CARDIOLOGIE
20 ADOLESCENCE & Médecine • Décembre 2015 • numéro 10
représentée sur l’ECG par l’intervalle
QTc, s’allonge. Cette durée varie d’une
couche myocardique à l’autre, on parle
de dispersion transmurale. Cette hété-
rogénéité de repolarisation fera le lit des
troubles du rythme ventriculaire dans
certaines conditions.
Il est recensé plusieurs sous-types de
SQTL qui se distinguent les uns des
autres par le type de gène muté. À ce
jour, plusieurs centaines de mutations
ont été décrites sur 16 gènes diffé-
rents (7). Le mode de transmission le
plus fréquent est autosomique domi-
nant (syndrome de Romano-Ward).
La forme récessive, plus rare, est l’une
des formes les plus sévères du SQTL,
elle s’associe à une surdité congénitale
neuro-sensorielle bilatérale (syndrome
de Jervell et Lange-Nielssen). Parmi les
mutations retrouvées chez les patients
atteints de SQTL, 90 % concernent les
gènes KCNQ1 (LQT1), KCNH2 (LQT2)
et SCN5A (LQT3) (8). Une mutation gé-
nétique est décelée chez 70 à 75 % des
cas de SQTL, dont le score diagnostique
de Schwartz est ≥ 4 (9). Dans approxi-
mativement 20 à 25 % des cas, aucune
mutation n’est retrouvée sur les gènes
actuellement étudiés dans le SQTL.
CRITÈRES CLINIQUES
Les symptômes se manifestent généra-
lement entre la préadolescence et la
phase adulte. La survenue de torsades
de pointes pouvant se dégrader en fi-
brillation ventriculaire peut être à l’ori-
gine de syncopes, voire de mort subite
(1 à 3 %) (10). Ces pertes de connais-
sances surviennent dans un contexte
d’effort physique, d’émotion, de stress
ou de repos. Lorsque les syncopes se
prolongent, elles peuvent s’accompa-
gner de convulsions qui peuvent être
attribuées à un diagnostic erroné de
comitialité. Dans d’autres cas, il n’est
pas rare que les patients reçoivent à
tort, un diagnostic de malaise vagal, ce
qui bien souvent entraîne un retard de
prise en charge.
Le QT corrigé par la fréquence car-
diaque (QTc) est classiquement
mesuré dans les dérivations D2 et V5
selon la formule de Bazett (QT/√RR).
Il est considéré comme allongé
lorsqu’il est supérieur à 440 msec chez
l’homme et 460 msec chez la femme.
D’après les dernières recommanda-
tions européennes, un QTc ≥ 480 msec
est retenu pour le diagnostic de SQTL
(11). L’identification du phénotype est
rendue complexe par la variabilité in-
tra-individuelle de la longueur du QTc
dans le temps. Il est donc nécessaire
de répéter les ECG chez les patients
chez qui il est suspecté un SQTL.
Dans le SQTL1, l’onde T est mono-
phasique avec une base élargie. Dans
le SQTL2, l’onde T est de faible ampli-
tude. Dans le SQTL3, l’intervalle QTc
est très allongé avec une onde T tar-
dive et de grande amplitude (Fig. 4).
La morphologie de l’onde T doit aussi
être analysée, il a été décrit un possible
crochetage de l’onde T (12), voire une
alternance des ondes T (13) (Fig. 5). Il
n’est pas rare de retrouver une brady-
cardie sinusale, en particulier chez les
enfants, ou un bloc auriculo-ventricu-
laire associé notamment chez les nou-
veau-nés atteints de SQTL.
Les circonstances de survenue d’évène-
ments cardiaques varient d’une forme à
l’autre de SQTL. Dans le SQTL1, le mode
de déclenchement est dominé par
l’effort physique (typiquement respon-
sable de noyade durant la natation) ou
le stress émotionnel (14). Dans le SQTL2,
les troubles du rythme peuvent survenir
lors d’une stimulation auditive (sonne-
rie de téléphone, bruit du réveil…), à
l’émotion, ou lors d’un réveil nocturne
(15). Dans le SQTL3, les symptômes sur-
viennent la nuit ou au repos (14).
La probabilité pré-test d’avoir un
SQTL chez un individu tout venant est
de 1/2 000, et peut aller jusqu’à 50 %
si un apparenté du premier degré a
été diagnostiqué comme génétique-
ment atteint. L’analyse de l’ECG seule
ne permet pas de poser le diagnostic
de SQTL. L’intervalle QTc dépend de
l’âge et du sexe. Il existe, par ailleurs,
une grande variabilité interindivi-
duelle, avec une dispersion de la durée
de l’intervalle QTc d’un individu à un
autre. Les courbes de distribution d’in-
tervalle QTc entre les sujets sains et les
sujets atteints se chevauchent (16).
L’évaluation d’un patient suspect de
SQTL débute par l’analyse des anté-
cédents personnels, et familiaux (avec
enquête généalogique). Il est important
de détailler les conditions précises des
pertes de connaissance, de rechercher
une mort subite inexpliquée dans la
famille. Ces éléments permettent d’ap-
précier la probabilité de SQTL devant
Figure 4 - Morphotypes de l’onde T dans le SQTL.
Figure 5 – En haut, alternance de l’onde T
chez un enfant de 2 ans porteur d’un SQTL
et ayant présenté plusieurs ACR. En bas,
encoches sur l’onde T (12, 13).