour. Une deuxième idée est de regrouper les itérés de chacun des dix éléments, c’est à dire d’exhiber les orbites sous l’action de +σ,. Il est facile de déterminer ces orbites à partir du tableau qui décrit σ. En repérant les transformés de 1 par les itérés successifs σk , on obtient l’orbite de 1, puis l’orbite de i où i est (s’il existe) le plus petit entier qui n’appartient pas à l’orbite de 1 et ainsi de suite jusqu’à l’obtention de la partition de ]n] en orbites. 1 · · · σ2 (1) · · · σ(1) · · · . σ(1) · · · σ3 (1) · · · σ2 (1) · · · Dans l’exemple choisi, on trouve 4 orbites de l’action du groupe +σ, : σ= 17 71 , 2453 4532 , 9 8 10 8 10 9 , 6 6 . Généralisons. Proposition 1.91 X est un ensemble fini de cardinal |X| ≥ 2, et σ ∈ SX . (1) Le sous-groupe +σ, = {σp , p ∈ Z} de SX , engendré par σ, est aussi σ0 , σ, σ2 , σ 3 , ..., σp−1 0 où σ est l’identité de ]n] et p est le plus petit entier positif non nul tel que σ p = σ0 . (2) Ce groupe cyclique +σ, agit sur X par σk .x → σk (x), et l’orbite d’un élément x ∈ X sous cette action est l’ensemble x, σ(x), ..., σq−1 (x) où q est le plus petit entier positif non nul tel que σq (x) = x. (3) La restriction de σ à cette . orbite est soit l’identité soit une permutation circulaire. Plus précisément, notons α∈Λ Oα la partition de X en orbites sous l’action du groupe +σ, (Λ est un ensemble fini). Section 4 95 Groupes (suite) Pour tout α ∈ Λ, notons σ α la permutation de X définie par les conditions : σ α et σ ont même restriction à Oα σ α est l’identité sur le complémentaire de Oα . Alors, σα est l’application identique IX si |Oα | = 1 et un cycle d’ordre |Oα | si |Oα | ≥ 2. (4) Les σα sont permutables, ayant des supports disjoints deux à deux. La démonstration est immédiate compte tenu de la proposition 1-66. Il résulte de cette proposition qu’une permutation σ ∈ SX est un cycle si et seulement si il existe une seule orbite de cardinal au moins deux, les autres étant toutes des singletons. Exercice On envisage les permutations suivantes de S5 . 12345 12345 12345 12345 σ1 = , σ2 = , σ3 = , σ4 = . 31452 23154 21543 52341 Dénombrer les orbites pour l’action sur X = ]5] des groupes +σ, engendrés par les permutations données, calculer l’ordre de chacune de ces permuttions, et vérifier l’équation des classes |X| = x∈X ′ |G.x| pour ces sous-groupes. Réponse L’ordre de σ i s’obtient en calculant les puissances successives σ2i , σ3i , etc groupe nombre d’orbites ordre de +σi , équation des classes +σ1 , +σ2 , +σ 3 , +σ4 , 5 6 3 2 5=5 5=3+2 5 =2+2+1 5 = 2+1+1+1 1 2 3 4 Une méthode de calcul de l’ordre |+σ,| est sugérée par cet exemple. Dans le cas général, il est plus facile de l’exprimer comme conséquence de la décomposition qui va suivre. 1.4.4.2 Générateurs du groupe symétrique On reprend la permutation σ ∈ S10 utilisée au § 1-4-4-1. Les orbites de X = ]10] sous l’action de +σ, fournissent aussi une décomposition de σ en produit de cycles. Par exemple, σ = 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 7 4 2 5 3 6 1 10 8 9 17 2453 9 8 10 ◦ ◦ 71 4532 8 10 9 Plus brièvement, on écrira σ = (1 7) (2 4 5 3) (9 8 10) (6). = ◦ 6 6 . Proposition 1.92 (1) Toute permutation σ d’un ensemble fini X (de cardinal ≥ 2) se décompose en un produit de cycles dont les supports sont les orbites de l’action de +σ, sur X. Ces supports sont donc disjoints deux à deux. |X| est la somme de leurs longueurs et du nombre d’éléments invariants par σ. Pour une même permutation, deux décompositions vérifiant cette propriété sont égales à l’ordre près des facteurs. 96 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) (2) Tout cycle est un produit de transpositions. Il en résulte que les transpositions engendrent le groupe symétrique SX . Définition 1.98 La partition de l’entier |X| définie par la propriété (1), en indexant les nombres d’éléments par ordre décroissant est la formule de la permutation σ. Dans l’exemple ci-dessus, la formule de σ est (4, 3, 2, 1). La formule d’une transposition est (2, 1, .., 1). La formule d’une permutation circulaire de ]n] est (n). Démonstration de la proposition (1) La proposition précédente fournit l’existence d’une décomposition car la permutation / composée des cycles σα , que l’on peut noter α∈Λ σ α , est égale à σ. En effet, soit x/∈ X. Alors x appartient à une orbite et une seule Oα0 , de sorte que σ(x) = σα0 (x) = α∈Λ σ α (x). L’unicité d’une telle décomposition résulte du fait suivant. Si (sα )α∈Λ est une famille (nécessairement finie) de cycles dans / Sn , dont les supports sont deux à deux disjoints, le produit (indépendant de l’ordre) s = α∈Λ sα est une permutation dont les orbites non réduites à un élément sont les supports Sα des sα . En effet, tout support Sα d’un cycle sα est par définition une orbite pour l’action du groupe (Sα ), mais pour tout élément i ∈ ]n], et tout entier p, on a spα (i) = sp (i), de sorte que Sα coincide avec l’orbite de i relative à s. D’autre part, étant donné un élément i ∈ ]n], s’il est invariant par s, alors il est invariant par chacun des cycles sα , sinon, il appartient à l’un, donc à un seul des supports Sα , et l’orbite de i relativement à s est égale à Sα . (2) D’une part l’identité est le carré de toute transposition, d’autre part la restriction d’un cycle σ à son support est de la forme x1 ... xp−1 xp x2 ... xp x1 et il est clair (vérifier) que σ = (x1 x2 ) ◦ (x2 x3 ) ◦ ... ◦ (xp−1 xp ). Remarquons qu’il est facile de donner une preuve directe de la propriété (2), en procédant par récurrence sur n = |X|. Si n = 2, SX est composé de l’identité et d’une transposition. Si n ≥ 3, avec X = ]n], en supposant qu’une permutation σ ∈ SX est telle que σ(n) = m < n, on remarque que (m n) ◦ σ laisse fixe l’entier n, ce qui permet de supposer que σ(n) = n, qui ramène au cas X = ]n − 1]. L’hypothèse de récurrence concerne des transpositions de ]n − 1] qu’il suffit de prolonger à ]n]. Corollaire 1.93 L’ordre d’une permutation σ ∈ SX , c’est à dire |+σ,|, est le ppcm des ordres des cycles d’une décomposition de σ. En effet, si s1 ◦ .. ◦ sq est une décomposition, les relations σ k = I et (si )k = I pour tout i sont équivalentes car les supports des si sont disjoints, donc k est multiple commun des ordres de chaque cycle si . Section 4 97 Groupes (suite) La formule ne cractérise pas une permutation, mais permet un classement. Prenons l’exemple du groupe S4 dont la table est donnée en annexe. Les partitions de 4 sont 4, 3 + 1, 2 + 2, 2 + 1 + 1, 1 + 1 + 1 + 1. Chacune de ces cinq partitions donne respectivement un type de permutation (on n’écrit pas les cycles de longueur 1). Formule Produits de cycles associés Permutations décomposées en cycles 4 une permutation circulaire (1 2 3 4), (1 2 4 3),(1 3 2 4) (1 3 4 2), (1 4 2 3),(1 4 3 2) (3, 1) un cycle de longueur 3 (1 2 3), (1 2 4), (1 3 4), (2 3 4) (1 3 2), (1 4 2), (1 4 3), (2 4 3) (2, 2) deux transpositions (2, 1, 1) une transposition (1, 1, 1, 1) l’identité (1 2) ◦ (3 4), (1 3) ◦ (2 4), (1 4) ◦ (2 3) (1 2), (1 3), (1 4), (2 3), (2 4), (3 4) Outre l’identité σ 1 , on a en effet les trois produits de deux transpositions qui sont égaux à leur inverse32 , σ 2 = (1 2) ◦ (3 4) = (2 1 4 3) σ−1 2 = σ2 σ 4 = (1 4) ◦ (2 3) = (4 3 2 1) σ−1 4 = σ4 σ 3 = (1 3) ◦ (2 4) = (3 4 1 2) σ−1 3 = σ3 et les huit cycles de longueur 3 avec leurs inverses σ 5 = (2 3 4) = (2 4) ◦ (2 3) σ−1 5 = σ 6 = (4 2 3) = (2 3) ◦ (2 4) σ 8 = (1 2 4) = (1 4) ◦ (1 2) σ−1 8 = σ 11 = (4 1 2) = (1 2) ◦ (1 4) σ 7 = (1 2 3) = (1 3) ◦ (1 2) σ 9 = (1 3 4) = (1 4) ◦ (1 3) σ−1 7 = σ 10 = (3 1 2) = (1 2) ◦ (1 3) σ−1 9 = σ 12 = (4 1 3) = (1 3) ◦ (1 4) A défaut d’une formule donnant le nombre de partitions d’un entier, il est difficile de généraliser cette méthode utilisée pour S4 . Exercices 1. Le groupe Sn est engendré par les n(n−1) 2 tanspositions (i j) avec i < j. Pourquoi ? 2. (i j) = (1 i) ◦ (1 j) ◦ (1 i). Conclusion ? 3. (2 7) = (2 3) ◦ (3 4) ◦ (4 5) ◦ (5 6) ◦ (6 7) ◦ (5 6) ◦ (4 5) ◦ (3 4) ◦ (2 3). Plus généralement, si i < j, (i j) = (i (i + 1))◦...◦((j − 2) (j − 1))◦((j − 1) j)◦((j − 2) (j − 1))◦...◦(i (i + 1)) . 4. Les deux permutations (1 2) et γ = (2 .. n 1) engendrent Sn . 5. Les (n − 1) tanspositions (1 2),..,((n − 1) n) engendrent Sn . Indications Ex. 4 Vérifier que γ k ◦ (1 2) ◦ γ −k = ((k + 1) (k + 2)). Conclure avec l’exercice 3. Ex. 5 Vérifier que (1 p) = (1 (p − 1)) ◦ ((p − 1) p) ◦ ((1 (p − 1))), donc le groupe engendré par les transpositions données contient les transpositions (1 p) (par récurrence sur p), et conclure avec l’exercice 2. 32 Les notations sont celles de l’annexe. 98 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.4.4.3 Signature d’une permutation Le nombre des transpositions qui interviennent dans la décomposition d’une permutation d’un ensemble fini X n’est évidemment pas unique. Par contre, il est intéressant de regarder la parité de ce nombre. Ceci conduit à la notion de signature qui sera utilisée dans le chapitre 2 pour les déterminants, dont la définition et les premières propriétés sont élémentaires. Pour les calculs, il sera commode d’indexer les éléments de X, ce qui revient à prendre X = ]n], nous verrons que les résultats sont indépendants du choix de l’indexation. Au préalable, il est commode d’introduire quelques notations relatives aux couples d’indices (i, j) ∈ ]n]2 . On suppose n ≥ 2. 2 Dans l’ensemble ]n] noté Pn , on distingue les sous-ensembles Tn = {(i, j) ∈ Pn , i < j} ∆n = {(i, j) ∈ Pn , i = j} Kn = Pn \∆n . Définition 1.99 Une permutation σ ∈ Sn étant donnée, un couple (i, j) ∈ Tn présente une inversion pour σ si σ(i) > σ(j). La signature de σ est le nombre ε(σ) = (−1)N(σ) ∈ {−1, 1} où N(σ) est le nombre de couples (i, j) ∈ Tn présentant une inversion pour σ. Proposition 1.94 On suppose n ≥ 2. Pour toute transposition τ, ε (τ) = −1. Démonstration a) Soit τ = (i j). On peut supposer i < j. Les éléments de Tn autres que les couples (k, l) avec k = i ou l = j ne présentent aucune inversion deux à deux puisqu’ils sont invariants. Parmi les couples (i, l) ∈ Tn , les couples autres que (i, j) présentant une inversion sont (i, i + 1),..,(i, j − 1) s’il en existe. Parmi les couples (k, j) ∈ Tn , les couples autres que (i, j) présentant une inversion sont (i + 1, j),..,(j − 1, j) s’il en existe. Au total, le nombre de couples (i, j) ∈ Tn présentant une inversion pour τ est impair. En vue d’établir des propriétés de la signature, on introduit deux produits d’entiers, à partir des éléments de Tn ordonnés selon les valeurs croissantes de j. T = {(1, 2) , (1, 3) , (2, 3) , ..., (1, n) , .., (n − 1, n)} . &n P1 = (j − i) = (2 − 1) (3 − 1) (3 − 2) ... (n − 1) .. (n − (n − 1)) . (i,j)∈Tn P2 = & (i,j)∈Tn (σ(j) − σ(i)) . Il s’agit de comparer P 2 (qui dépend de σ) et P 1. On note que l’application fσ : Tn → Kn définie par fσ (i, j) = (σ(i), σ(j)) est injective, mais fσ (i, j) reste dans Tn ou non selon que (i, j) présente ou non une inversion. Il est facile d’en déduire une injection de Tn dans Tn en renversant l’ordre des couples transformés situés hors de Tn . L’application gσ : Tn → Tn définie par gσ (i, j) = (σ(i), σ(j)) si σ(i) < σ(j) et (σ(j), σ(i)) si σ(i) > σ(j) est injective, donc bijective (Corollaire 1-13), et le nombre de changements de signe introduits n’est autre que N(σ). Ce raisonnement donne la propriété (1) de la proposition suivante. Section 4 99 Groupes (suite) Proposition 1.95 On suppose n ≥ 2. 1) Pour toute permutation σ ∈ Sn , ε(σ) = & σ(j)−σ(i) . j−i (i,j)∈Tn 2) a) L’application ε est un morphisme du groupe (Sn , ◦)sur le groupe ({−1, 1} , ×). b) Pour un cycle σ de longueur l, ε (σ) = (−1)l−1 . 3) ε (σ) = (−1)n−o(σ) , où o(σ) est le nombre des orbites (ponctuelles ou non) de la décomposition de σ en produit de cycles de la proposition 1-88. Démonstration 2-a) Pour (σ, σ′ ) ∈ Sn2 , ε(σ ◦ σ′ ) = & (i,j)∈Tn (σ ◦ σ ′ ) (j) − (σ ◦ σ ′ ) (i) j−i (σ ◦ σ ′ ) (j) − (σ ◦ σ ′ ) (i) & σ ′ (j) − σ′ (i) . . σ ′ (j) − σ′ (i) j−i (i,j)∈Tn (i,j)∈Tn & (σ◦σ′ )(j)−(σ◦σ′ )(i) Il reste à exprimer A = en fonction de σ seul. Pour cela, on σ′ (j)−σ ′ (i) & = (i,j)∈Tn pose S(i, j) = σ(j)−σ(i) . j−i A = & S (σ′ (i), σ′ (j)) = (i,j)∈Tn = & & S (fσ′ (i, j)) (i,j)∈Tn S (gσ′ (i, j)) car S(i, j) = S(j, i) (i,j)∈Tn = & S(i, j) = ε(σ) car gσ′ est une bijection de Tn . (i,j)∈Tn 2-b) Le résultat b) provient de la décomposition d’un cycle donnée dans la démonstration de la proposition/1-87. 3) Soit σ = α∈Λ σ α la décomposition en cycles donnée par la proposition 1-87. Notons nα la longueur du cycle σα , et m = |Λ| le nombre de cycles. On a vu que n est la somme α∈Λ nα des longueurs des cycles augmentée de la somme des orbites ponctuelles (éléments invariants par σ). Le nombre total des orbites de l’action de +σ, est donc o(σ) = m + n − On a ainsi ε(σ) = & nα α∈Λ =n− ε(σα ) = (−1) α∈Λ (nα − 1) . α∈Λ (nα −1) α∈Λ = (−1)n−o(σ) . Corollaire 1.96 Le nombre de transpositions, facteurs d’une décomposition d’une permutation σ ∈ Sn varie avec la méthode choisie, mais sa parité ne dépend que de σ. Définition 1.100 Les permutations de signature 1 (resp.−1) sont dites paires (resp. impaires), l’ensemble des permutations paires est le noyau de la signature, c’est donc un sous groupe distingué de Sn , appelé groupe alterné, noté An . 100 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) La décomposition canonique de la signature, en tant que morphisme surjectif de groupes, montre que [Sn : An ] = 2, et il résulte du théorème de Lagrange que |An | = n! 2. Exercices 1. Quelle est la permutation (1 n) ◦ (1 (n − 1)) ◦ ... ◦ (1 2) ? En déduire qu’un cycle d’ordre impair (resp. pair) est une permutation paire (resp. impaire). 2. Si a, b, c, d sont des éléments d’un ensemble X avec |X| ≥ 4, vérifier que (a b) ◦ (b c) et (a b) ◦ (a c) sont des 3-cycles, et donc que (a b) ◦ (c d) est composé de deux 3-cycles. En déduire que, pour n ≥ 3, le groupe alterné An est engendré par les 3-cycles. Indication pour l’exercice 2. (a b) ◦ (c d) = (a b) ◦ (a c) ◦ (a c) ◦ (c d). 1.4.4.4 Classes de conjugaison X étant un ensemble fini, la relation de conjugaison d’une permutation σ ∈ SX par une bijection ϕ de X sur un ensemble équipotent Y a été définie au § 1-2-3-4. Rappelons qu’il s’agit de la permutation σ′ = ϕ ◦ σ ◦ ϕ−1 ∈ SY . Pour X = Y , ϕ ∈ SX et la conjugaison est visiblement une relation d’équivalence sur SX . Cette relation apparait comme intéressante sous plusieurs aspects. Proposition 1.97 Si X est un ensemble de cardinal 1 ou 2, le groupe SX est commutatif, et si |X| ≥ 3, le centre Z (SX ) = {IX }. Démonstration Supposons |X| ≥ 3, le cas |X| ≤ 2 étant connu. On note a, b, c trois éléments distincts deux à deux dans X, et σ ∈ Z (SX ). Alors, σ ◦ τ a,b = τ a,b ◦ σ, donc σ ◦ τ a,b ◦ σ−1 = τ a,b , mais, si s = (x1 , .., xl ) est un cycle de longueur l, et σ ∈ SX , la permutation σ ◦ s ◦ σ −1 est le cycle (σ (x1 ) , .., σ (xl )), donc ici, pour σ ∈ Z (SX ), on a τ σ(a),σ(b) = τ a,b d’où σ ({a, b}) = {a, b}. De même, σ ({a, c}) = {a, c}. σ étant une bijection, on en déduit que σ(a) = a. a étant quelconque, on a σ = IX . D’autre part, pour un groupe (G, ∗) donné, l’action de G sur G par automorphismes intérieurs (Def. 1-81) définie par g.x = g ∗ x ∗ g −1 = ig (x) est appelée conjugaison, mais elle est distincte de l’action du même nom de G sur ses sous-groupes (Def. 1-94). Dans le cas particulier où G est le groupe symétrique d’un ensemble X, on retrouve la définition 1-53 et la proposition 1-30 du § 1-2-3-4, concernant les permutations conjuguées. Proposition 1.98 Deux permutations de Sn de même formule sont conjuguées et réciproquement. Démonstration Il suffit de remarquer que la conjugaison des permutations correspond à la conjugaison des cycles de leur décomposition en écrivant σ = s1 ◦ .. ◦ sq −1 ϕ◦σ◦ϕ = ϕ ◦ s1 ◦ ϕ−1 ◦ ... ◦ ϕ ◦ sq ◦ ϕ−1 . Section 4 101 Groupes (suite) Inversement soit σ = s1 ◦ .. ◦ sq et σ′ = s′1 ◦ .. ◦ s′q où les cycles de même indice ont même longueur. Pour i = 1 à q, on écrit si = xi1 , .., xili , s′i = y1i , .., ylii . En prenant ϕ xij = yji , on définit une permutation ϕ telle que σ ′ ◦ ϕ = ϕ ◦ σ. Selon la définition 1-80, un sous-groupe H d’un groupe G est distingué si et seulement si H contient la classe de conjugaison de H par tous les éléments de G. La proposition précédente permet ainsi d’étudier les sous-groupes distingués de Sn . Préalablement, il est recommandé de traiter le cas particulier n = 3. Exercice 1. Dresser un tableau donnant la décomposition des éléments de S3 en cycles, analogue au tableau de S4 présenté au § 1-4-4-2. 2. Quels sont les sous-groupes non triviaux de S3 ? 3. Quels sont les sous-groupes distingués de S3 ? Solution Formule 1) Produits de cycles associés Permutations décomposées en cycles 3 une permutation circulaire (1 2 3 ), (1 3 2 ) (2, 1) une transposition (1 2), (1 3), (2 3) (1, 1, 1) l’identité 2) L’ordre d’un sous-groupe H non trivial de S3 est un diviseur de 6 autre que 1 et 6. H est alors nécessairement d’ordre 2, formé de I et d’une transposition (trois cas) ou d’ordre 3, et alors H = A3 , comme le montre la table de Pythagore de S3 (Cf. § 1-2-2). 3) Si H ⊳ S3 est non trivial, il ne contient pas de transposition, sinon il les contient toutes, le seul cas est H = A3 . Corollaire 1.99 Soit H un sous-groupe distingué de Sn . Si H contient une transposition, alors H = Sn . Si H contient un 3-cycle, alors H contient An . En effet, H contient alors toutes les transpositions (resp. tous les 3-cycles), c’est à dire les générateurs respectifs de Sn et An . Corollaire 1.100 Pour n ≥ 4, les sous-groupes distingués non triviaux de Sn sont : - A4 et le groupe de Klein si n = 4. - An si n > 4. Démonstration 1) Dans S4 , la formule d’un élément de H ne peut être que (2, 2) puisque le cas (2, 1, 1) correspond à une permutation impaire. Il résulte du tableau du § 1-4-4-2 que H contient les permutations s1 = (1 2) ◦ (3 4), s2 = (1 3) ◦ (2 4), s3 = (1 4) ◦ (2 3), sachant que s1 ◦ s2 = s2 ◦ s1 = s3 , et que s21 = s22 = s23 = I. La table de S4 (Annexe) donne la conclusion. 2) Supposons n ≥ 5. Soit H ⊳ Sn , H non trivial, et σ ∈ H. Distinguons deux cas selon la formule de σ. 102 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) a) σ contient un cycle de longueur l ≥ 3. On écrit σ = (1 2 3 .. l) ◦ s, le support de s étant disjoint de {1, .., l}. La permutation σ′ = (2 1 3 .. l) ◦ s a la même formule que σ, donc σ′ ∈ H. On vérifie facilement que σ′ ◦ σ−1 = (2 1 3 .. l) ◦ (1 2 3 .. l)−1 = (1 2 3) . Ainsi, H contient un 3-cycle, donc An . Il s’en suit que |An | = n! 2 divise |H| qui divise |Sn | = n!, H étant non trivial, le seul cas possible est H = An . b) σ ne contient que des transpositions, en nombre au moins égal à deux, et des points fixes. Dans une première étape, on prouve que H contient une permutation produit de deux transpositions exactement. H contenant toutes les permutations de même formule, contient par exemple σ = (1 2) ◦ (3 4) ◦ s et σ′ = (1 3) ◦ (2 4) ◦ s où s est composée (éventuellement) d’un nombre pair de transpositions et de points fixes. H contient σ′ ◦ σ−1 = (1 3) ◦ (2 4) ◦ (3 4) ◦ (1 2) = (1 4) ◦ (2 3) . Dans une deuxième étape, on prouve que H contient un 5-cycle, ce qui ramène à a). Pour cela, on choisit les permutations σ1 = (1 2) ◦ (3 4) et σ2 = (2 3) ◦ (4 5). Ce sont des permutations de formule (2, 2) donc des éléments de H d’après l’étape précédente, et σ 2 ◦ σ−1 1 = (1 3 5 4 2) ∈ H. 1.4.4.5 Exemples et contre-exemples à l’aide d’un groupe symétrique Les groupes symétriques et alternés fournissent des situations intéressantes car élémentaires, pour illustrer certaines propriétés. 1. Dans le groupe alterné A4 , H = {σ 1 , σ2 , σ 3 , σ4 } est évidemment un sous-groupe commutatif et distingué. On vérifie en effet que σ −1 ◦ H ◦ σ ⊂ H pour tout σ ∈ A4 , directement à l’aide de la table. 2. Le groupe alterné A4 ne possède aucun sous-groupe d’ordre 6. La réciproque du Théorème de Lagrange (corollaire 1-62) est donc fausse. En effet, un tel sous-groupe K ne peut contenir les quatre éléments de H, sinon K contiendrait un sous-groupe d’ordre 4 (non diviseur de 6). Si K contient deux éléments parmi σ2 , σ 3 , σ4 , il contient le troisième par composition, donc H. Il en résulte que K contient au moins quatre éléments parmi σ5 , σ7 , σ 8 , σ9 et leurs inverses, et donc leurs composés. Il est facile de voir que dans ce cas |K| > 6. 3. Dans le groupe S4 , H = {σ1 , σ2 } est un sous-groupe distingué de K = {σ1 , σ2 , σ 3 , σ4 }, K est distingué dans S4 , et H n’est pas distingué dans S4 . 1.5 Constructions de corps (I) 1.5.1 Corps des fractions d’un anneau commutatif intègre Pour que les équations a.x = b dans Z∗ aient une solution, une idée serait de symétriser Section 5 103 Constructions de corps (I) le demi-groupe commutatif (Z∗ , .) au sens de la définition 1-52. Plus généralement, envisageons un anneau commutatif intègre (A, +, .). (A\ {0} , .) est évidemment un demi-groupe commutatif, mais la symétrisation de ce demi-groupe ne donne pas un résultat satisfaisant. En effet, la relation d’équivalence a.b′ = b.a′ entre (a, b) et (a′ , b′ ) dans le demi-groupe (A\ {0} , .) conduit effectivement à une notion connue sous le nom de “fractions équivalentes”. La formule utilisée précédemment (a.a′ , b.b′ ) pour prolonger l’opération aux classes correspond bien au produit des fractions, mais ne fournit pas le procédé d’addition des fractions (il n’est pas question d’additionner les numérateurs et les dénominateurs si l’on veut respecter les classes d’équivalences). A partir de ces remarques, on réalise la construction suivante. Un anneau commutatif intègre (A, +, .) étant donné, en notant S = A\ {0}, on envisage la relation R sur A × S définie par (a, b) R (a′ , b′ ) ⇐⇒ a.b′ = b.a′ . On a alors les propriétés suivantes (la vérification est un exercice). - R est une relation d’équivalence. On observe que l’hypothèse d’intérgité intervient pour la transitivité : si a.b′ = b.a′ et a′ .b′′ = b′ .a′′ , alors a.b′ .b′′ = b.a′ .b′′ et a′ .b′′ .b = b′ .a′′ .b donc a.b′ .b′′ = b′ .a′′ .b, d’où b′ . (ab′′ − a′′ .b) = 0, et l’hypothèse b′ = 0 permet de conclure. Pour la suite, il est commode d’adopter la notation fractionnaire pour représenter les classes. la fraction ab , qui désigne la classe (a, b), est appelée écriture fractionnaire de (a, b). 0 de A × S par cette équivalence, définissons deux opérations - Sur l’ensemble quotient A que l’on notera encore + et . par commodité en posant a c a.d + b.c (a, b) + (c, d) = (a.d + b.c, b.d) soit + = b d b.d a c a.c (a, b).(c, d) = (a.c, b.d) soit . = . b d b.d Ceci a un sens car le résultat ne dépend que des classes. - Ces opérations sont commutatives. De plus, 0A = 01A , et 1A = 11A sont élément neutre A A a respectivement pour chacune. On remarque que b = 0A si et seulement si a = 0A , et ab = 1A si et seulement si a = b, ce qui suppose a = 0A . 0 +, . est un anneau intègre, l’opposé de a étant −a , noté − a . - A, b b b −1 - Tout élément ab distinct de 0A admet un inverse, égal à ab . On écrit ab = ab . 0 est donc un corps commutatif. A 0 définie par i (a) = a est un morphisme injectif d’anneaux. - L’application i : A → A 1A 0 Si (x, y) ∈ A 0 × A\ 0 0 , on La notation fractionnaire est étendue aux éléments de A. A pose −1 x x x y = x.y −1 , en particulier = x, et = si x = 0A . y 1A y x L’anneau A n’a aucune raison d’être doté d’une division euclidienne. Cependant, si b ∈ A\ {0} divise a ∈ A, c’est à dire a = b.q avec q ∈ A, alors la relation a.1A = b.q montre que ab = 1qA . C’est dans ce sens que le quotient q peut être identifié à la fraction ab . La proposition suivante indique en quel sens il est possible de parler d’unicité du corps 0 A. Proposition 1.101 Etant donné un anneau commutatif intègre (A, +, .), envisageons l’ensemble des couples (K, j) où K est un corps, j : A → K est un morphisme injectif d’anneaux, qui vérifient la propriété P suivante. 104 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Pour tout morphisme injectif d’anneaux ϕ : A → L à valeurs dans un corps L, il existe un morphisme de corps ψ : K → L et un seul, qui factorise ϕ à travers j, c’est à dire ϕ = ψ ◦ j. Alors, 0 i vérifie la propriété P. 1) A, 2) Si (L, j) et (L1 , j1 ) sont deux couples vérifiant P, il existe un isomorphisme de corps Φ : L → L1 et un seul, tel que Φ ◦ j = j1 . 3) Si (L, j) vérifie P, alors L est un corps commutatif. Définition 1.101 Tout couple (L, j) vérifiant P est nommé le corps des fractions de l’anneau A. Proposition 1.102 Si K est le corps des fractions d’un anneau commutatif intègre totalement ordonné (A, ), il existe sur K une relation d’ordre unique qui prolonge celle de A, pour laquelle K est un corps totalement ordonné, et le morphisme j : A → K est croissant. Démonstration Notons K+ l’ensemble des éléments r = ab tels que a 0 et b ≻ 0 ou a 0 et b ≺ 0, autrement dit a.b 0. Pour (r, r′ ) ∈ K × K, on pose r r′ ⇐⇒ r′ − r ∈ K+ . 1) Cette relation est indépendante des représentants choisis. Il suffit de vérifier que si r = ab = dc , alors les relations a.b 0 et c.d 0 sont équivalentes. C’est une conséquence de la règle des signes dans A, et de la relation a.d.b.c = b2 .c2 0. 2) C’est une relation d’ordre sur K. La réflexivité est évidente, la symétrie vient de ce que a.b 0 et a.b 0 donne a = 0 puisque b = 0, la transitivité consiste à remarquer que (a.d + b.c) .b.d = a.b.d2 + c.d.b2 0 lorsque a.b 0 et c.d 0. L’ordre étant total dans A, est total dans K. 3) K est un corps ordonné, ce qui se vérifie facilement avec la définition de la compatibilité. 4) L’unicité vient de ce que le signe de b−1 est le signe de b dans un corps ordonné (en raison de la relation b.b−1 = 1A et de la règle des signes du § 1-3-4), donc le signe de r = ab est le signe de a.b. 1.5.2 Nombres rationnels et décimaux 1.5.2.1 Corps des nombres rationnels Définition 1.102 On appelle corps des nombres rationnels, et l’on note Q le corps (com0 i des fractions de Z. mutatif) Z, La relation d’ordre sur Q définie par la proposition précédente, notée ≤, est appelée l’ordre naturel de Q. Section 5 Constructions de corps (I) 105 Proposition 1.103 1) Si (a, b, c) ∈ A × S × S, alors ab = a.c b.c . 2) Si r = 0Q , il existe un représentant unique ab de r pour lequel b > 0, et a, b premiers entre eux. 3) Le corps Q est infini dénombrable. Démonstration (1) est évident (et déjà utilisé ci-dessus). (2) s’en déduit. En effet, soit r = ab ∈ Q. On peut supposer b > 0 en écrivant r = −a −b si besoin. Avec a = 0, d = a ∧ b est non nul. En écrivant a = d.a′ et b = d.b′ , on a un ′ représentant r = ab′ tel que a′ ∧ b′ = 1. L’unicité de cette représentation s’obtient ainsi. Si r = ab = dc avec b > 0, d > 0, a ∧ b = c ∧ d = 1, alors a.d = b.c, d divise b (Théorème de Gauss) et b divise d, donc b = d compte tenu des signes, et par suite a = c. (3) Q contient une partie équipotente à Z (donc Q est infini), de plus la propriété (2) donne une injection de Q dans Z × N∗ qui est dénombrable. La conclusion résulte du théorème de Schroeder-Bernstein (Prop. 1-1), ou plus simplement de la remarque 1-3 du § 1-1-5-1. Définition 1.103 L’unique représentant d’un nombre rationnel non nul défini par la propriété (2) est appelé le représentant irréductible de r. Définition 1.104 Dans un groupe ordonné ((G, ∗) , ), supposons que pour tous x et y vérifiant x ≺ y, il existe z ∈ G tel que x ≺ z ≺ y. On dit alors que le groupe est dense. Proposition 1.104 Pour l’ordre naturel, a) Q est dense. Il en résulte que tout intervalle ouvert ]x, y[ avec x < y, contient une infinité d’éléments. b) Le groupe additif (Q, +) est archimédien. c) Si x = ab est un nombre rationnel, en supposant b > 0, le quotient de la division euclidienne de a par b est l’unique entier c ∈ Z tel que c ≤ x < c + 1. Démonstration a) Soit x, y rationnels avec x < y, δ = y − x et z = x + 2δ . D’une part 0 < 2δ < δ. En effet, z ′ = 2δ = δ.2−1 > 0 et z ′ + z ′ = δ. D’autre part, x < z est clair, et y − z = y − x − δ2 > 2δ − δ2 . b) Selon la définition 1-58, il faut vérifier que si (x, y) ∈ Q+ × Q+ et x = 0, il existe un entier naturel n tel que n.x > y. En posant x = ab et y = dc , il suffit de choisir n tel que n.a.d ≥ b.c. La division euclidienne de b.c par a.d (entier non nul) donne b.c = q.a.d + r avec 0 ≤ r < a.d donc b.c < n.a.d pourn > q. Définition 1.105 Dans la propriété (c), l’entier c est la partie entière de x. 106 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.5.2.2 Anneau des nombres décimaux Définition 1.106 Un nombre rationnel r est décimal s’il existe (c, n) ∈ Z × N tels que r = 10cn . On convient de choisir le plus petit entier n pour lequel r.10n soit entier, ce qui permet de dire qu’il s’agit de la représentation décimale de r. On note D l’ensemble des nombres rationnels décimaux (appelés plus simplement nombres décimaux). Ainsi, le nombre rationnel r dont le représentant irréductible est r = 24 représentation décimale r = 1000 . Pour n = 0, on voit que D contient Z. 3 125 est décimal, de Proposition 1.105 a) D est un sous-anneau de Q, totalement ordonné par l’ordre naturel induit. b) Si ab est le représentant irréductible de r ∈ Q, alors r est décimal si et seulement si il existe (α, β) ∈ N2 tels que b = 2α 5β . c) Le groupe UD des décimaux inversibles est formé des éléments de la forme ±2α 5β , (α, β) ∈ Z2 . Démonstration a) D étant non vide, les stabilités exprimées par les relations suivantes donnent le résultat. ′ c′ c.10n − c′ .10n c c′ c.c′ c − = et . = . ′ ′ ′ 10n 10n 10n+n 10n 10n 10n+n′ a c n b) Si b = 10n , alors a.10 = b.c. Les entiers a et b sont supposés étrangers, donc (Gauss) b divise 10n = 2n .5n , et par suite b = 2α 5β avec α ≤ n, β ≤ n. La réciproque est immédiate (distinguer les cas α = β, α > β, α < β). 1.5.2.3 Développements décimaux La proposition 1-16 permet de définir le développement d’un entier en base dix. On généralise ce résultat aux nombres décimaux positifs en procédant comme suit. Soit x un nombre décimal positif. S’il est donné sous forme irréductible ou autre, on commence par l’écrire sous la forme x = 10cn . On effectue ensuite la division euclidienne de c ∈ N par 10n : c = 10n .a0 + r0 , 0 ≤ r0 < n 10 . Il en résulte que r0 r0 x = a0 + n , avec 0 ≤ n < 1. 10 10 L’écriture décimale de l’entier a0 est connue, a0 est la partie entière de x. Si r0 = 0, on applique la proposition 1-16 à l’entier r0 (ici k = n), avec un changement de notation, la liste des n décimales est notée (a1 , .., an ), de sorte que r0 = a1 10n−1 + ... + an−1 10 + an . Proposition 1.106 Tout nombre décimal positif x = 10cn se décompose sous la forme a1 an x = a0 + + ... + n , avec a0 ∈ N et (a1 , .., an ) ∈ [9]n . 10 10 où a0 est la partie entière de x et a0 + a1 ..ak est la partie entière de 10k .x pour k = 1, .., n. Section 5 107 Constructions de corps (I) Il est commode d’étendre cette représentation aux nombres décimaux négatifs. Pour cela, il suffit de décrire l’écriture de l’opposé d’un nombre décimal positif. Le principe est d’utiliser une liste (x0 , x1 , .., xn ) avec x0 ∈ Z et (x1 , .., xn ) ∈ [9]n , en posant −x = − a0 + a1 an + ... + n 10 10 = (−a0 − 1) + 1 − a1 an − ... − n 10 10 Cette écriture montre que x0 est la partie entière de −x. Par exemple, − (1, 23) = −2 + 0.77. Inversement, il est clair que toute expression de la forme x0 + décimal. n = x0 + n xk k=1 10k k=1 xk . 10k est un nombre Définition 1.107 Cette décomposition d’un nombre décimal x est le développement décimal de x, la liste (a1 , .., an ) est la liste des décimales de x. Il est commode de l’écrire x0 , x1 ...xn Exercice 3 peut se déduire de la représentation décimale Le développement décimal de r = 125 24 = 0.024 mais aussi par divisions successives (dont l’algorithme est supposé connu) de 1000 3 par 125. Généraliser à tout nombre décimal r = ab = 10cn . Si r est un nombre rationnel non décimal, aucune de ces sommes n’est égale à r. L’idée est alors de représenter r par un développement décimal “illimité”, ceci conduit à la notion de “nombre réel” défini dans la section suivante, mais l’écriture sous forme d’une “somme infinie” nécessite la notion de limite et sera traité au chapitre 9. Pour l’instant, on peut seulement associer à tout entier naturel n un encadrement décimal de r (en supposant r positif), en suivant trois étapes : - Pour tout entier naturel n, la partie entière qn du nombre rationnel 10n .r est l’unique qn qn +1 entier naturel tel que 10 n ≤ r < 10n . qn an - 10n admet le développement décimal a0 + a101 + ... + 10 n , donc a1 an a1 an 1 a0 + + ... + n ≤ r < a0 + + ... + n + n . 10 10 10 10 10 qn+1 qn+1 +1 qn - Au rang n + 1, on a 10 n+1 ≤ r < 10n+1 , et la liste (a1 , .., an ) des décimales de 10n qn+1 coïncide avec la liste des n premières décimales de 10n+1 . Cette affirmation s’obtient par minoration et majoration de l’encadrement au rang n + 1, bn bn b1 b1 bn+1 b0 + + ... + n ≤ b0 + + ... + n + n+1 10 10 10 10 10 ≤ r b1 bn bn+1 1 r < b0 + + ... + n + n+1 + n+1 10 10 10 10 b1 bn 1 < b0 + + ... + n + n , 10 10 10 et par l’unicité du développement décimal. qn qn +1 Définition 1.108 Les décimaux 10 n et 10n sont respectivement la valeur décimale approchée par défaut et par excès de r, à 10−n près. Exercice La représentation décimale d’un nombre rationnel r n’est limitée que si r est décimal. Il existe une possiblilté de représentation limitée des nombres rationnels, en remplaçant le plus 108 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) petit entier n pour lequel r.10n soit entier, par le plus petit entier n pour lequel r.n! soit entier. n existe, pourquoi ? Démontrer que pour ce choix de l’entier n, tout nombre rationnel positif non entier r = ab (représentant irréductible) s’écrit de manière unique b2 bn + ... + où les bk ∈ [k[ sont entiers et bn = 0. r = b1 + 2! n! Indication n étant déterminé, écrire r.n! = c entier, et c = d.n + bn la division euclidienne, 0 < bn < n. 1.5.3 Nombres réels 1.5.3.1 Groupes parfaits On a vu l’importance de la propriété d’Archimède pour la division euclidienne des entiers. Mais ce n’est pas suffisant pour mesurer (Z n’est pas dense). La densité donne l’idée d’une précision infinie comme possible. Q est dense, mais il reste toutefois une lacune concernant ce qui est mesurable, par exemple la longueur du côté d’un carré dont l’aire est 2. S’il existait un nombre x = pq tel que x2 = 2, alors p2 = 2q 2 . On peut évidemment supposer que p et q sont premiers entre eux. Qu’ils soient tous deux impairs ou l’un pair l’autre impair, le décompte des facteurs 2 dans la décomposition de p et q conduit à une contradiction avec la relation p2 = 2q 2 . La notion de groupe parfait va répondre à cette question (Cf. Corollaire 1-36). Une question plus théorique (mais corrélée à la précédente) est de savoir si toute partie non vide majorée de Q possède une borne supérieure33 dans Q. Il n’en est rien. Par exemple le sous-ensemble A des rationnels x tels que x2 < 2 est non vide (contient 0), majoré (par exemple par 32 ). Supposons que sup A = M existe dans Q. M 2 = 2 est exclu comme on vient de le voir. 2 Si M 2 < 2, alors il existe un entier naturel non nul n tel que M + n1 < 2 ce qui contredit la définition de M. En effet, 2 1 2M 1 2M + 1 2− M + = 2 − M2 − − 2 > 2 − M2 − . n n n n Il suffit donc de prendre un entier n plus grand que Vérification analogue si M 2 < 2. 2−M 2 2M+1 . Définition 1.109 Un groupe parfait est un groupe ordonné, dense, dans lequel toute partie non vide majorée possède une borne supérieure. Proposition 1.107 Tout groupe parfait est archimédien. Démonstration Dans un groupe parfait ((G, ∗, e) , ), prenons deux éléments a et b vérifiant e ≺ a, e ≺ b, et supposons que la suite (an ) est majorée par b. 33 Au chapitre 9, on verra l’équivalence entre cette propriété et la complétude, ce qui révèle la nature topologique du problème. Section 5 109 Constructions de corps (I) Posons M = sup {an }. Pour tout n, on a an+1 ≺ M , donc an ≺ M ∗ a−1 , mais a−1 ≺ e donc M ∗ a−1 ≺ M et M n’est pas le plus petit majorant. Il existe donc un entier naturel n tel que b an . Jusqu’ici, rien ne permet d’affirmer qu’il existe des groupes parfaits. La construction qui suit est sans doute la plus “concrète”34 . Une autre approche, topologique, sera présentée au chapitre 9. On va distinguer plusieurs étapes : la mise en place d’un ensemble ordonné puis l’introduction des opérations. 1.5.3.2 Nombres réels comme ensemble ordonné Définition 1.110 Appelons développement décimal illimité (en abrégé d.d.i.) toute suite x = (xn )n∈N telle que x0 ∈ Z, et xn entier compris entre 0 et 9 pour n ≥ 1. Notons D l’ensemble des d.d.i. xk On peut dire que D contient D en identifiant un nombre décimal d = x0 + nk=1 10 k, que l’on a écrit par abus x0 , x1 ...xn , et la suite x = (xn )n∈N pour laquelle xp = 0 pour tout entier p > n. Notons D9 l’ensemble des éléments x de D tels que xn = 9 à partir d’un certain rang. Les éléments de D9 sont appelés des développements décimaux illimités impropres. Définition 1.111 Appelons nombres réels les éléments de D\D9 . L’ensemble D\D9 est noté R. Les éléments de la suite (xn ) pour n ≥ 1 sont les décimales de x. La suite nulle est notée 0. L’ensemble D des nombres décimaux peut donc être considéré comme une partie de R, qui est donc infini, mais pour l’instant on ne peut comparer Q et R. Il est commode d’écrire x0 , x1 ...xn ... un nombre réel (une justification apparaitra dans la section suivante). Par exemple (−2) , 7890444... Le choix d’éliminer les développements impropres se justifiera dès la proposition cidessous, mais en anticipant l’utilisation du concept de limite (Chap. 9) on peut voir que cela évite une double représentation des entiers et des décimaux. Par exemple, 1 = 0, 999.... Cela se justifie en écrivant n n 9 9 lim = lim − 9. n→∞ n→∞ 10k 10k k=1 k=0 L’égalité 1 + a + a2 + .. + an (1 − a) = 1 − an+1 dans l’anneau des décimaux donne en 9 effet limn→∞ nk=0 109k − 9 = 1 en prenant a = 10 . Proposition 1.108 R n’est pas dénombrable. Démonstration Soit f : N∗ → R une application. On définit les suites u et v en prenant un égal à la n-ième décimale de f (n), et vn = 0 si un = 0, vn = 1 si un = 0. Alors, le nombre réel x = 0, v1 ...vn ... n’appartient pas à f (N∗ ). 34 Suivant J.Lelong-Ferrand, Les fondements de la géométrie, PUF 1985. 110 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) En effet, s’il existe un entier p tel que f(p) = x, la n-ième décimale de x est à la fois un et vn , ce qui est contradictoire. Ainsi, il n’existe pas de surjection de N∗ dans R, donc pas de surjection de N dans R comme on le voit en composant f avec la translation n −→ n + 1. Définition 1.112 Si x = (xn )n∈N et y = (yn )n∈N sont des d.d.i., disons que x est inférieur ou égal à y, et écrivons x ≤ y si l’une des conditions suivantes est vérifiée : (i) y = x, autrement dit xn = yn pour tout n. (ii) y = x, et pour le plus petit entier n tel que xn = yn , on a xn < yn . Ainsi, pour x = (xn )n∈N ∈ R, la relation 0 < x, c’est à dire (0 ≤ x et x = 0) signifie que x0 ≥ 0, avec des décimales quelconques si x0 > 0, et au moins une décimale non nulle si x0 = 0. La relation x < 0, c’est à dire (x ≤ 0 et x = 0) signifie que x0 < 0. Proposition 1.109 1) La relation ≤ est une relation d’ordre total sur l’ensemble D (appelée ordre lexicographique par extension du cas des listes du § 1-1-4-2). 2) La relation ≤ sur D induit sur R une relation d’ordre total pour laquelle toute partie non vide majorée possède une borne supérieure. Démonstration 1) La relation ≤ est évidemment réflexive et antisymétrique, démontrons qu’elle est transitive. Si x ≤ y et y ≤ z, et si l’une de ces deux inégalités est une égalité, il est clair que x ≤ z. On va prouver que x < z si x < y et y < z. Notons p le plus petit entier tel que xp = yp , et q le plus petit entier tel que yq = zq . Dans ces conditions, xp < yp et yq < zq . Deux cas se présentent : - Si p ≤ q, alors xp < yp = zq , donc x < z, - Si q < p, alors xp = yp < zq , donc x < z. L’ordre est total, c’est évident. 2) On commence par démontrer que toute partie non vide majorée de D possède une borne supérieure. Pour tout d.d.i. x = (xn )n∈ , il est commode de noter xn = dn (x). Soit A une partie non vide majorée de D, a un majorant de A. On construit un d.d.i. b de la manière suivante. L’ensemble des entiers d0 (x), pour x ∈ A, est majoré par a0 , il possède donc un plus grand élément b0 . L’ensemble des entiers d1 (x), pour les éléments x ∈ B0 possède un plus grand élément b1 . Notons B1 l’ensemble des éléments x ∈ A tels que d1 (x) = b1 . Par récurrence, ceci définit une suite (bn ), donc un d.d.i. b par les conditions bn+1 = max {dn+1 (x), x ∈ Bn } Bn+1 = {x ∈ Bn , dn+1 (x) = bn+1 } . Alors b majore tous les éléments de A, et tout majorant de A est au moins égal à b, donc b = sup A. On en déduit que toute partie non vide majorée A de R possède une borne supérieure b dans D. Si b ∈ R, c’est la borne supérieure cherchée. Sinon, b est un d.d.i. impropre b = (b0 , b1 , ..., bn , 9, 9, ...), et l’on peut supposer que bn < 9. Section 5 Constructions de corps (I) 111 Le réel b′ = (b0 , b1 , ..., (bn + 1) , 0, 0, ...) est évidemment un majorant de A, mais aucun majorant réel de A n’est strictement compris entre b et b′ (il n’existe d’ailleurs aucun d.d.i. entre b et b′ ). En conclusion, b′ = sup A dans R. 1.5.3.3 Valeurs décimales approchées d’un nombre réel Cette étape précise l’inclusion des nombres décimaux dans R, et donne en particulier un critère remarquable d’égalité à partir d’égalités approchées. En vue de l’addition, on va établir ci-dessous une caractérisation des nombres réels par leurs approximations décimales. Définition 1.113 a) Si d et ε sont deux nombres décimaux et x un nombre réel, d est une valeur décimale approchée de x à moins de ε près si d − ε ≤ x ≤ d + ε. b) Si x = (xk )k∈N ∈ R, le nombre décimal Dn (x) = x0 , x1 ...xn , défini pour tout entier naturel n, est appelé la valeur décimale approchée d’ordre n de x. Exercice Démontrer que dans R, x ≥ y si et seulement si Dn (x) ≥ Dn (y) pour tout entier n. Proposition 1.110 a) Dn (x) est l’unique nombre décimal de la forme 10cn , c ∈ Z, tel que Dn (x) ≤ x < Dn (x) + 10−n . Dn (x) est donc une valeur décimale approchée de x à moins de 10−n près (ce n’est pas la seule). En particulier, x0 est l’unique entier relatif tel que x0 ≤ x < x0 + 1. b) x = supn∈N Dn (x). c) Deux nombres réels x, y sont égaux si et seulement si |Dn (y) − Dn (x)| ≤ 10−n pour tout n. d) Plus généralement, deux nombres réels x, y sont égaux si et seulement si il existe une suite (dn ) de nombres décimaux telle que pour tout entier n, dn soit à la fois une valeur décimale approchée de x et de y, à moins de 10−n près. Définition 1.114 x0 est la partie entière du réel x. Démonstration a) Un nombre réel x étant donné, l’inéalité Dn (x) ≤ x pour tout entier n est évidente. D’autre part, si x1 = .. = xn = 9, on a Dn (x) + 10−n = x0 + 1. Sinon, en notant p le plus grand entier compris entre 1 et n tel que xp < 9, on peut écrire Dn (x) + 10−n = x0 , x1 ...xn + 0, 0...1 = x0 , x1 .. (xp + 1) ...xn > x. L’unicité se vérifie en supposant qu’il existe deux entiers c et c′ tels que c.10−n ≤ x < c.10−n + 10−n et c′ .10−n ≤ x < c′ .10−n + 10−n . Il en résulte que c < c′ + 1 et c′ < c + 1, et donc c = c′ . b) x est le plus petit majorant de l’ensemble des Dn (x). En effet, dans le cas contraire il existe un réel y tel que Dn (x) ≤ y < x < Dn (x) + 10−n 112 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) pour tout n et donc 10−n > y −x. On a une contradiction en prenant n plus grand que l’ordre de la première décimale non nulle du réel y − x. c) Si x = y, alors Dn (x) = Dn (y) pour tout n. Pour démontrer la réciproque, supposons x = y. L’ordre étant total, il suffit de supposer x > y. Il s’agit de prouver l’existence d’un entier n tel que 10n .Dn (x) − 10n .Dn (y) > 1. Notons n le plus petit entier pour lequel xn > yn , les décimales d’ordre inférieur (s’il en existe) étant égales. On a donc 10n .Dn (x) − 10n .Dn (y) = xn − yn ≥ 1. Si xn − yn > 1, la démonstration est terminée. Si xn − yn = 1, notons n + p le plus petit entier > n pour lequel on a yn+p < 9 (p existe puisque x ∈ D\D9 ). On ne sait rien des décimales de x et y entre le rang n + 1 et n + p − 1, mais elles sont minorées par 0 et majorées par 9, de sorte que 10n+p . (Dn+p (x) − Dn+p (y)) > (yn + 1)0..0 − yn 9..9 = 1. d) Supposons qu’il existe une suite (dn ) de nombres décimaux telle que, pour tout n, dn − 10−n ≤ x ≤ dn + 10−n dn − 10−n ≤ y ≤ dn + 10−n . Pour tout couple (p, q) d’entiers naturels, on a dp − 10−p ≤ x < Dq (x) + 10−q y ≤ dp + 10−p , donc Dq (y) ≤ y ≤ dp + 10−p ≤ Dq (x) + 10−q + 2.10−p . Il s’en suit que Dq (y) − Dq (x) − 10−q ≤ inf 2.10−p = 0. p En permutant x et y, on en déduit que ∀n ∈ N, |Dn (y) − Dn (x)| ≤ 10−n , ce qui ramène au cas précédent. 1.5.3.4 Nombres réels comme groupe (additif) parfait Observons que la seule addition des décimales ne permet pas de définir l’addition. Par exemple, 0, 333... + 0, 666... apparait comme un élément de D9 . Par contre, la suite 0.9, 0.99,... admet une borne supérieure. Proposition 1.111 1) On définit une opération interne dans R, notée +, en posant x + y = sup (Dn (x) + Dn (y)) . n∈N 2) Cette opération prolonge l’addition des nombres décimaux. 3) (R, +, ≤) est un groupe parfait, l’opposé d’un réel non décimal x = x0 , x1 ...xn ... étant défini par −x = (−1 − x0 ) , (9 − x1 ) ... (9 − xn ) ... Définition 1.115 L’opération + est appelée addition dans R. Démonstration Section 5 113 Constructions de corps (I) 1) Si x = (xn )n∈N et y = (yn )n∈N sont deux nombres réels, les encadrements Dn (x) ≤ x < x0 + 1 Dn (y) ≤ y < y0 + 1 pour tout entier n montrent que la suite décimale (Dn (x) + Dn (y)) est majorée, donc possède une borne supérieure. 2) Si x et y sont des nombres décimaux, les suites Dn (x) et Dn (y) sont égales à x et y respectivement à partir d’un rang convenable (elles sont stationnaires). 3) La démonstration est une succession d’étapes intéressantes pour retenir quelques points de méthode, en particulier les majorations en deux temps. - Plus précisément, commençons par vérifier que x + z ≤ y + z dès que x ≤ y (Def. 1-57). On sait que Dn (x) ≤ Dn (y) pour tout n, il s’en suit que Dn (x) + Dn (z) ≤ Dn (y) + Dn (z) ≤ y + z et par suite x + y = supn∈N (Dn (x) + Dn (y)) ≤ y + z. - La commutativité de l’addition des décimaux donne aussitôt la commutativité de l’addition des réels. - L’associativité est moins évidente, ceci est dû au fait qu’en général, pour deux réels x et y, Dn (x + y) = Dn (x) + Dn (y). On peut seulement dire que, pour tout n, Dn (x) + Dn (y) ≤ Dn (x + y) ≤ x + y. En effet, si Dn (x + y) < Dn (x) + Dn (y), on a Dn (x) + Dn (y) ≤ x + y < Dn (x + y) + 10−n < Dn (x) + Dn (y) + 10−n , ce qui contredit l’unicité dans la proposition 1-103-a). Il s’en suit que Dn (x) + Dn (y) ≤ Dn (x + y) ≤ x + y ≤ Dn (x) + Dn (y) + 2.10−n . Pour x, y, z réels, les réels a = (x + y) + z et b = x + (y + z) sont donc encadrés par Dn (x) + Dn (y) + Dn (z) et Dn (x) + Dn (y) + Dn (z) + 3.10−n pour tout n. Sachant que 3.10−n < 101−n , il en résulte que a et b admettent la même valeur décimale approchée à moins de 101−n près, et la conclusion résulte de la proposition 1-103-d). - La suite nulle 0 est évidemment un élément neutre. - Si x est un réel décimal, l’opposé a été défini au § 1-5-2-3. Sinon, avec la définition de l’énoncé, on a x + (−x) = sup −1, 9..9 = 0. n∈N En conclusion, R est un groupe additif ordonné. De plus, si x < y, alors 0 < Dn (y −x) < y −x (pour tout n), donc x < x+Dn (y −x) < y, ceci prouve que R est dense donc parfait compte tenu de la proposition 1-102. Remarque 1.16 On peut démontrer directement que R est archimédien (sans la proposition 101) en remarquant que pour a = (an ) ≥ 0 et b = (bn ) > 0, il existe au moins une décimale bn de b plus grande que 0, donc 10n b ≥ 1 et |1 + a0 | 10n .b ≥ a. Cette proposition fournit une autre démonstration de la non dénombrabilité de R, plus précisément, du fait qu’il n’existe pas de surjection de N dans R. La méthode est de prouver que si f : N → R est une application (quelconque), il existe une suite réelle croissante (xn ) et une suite réelle décroissante (yn ) telles que xn < yn pour tout n,et f (n) ∈ / [xn , yn ]. Cela s’obtient par récurrence sur n. On prend x0 , y0 tels que f (0) < x0 < y0 . - Si f (1) ∈ / [x0 , y0 ], on pose x1 = x0 , y1 = y0 . - Si f (1) ∈ [x0 , y0 [, on pose y1 = y0 , et x1 est un point quelconque de l’intervalle ]f (1), y0 [. - Si f (1) = y0 , on pose x1 = x0 , et y1 est un point quelconque de l’intervalle ]x0 , f (1)[. 114 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Et ainsi de suite. L’ensemble des (xn ) admet une borne supérieure M , et xn ≤ M ≤ yn pour tout n, donc M ∈ / f (N). 1.5.3.5 Questions d’unicité Le problème de l’unicité pour un groupe parfait est une conséquence de la propriété suivante dont la preuve, un peu technique bien qu’élémentaire, est tirée d’un article de P. Samuel dans le bulletin de l’A.P.M.E.P. (1975). En raison de la commutativité des groupes envisagés, nous utiliserons la notation additive, les éléments neutres étant désignés par 0, abus commode mais qui demande un peu de vigilance. Commençons par trois lemmes utiles pour la démonstration. Lemme 1.112 Si a, x et y sont des éléments d’un groupe ordonné archimédien H, tels que 0 ≺ a et x ≺ y, alors il existe des entiers p et q, q > 0, tels que qx pa ≺ qy (p + 1)a. Démonstration Sachant que 0 ≺ y − x, il existe un entier q > 0 tel que a q(y − x). Notons p + 1 le plus petit entier s tel que q y s a. Il en résulte que p a ≺ q y (p + 1) a. D’autre part, q x+q (y−x) = q y donne q x+a qy (p + 1) a , et donc q x p a. Lemme 1.113 Si x et y sont deux éléments d’un groupe ordonné dense H, tels que x y + v pour tout v ≻ 0, alors x y. En effet, si ce n’est pas le cas, y ≺ x, on choisit z tel que y ≺ z ≺ x. Il existe donc v = z − y ≻ 0 tel que y + v ≺ x. Lemme 1.114 Pour tout élément u ≻ 0 d’un groupe ordonné dense H, et tout entier q > 0, il existe dans H un élément v ≻ 0 tel que q v u. Démonstration v0 et v1 u − v0 Prenons 0 ≺ v0 ≺ u, et v1 = min (v0 , u − v0 ). Alors, 0 ≺ v1 donc 2 v1 u. Par itération, on affirme l’existence de v2 tel que 0 ≺ 2 v2 v1 et donc 22 v2 u et n par récurrence, 2 vn u pour tout choix de n, il suffit donc de prendre n tel que q ≤ 2n . Proposition 1.115 Supposons donnés un groupe archimédien G, un groupe parfait G′ , un élément a ≻ 0 dans G, et un élément a′ ≻ 0 dans G′ . Alors, il existe un morphisme ϕ strictement croissant et un seul, de G dans G′ , tel que ϕ (a) = a′ . Démonstration de l’unicité, en supposant que ϕ existe. Pour tout x ∈ G, il existe des entiers p et q, q > 0, tels que q x conséquence (partielle) du Lemme 1. p a. C’est une Section 5 115 Constructions de corps (I) On en déduit que q ϕ (x) p ϕ (a). Il en résulte que ϕ (x) appartient au sous-ensemble des éléments y ′ ∈ G′ tels que q y ′ p a′ pour tous les entiers p et q, q > 0, tels que q x p a. Autrement dit, 1 q x p a E(x) = y ′ ∈ G′ , =⇒ (q y′ p a′ ) . p ∈ Z, q ∈ N\ {0} De plus, ϕ (x) est le plus grand élément de E(x) (d’où l’unicité de ϕ). Supposons en effet, qu’il existe y ′ ∈ E(x) tel que y ′ ≻ ϕ(x). Le Lemme 1, appliqué avec H = G′ aux éléments a′ , ϕ(x), y ′ assure l’existence d’entiers p et q, q > 0, tels que q ϕ(x) p ϕ(a) ≺ q y ′ ′ et donc q x p a, ce qui contredit y ∈ E(x). Démonstration de l’existence de ϕ. Sous les hypothèses de la proposition, posons ϕ(x) = sup E(x). Observons que la croissance de ϕ est une conséquence évidente de la définition de E (la croissance stricte reste à prouver). Etape 1 ϕ(x) existe sachant que E(x) est non vide comme on vient de la voir (conséquence du Lemme 1), et que E(x) est majoré. Ce dernier point se vérifie en prenant un entier s tel que x s a, ce qui donne q x q s a. Posons p = q s. p a′ donc p y ′ p s a′ et par suite y′ s a′ , de Pour tout y′ ∈ E(x), on a q y ′ ′ sorte que s a est un majorant de E(x). Etape 2 Pour tout entier n ∈ Z, n a′ est le plus grand élément de E (n a), en particulier ϕ (n a) = n a′ . 1 qna pa ′ En effet, la propriété y ∈ E (n a) équivaut à =⇒ (q y′ p a′ ) p ∈ Z, q ∈ N\ {0} c’est à dire (puisque a ≻ 0), (q n p) =⇒ (q y′ p a′ ) . n a′ . En prenant p = n q, on en déduit que y ′ D’autre part, si q n a p a, alors q n ≤ p, donc q n a′ p a′ et par suite n a′ ∈ E (n a). Etape 3 On va voir plus généralement que ϕ(x) ∈ E(x) pour tout x ∈ G, autrement dit, ϕ(x) est le plus grand élément de E(x). Sous l’hypothèse q x p a, q > 0, il faut prouver que q ϕ(x) p ϕ(a). Soit u′ ≻ 0 dans G′ . D’après le Lemme 3, il existe dans G′ un élément v′ ≻ 0 tel que q v′ u′ . Sachant que ϕ(x) = sup E(x), il existe y ′ ∈ E(x) tel que ϕ(x) − v′ y′. ′ ′ Par définition de E(x), q y p ϕ(a), donc q ϕ(x) − q v p ϕ(a), et par suite ′ ′ q ϕ(x) q v + p ϕ(a) u + p ϕ(a). Du Lemme 2, on déduit alors que q ϕ(x) p ϕ(a). Etape 4 On va prouver que, pour x et y éléments de G, on a ϕ(x) + ϕ(y) ∈ E (x + y), ce qui donnera ϕ(x) + ϕ(y) ϕ (x + y). Sous l’hypothèse q (x + y) p a et q ≥ 0, il s’agit d’obtenir la relation q (ϕ(x) + ϕ(y)) p ϕ (a). Utilisons le Lemme 1. Il existe des entiers r et s, s > 0, tels que (r − 1) a ≺ q x r a et (s − 1) a ≺ q y sa 116 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) et donc (r + s − 2) a ≺ q (x + y) pa d’où r + s ≤ p + 1. Sachant que ϕ(x) ∈ E(x) et ϕ(y) ∈ E(y), on a q ϕ (x) r ϕ (a) et q ϕ (y) s ϕ (a) donc q (ϕ(x) + ϕ(y)) (p + 1) ϕ (a) . Ensuite, observons que l’hypothèse q (x + y) p a peut être remplacée par n q (x + y) n p a pour tout n > 0. Il en résulte la majoration n q (ϕ(x) + ϕ(y)) (n p + 1) ϕ (a) . ′ Pour tout élément v ≻ 0 dans G′ , prenons n tel que n v′ ϕ (a), de sorte que q (ϕ(x) + ϕ(y)) p ϕ (a) + v′ . Le Lemme 2 donne l’inégalité cherchée. Etape 5 Dans G′ , tout élément z ≺ ϕ (x) où x ∈ G, appartient à E(x). En effet, dans le cas contraire, il existe p ∈ Z, q ∈ N\ {0} tels que q x p a et q z ≻ p ϕ (a), donc q ϕ (x) ≻ p ϕ (a). ϕ étant croissante, ϕ (q x) ϕ (p a) donc (étape 4), q ϕ ( x) ϕ (p a) et par suite, ϕ (p a) ≻ p ϕ (a), ce qui contredit le résultat de l’étape 2. Etape 6 Pour obtenir l’inégalité ϕ (x + y) ϕ(x) + ϕ(y), on va prouver que, pour x et y éléments de G, et tout élément u′ ≻ 0 dans G′ , on a ϕ (x + y) ϕ(x) + ϕ(y) + u′ . / E(x) et Si x′ , y′ sont des éléments de G′ tels que x′ ≻ ϕ (x) et y ′ ≻ ϕ (y), alors x′ ∈ ′ y ∈ / E(y). Il existe donc p ∈ Z, q ∈ N\ {0} tels que q x p a et q x′ ≻ q ϕ (x) ≻ p ϕ (a), de ′ ′ ′ même, il existe p ∈ Z, q ∈ N\ {0} tels que q y p′ a et q ′ y ′ ≻ q ′ ϕ (y) ≻ p′ ϕ (a), donc qq ′ (x + y) (pq ′ + qp′ ) a et qq ′ (x′ + y ′ ) ≻ (pq ′ + qp′ ) ϕ (a) . Il en résulte que x′ + y ′ ∈ / E(x + y), et donc x′ + y′ ≻ ϕ (x + y) (étape 5). On prend alors un élément quelconque u′ ≻ 0 dans G′ , v′ ≻ 0 tel que 2v′ u′ (Lemme 3), et x′ = v′ + ϕ (x), y ′ = v′ + ϕ (y). L’inégalité x′ + y ′ ≻ ϕ (x + y) s’écrit donc ϕ (x + y) ≺ ϕ (x) + ϕ (y) + u′ d’où la conclusion compte tenu du Lemme 2. Etape 7 croissance srticte de ϕ. Sachant que ϕ est un morphisme croissant, il suffit de prouver que les deux relations x ≻ 0 et ϕ (x) = 0 sont incompatibles. Mais il existe un entier naturel n non nul tel que n x a, donc n ϕ (x) ϕ (a) ≻ 0. Corollaire 1.116 Etant donné deux groupes parfaits G et G′ , un élément a ≻ 0 dans G, et un élément a′ ≻ 0 dans G′ , il existe un isomorphisme ϕ strictement croissant et un seul, de G dans G′ , tel que ϕ (a) = a′ . Démonstration L’application de la proposition, à G et G′ donne le morphisme croissant ϕ de G dans G′ , tel que ϕ (a) = a′ . Une deuxième application de la proposition, à G′ et G donne le morphisme croissant ψ de G′ dans G, tel que ψ (a′ ) = a. Une troisième application de la proposition à G et G permet de déduire, en raison de l’unicité, que ψ ◦ ϕ = IG . Section 5 Constructions de corps (I) 117 Une quatrième application de la proposition à G′ et G′ permet de déduire, en raison de l’unicité, que ϕ ◦ ψ = IG′ . Finalement, ϕ est un isomorphisme de réciproque ψ. 1.5.3.6 Le corps des nombres réels Pour tout réel a > 0, notons ϕa l’unique isomorphisme strictement croissant du groupe parfait (R, +) dans lui même tel que ϕa (1) = a. On a ϕa (0) = 0 donc ϕa (x) > 0 si x > 0. En posant ϕ−a (x) = −ϕa (x), on obtient un morphisme décroissant tel que ϕ−a (1) = −a, visiblement unique. En prenant ϕ0 l’application nulle, on a défini ϕa pour tout réel a. Définition 1.116 L’opération dans R, définie par a.b = ϕa (b) si a > 0, a.b = −ϕ−a (b) si a < 0, et 0.b = 0, est appelée multiplication ou produit. Proposition 1.117 1) La multiplication des nombres réels prolonge celle des décimaux. 2) Pour la multiplication et la relation d’ordre ≤, R∗+ est un groupe parfait. 3) Pour l’addition et la multiplication, R est un corps commutatif ordonné, extension de Q, et la valeur absolue dans R est celle qui est donnée par la structure de corps ordonné (Def. 1-68). Lemme 1.118 Si a, b sont réels, alors ϕa+b = ϕa + ϕb . En effet, si a > 0 et b > 0, ϕa+b et ϕa + ϕb sont deux morphismes strictement croissants du groupe (R, +) dans lui même qui transforment 1 en a + b. Les autres cas s’en déduisent facilement. Démonstration de la proposition. 1) La relation ϕa (x + y) = ϕa (x) + ϕa (y) donne ϕa (n x) = n ϕa (x) pour tout entier naturel n, et ϕa (−n x) = −ϕa (n x) donc ϕa (p x) = p ϕa ( x) pour tout p ∈ Z. En particulier, 10n ϕa 10−n p = ϕa (p) = pϕa (1) = p a. Il en résulte que ϕa (10−n p) = 10−n p a et donc ϕa (b) = a.b si a et b sont décimaux. 2) et 3) La commutativité du produit vient de la relation ϕa (b) = ϕb (a). Cette relation se démontre en remarquant que pour b > 0, l’application ψb : x −→ ϕx (b) est un morphisme du groupe (R, +) dans lui même (Lemme) tel que ψb (1) = ϕ1 (b) = b, et ψb est croissant car pour x > y, ψb (x) − ψb (y) = ϕx (b) − ϕy (b) = ϕx−y (b) > 0. Par unicité, on en déduit que ψb = ϕb , d’où ϕb (a) = ϕa (b). Le raisonnement est analogue si b < 0, et la conclusion est claire si b = 0. L’associativité du produit s’obtient avec l’isomorphisme composé ϕa ◦ ϕb , qui n’est autre que ϕa.b en raison du Corollaire 1- , ce qui donne ϕa.b (c) = (a.b) .c = ϕa ◦ ϕb (c) = a. (b.c) . 118 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Le produit est distributif par rapport à l’addition en raison du Lemme. Tout réel non nul a admet un inverse, il suffit de prendre l’antécédent de 1 par ϕa . R est une extension de Q puisque R est un corps contenant Z comme sous-anneau. R est un corps ordonné (Def. 1-67) puisque 0 ≤ x et 0 ≤ y donnent 0 = ϕx (0) ≤ ϕx (y) = x.y. Corollaire 1.119 a) Pour tout réel x > 1, il existe un entier naturel n tel que 10n > x. Pour tout réel positif x, il existe un entier naturel n tel que x > 10−n . b) Avec les notations de la proposition 1-104, pour tout réel x, n≥0 Dn (x), Dn (x) + 10−n = {x} . Démonstration a) R∗+ est un groupe parfait donc archimédien (Prop. 1-101). Autrement dit, si x > 1 et y > 1 (ici, y = 10), il existe un entier naturel n tel que y n > x. L’autre conclusion s’en déduit pour x < 1, sachant que x1 > 1. Si x ≥ 1, n = 1 convient. b) Sachant que x appartient à l’intersection, il suffit de prouver que cette intersection est réduite à un élément. S’il existe un réel y = x dans [Dn (x), Dn (x) + 10−n ], alors n≥0 0 < |y − x| < 10−n pour tout n, ce qui contredit a). 1.5.3.7 Ordre sur les fonctions scalaires Dans R, la relation d’ordre étant totale, le plus grand et le plus petit de deux éléments existe et c’est l’un d’eux. Si f, g sont deux fonctions définies sur un ensemble quelconque X, à valeurs réelles, il existe donc une fonction notée sup(f, g) et une fonction notée inf(f, g) définies par ∀x ∈ X, sup(f, g) (x) = max (f(x), g(x)) inf(f, g) (x) = min (f (x), g(x)) . Par exemple, la figure représente (en trait plein) la fonction sup(sin, cos) sur [0, 2π]. 1.0 0.5 1 2 3 4 5 6 - 0.5 - 1.0 Ceci peut être étendu à une famille quelconque de fonctions de X dans R, à condition de prendre les bornes sup et inf, sous réserve d’existence (c’est la raison pour laquelle, dans l’usage qui est fait de ces notions en théorie de la mesure, on se place dans R∪ {±∞}, que l’on définira au chapitre 9). Par exemple, si fn est la suite de fonctions définie par fn (x) = nx , alors inf n∈ fn est la fonction nulle. Cas particuliers. On pose f + = sup(f, 0), f − = sup(−f, 0), |f | = sup (f, −f ), de sorte Section 5 Constructions de corps (I) 119 que et donc f + = 1 2 (f + |f |) et f − f = f+ − f− |f | = f + + f − = 12 (|f | − f). Exercice a) sup(f, g) = 12 (f + g + |f − g|) b) inf(f, g) = 12 (f + g − |f − g|) Solution pour a) par exemple. Pour x ∈ X, deux cas se présentent. Si f(x) ≥ g(x), alors sup(f, g)(x) = f (x) et 12 (f + g + |f − g|) (x) = 12 (f (x) + g(x) + f (x) − g(x)). Même méthode si f(x) ≤ g(x) d’où le résultat. 1.5.4 Exponentielles entières, rationnelles 1.5.4.1 Une motivation d’orde mathématique On a défini au § 1-1-3 l’application p : N2 → N, avec p (n, p) = np . Pour être utile, l’étude d’un prolongement éventuel de p à R2 est assorti de contraintes topologiques, cette question relève donc du chapitre 9. Les propriétés données dans le corollaire 1-7, (m.n)p = mp .np , np+q = np .nq et p q (n ) = np.q , ainsi que la proposition 1-35 relative aux morphismes ga : p −→ ap du groupe additif Z dans un groupe multiplicatif G, où a ∈ G est un élément donné, suggèrent une voie adaptée à ce chapitre en ce qui concerne les deux applications partielles de p (fonctions puissances si p est fixé, exponentielles si n est fixé). Il s’agit de prolonger ces applications partielles comme morphismes autant que les outils algébriques le permettent, et voir si les propriétés obtenues sont caractéristiques. 1.5.4.2 Situations/Modèles Pour tout réel a ∈ / {0, 1}, chacun connait l’importance pratique de la suite (an ), pour n ∈ N, dite suite géométrique de raison a, pour exprimer les phénomènes évolutifs à temps discret (populations, capitaux) dont la variation entre deux étapes est proportionnelle à l’effectif initial, avec un coefficient de proportionnalité réel constant λ ∈ / {−1, 0}, c’est à dire représentés par une suite (xn ) telle que xn+1 − xn = λxn , n ∈ N. Une récurrence facile montre que xn = (1 + λ)n x0 . Le cas d’une suite constante (λ = 0, a = 1) peut évidemment être ajouté. Dans un autre domaine, on doit à Ernst Weber (1795-1878) et à Gustav Fechner (18011887) un début d’étude quantitative de la perception par un être vivant des transferts d’énergie. Par exemple, si I est l’intensité d’un son perçue par l’oreille humaine, mesurée en bels, et f (I) l’énergie de l’onde sonore, une loi expérimentale est f (I + 1) − f (I) = 10.f (I). Ainsi, l’énergie est 10 fois plus élevée pour un son de 5 bels que pour un son de 4 bels. Le seuil d’audibilité est estimé à 1 bel. 13 bels correspondant à 1 milliwatt par cm2 , on en déduit que 1 bel correspond à 10−13 milliwatts par cm2 . On voit immédiatement l’insuffisance de la fonction p sur R × N. Le découpage des intervalles conduit à prolonger an aux exposants fractionnaires, donc à prolonger p à R × Q. 120 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.5.4.3 Outils du prolongement La structure de corps de R permet de prolonger p à R×Z, c’est à dire définir p (a, p) = ap pour tout réel a, et tout entier relatif p, par double récurrence, en supposant a = 0, le cas a |p| entier étant connu. Pour p ≥ 0, a0 = 1 et ap+1 = a.ap . Pour p < 0, ap = a−1 . Dans une deuxième étape, on souhaite définir p (a, r) = ar , avec r rationnel, en consern 1 vant la propriété (ap )q = ap.q , ce qui nécessite la relation a n = (an ) n = a pour n entier naturel non nul, mais la règle des signes conduit à une impossibilité si a < 0 et n entier pair. L’extension de p, limitée à R∗+ × Q, est fondée sur cette relation. 1 On aura besoin des deux propriétés suivantes. (i) Si a est un réel > 1, et n < m entiers naturels, alors an < am . En effet, 1 < a et m − n > 0 donnent 1 < am−n . (ii) Si a, b sont réels tel que 0 < a < b et n entier non nul, alors an < bn . Cela se vérifie par récurrence sur n, sachant que an+1 < a.bn < bn+1 . Proposition 1.120 a) Soit n un entier naturel non nul. Pour tout y ∈ R∗+ , il existe un réel unique x ∈ R∗+ tel que xn = y. √ 1 On écrit x = n y ou x = y n . 1 b) Si a ∈ R∗+ , et r = pq ∈ Q, le réel ar = a q q > 0), ce qui définit un prolongement de p à R∗+ × Q. p ne dépend que de r (en supposant 1 Définition 1.117 y n est appelé la racine n-ième de y. Démonstration a) Pour y > 0, notons Ay l’ensemble des réels z ≥ 0 tels que z n ≤ y. Ay est non vide (contient 0), et majoré. En effet, (R∗ , .) est un groupe parfait, donc archimédien (Prop. 1-101). Il s’en suit que si a est un réel > 1, on a an > 1 et il existe un m entier m tel que (an ) > y. Si z > am , on a z n > an.m > y donc am majore Ay . Soit x = sup Ay . Il reste à prouver que xn = y (il s’en suivra que x > 0). n Si k est un entier naturel non nul, x + k1 > y, et pour x − k1 > 0 (donc pour tout entier n k à partir d’un certain rang), on a x − k1 < xn ≤ y. On en déduit les inégalités n n 1 1 x− − xn ≤ y − xn < x + − xn . k k La relation an − bn = (a − b)(an−1 + an−2 b + .. + bn−1 ) dans le corps des réels donne d’une part l’unicité, d’autre part la majoration n 1 n y − xn < x + − xn < . (2x)n−1 , k k et la minoration n n 1 − .xn−1 ≤ x − − xn ≤ y − xn . k k D’où n n − .xn−1 ≤ y − xn < . (2x)n−1 . k k Si xn = y, la propriété d’Archimède montre que cet encadrement ne peut avoir lieu pour tout entier k à partir d’un certain rang. Section 5 Constructions de corps (I) 121 b) résulte de l’unicité dans la propriété a). Remarque 1.17 On pourrait définir ici le corps C des nombres complexes comme extension du corps des réels dans lequel toute équation x2 = a admet des solutions, ayant remarqué cidessus que la structure de corps ordonné de R est un obstacle dès que a < 0. Mais le choix des opérations dans C est artificiel, ce qui a conduit au statut “imaginaire” des nombres complexes jusqu’à ce que Gauss concrétise le concept comme points d’un plan. C’est la raison pour laquelle la construction de C est présentée dans les chapitres suivants, bien que les nombres complexes soient utilisés dans les T.D. à le fin de ce chapitre. 1.5.4.4 Les fonctions exponentielles On s’intéresse à la deuxième application partielle de p, soit n −→ an , appelée exponentielle de base a (Def. 1-17) lorsque a et n sont entiers naturels, relativement aux deux prolongements envisagés précédemment. Définition 1.118 Pour tout réel a = 0, l’application p −→ ap de Z dans R∗ est appelée fonction exponentielle entière de base a. Pour a réel > 0, l’application p −→ ap de Q dans R∗+ est appelé fonction exponentielle rationnelle de base a. Dans les deux cas, on utilise la notation noté expa . Proposition 1.121 L’exponentielle entière possède les propriétés suivantes. 1) Si a > 0, expa est croissante si a > 1, et décroissante si a < 1. En particulier, pour tout entier n ∈ N∗ , an > 1 si a > 1 et an < 1 si a < 1. 2) Pour tout réel a ∈ / {−1, 0, 1}, expa est injective et ap+q = ap .aq , (ap )q = ap.q pour (p, q) ∈ Z2 . 3) Inversement, si f : Z → R, est une application telle que f(p + q) = f (p).f (q) pour tout couple d’entiers (p, q), alors soit f (0) = 0 et alors f = 0, soit f (0) = 0 et alors f (0) = 1 et f ne s’annule pas. Dans tous les cas, f est de la forme f(p) = ap , avec a = f(1). La démonstration est un exercice. Exercice (Complément à la proposition 1-35). (G, .) est un groupe. 1. Si f : Z → G est une application telle que f(n + 1) = f (n).f (1) pour tout n ∈ Z, calculer f(0) et démontrer que f est un morphisme de groupes. 2. Si a ∈ G est un élément donné, il existe un morphisme unique f de Z dans G tel que f (1) = a, et f (p) = ap pour tout p. Solution 1-a) Pour n = 0, f (1) = f(0).f (1), donc f (0) = e (élément neutre de G). 1-b) Il s’agit de prouver que f (p + q) = f (p).f (q) pour tout couple (p, q) ∈ Z 2 . Comme a plusieurs reprises dans le chapitre, on a besoin d’une récurrence sur une variable (par exemple q ), non pas à p fixé, mais quel que soit p. Autrement dit, on commence par établir la propriété suivante par récurrence sur q ∈ N . 122 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) P (q) : f(p + q) = f(p).f(q) pour tout entier p ∈ Z . C’est clair si q = 0, mais on va avoir besoin du cas q = 1, qui est l’hypothèse donnée. L’hérédité est conséquence de l’hypothèse appliquée avec n = p + q et n = q . En effet, f (p + (q + 1)) = f ((p + q) + 1) = f(p + q).f (1) = f (p).f (q).f (1) = f (p).f (q + 1). Ensuite, on calcule f (−q), q ≥ 0, à l’aide de f (q − q), puis f (p − q) à l’aide de f (p − q + q), et l’on déduit la propriété cherchée. 2) Il suffit de prouver l’unicité. Si f et f ′ sont deux morphismes de Z dans G tels que f (1) = f (1) = a, l’ensemble des entiers naturels n telq que f(n) = f ′ (n) contient 0 car f(0) = f ′ (0) = e comme précédemment, et contient le successeur de chacun de ses éléments. On a ensuite f (−n) = f ′ (−n) comme dans la question précédente. ′ Proposition 1.122 Le réel a > 0 est fixé. L’exponentielle rationnelle possède les propriétés suivantes. p 1 1) Si (p, q) ∈ Z × N∗ , la relation expa pq = a q définit une application sur Q, encore notée expa , qui est un morphisme du groupe (Q, +) dans le groupe R∗+ , × , pro1 longeant l’exponentielle entière. En particulier a q p 1 = (ap ) q , d’où la notation expa p q = p q a . De plus, (ar )s = ar.s pour (r, s) ∈ Q2 . 2) expa est croissante si a > 1, et décroissante si a < 1. En particulier, pour tout npmbre rationnel r ∈ Q∗ , ar > 1 si a > 1 et ar < 1 si a < 1. 3) expa est l’unique fonction f de Q dans R telle que a) f est un morphisme de (Q, +) dans (R∗ , ×). b) f(1) = a. Démonstration 1 1 1) Soit x = a q . On a xq = a, donc xp = a q p 1 , mais aussi ap = xpq , donc (ap ) q 1 qui est l’unique réel y > 0 vérifiant yq = ap est égal à xp , ce qui donne l’égalité (ap ) q = p 1 aq . 1 1 D’autre part, si k ∈ N, x = a kq est tel que xkq = a donc a q = xk (par unicité) et par 1 p 1 pk suite a q = xpk = a kq . Ainsi, expa (r) a un sens pour r ∈ Q. La relation expa (r + s) = expa (r) expa (s) se démontre avec la même méthode (vérifier). Il s’agit évidemment d’un prolongement de l’exponentielle entière puisque expa p1 = ap . 2 expa est à valeurs positives sachant que expa (r) = expa r2 , de plus s’il existe r ∈ Q tel que expa (r) = 0, alors a = expa (1) = expa (1 − r) expa (r) = 0. 2) Supposons par exemple que a > 1. Il suffit de prouver que si r > 0, alors ar > 1. On écrit r = pq avec p et q entiers naturels non nuls. Sachant que ap > 1, il suffit de vérifier que 1 1 (ap ) q > 1. Dans le cas contraire, (ap ) q ≤ 1, donc ap ≤ 1q = 1, ce qui est contradictoire. 3) C’est un exercice. Section 6 123 Travaux dirigés 1.5.4.5 Autres prolongements Les exponentielles rationnelles sont injectives, la question de l’image expa (Q) se pose donc pour envisager la fonction réciproque. Pour cela, il sera utile de commencer par prolonger les fonctions exponentielles de Q à R (Cf. chapitres 9 et 10 pour les aspects continuité/dérivabilité). Ces réciproques, qui sont les “fonctions logarithmes”, permettent de compléter les relations entre grandeurs évoquées au début. Il est en effet plus intéressant de décrire la sensation éprouvée en fonction du stimulus physique que l’inverse. Le passage dans les deux sens exponentielle/logarithme est présent dès l’apparition des logarithmes pour les calculs de trigonométrie sphérique en astronomie35 . Au delà, nous verrons d’autres étapes de prolongement, de R à C (pour mesurer les angles) puis aux endomorphismes linéaires et aux algèbres normées aux chapitre 12 et 13. D’autres prolongements sont développés dans les chapitres 15 et 17, avec le point de vue des “groupes à un paramètre” qui généraliisent le thème de l’exercice ci-dessus. Les applications sont aussi importantes que variées : résolution des “équations différentielles linéaires”, étude de mouvements, recherche d’opérateurs nécessaires pour la quantification et l’explication de grandeurs physiques telles que l’énergie, la masse, le spin... 1.6 Travaux dirigés 1.6.1 Logique et récurrence 1.6.2 Limites ensemblistes (L2/L3) Intuitivement, la notion de “limite” d’une suite (An ) d’ensembles est naturelle lorsqu’il s’agit d’une suite monotone au sens de l’inclusion. Il s’agit de la réunion pour une suite croissante (An+1 ⊃ An ) et de l’intersection pour une suite décroissante (An+1 ⊂ An ), ce qui revient à prendre respectivement comme limite les ensembles supn An et inf n An . Pour éviter des questions d’existence, on supposera que les An sont tous des sous-ensembles d’un ensemble X. Cet exercice montre comment prolonger ces notions aux suites non monotones. X est un ensemble non vide, (An ) est une suite de sous-ensembles de X. 1. Vérifier que la suite de terme général Bn = ∩∞ m=n Am est croissante, et que la suite Cn = ∪∞ A est décroissante. m=n m 2. On pose lim inf An n lim sup An n ∞ = ∪∞ n=1 (∩m=n Am ) ∞ = ∩∞ n=1 (∪m=n Am ) . Interpréter les ensembles lim inf n An et lim supn An lorsque X est fini. 3. Démontrer les propriétés suivantes, pour un élément x ∈ X. a. x ∈ lim inf n An si et seulement si il existe un entier n tel que x ∈ Am pour tout entier m ≥ n. 35 Neper (1550-1617). 124 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) b. x ∈ lim inf n An si et seulement si x appartient à tous les An sauf éventuellement un nombre fini d’entre eux. c. x ∈ lim supn An si et seulement si pour tout entier n, il existe un entier m ≥ n tel que x ∈ Am . d. x ∈ lim supn An si et seulement si x appartient à une infinité des An . 4. Prouver que lim inf n An ⊂ lim supn An . 5. On dit que limn An existe lorsque lim inf n An ⊃ lim supn An , autrement dit lim inf n An = lim supn An . Démontrer les propriétés suivantes. a. Si la suite (An ) est croissante (pour l’inclusion), alors limn An existe et est égale à ∪∞ n=1 An . b. Si la suite (An ) est décroissante (pour l’inclusion), alors limn An existe et est égale à ∩∞ n=1 An . 1.6.3 Arithmétique élémentaire, cryptage 1.6.3.1 Nombres premiers (L1) 1. Soient p1 ,..,pk des nombres premiers de la forme 4n + 3 (l’entier n dépend de pi ), et k & q= 4 pi − 1. Démontrer que q admet un diviseur premier de la forme 4n + 3. i=1 En déduire qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme 4n + 3. 2. Démontrer qu’il existe une infinité de nombres premiers de la forme 6n + 5. Solution 1) Soit p un diviseur premier de q . Modulo 4, p ne peut être équivalent à 0 et 2. Si q n’admet que des diviseurs premiers équivalents à 1, alors q est équivalent à 1, ce qui n’est pas le cas. Finalement, q admet un diviseur premier p équivalent à 3. k & D’autre part, p ne peut être égal à l’un des pi , sinon p diviserait q et 4 pi , donc 1. i=1 2) Méthode analogue avec q = 6 k & i=1 pi − 1. 1.6.3.2 Une démonstration directe de la formule d’Euler (L1) Soit n un entier naturel non nul, a un entier naturel que l’on peut supposer compris entre 1 et n. On suppose n et a étrangers. La relation d’Euler aϕ(n) ≡ 1 mod(n) (Corollaire 1-71) peut être démontrée directement sans le corollaire 1-67. 1. Soit x ∈ Z/nZ un élément inversible, et f : Z/nZ → Z/nZ l’application définie par f(u) = u.x. Vérifier que f induit une permutation du groupe Un des unités de l’anneau Z/nZ. 2. En déduire la formule d’Euler. Section 6 125 Travaux dirigés Solution 1) Si f (u) = f (v), alors (u − v) .x = 0, donc u − v = (u − v) .x.x−1 = 0. Si u ∈ Un , alors u.x ∈ Un sachant que u.x.u−1 .x−1 = 1, et réciproquement. 2) f est donc une permutation de Un = u1 , .., uϕ(n) , de sorte que u1 ..uϕ(n) = f (u1 ) ..f uϕ(n) = xϕ(n) .u1 ..uϕ(n) d’où le résultat après simplification. 1.6.3.3 Calcul de l’indicateur d’Euler et cryptage (L1/L2) Si n est un entier naturel non nul, l’entier ϕ (n) a été l’objet de trois caractérisations au § 1-4-3. Il s’agit ici de prouver quelques propriétés de ϕ (n) et une formule de calcul. 1. Si p est un nombre premier, et α un entier positif, alors ϕ (pα ) = pα−1 (p−1) = pα (1− 1p ). En particulier, ϕ (p) = p − 1. 2. Si m et n sont deux entiers premiers entre eux, alors ϕ (m.n) = ϕ (m) .ϕ (n). αk 1 3. Si n = pα 1 ...pk est la décomposition primaire de n, alors k k & & 1 piαi −1 (pi − 1) = n ϕ (n) = 1− pi i=1 i=1 . 4. On se propose de démontrer la propriété suivante. N est un entier ≥ 2 dont la décomposition en facteurs premiers est N = p.q, avec p = q. α est un entier tel que α ≡ 1 (mod ϕ(N )). Alors, pour tout entier x, xα ≡ x (mod N ). Indication - Démontrer la relation xα−1 ≡ 1 (mod N ) pour x = p ou q, en déduire que la relation est vérifiée pour x modulo N non inversible. - Démontrer que la relation est vérifiée pour x modulo N inversible. 5. Alice et Bob souhaitent communiquer un message numérique, sous la forme d’un nombre entier a qu’Alice souhaite communiquer à Bob, qui ne puisse pas être intercepté lors de la transmission. Les étapes sont les suivantes, justifier le procédé. - Bob choisit deux entiers premiers distincts p et q, le produit p.q est l’entier N , ainsi qu’un entier c inversible modulo ϕ(N). L’inverse de c modulo ϕ(N ) est d. - Bob transmet à Alice les entiers N et c. - Alice choisit son message a (avec a < N), calcule b = ac (mod N ) et transmet b à Bob. - Bob calcule bd (mod N ) qui n’est autre que a. Solution 1) ϕ (p) = p − 1 est évident. Si α > 1, les entiers premiers avec pα sont les entiers non multiples de p. En effet, un entier m n’est pas premier avec pα si et seulement si il existe un diviseur premier commun. Le seul diviseur premier de pα est p, donc m doit être un multiple de p. Il y a pα−1 multiples de p entre 1 et pα sachant qu’ils vérifient la relation 1 ≤ k p ≤ pα donc k ≤ pα−1 , et ϕ (pα ) = pα − pα−1 . 2) est une conséquence de la proposition 1-74 (on dénombre les éléments inversibles, ils se corre- 126 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) spondent par isomorphisme), et 3) s’en déduit à l’aide de 1). 4) Suivant le petit théorème de Fermat (Corollaire 1-71), pq−1 ≡ 1 (mod q). Mais (α − 1) est un multiple de ϕ(N ) = (p − 1) (q − 1), donc de (q − 1), d’où pα−1 ≡ 1 (mod q), et donc pα ≡ p (mod q). L’entier (pα − p) étant multiple de p et q (premiers distincts) est multiple de N (théorème de Gauss). Ceci démontre la propriété xα ≡ x (mod N) pour x = p, il en est de même pour x = q , et donc pour x non inversible modulo N , puisque x est alors multiple de p ou q . Si x est inversible modulo N , x est premier avec N , donc xϕ(N) ≡ 1 (mod N ) (relation d’Euler). Sachant que α = k.ϕ(N ) + 1, on a bien xα ≡ x (mod N ). 5) La seule vérification à faire est le calcul de bd modulo N , or d’après la question 5, bd (mod N) = a (mod N ) = a (mod N ) = a. Les messages échangés sont N , c et b. Pour trouver a, il faut connaitre d, inverse de c modulo ϕ(N ), ce qui exige la connaissance de la décomposition de N . La sécurité de cette méthode36 (très utilisée), repose sur l’impossibilité pratique de connaître en temps limité la décomposition p.q de N lorsque l’on choisit p et q assez grands (plusieurs dizaines de chiffres). Mais on observera que l’obstacle est de nature pratique et non théorique37 . cd 1.6.3.4 Une caractérisation de l’indicateur d’Euler (L1/L2) Selon le corollaire 1-77, si n est un entier naturel non nul, alors n = d∈Dn ϕ(d). Cet exercice démontre que cette relation caractérise l’indicateur d’Euler. Au préalable, en supposant connues les propriétés 1), 2), 3) de l’indicateur d’Euler ϕ, démontrées dans l’exercice précédent, on propose une autre démonstration (plus élémentaire) du corollaire 1-77. αk 1 1. Soit n = pα 1 ...pk la décomposition de n en facteurs primaires, et P = k & i (1 + pi + .. + pα i ). i=1 a. Vérifier que l’ensemble Dn des diviseurs de n est l’ensemble des termes de la somme obtenue en développant le produit P . Quel est le cardinal de Dn ? k & i b. En déduire que d∈Dn ϕ(d) = (1 + ϕ (pi ) + .. + ϕ (pα i )). i=1 i c. Evaluer 1 + ϕ (pi ) + .. + ϕ (pα i ) et conclure. 2. Soit ϕ : N∗ → N∗ une application telle que n = d∈Dn ϕ(d). Démontrer que ϕ est l’indicateur d’Euler en exprimant successivement ϕ dans les cas particuliers suivants. a. ϕ (1), ϕ (p) où p est un entier premier, ϕ (pα ) (procéder par récurrence sur l’entier α). b. Si a et b sont deux entiers étrangers, démontrer que ϕ (a.b) = ϕ (a).ϕ (b). Méthode : Soit E l’ensemble des entiers n ≥ 1 tels que n = a.b avec a ∧ b = 1 et ϕ (a.b) = ϕ (a).ϕ (b). Prouver que E contient 1 et le successeur de chacun de ses éléments. c. Conclure. Solution β β 1-a) Les diviseurs de n sont les entiers de la forme d = p1 1 ...pk k avec 0 ≤ β i ≤ αi pour i = 1, .., k. Ils correspondent bijectivement aux éléments de l’ensemble produit R = {0, .., α1 } × .. × {0, .., αk } , 36 Méthode dite R.S.A., inventée en 1977 par R. Rivest, A. Shamir, L. Adleman. Consulter par exemple S. Al Fakir, Algèbre et théorie des nombres, Ed. Ellipses (2003). Divers sites Internet rendent compte de l’évolution des méthodes. 37 Section 6 127 Travaux dirigés leur nombre est donc |R| = k & (1 + αi ). i=1 Ainsi, 360 = 23 .32 .5 possède 4.3.2 = 24 diviseurs. β β 1-b) Si d ∈ Dn , alors d = p1 1 ...pk k avec 0 ≤ β i ≤ αi pour tout i, et β β ϕ(d) = ϕ p1 1 ...ϕ pk k . αi αi −1 i i = pα 1-c) 1 + ϕ (pi ) + .. + ϕ (pα i ) = 1 + (pi − 1) + .. + pi − pi i donc k & αk α1 i (1 + ϕ (pi ) + .. + ϕ (pα i )) = p1 ...pk = n. i=1 2-a) D1 = 1 donc ϕ (1) = 1. Dp = {1, p} donc p = ϕ (1) + ϕ (p) d’où ϕ (p) = p − 1. La relation ϕ (pα ) = pα − pα−1 étant vérifiée pour α = 1, la récurrence s’établit en écrivant pα = ϕ (1) + ϕ (p) + .. + ϕ (pα ) = 1 + (p − 1) + .. + pα−1 − pα−2 + ϕ (pα ) = pα−1 + ϕ (pα ) . 2-b) On suppose que E contient {1, .., n − 1}, et on décompose ainsi les diviseurs de n. n = ϕ (a′ .b) + ϕ(d) = ϕ (n) + ′ d∈Dn a |a a′ =a a′ |a a′ =a ′ a |a, b |b b′ =b ϕ (a′ ).ϕ(b) + = ϕ (n) + ϕ (a′ .b′ ) ′ ϕ (a′ ) .ϕ (b′ ) a′ |a, b′ |b b′ =b = ϕ (n) + (a − ϕ (a)) ϕ (b) + a′ |a ϕ (a′ ) b′ |b b′ =b ϕ (b′ ) a.b = ϕ (a.b) + (a − ϕ (a)) ϕ (b) + a. (b − ϕ (b)) = ϕ (a.b) + a.b − ϕ (a) .ϕ (b) . 1.6.3.5 Autres démonstrations du petit théorème de Fermat (L1) Soit p un entier premier, a un entier naturel compris entre 1 et p. La relation ap−1 ≡ 1 (mod p) n’est qu’un cas particulier de la formule d’Euler (Corollaire 1-71). On s’intéresse ici à deux démonstrations directes (indépendantes). 1. Vérifier que, modulo p, les classes de a, 2.a, .., (p − 1) .a sont distinctes, et en déduire que ap−1 ≡ 1 (mod p). 2. Autre démonstration a. Si k est un entier tel que 0 < k < p, démontrer que l’entier Cpk est un multiple de p. b. Démontrer que si (a, b) ∈ Z∗ × Z∗ , alors (a + b)p − (ap + bp ) ≡ 0 (mod p). En déduire que (a − b)p ≡ ap − bp (mod p). c. Démontrer (par récurrence sur n ≥ 1) que si a1 , ..an sont des entiers, alors (a1 + .. + an )p ≡ ap1 + .. + apn (mod p). et conclure. Solution 1) Si k.a ≡ k ′ .a, alors l.a ≡ 0 dans le corps Z/pZ . Par intégrité, l ≡ 0, mais l est plus petit que p, donc l = 0. Les classes de a, 2.a, .., (p − 1) .a constituent l’ensemble des éléments du groupe multiplicatif 128 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) (Z/pZ)∗ et par suite leur produit vérifie a.2.a, ... (p − 1) .a = ap−1 .1.2....(p − 1) = 1.2....(p − 1)1.2....(p − 1), d’où la conclusion. (p−1)..(p−k+1) 2-a) La propriété Cpk = p. ∈ N est supposée connue. k! est premier avec p donc k! (Gauss) divise k−1 & i=1 (p − i), d’où la conclusion. 2-b) Le premier point est une conséquence immédiate de la formule du binôme de Newton et de 1), le deuxième point s’en déduit en écrivant a = (a − b) + b si a = b, le résultat étant évident si a = b. 2-c) La propriété, évidente pour n = 1, est supposée vérifiée au rang n ≥ 1. ((a1 + .. + an ) + an+1 )p ≡ (a1 + .. + an )p + apn+1 (mod p) ≡ ap1 + .. + apn + apn+1 (mod p). Il suffit ensuite de prendre a1 = .. = an = 1 pour avoir np−1 ≡ n (mod p). Si n = a, n est inversible dans le corps Z/pZ et le résultat s’en suit. 1.6.3.6 Congruences et calendrier perpétuel 1.6.4 Groupes, anneaux, corps, arithmétique : compléments 1.6.4.1 Endomorphismes de R (L1) Le titre est ambigu, il faut préciser la structure. Si a est un réel non nul, l’application x −→ a.x est visiblement un morphisme du groupe (R, +) dans lui même, croissant si a > 0, décroissant sinon. On dit qu’il s’agit d’un endomorphisme pour le structure de groupe ordonné. Pour que ce soit un morphisme d’anneau (ou de corps) au sens de la définition 1-62, il faut en outre que f(x.y) = f (x).f(y), ce qui donne la condition nécessaire a2 = 1, mais a = −1 ne convient pas (prendre y = x), et f non nul (de sorte que f(1) = 1). On s’intéresse aux réciproques. 1. Démontrer que tout endomorphisme non nul de groupe ordonné de (R, +) est de la forme f(x) = a.x où a ∈ R∗ . Indication : Déterminer les restrictions de f successivement à N, Z, Q, et conclure avec le corollaire 1-113. 2. En déduire a. que l’application identique est le seul endomorphisme de corps ordonné de R, b. que l’application identique est le seul endomorphisme du corps R. Solution 1) f doit être monotone et vérifier f (x + y) = f(x) + f(y) quel que soit (x, y) ∈ R2 . Il s’en suit que f(0) = 0 (prendre x = y = 0), f (−x) = −f(x) (écrire x + (−x) = 0). Soit a = f(1). Par une récurrence immédiate sur n ∈ N , on a f (n) = n.a, puis f (−n) = −n.a, donc f (x) = a.x pour x ∈ Z . Attention, on n’a pas encore prouvé que a = 0, mais seulement que si a = 0, alors f s’annule sur tous les entiers. Si r = pq ∈ Q, alors q.f (r) = f(p) = a.p donc f(r) = a.r. Enfin, si x est un réel quelconque, notons an et bn les suites Dn (x) et Dn (x) + 10−n . On a, pour tout n, f(x) compris entre a.an et a.bn puisque f est monotone. Il s’en suit que si a = 0, Section 6 f = 0, sinon Travaux dirigés f (x) a ∈ n≥0 129 [an , bn ] = {x} (Corollaire 1-113). D’où la conclusion. On voit que f est croissante (décroissante) si a > 0 (resp. a < 0). 2-a) Si f est un endomorphisme de corps ordonné de R, on a nécessairement f(x) = a.x d’après la question précédente, et a > 0 puisque f (x2 ) = a.x2 = f(x)2 . Enfin, la relation f(x.y) = f (x).f (y) donne nécessairement a = 1, et inversement f (x) = x convient. 2-b) Tout endomorphisme du corps des réels est monotone. En effet, tout réel positif a s’écrit 2 a = b2 (Prop. 1-116), donc pour tout endomorphisme f du corps des réels, f(a) = (f (b)) ≥ 0. Il s’en suit que f est croissant : si x ≥ y , alors f (x − y) = f(x) − f(y) ≥ 0. 1.6.4.2 Caractères quadratiques Remarque 1.18 Il est important de compléter les hypothèses utiles pour cette section, par les faits suivants. - Il se trouve que tout corps fini est commutatif (Prop. 4- ). On peut admettre cette propriété ou préciser “corps fini commutatif”. - Tout polynôme de degré n > 0 à coefficients dans un anneau intègre possède au plus n racines (Prop. 4- ) . Cette propriété a été admise au § 1-4-2-6 pour démontrer le corollaire 1-79, on l’utilise pour certaines démonstrations ici. Dans un corps fini K, on s’intéresse aux “carrés”, c’est à dire aux éléments a ∈ K pour lesquels l’équation x2 = a possède au moins une solution. Le “Critère d’Euler” est une caractérisation des carrés. On observe ceci : s’il existe une solution x1 = 0, alors toute solution x est telle que x2 − x21 = (x + x1 ) . (x − x1 ) = 0, donc (K intègre) x ∈ {x1 , −x1 }, et x1 = −x1 est équivalent à 2x1 = 0, donc x1 = 0 sauf si 2 = 0, ce qui est le cas par exemple38 pour K = Z/2Z. Dans tous les cas, l’équation x2 = a, pour a ∈ K admet au plus deux solutions. On commence par exposer deux démonstrations dans le cas particulier K = Z/pZ avec p premier et p > 2, pour se familiariser avec quelques méthodes. Notons Gp le groupe multiplicatif (Z/pZ)∗ , de cardinal pair p − 1, dont les éléments sont notés {1, 2, .., p − 1}. 1) Version 1. Critère d’Euler. Un élément a ∈ Gp est un carré si et seulement si p−1 = 1, a n’est pas un carré si et seulement si a 2 = −1. Démonstration (niveau Terminale/L1) Pour tout (x, a) ∈ Gp , il existe y ∈ Gp tel que x.y = a. L’élément y est unique, égal à x−1 .a. x y = x−1 .a a ∈ Gp étant fixé, on peut dresser un tableau . où x décrit Gp . .. .. . Deux cas se présentent. - Si a est un carré, il existe au moins une ligne où y = x, et réciproquement. - Si a n’est pas un carré, sur toutes les lignes y = x et réciproquement. Lorsque a n’est pas un carré, les p − 1 éléments de Gp sont ainsi regroupés en p−1 2 paires distinctes {x, y}, et l’on n’écrit que les p−1 lignes correspondanntes, ce qui peut s’écrire par 2 une indexation arbitraire, a 38 p−1 2 Ceci conduit à la notion de caractéristique d’un corps (Cf. Chap. 4). 130 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) x y = x−1 .a x1 .. . y1 .. . x p−1 2 En effectuant le produit des p−1 2 . y p−1 2 relations de la forme x.y = a, on obtient =a (x1 .y1 ) .. x p−1 .y p−1 2 2 p−1 2 . Les paires {x, y} étant distinctes deux à deux, la réunion de leurs éléments est une partie de Gp à p − 1 éléments, c’est donc Gp , dont le produit des éléments est la classe modulo p de l’entier (p − 1)!. On écrit donc, si a n’est pas un carré, (p − 1)! ≡ a p−1 2 (mod p). Si a est un carré, on n’écrit comme précédemment que les lignes où la première colonne est formée d’éléments distincts. L’équation x2 = a admet une solution x0 , une solution distincte x doit vérifier x2 = x20 donc x = −x0 (K est intègre), et x = x0 car p > 2. Le tableau précédent est réécrit en isolant les éléments ±x0 . A partir de k = 1, pour les p − 3 aures, on a xk = yk comme précédemment. Le produit des éléments de Gp s’écrit ici x0 . (−x0 ) . (x1 .y1 ) .. x p−3 .y p−3 2 2 de sorte que (p − 1)! ≡ −a p−1 2 y = x−1 .a x0 y0 = x0 −x0 −y0 x p−3 y p−3 2 p−3 2 (mod p). x x1 .. . = −a2 .a y1 .. . 2 Pour conclure, on utilise le théorème de Wilson (Corollaire 1-72), (p − 1)! ≡ −1 (mod p), ce qui donne 1 ≡ a −1 ≡ a p−1 2 p−1 2 (mod p) si a est un carré, (mod p) si a n’est pas un carré. Exercice En déduire que dans Gp , −1 est un carré si et seulement si p = 4.k + 1 (k entier naturel non nul), et −1 est un non carré si et seulement si p = 4.k + 3. Solution p−1 Si a = −1 est un carré, alors (−1) 2 ≡ 1 (mod p), donc p−1 2 = 2.k, et p = 4.k + 1. Inversement, si p = 4.k + 1, sachant que chaque élément de Gp a un opposé distinct puisque p > 2, et en appliquant le théorème de Wilson, on a p−1 p−1 −1 ≡ (p − 1)! = 1.2... .(−1)..(− ) 2 2 2 2 p−1 p−1 p−1 ! = ! . = (−1) 2 . 2 2 Section 6 131 Travaux dirigés p−1 Si a = −1 est un non carré, alors (−1) 2 ≡ −1 (mod p), donc p−1 = 2.k + 1, et 2 p = 4.k + 3. Inversement, si p = 4.k + 3, −1 ne peut être un carré sachant que p = 4.k + 3 = 4.k′ + 1 est impossible. p−1 2 2) Version 2. Dans Gp , il y a p−1 = 1, 2 carrés, ce sont les solutions de l’équation a p−1 p−1 et 2 non carrés, solutions de l’équation a 2 = −1. Démonstration (niveau L1/L2) - Pour tout x ∈ Gp , xp−1 = 1 (Corollaire 1-67 ou Petit théorème de Fermat 1-71). p−1 - Si a = x2 est un carré, alors a 2 = xp−1 = 1. - Le morphisme de Gp défini par x −→ x2 a pour image l’ensemble des carrés (qui forment donc un sous-groupe de Gp ), et pour noyau ±1. La proposition 1-65 et le corollaire 1-62 (Lagrange) montrent que le sous-groupe des carrés est d’ordre p−1 2 . p−1 2 - Ainsi, les carrés sont au nombre de p−1 et sont des racines de x − 1 dont le nombre 2 p−1 p−1 est au plus 2 , donc le nombre de racines est exactement 2 et ce sont les carrés. - Dans Gp , on peut écrire p−1 xp−1 − 1 = x p−1 2 −1 x p−1 2 +1 . Sachant que x − 1 possède p − 1 racines (les éléments de Gp ), on a une partition de p−1 p−1 Gp en deux sous-ensembles, les racines de x 2 − 1, et les racines de x 2 + 1. Le premier sous-ensemble étant égal au sous-groupe des carrés, le deuxième est donc égal à l’ensemble des non carrés. 3) Version 3. Dans le cadre des corps finis (niveau L2/L3). 1. Préliminaire. a. Soit G un groupe fini et f : G → G un morphisme de groupes. Démontrer que si y ∈ f (G), alors f −1 (y) et ker f ont même cardinal. b. En déduire que si f et g sont des morphismes de groupes de G dans G, alors |ker (g ◦ f )| ≤ |ker f| . |ker g|. 2. Soit K un corps fini, q le cardinal de K. On suppose q impair. Pour tout diviseur d de (q − 1), on note fd : K ∗ → K ∗ le morphisme de groupes défini par fd (x) = xd . a. Démontrer que |ker fd | ≤ d. b. Si d′ = q−1 d , démontrer que fd ◦ fd′ (x) = fd′ ◦ fd (x) = 1 ∗ pour tout x ∈ K . ′ c. En déduire que |ker fd | = d, puis'que ker fd = Im ( fd . q−1 d. Déduire de ce qui précède que x 2 , x ∈ K ∗ seulement si x est un carré dans K ∗ . = {±1}, et que x q−1 2 = 1 si et Solution 1-a) Soit H = ker f . D’une part f −1 (y) = x.H où x est un élément choisi arbitrairement dans −1 f (y). En effet, si x′ ∈ f −1 (y), alors f(x′ ) = f(x) = y donc x′ .x−1 ∈ H , et l’inclusion inverse est évidente. D’autre part, |x.H| = |H| (Cf. § 1-2-2-3). 1-b) Les relations suivantes sont équivalentes : x ∈ ker (g ◦ f ), f(x) ∈ ker g, x ∈ f −1 (ker g). Il en résulte que |ker (g ◦ f)| est le cardinal de la réunion des ensembles f −1 (y) qui sont soit vide soit de cardinal |ker f |, cette réunion étant indexée par ker g . La relation demandée s’en déduit. 2-a) |ker fd | est le nombre des racines du polynôme xd − 1, ce nombre est majoré par le degré d. 2-b) D’après le corollaire 1-67 appliqué au groupe fini K ∗ , on a fd ◦ fd′ (x) = fd′ ◦ fd (x) = 132 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) xq−1 = 1. 2-c) On vient de voir que |ker (fd ◦ fd′ )| = |K ∗ | = q − 1. D’autre part, |ker (fd ◦ fd′ )| ≤ d.d = q − 1. Il est donc exclu que |ker fd | < d. L’inclusion ker fd ⊃ Im fd′ vient de 2-b. Il reste à vérifier que ker fd et Im fd′ ont même cardinal, ce qui est donné par la proposition 1-65 (passage au quotient). ′ 2-d) La décomposition xq−1 − 1 = x ' q−1 ( x 2 , x ∈ K ∗ = {±1}. Avec d′ = 2, d = un carré dans K ∗ . q−1 2 , q−1 2 −1 x q−1 2 + 1 donne (par intégrité) la relation ker fd = Im fd′ se traduit par x q−1 2 = 1 équivalent à x est 4) Complément. Démontrer que si K est un corps totalement ordonné, alors −1 n’est pas un carré. Solution Dans K , 1 = 0, donc soit 1 > 0 soit 1 < 0. Le deuxième cas est exclu (Exercice du § 1-3-4), ce qui se démontre ainsi : 2 Si 1 < 0, alors 0 = 1 − 1 < −1 donc (Def. 1-67) 0 < (−1) = 1, ce qui est contradictoire. 2 Sachant que 1 > 0, soit x un élément tel que x = −1. Si x > 0, alors x2 = −1 > 0 donc 1 < 0. Si x < 0, alors −x > 0 et (−x)2 = x2 = −1 conduit à la même contradiction. 1.6.4.3 Sous-anneaux de Q 1.6.4.4 Sous-groupes de R 1.6.4.5 Sous-groupe normalisateur (L3) Cet exercice illustre la proposition 1-84 dans le cas de l’action d’un groupe fini (G, ∗) sur l’ensemble S des sous-groupes de G, par conjugaison (Def. 1-94) : g.H = g ∗ H ∗ g−1 . On sait (Prop. 1-84) que pour tout H ∈ S, l’indice du stabilisateur GH de H est le cardinal de l’orbite G.H (ensemble des sous-groupes conjugués de H dans G). Ici, le sous-groupe stabilisateur GH = {g ∈ G, g.H = H} est appelé le normalisateur de H, noté N (H), et pour g ∈ N (H), la relation g ∗ H ∗ g−1 = H montre que H ⊳ N(H). On s’intéresse au cas particulier suivant. n ≥ 2 est un entier naturel, G est le groupe symétrique (S (Z/nZ) , ◦) du groupe additif Z/nZ, pour tout i ∈ Z/nZ, ai est la translation j −→ i + j, et H = {ai , i ∈ Z/nZ}. 1. Démontrer que l’application θ : i −→ ai est un morphisme injectif de (Z/nZ, +) dans G, d’image H, qui est donc un sous-groupe cyclique de G (d’ordre n). 2. Pour g ∈ N (H), prouver que h = g ◦ a1 ◦ g −1 est un élément d’ordre n de H, en déduire que h = ay pour un entier convenable y premier avec n. 3. Une description des éléments de N (H) s’obtient ainsi. a. Pour tout i ∈ Z/nZ, on pose g(i) = k.i + l où (k, l) ∈ (Z/nZ)2 avec k élément du groupe Un des unités de Z/nZ. Prouver que g ∈ N (H). b. Prouver que tout élément de N (H) est de cette forme. Solution 1) La relation ai+j = ai ◦ aj est immédiate, ainsi que l’injectivité de θ. 2) Sachant que H ⊳ N (H), on a h ∈ H . D’autre part, l’isomorphisme θ transforme le générateur 1 de Z/nZ en un générateur a1 de H , que l’automorphisme intérieur (Def. 1-81) k −→ g ◦ k ◦ g −1 de H transforme en un autre générateur h. Ainsi, h est d’ordre n. D’autre part, tout générateur de H Section 6 133 Travaux dirigés se transforme par les isomorphismes réciproques en un générateur de Z/nZ , et ces générateurs sont connus. La proposition 1-70 donne le résultat. 3-a) g étant composé de la translation al et de l’homothétie µk : i −→ k.i (qui est bien élément de G), il suffit de vérifier que µk ∈ N (H), et pour cela, la relation µk ◦ ai ◦ µ−1 k ∈ H pour tout i est suffisante. Or, µk ◦ ai ◦ µ−1 (j) = k. (i + k−1 .j) k = k.i + j = ak.i (j). Par suite, µk ◦ ai ◦ µ−1 k = ak.i ∈ H . b) Soit g ∈ N (H), et x ∈ Z/nZ . En notant j = g 0 , on a x = ax 0 et 1 g(x) = g ◦ ax1 ◦ g −1 (j) = g ◦ a1 ◦ g−1 x (j) = axy (j) = x.y + j en utilisant 2). 1.6.5 L’anneau des entiers de Gauss (L1) Parmi les problèmes diophantiens étudiés par Fermat, figure la recherche des entiers qui peuvent s’écrire comme somme de deux carrés d’entiers. La relation a2 + b2 = |a + ib|2 conduit à étudier ce problème à partir des nombres complexes. 1. Définition et structure d’anneau. On note G l’ensemble des nombres complexes de la forme A = a + i b avec a et b entiers √ relatifs et on pose N (A) = a2 + b2 = |A|. Démontrer les propriétés suivantes a. G est un sous-anneau de C; G est appelé anneau des entiers de Gauss. b. N (A.B) = N (A).N (B) pour (A, B) ∈ G2 . c. Le groupe des inversibles de G est {−1, 1, −i, i}. 2. Divisibilité dans G a. Etant donné deux éléments non nuls A et B de G, on dira que B divise A (ou que A est multiple de B) s’il existe un élément C de G tel que A = B.C. Démontrer que si B divise A dans G, alors N 2 (B) divise N 2 (A) dans N. b. En déduire les diviseurs de 1 + i, de −4 + 7.i, de 1. La réciproque de la propriété du a) est-elle vraie ? c. Dans G\ {0}, démontrer que la relation “A divise B et B divise A” (autrement dit A et B sont associés), est une relation d’équivalence. Quelle est la classe de A ? 3. Division euclidienne a. Démontrer que pour tout nombre complexe z ∈ C, il existe un élément c ∈ G tel que |z − c| < 1 (accompagner la recherche et la démonstration par un dessin). b. En déduire que quels que soient les éléments non nuls A et B de G, il existe un couple (Q, R) ∈ G × G tel que A = B.Q + R et N(R) < N (B). c. Déterminer les solutions (Q, R) pour A = −2 + 5.i et B = 3 + i. Même question pour A = 1 − i et B = 2.i. 4. P.G.C.D. a. Appliquer au couple (A, B) = (7 + 11.i, 3 + 5.i) l’algorithme d’Euclide des divisions successives (à chaque étape, on choisira arbitrairement un couple (Q, R) vérifiant 3-b). b. Plus généralement, démontrer que pour deux entiers de Gauss non nuls A et B, il 134 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) existe un entier de Gauss D tel que : 1) D divise A et B. 2) Si D′ divise A et B, alors D′ divise D. 3) Il existe (U, V ) ∈ G × G tels que D = A.U + B.V . De plus, deux éléments D1 et D2 vérifiant ces propriétés sont associés. On dira que D est un p.g.c.d. de A et B. 5. Eléments premiers dans G. Un entier de Gauss A non nul ni inversible est dit premier s’il n’admet pas d’autres diviseurs que les inversibles et les éléments qui lui sont associés. a. Démontrer que si N (A)2 est premier dans N, alors A est premier dans G. b. Les éléments suivants sont-ils premiers dans G ? 2, 3, 1 + i, 2 + 3.i c. On se propose de démontrer la propriété suivante. Les entiers de Gauss premiers sont (au produit par un inversible près) : (i) Les entiers naturels premiers de la forme 4.k+3, k ∈ N. Indication : Pour éliminer le cas a ≡ 1 (mod 4), utiliser le critère d’Euler (§ 1-7-4-2). (ii) Les éléments de G de la forme A = a + i b avec a2 + b2 entier premier (et donc a = 0 et b = 0). d. Justifier l’existence d’une décomposition en produit d’éléments premiers des éléments de G. Proposer une méthode et l’appliquer à A = 11 + 17.i. 6. Retour au problème initial. a. Démontrer qu’un entier premier p est somme de deux carrés d’entiers si et seulement si p = 2 ou p ≡ 1 (mod 4). b. Démontrer qu’un entier non nul n est somme de deux carrés d’entiers si et seulement si dans sa décomposition en produit de facteurs premiers dans N, les exposants des facteurs égaux à 3 modulo 4 sont pairs (on remarquera que l’ensemble des entiers somme de deux carrés est stable par produit). Solution 1-a) Suivant la définition 1-64 et la proposition 1-32, on vérifie que G est non vide, stable par produit, et que A − B ∈ G si (A, B) ∈ G × G. De plus, 1 ∈ G. 2-a) Si A = B.C , alors N (A) = N(B).N (C), mais N (A), N (B) ne sont pas nécessairement entiers. Par contre, l’entier N 2 (B) divise l’entier N 2 (A). 2-b) Si B = a + i.b divise 1 + i, alors N 2 (B) divise 2, donc a2 + b2 ∈ {1, 2}. Il en résulte que 1 + i est premier (au sens de la question 5). Si B = a + i.b divise A = −4 + 7.i, alors N 2 (B) divise 65, donc a2 + b2 ∈ {1, 5, 13, 65}. Au produit par un inversible près, on trouve A = (−2 + i) (3 − 2i) = (2 + 3i) (1 + 2i) . La relation 65 = (4 + 1) (9 + 4) montre que la réciproque du a) est fausse. 2-c) Il est clair que la relation est une équivalence. A et B (non nuls) sont associés signifie que B = A.A′ et A = B.B ′ donc (intégrité) A′ .B ′ = 1, c’est à dire que A et B sont égaux au produit par un inversible près. Autrement dit, la classe de A ∈ G\ {0} est {A, −A, i.A, −i.A}. 3-a) Le dessin (à réaliser) suggère de prendre, pour un nombre complexe z = α + i.β fixé, deux entiers relatifs a, b tels que |a − α| ≤ 12 et |b − β| ≤ 12 . Il suffit de prendre pour a la partie entière de α ou 1 plus la partie entière de α. Idem pour β . 2 2 2 Si c = a + i.b, on a alors |z − c| = |a − α| + |b − β| ≤ 12 . Section 6 135 Travaux dirigés 3-b) En prenant z = A 3-c) −2 + 5.i A B, B Q = c et R = A − B.Q, on a N (R) = N(B).N (z − c) < N(B). 3+i A B −1+17.i 10 −1−i 2 Q 2i, i, −1 + 2.i 1−i 2.i 0, 1, i, 1 + i 4-a) 7 + 11.i = 2. (3 + 5.i) + (1 + i) et 3 + 5.i = (1 + i).(4 + i). Le dernier reste non nul est 1 + i. 4-b) Tant que les diviseurs sont non nuls, une suite des restes successifs : R1 de la division de A par B , R2 de la division de B par R1 , R3 de la division de R1 par R2 et ainsi de suite, vérifie N (B) > N (R1 ) > N (R2 ) > N(R3 ) > ... Une telle suite est nécessairement finie. Si D est le dernier reste (non nul), on vérifie les propriétés annoncées exactement comme pour l’anneau des entiers à une différence près : il n’y a pas unicité des quotients et restes. Cependant, les diverses solutions sont associées. Ceci s’obtient en appliquant les propriétés (1) et (2) à deux solutions D1 et D2 . 5-a) Soit A = a + i.b un entier de Gauss non nul ni inversible et non premier dans G, autrement dit A = B.C , avec B = α + i.β et C = γ + i.δ non inversible. Alors, a2 + b2 = α2 + β 2 γ 2 + δ2 avec α2 + β 2 > 1 et γ 2 + δ 2 > 1 donc N(A)2 n’est pas un entier premier. 5-b) 2 = (1 + i) (1 − i) est non premier, 3 est premier car 3 = (a + i.b)(c + i.d) donne 9 = a2 + b2 c2 + d2 , mais 3 n’est pas une somme de deux carrés d’entiers. 1 + i est premier (déjà vu), 2 + 3.i est premier car |2 + 3.i|2 = 13. 5-c) Cas (i). Soit A = a ∈ G un entier naturel. Si a est premier comme élément de G, il l’est comme entier, donc la classe de a modulo 4 ne peut être que 3 ou 1. Il reste à exclure ce dernier cas. a−1 2 Si a = 4 k + 1, alors a−1 = 1, et il existe un entier x tel que a divise 2 est pair, donc (−1) 2 x +1 (Critère d’Euler). a premier divise (x − i) (x + i) donc a divise x+i par exemple (d’ailleurs, x + i = λ.a donne x − i = λ.a). Finalement, x = Re(λ).a donc a divise x ce qui contredit le fait que a divise x2 + 1. Cas (ii). Soit A = a + i b un élément premier de G avec a = 0 et b = 0. Si N(A)2 = a2 + b2 n’est pas premier comme entier, il existe deux entiers n1 ≥ 2 et n2 ≥ 2 tels que a2 + b2 = (a + i.b) (a − i.b) = n1 .n2 . Les éléments a + i.b et a − i.b sont premiers (si z divise l’un, z divise l’autre), on peut donc a−i.b a+i.b a−i.b a+i.b dire que a+i.b n1 ∈ G et n2 ∈ G, d’où n1 . n2 = 1 et donc n1 ∈ {±1, ±i}, ce qui est incompatible avec n1 entier. 5-d) La démonstration de l’existence est analogue au cas de Z , au produit par un inversible près, à partir du fait qu’un entier de Gauss A possède un diviseur (non unique) D pour lequel N (D) est minimal. En pratique, pour A = a + i.b, on distingue deux cas. - Si A est un nombre entier, on le décompose en produit de facteurs premiers entiers, puis on décompose au sens de G les facteurs premiers équivalents à 1 modulo 4, ou le facteur 2. Par exemple, A = 90 = 2.5.32 = (1 ± i) (1 ± 2.i) .32 . - Sinon, on peut commencer par décomposer N (A)2 = A.A pour se ramener au cas précédent, mais ensuite il faut choisir les facteurs correspondant à une décomposition de A. Par exemple, A = 11 + 7.i donne A.A = 410 = 2.5.41 = (1 ± i) (2 ± i) (5 ± 4.i) , et après vérification, A = (1 + i) (2 − i) (5 + 4.i). 6-a) est une synthèse de ce qui précède. 6-b) s’en déduit en appliquant a) aux fecteurs premiers de la décomposition de n. 136 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) 1.6.6 Périodes et orbites : un exemple géométrique (L2) Ce T.D., inspiré de la 2eme composition CAPES 1987, est rédigé pour pouvoir être utilisé comme une étude préliminaire à la section consacrée aux actions de groupes. Par anticipation sur le chapitre 13, la fonction eit est supposée connue. Le plan est identifié à C par le choix d’un repère orthonormal (O; e1 , e2 ), C est le cercle de centre O de rayon 1, n est un entier naturel non nul, a1 = eiθ1 ,..,a/ n = eiθn sont des points de C tels que θk ∈ [0, 2π[ pour k = 1, .., n et θ1 < .. < θn . S = {a1 , .., an }, fS est la fonction définie sur R par fS (t) = eit − a1 ... eit − an , qui associe à un point m du cercle, le produit des distances de m aux ai . Il est clair que 2π est une période de fS , et que la plus petite période est fonction de la distribution des points ak . On s’intéresse donc aux périodes de fS . La figure ci-dessous montre, avec n = 4, et un choix aléatoire de points {a1 , .., a4 }, l’allure de la fonction fS (t) sur le segment [0, 2π]. Distinguons trois groupes en présence : - L’ensemble GS des périodes de fS est une partie non vide de R (contenant 0 et 2π), stable par addition et l’opposé d’une période est une période, donc GS est un sous groupe de (R, +), contenant 2πZ. - Le groupe G des rotations qui stabilisent S (ou, ce qui revient au même, le groupe des angles de ces rotations), qui agit naturellement sur S (au sens donné précédemment). rα désignera la rotation de centre O d’angle mesuré par le réel α. Ainsi, rα ∈ G ⇐⇒ rα (S) = S. - Le groupe des permutations des n éléments de S, identifié à Sn . Ce groupe est fini, d’ordre n!, et contient G comme sous-groupe (G est donc fini). Démontrer les propriétés suivantes. 1. L’application ϕ : α −→ rα de GS dans G est un morphisme de groupes, surjectif mais non injectif. Cette propriété sera obtenue comme conséquence lemme suivant. Un nombre réel α appartient à GS si et seulement si rα appartient à G. 2. Le groupe GS est de la forme GS = αs Z où αs est la plus petite période strictement positive de fS . De plus, sachant que GS contient 2π, ceci définit un entier pS par la relation 2π = pS αS . 3. G = I, rαS , r2αS , ..., r(pS −1)αS , donc G est d’ordre pS . 4. n est un multiple entier de pS . Section 6 137 Travaux dirigés Mettons en évidence le résultat suivant, conséquence de ce qui précède : Pour un élément choisi a/ k = eiθk dans S, les pS éléments de S distincts définis par r(ak ), lorsque r ∈ G définissent une partie de S appelée orbite de ak . C’est aussi l’orbite de chacun de ses éléments. Ceci conduit évidemment au cas particulier où G est d’ordre n (de manière équivalente, αS = 2π égale à S). n ou encore orbite unique ' ( 2π 2π Les éléments de S sont eiθ1 , ei(θ1 + n ) , ..., ei(θ1 +(n−1) n ) . C’est la définition (à une similitude près) d’un polynone régulier convexe. Inversement, si S est de cette forme, on a 2π 2π fS (t) = eiθ1 − eit ei(θ1 + n ) − eit ... ei(θ1 +(n−1) n ) − eit 2π = |X − 1| X − ei n ... X − e 2i(n−1)π n avec X = ei(t−θ1 ) = |X n − 1| , connaissant l’expression des racines n-ièmes de l’unité. On peut sans inconvénient supposer que θ1 = 0 par rotation du repère, de sorte que √ nt . fS (t) = eint − 1 = 2 − cos nt = 2 sin 2 2π 2π n est une période de fS , c’est la plus petite car aucune rotation d’angle α ∈ 0, n 2π n’applique a1 sur un point de S, il en résulte que αS = n . La situation précédente est évidemment la seule si n est un entier premier et pS > 1 (si pS = 1, G = {I} et αS = 2π). Supposons enfin que n n’est pas un entier premier et que pS > 1. Cherchons les configurations possibles pour S. La partition de S sous l’action de G comprend q = pnS orbites sur chacune des quelles le raisonement précédent s’applique. Chaque orbite est ainsi constituée de polygones convexes à pS sommets et fS (t) = |X1n − 1| |X2n − 1| ... Xqn − 1 , avec Xk = ei(t−θk ) , où θ 1 ,..,θk sont les angles polaires des générateurs de chaque orbite. Les figures suivantes correspondent, avec n = 6, aux cas où pS est successivement égal à 6, 3, 2, 1, c’est à dire aux périodes π3 , 2π 3 , π, 2π. 138 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Solution Propriété 1. L’application ϕ : α −→ rα de GS dans G est un morphisme de groupes, surjectif mais non injectif. Cette propriété est conséquence immédiate du lemme suivant. Lemme. Un nombre réel α appartient à GS si et seulement si rα appartient à G. Démonstration Commençons par établir les relations suivantes fS (t − α) = ei(t−α) − a1 ... ei(t−α) − an = ei(t−α) − eiθ1 ... ei(t−α) − eiθn = eit − ei(θ1 +α) ... eit − ei(θn −α) = frα (S) (t). Si α ∈ GS , alors −α ∈ GS , donc pour tout réel t, fS (t) = fS (t − α). ce qui donne frα (S) = fS , donc S = rα (S) (deux fonctions égales ont même ensemble de zéros). Inversement, si S = rα (S), alors fS = frα (S) , donc −α est une période de fS et α aussi. Propriété 2. Le groupe GS est de la forme GS = αs Z où αs est la plus petite période strictement positive de fS . De plus, sachant que GS contient 2π, ceci définit un entier pS par la relation 2π = pS αS . Démonstration Si α ∈ ]0, 2π[ est une période de fS , alors S = rα (S), donc rα (A1 ) = Aj pour un entier j convenable entre 2 et n, et par suite les mesures principales sont telles que α = θ j − θ1 . L’intersection GS ∩ ]0, 2π[ est donc un ensemble fini. Il résulte de la classification des sous-groupes de R que GS est discret et engendré par son plus petit élément positif non nul αS . Propriété 3. G = I, rαS , r2αS , ..., r(pS −1)αS , donc G est d’ordre pS . Démonstration Les pS rotations I, rαS , r2αS , ..., r(pS −1)αS appartiennent à G et sont distinctes. En effet, dans le cas contraire, il existerait un multiple qαS ∈ ker ϕ, avec q < pS , donc qαS < pS αS = 2π, ce qui n’est pas possible. De plus, la relation rpS αS = I montre que tout élément de G est de la forme indiquée. Ainsi, G est un groupe cyclique engendré par rαS . Section 7 Annexes 139 Propriété 4. n est un multiple entier de pS . Démonstration Cette propriété se démontre en regardant comment le groupe G opère sur l’ensemble S . Prenons un sommet. Les pS rotations de G transforment ce sommet en pS points distincts car une rotation autre que I n’a pas d’autres points fixes que le centre. Si cette opération épuise les éléments de S , alors pS = n. Sinon, on recommence avec un sommet qui n’est pas dans la liste précédente. On réalise (au bout d’un nombre fini d’étapes) une partition de S en sous-ensembles de même cardinal pS , de sorte que n est bien un multiple de pS . 1.7 Annexes 1.7.1 Comparaisons puissances/factorielles L’usage des factorielles pour les dénombrements pose le problème quantitatif du calcul approché et le problème qualitatif de la comparaison avec les exponentielles. Une réponse assez grossière à la première question est donnée au § - (Formule de Stirling). Cette annexe est une réponse à la deuxième question, en termes algébriques. Une première comparaison, de vérification immédiate, est donnée par l’encadrement suivant, pour tout entier naturel non nul. n ≤ n! ≤ nn . Une deuxième comparaison est donnée par le résultat suivant. Proposition 1.123 Pour tout entier naturel a > 1, il existe un entier p tel que an < n! pour n ≥ p. Démonstration Observons au préalable que p! ≤ pp ≤ ap pour tout entier p ≤ a. On doit donc chercher p > a. Etape 1 Soit A = {p > a, ap < p!}. Il s’agit de prouver d’abord la non vacuité de A. Avec p > a, on écrit p! = 1.2...(a − 1).a. (a + 1) ... (a + (p − a)) a+1 p = (a − 1)!a(p−a+1) 1. ... , a a d’où p! p > (a − 1)!a(1−a) . p a a aa Il en résulte que si p > (a−1)! , alors (a − 1)!a(1−a) ap > 1 et ap!p > 1. Etape 2 Notons p le plus petit élément de A. Pour tout n > p, la relation a < p < n donne an = ap .an−p < p!an−p < p!(p + 1)..n = n!. 1.7.2 Axiome du choix : complément La démonstration de la proposition 1-17 utilise un résultat admis au § 1-1-6, dont on trouvera ici la démonstration. Il s’agit du corollaire de la proposition suivante. 140 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Au préalable, quelques notations sont utiles. Soit X un ensemble non vide, A une partie non vide de X, et σ : P (X) → X une application. On dit qu’une famille A = (Ai )i∈I de parties de X vérifie la propriété P (A, σ) si 1) A ∈ A. 2) ∩i∈I Ai = A. 3) Ai ∪ {σ(Ai )} ∈ A pour tout i. 4) Pour toute partie J ⊂ I, si la sous-famille (Aj )j∈J est totalement ordonnée pour l’inclusion, alors ∪j∈J Aj ∈ A. Proposition 1.124 Avec les données précédentes, il existe i0 ∈ I tel que σ (Ai0 ) ∈ Ai0 . La démonstration est une succession d’étapes. Etape 1 L’intersection des sous-familles de A qui vérifient P (A, σ) est une famille B de parties de X qui vérifie la propriété P (A, σ). Démonstration B = (Ak )k∈K est une famille de parties de X appartenant à toutes les sous-familles de A qui vérifient P (A, σ). La propriété A ∈ B est évidemment vérifiée. L’égalité ∩j∈J Aj = A est vérifiée pour toutes les sous-familles (Aj )j∈J de A qui vérifient P (A, σ), donc A est inclus dans leur intersection, et inversement puisque A ∈ B. Ak ∪ {σ(Ak )} ∈ B pour tout k, sachant que Ak ∪ {σ(Ak )} appartient à chacune des sous familles d’intersection B. Enfin, pour toute partie L ⊂ K, si la sous-famille (Al )l∈L est totalement ordonnée pour l’inclusion, alors ∪l∈L Al ∈ B sachant que cette réunion appartient à chacune des sous familles d’intersection B. Etape 2 Si B est totalement ordonnée pour l’inclusion, alors la proposition est démontrée. En effet, la réunion des éléments de B est un élément B ∈ B d’après la propriété (4), donc B ∪ {σ(B)} ⊂ B, et par suite σ (B) ∈ B. Etape 3 Le fait que B soit totalement ordonné s’obtient en deux étapes. La première s’énonce ainsi. Supposons qu’il existe un élément B ∈ B comparable à tout élément C ∈ B, c’est à dire B ⊂ C ou C ⊂ B. Posons f (B) = B∪{σ(B)} et notons CB l’ensemble des éléments C ∈ B tels que C ⊂ B ou f(B) ⊂ C. Alors, CB = B. En effet, CB ⊂ B par définition, et l’inclusion inverse s’obtient en prouvant que CB (qui est une sous famille de A) vérifie P (A, σ). On a successivement (1) A ∈ CB car A ⊂ B sachant que A est l’intersection des éléments de B (propriété (2)). (2) De l’inclusion CB ⊂ B on déduit que (∩C∈CB C) ⊃ (∩B∈B B) = A. D’autre part A ∈ CB donne (∩C∈CB C) ⊂ A. (3) Soit C ∈ CB . Alors, C ⊂ B ou f(B) ⊂ C. - Si f (B) ⊂ C, alors f (B) ⊂ C ⊂ f (C) donc f (C) ∈ CB . - Si C ⊂ B, distinguons les cas σ(C) ∈ B auquel cas f(C) ⊂ B donc f (C) ∈ CB , et σ(C) ∈ / B auquel cas on a besoin du fait que f (C) ∈ B d’après la propriété (3), donc f (C) est comparable à B, et par suite, la seule inclusion possible est B ⊂ f (C), soit C ⊂ B ⊂ C ∪ {σ(C)}, ce qui entraine C = B, donc f (C) ∈ CB . (4) Soit (Dk )k∈K une sous famille de CB totalement ordonnée, alors Dk ⊂ B ou f(B) ⊂ Dk pour tout k. Section 7 Annexes 141 Dans le premier cas, ∪k Dk ⊂ B, donc ∪k Dk ∈ CB . Dans le deuxième cas, f (B) ⊂ ∪k Dk , et ∪k Dk ∈ CB . Etape 4 On en déduit que B est totalement ordonné en prenant B1 égal à l’ensemble des éléments de B comparables à tous les éléments de B. Il suffit de vérifier que B ⊂ B1 , et pour cela, il suffit de prouver que B1 vérifie la propriété P (A, σ). (1) A ⊂ B pour tout élément B ∈ B donc A ∈ B1 . (2) L’intersection des éléments de B1 contient l’intersection des éléments de B sachant que B1 ⊂ B et l’intersection des éléments de B est A. D’autre part, A ∈ B1 entraine que l’intersection des éléments de B1 est contenue dans A. (3) Si B ∈ B1 , alors f (B) ∈ B1 . En effet, si C ∈ B, on a C ⊂ B ou C ⊃ f (B) d’après l’étape 3, donc C ⊂ f(B) ou C ⊃ f(B), ce qui prouve que f (B) ∈ B1 . (4) Toute sous famille de B1 totalement ordonnée a une réunion dans B1 . Corollaire 1.125 Soit (X, ) un ensemble ordonné tel que toute partie non vide B totalement ordonnée de X possède une borne supérieure sup B. Soit ϕ : X → X une application telle que ϕ (x) x pour tout x ∈ X. Alors, il existe a ∈ X tel que ϕ (a) = a. Démonstration Un élément x0 ∈ X étant fixé, considérons la famille A = (Ai )i∈I de toutes les parties de X contenant x0 et totalement ordonnées par l’ordre induit, et l’application σ : A → X définie par σ(Ai ) = ϕ (ai ) si Ai possède un plus grand élément ai , et σ(Ai ) = sup Ai sinon. Si l’on prouve que cette famille vérifie la propriété P ({x0 } , σ), alors la proposition montre qu’il existe i0 tel que σ(Ai0 ) ∈ Ai0 , et par suite Ai0 possède un plus grand élément a0 , donc ϕ (a0 ) = σ(Ai0 ) ∈ Ai0 , c’est à dire a0 ϕ (a0 ), d’où ϕ (a0 ) = a0 sachant que ϕ (a0 ) a0 . Reste à vérifier la propriété P ({x0 } , σ) pour A, c’est un bon exercice de compréhension. 1.7.3 Cardinaux infinis Pour les ensembles finis, les cardinaux fournissent un instrument commode de classification par la “taille” représentée par le cardinal. Pour les ensembles infinis, on peut décider que le cardinal est une classe d’équivalence par l’équipotence, mais l’existence de bijections entre un ensemble X et certaines parties strictes de X complique l“ordre” des cardinaux. Une théorie (dite des ordinaux) se substitue aux cardinaux, mais elle est plus abstraite. On va se limiter à quelques faits qui suggèrent le rôle joué par P (X). Proposition 1.126 Pour tout ensemble X, il n’existe pas d’application injective f : P (X) → X, et il n’exite pas d’application surjective g : X → P (X). Démonstration Supposons qu’il existe une application surjective g : X → P (X), et soit A la partie de X définie par A = {x ∈ X, x ∈ / g(x)}. Il existe a ∈ X tel que A = g(a). Alors, la relation a ∈ A équivaut à a ∈ / A, ce qui est contradictoire. Supposons qu’il existe une application injective f : P (X) → X. On définit une application ϕ : X → P (X) en associant à tout x ∈ X l’intersection des parties Y de X telles que f (Y ) = x s’il en existe et ∅ sinon. 142 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Alors, pour tout Z ∈ P (X), (ϕ ◦ f) (Z) est l’intersection des parties Y de X telles que f(Y ) = f (Z) c’est à dire f(Z) puisque f est injective. Il s’en suit que ϕ ◦ f = IP(X) et ϕ est surjective (Prop. 1-19), ce qui contredit le résultat précédent. P (X) n’est donc jamais équipotent à X, en particulier, P (N) est non dénombrable. On observe que si X est non vide, il existe toujours une injection de X dans P (X). Il suffit de prendre x −→ {x}. D’autre part, P (∅) = {∅}. D’autre part, cette proposition montre que “l’ensemble” des ensembles n’existe pas. Supposons en effet qu’il existe un ensemble X dont les éléments sont les ensembles, de sorte que X ∈ X. A défaut d’une codification des propriétés ensemblistes dans ce chapitre, on ne peut conclure que cette écriture est dépourvue de sens. Par contre, on peut dire que pour toute partie Y de X, on a Y ⊂ X et Y ∈ X, ce qui prouve que P (X) ⊂ X contrairement à la proposition. 1.7.4 Réciprocité quadratique On rappelle les notations du § 1-7-4-2. Soit n un entier naturel, p un entier premier plus grand que 2, a la classe d’équivalence de n modulo p, Gp le groupe multiplicatif (Z/pZ)∗ , de cardinal pair p − 1, dont les éléments sont notés {1, 2, .., p − 1}. Le symbole de Legendre np est défini ainsi. 0 si n est divisible par p n = +1 si a est un carré dans Gp p −1 sinon. Si n p = 1, on dit que n est résidu quadratique de p. On a vu au § 1-7-4-2 une expression de np (Critère d’Euler). Legendre a énoncé en 1785 la propriété suivante, appelée Loi de réciprocité quadratique, selon laquelle, si p et q sont deux nombres premiers impairs, p−1 q−1 q p . = (−1) 2 . 2 . q p La démonstration de Legendre était incomplète, deux démonstrations complètes dûes à Gauss et Jacobi ont été produites par Legendre dans la quatrième édition de son Essai sur la Théorie des Nombres en 1798. La démonstration produite ici est adaptée de la présentation par Jean Itard (Les nombres premiers, Que sais-je N◦ 571 , P.U.F. 1975) d’une démonstration plus récente (H. Reichardt, 1958). Etape 1. On associe à chaque élément a ∈ Gp la translation γ a : Gp → Gp définie par γ a (x) = a.x, et l’on établit une caractérisation du caractère quadradique de a à l’aide de la parité de la permutation γ a , c’est à dire la signature ε (γ a ). Selon la Proposition 1-91, et sachant que p − 1 est un entier pair, ε (γ a ) = (−1)p−1−q = (−1)q où q est le nombre de cycles de la décomposition de γ a en produit de cycles à supports disjoints. 1 2 ... p−1 A partir de γ a = , les cycles s’obtiennent en écrivant d’abord a 2.a ... (p − 1).a 1 a ... ad−1 où d est l’ordre de a dans Gp (ordre du sousa a2 ... 1 groupe cyclique (a)), puis avec les itérés des éléments qui n’appartiennent pas à ce cycle, de les itérés successifs Section 7 143 Annexes k k.a ... k.ad−1 . k.a k.a2 ... k On voit que les cycles de la décomposition sont de même longueur d. Mais l’ordre d de a divise l’ordre p − 1 de Gp (Corollaire 1-67), le nombre de cycles est donc q = p−1 d . Finalement, γ a est une permutation paire si et seulement si q est pair, c’est à dire d dip−1 2 viseur de p−1 = 1, et le Critère d’Euler permet 2 . Par définition de d, cela s’écrit aussi a d’affirmer que a est un carré dans Gp si et seulement si la permutation γ a est paire. la forme Etape 2. Pour utiliser ce critère, on calcule la signature ε (γ a ) en revenant à la définition (Def. 1-98). Calculer le nombre d’inversions suppose que l’on ait indexé les éléments de Gp . Il est p−1 commode d’écrire Z/pZ = − p−1 au lieu de {O, 1, .., p}, et d’ordonner 2 , .., −1, 0, 1, .., 2 ainsi les éléments du corps p−1 p−3 p−3 p−1 − <− < .. < −1 < 0 < 1 < ... < < . 2 2 2 2 Une inversion sera donc caractérisée par les deux conditions x < y et γ a (x) > γ a (y), soit a.x > a.y. En fait, bien que cet ordre ne soit pas compatible avec le produit du groupe Gp , les relations x < y et −y < −x sont équivalentes. Il en résulte que la parité du nombre d’inversions est donnée par le cardinal de l’ensemble I des x ∈ Gp tels que x > 0 et a.x < 0, puisque si x < y présentent une inversion, il en est de même de −x et −y. Finalement, ε (γ a ) = (−1)|I| . Etape 3. Un Lemme de Gauss exprime cela en termes de “restes minimaux”. Dans le décompte précédent, la condition a.x < 0 s’entend au sens du produit des classes p−1 modulo p, exprimé par le représentant compris entre − p−1 2 et 2 , non entre 1 et p − 1. L’entier a.x n’étant pas un multiple de p, cela signifie que si r(x) est le reste dans la division euclidienne de a.x (vu comme entier) par p, on pose r′ (x) = r(x) si le reste est compris p+1 ′ entre 1 et p−1 2 , et r (x) = r(x) − p si r(x) ∈ 2 ,p − 1 . 2 Exemple 1.34 17 . x > 0 signifie x ∈ {1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8}. La classe de 2.x modulo 17 est négative dans les cas suivants x 5 6 7 8 , ce qui donne |I| = 4, et donc ε (γ 2 ) = 1. Le critère 2.x −7 −5 −3 −2 d’Euler donnerait de même 28 ≡ 1. Par ailleurs, un calcul direct des carrés des éléments de G17 donne 2 ≡ 62 ≡ 112 . (Lemme de Gauss) p−3 |I| est le nombre de restes minimaux r′ (x) appartenant à − p−1 2 < − 2 < .. < −1 dans la division de a.x par p, pour x ∈ 1, .., p−1 . 2 Etape 4. Evaluation de Pour q p p q . q p . |I| = (−1) , en écrivant la division euclidienne q.x = p.y(x) + r(x) − p, on voit que l’entier y(x) doit vérifier − p2 < q.x − p.y(x) < 0. 144 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) D’une part, y(x) ≥ 1, d’autre part p p−1 p q−1 q ≤q + =p +p− 2 2 2 2 2 q−1 q q−1 y(x) < +1− donc y(x) ≤ . 2 2p 2 Les points (x, y(x)) définissant I sont inscrits dans le rectangle R = 1, .., q−1 , avec − p2 < q.x − p.y(x) < 0. 2 p.y(x) < q.x + Pour p q 1, .., p−1 2 × = (−1)|J| , le raisonnement précédent montre que les points (x, y(x)) définis- × 1, .., p−1 , avec − q2 < p.x−q.y(x) < 0. sant J sont inscrits dans le rectangle 1, .., q−1 2 2 La symétrie par rapport à la diagonale qui échange x et y représente ces points par un ensemble J ′ inscrits dans le rectangle R, avec − 2q < p.y(x) − q.x < 0, soit 0 < q.x − p.y(x) < q2 . q+1 Le centre C p+1 de R est centre de symétrie du complémentaire dans R de la 4 , 4 ′ réunion disjointe I ∪ J , formé des points à coordonnées entières (x, y) ∈ R, tels que p q ≤ q.x − p.y ou q.x − p.y ≤ − 2 2 En effet, cette symétrie s’écrit (x, y) −→ x′ = p+1 − x, y ′ = q+1 2 2 − y . Si (x, y) ∈ ′ R\ (I ∪ J ), alors q−p p q q.x′ − p.y ′ = − (q.x − p.y) ≤ − ou ≥ . 2 2 2 Ce complémentaire est donc de cardinal pair, il s’en suit que p−1 q−1 ′ (−1)|I|+|J | = (−1)|I|+|J| = (−1)|R| = (−1) 2 . 2 . 1.7.5 Table de Pythagore du groupe S4 Chacun des éléments σ1 ,..,σ 24 du groupe S4 est représenté par la liste des transformés de 1, 2, 3, 4 dans cet ordre. σ 1 = (1, 2, 3, 4), σ 2 = (2, 1, 4, 3), σ3 = (3, 4, 1, 2), σ4 = (4, 3, 2, 1), σ 5 = (1, 3, 4, 2), σ 6 = (1, 4, 2, 3), σ7 = (2, 3, 1, 4), σ8 = (2, 4, 3, 1), σ9 = (3, 2, 4, 1), σ10 = (3, 1, 2, 4), σ11 = (4, 1, 3, 2), σ 12 = (4, 2, 1, 3), σ13 = (2, 1, 3, 4), σ 14 = (2, 3, 4, 1), σ15 = (2, 4, 1, 3), σ16 = (3, 1, 4, 2), σ17 = (3, 2, 1, 4), σ 18 = (3, 4, 2, 1), σ19 = (4, 1, 2, 3), σ20 = (4, 2, 3, 1), σ21 = (4, 3, 1, 2), σ 22 = (1, 2, 4, 3), σ23 = (1, 3, 2, 4), σ24 = (1, 4, 3, 2). σ1 ,..,σ12 sont les éléments du sous-groupe A4 . L’élément σ i ◦ σj est placé en ligne i, colonne j. Section 7 Annexes 145 1.7.6 Un groupe simple Un groupe fini d’ordre premier n’admet pas de sous-groupe non trivial (Corollaire 1-67). Un groupe fini sans sous-groupe distingué non trivial n’admet pas de groupe quotient. Définition 1.119 Un groupe G non réduit à l’élément neutre est simple s’il n’admet pas de sous-groupe distingué non trivial. On complète ici l’étude des groupes symétriques en précisant quelques propriétés des groupes alternés, ceci donne un exemple de groupe simple. Un autre exemple est fourni par la proposition 3-68. A3 est un groupe commutatif et les classes de conjugaison sont réduites à un élément. Dans A4 , on a huit cycles de longueur 3 (§ 1-4-4-2). Si ces cycles étaient conjugués, on aurait une orbite de cardinal 8 qui n’est pas diviseur de |A4 | = 12, ce qui est impossible (Prop. 1-84). A4 n’est donc pas simple. Un autre argument est donné par l’exemple 1-19. Proposition 1.127 Pour n ≥ 5, le groupe An est simple. Démonstration Dans une première étape, on prouve que tous les 3-cycles sont conjugués dans An . D’une part, si l’on prend deux listes a1 , .., an−2 et b1 , .., bn−2 d’entiers distincts deux à deux compris entre 1 et n, il existe σ ∈ An tel que σ(ai ) = bi pour i = 1, .., n − 2. En effet, si σ ∈ Sn est une permutation qui vérifie ces conditions, ou bien σ est paire, ou bien σ est impaire et il suffit de la composer avec la transposition qui échange les deux éléments de ]n] qui n’appartiennent pas à {a1 , .., an−2 }. D’autre part, il s’en suit que deux 3-cycles sont conjugués dans An en appliquant le même raisonnement que dans la démonstration de la proposition 1-94. 146 Chapitre 1 Structures algébriques élémentaires (P. Aimé, 07/2016) Dans une deuxième étape, on démontre que tout sous groupe non trivial H de An contient un 3-cycle (ce qui achève la démonstration sachant que An est engendré par les 3-cycles, et en appliquant la proposition 1-94). Soit σ ∈ H, distinguons les cas suivants. Cas 1. σ contient un cycle de longueur l ≥ 4. Compte tenu de la proposition 1-94, on peut écrire σ = σ1 ◦ s, avec σ1 = (1 2 3 4 ..l) ∈ H, et s ∈ H, à support disjoint de σ1 . Si σ0 = (1 2 4), alors σ′1 = σ0 ◦ σ1 = (2 3 1 4 5..l), et σ ′ = σ ′1 ◦ s ∈ H puisque σ et σ′ ont la même formule. Il en résulte que σ ′ ◦ σ −1 = σ′1 ◦ s ◦ s−1 ◦ σ −1 1 = σ 0 ∈ H, donc H contient un 3-cycle. Cas 2. σ contient au moins un 3-cycle s, et n’est pas un 3-cycle. Alors, il existe une transpostion τ ou un 3-cycle s′ tel que σ = s ◦ τ ◦ σ ′ , ou σ = s ◦ s′ ◦ σ′′ , avec σ′ et σ ′′ permutations, les supports des termes de ces décompositions de σ étant disjoints. Sinon on est dans le cas précédent. Evidemment, pour n = 5 la seule éventualité est σ = s ◦ τ ◦ σ ′ . Il est toujours possible de réindexer l’ensemble ]n] en conservant la formule, ce qui permet d’écrire (i) σ = (1 2 3) ◦ (4 5) ◦ σ′ ou (ii) σ = (1 2 3) ◦ (4 5 6) ◦ σ ′′ . Pour (i), on introduit la permutation σ1 = (2 1 4) ◦ (3 5) ◦ σ ′ de même formmule que σ donc élément de H, et l’on a σ1 ◦ σ −1 = (2 1 4) ◦ (3 5) ◦ (4 5) ◦ (1 2 3)−1 = (2 1 4) ◦ (3 5) ◦ (4 5) ◦ (1 3 2) = (1 5 2 4 3) ∈ H. Pour (ii), on introduit σ2 = (2 1 4) ◦ (3 5 6) ◦ σ ′′ , et σ 2 ◦ σ −1 = (2 1 4) ◦ (3 5 6) ◦ (4 5 6)−1 ◦ (1 2 3)−1 = (2 1 4) ◦ (3 5 6) ◦ (4 6 5) ◦ (1 3 2) = (1 5 2 4 3) ∈ H. Il en résulte que H contient un 5-cycle, ce qui ramène au Cas 1. Cas 3. σ ne contient que des transpositions (en nombre impair). Avec les mêmes arguments, on peut écrire σ = (1 2) ◦ (3 4) ◦ s, et prendre σ1 = (3 5) ◦ (1 2) ◦ s, qui appartient à H, d’où σ ◦ σ−1 1 = (1 2) ◦ (3 4) ◦ (1 2) ◦ (3 5) = (3 5 4) ∈ H. Ainsi, H contient un 3-cycle dans tous les cas. 1.7.7 Algorithme d’Euclide-Bezout (Voir le fichier ci-joint) 147 Index élément inversible, symétrique, 13 élément neutre, 13 élément régulier, 13 équation des classes, 93 équipotents (ensembles), 20 équivalence (relation, classe), 29 équivariante (application), 87 étrangers (entiers), 58 action de groupe, 87 action effective ou fidèle, 88 action libre, 92 action simplement transitive, 89 action transitive, 90 addition (des entiers), 14 addition (des nombres réels), 112 anneau, 49 anneau de Boole, 52 anneau ordonné, 54 antécédent, 4 application, 5 application induite, 5 archimédien (groupe ordonné), 48 Archimède (propriété), 18 arrangements, 31 assertion, 10 Bachet-Bezout (relation), 57 bergers (principe), 30 bijective (application), 7 bon ordre, 16 borne supérieure, inférieure, 17 but, 5 caractéristique (fonction), 8 cardinal, 20 Cayley (théorème), 89 centre (d’un groupe), 46 chaîne, 25 chiffre, 23 classe modulo un sous-groupe, 67 collectivisnt (prédicat), 10 combinaisons, 31 commutatif (anneau), 49 comparables (éléments), 15 compatible (application), 29 compatible (ordre), 16 compatible (relation), 70 compatible à gauche, à droite (relation), 66 composée (application), 5 congru, 64 conjugaison (action), 91, 100 conjuguées (permutations), 42 corps des fractions, 104 corps ordonné, 54 corps, corps commutatif, 50 croissante, décroissante (application), 17 cycle de longueur l, 37 cyclique (groupe), 76 décimal (développement), décimales, 107 décimale (valeur approchée), 107 décimales (d’un nombre réel), 109 dénombrable (ensemble), 22 développement décimal illimité, 109 développement en base b, 24 demi-groupe, 13 dense (groupe), 105 diagonal (procédé), 23 diagramme commutatif, 5 différence, 18 différence symétrique, 52 distingué (sous-groupe), 69 divise, divisible, diviseur, 56 division euclidienne, 18, 55 endomorphisme (de groupe ordonné), 128 ensemble d’arrivée, 5 ensemble de définition, 5 entier naturel, 9 entiers de Gauss, 133 entiers relatifs, 42 espace homogène, 90 Euclide (algorithme), 60 Euler (critère), 129 Euler (formule), 78 Euler (indicateur), 77 exponentielle, 15 exponentielle entière de base a, 121 exponentielle rationnelle de base a, 121 extension (de corps), 51 factorisation (d’une application), 5 famille, 6 Fermat (petit théorème), 78 fibre, 4, 7 fini (ensemble), 20 fonction, 5 fonction de choix, 26 formule (d’une permutation), 96 fraction, écriture fractionnaire, 103 générateurs d’un groupe, 45 Gauss (théorème), 58 graphe fonctionnel, 4 148 groupe, 35 groupe alterné, 99 groupe engendré, 45 groupe ordonné, 48 groupe parfait, 108 groupe produit, 37 groupe quotient, 70 groupe simple, 145 groupe symétrique d’un ensemble, 36 Index opération interne, 13 opère (permutation), 93 orbite (d’une action), 88 ordonné (ensemble), 16 ordonné (monoïde), 16 ordre (d’un groupe), 35 ordre d’un élément, 74 ordre fini (élément d’), 74 ordre lexicographique, 19, 110 ordre naturel, 18 hérédité, 10 image, 4 impropre (développement décimal), 109 indexation, 6, 11, 20 indice (d’un sous-groupe), 68 inductif, strictement inductif, 26 infini (ensemble), 20 initialisation, 10 injective (application), 7 intérieur (automorphisme), 69 intègre (anneau), 53 intervalle, 19 inversion (permutation), 98 isomorphisme de groupes, 39 Klein (groupe), 40 Lagrange (théorème), 68 liste, 20 majorant, minorant, 16 maximal, minimal (élément), 17 monoïde, 13 monogène (groupe), 76 morphisme (de groupes ordonnés), 48 morphisme d’anneaux, 50 morphisme de corps, 50 morphisme de groupes, 39 morphisme de monoïdes, 38 multiple, 56 multiplication (des entiers), 14 multiplication (des nombres réels), 117 Newton (binôme), 52 nombre d’éléments, 20 nombre décimal, 106 nombre réel, 109 nombre rationnel, 104 non trivial (sous-groupe), 43 normal (sous-groupe), 69 normalisateur (sous-groupe), 132 noyau, 40 numération, 23 opération associative, 13 opération commutative, 13 opération distributive, 13 partie entière (d’un nombre décimal), 105 partie entière (d’un nombre réel), 111 partition, 29 permutation circulaire, 37 permutation paire, impaire, 99 permutations, 36 pgcd, 58 plus grand (plus petit) élément, 16 ppcm, 59 pré-image, 5 prédicat, 10 premier (nombre), 56 premiers entre eux, 58 primaire (entier), 56 produit (des entiers), 14 produit (des nombres réels), 117 produit semi-direct (groupe), 74 puissance, 15 quotient, 55 quotient (ensemble, passage au), 32 réciproque (application), 28 récurrence (Principe), 9 récursion (principe), 11 réflexive (relation), 29 réflexivité, 16 réticulé (ensemble), 17 règle des signes, 54 racine n-ième, 120 racine primitive de l’unité, 84 relation, 15 relation d’ordre, 16 représentant irréductible, 105 respect (des opérations), 38 reste, 55 restriction (d’une application), 5 section, 5 segment initial, 25 signature d’une permutation, 98 somme d’une famille d’ensembles, 7 source, 5 sous-anneau, 51 sous-corps, 51 sous-groupe, 43 stabilisateur (sous-groupe d’isotropie), 90 149 stable (sous-ensemble), 5 successeur, 9 suite, 11 suite géométrique, 119 suites récurrentes, 12 support (d’une permutation), 93 surjective (application), 7 symétrie, 16 symétrique (relation), 29 symétrisé, 42 transitivité, 16 translations dans un groupe, 36 transport de structure, 51 transposition, 36, 37 treillis, 17 triangle de Pascal, 31 type fini (groupe), 76 table de Pythagore, 35 tiroirs (principe), 20 torsion (élément de), 74 total (ordre), 16 transformé, 4 transitive (relation), 29 valeur absolue, 54 valeur décimale approchée, 111 unités (groupe des), 50 unitaire (anneau), unité, 49 Wilson (théorème), 78 zéro, 9