n° 12 : fiche pratique I. Denjoy*, A. Leenhardt* Sous la responsabilité de ses auteurs Syndrome du QT long congénital L sont les formes LQT1, LQT2 et LQT3. Certaines caractéristiques cliniques telles que la morphologie de l’onde T, la réponse de l’intervalle QT lors de l’effort, les facteurs déclenchants des troubles du rythme et la réponse au traitement peuvent être influencés par le gène en cause. Le caractère familial et génétique du SQTL doit conduire tous les membres de la famille, y compris les enfants, à consulter un cardiologue spécialisé, de façon à porter un diagnostic et à instaurer une prise en charge précoce et adaptée. Les différentes dimensions de l’impact d’un test génétique et du diagnostic de SQTL doivent être reconnues et prises en compte, dans le cadre d’une approche multidisciplinaire. La mise en place de centres nationaux de référence et de centres régionaux de compétence pour les maladies rythmiques héréditaires devrait permettre d’améliorer la prise en charge cardiologique et génétique de cette pathologie. Figure. ECG typique d’un QT long. C Liens d’intérêts. Isabelle Denjoy déclare avoir des liens d’intérêts avec les laboratoires MEDA. F * Service de cardiologie, centre de référence maladies cardiaques héréditaires, hôpital Bichat, Paris. I H E À D É T A C H E R e syndrome du QT long congénital (SQTL) est caractérisé par une anomalie de la repolarisation ventriculaire sur l’électrocardiogramme (ECG) de surface (QTc allongé supérieur à 440 ms) [figure], associée à un risque significatif de syncope ou de mort subite (MS) dues à des torsades de pointes ou à une fibrillation ventriculaire (1, 2). L’exercice physique ou le stress émotionnel sont des facteurs déclenchants fréquents de ces événements rythmiques. Le caractère familial et l’origine génétique sont connus depuis de nombreuses années. Douze gènes ont été identifiés, avec plusieurs centaines de mutations connues et répertoriées. La prévalence du syndrome est estimée à 1 sur 2 000 et la transmission obéit dans la majorité des cas à un modèle autosomique dominant. Les anomalies génétiques permettent de classer le SQTL en plusieurs sous-types, dont les plus fréquents concernent 3 gènes impliqués dans la repolarisation ventriculaire : ce La Lettre du Cardiologue • n° 457 - septembre 2012 | I Niveau de preuve Commentaires Contre-indication de participation à la compétition sportive Niveau I Concerne également les patients dont le diagnostic a été établi au cours d’un bilan génétique familial Traitement bêtabloquant Niveau I Concerne les patients dont l’intervalle QTc est supérieur à 440 ms Concerne les patients ayant un intervalle QTc normal Patients avec mort subite récupérée Niveau IIA Patients avec syncopes sous bêtabloquants Niveau IIB Prévention primaire chez les patients ayant un intervalle QTc supérieur à 500 ms et une forme LQT2 ou LQT3 Diagnostic Stratification du risque Le SQTL doit être évoqué à l’occasion de la survenue d’une syncope ou d’un arrêt cardiaque chez un sujet jeune, y compris au cours de la petite enfance, ayant par ailleurs un cœur sain. Ces syncopes s’accompagnent parfois de convulsions pouvant faire poser à tort le diagnostic d’épilepsie. Ces accidents cardiaques surviennent typiquement dans un contexte de stimulation adrénergique (effort, émotion) ou à l’occasion de la prise d'un médicament allongeant la repolarisation. Le diagnostic peut aussi être posé à l’occasion de bilans familiaux devant un ECG montrant un intervalle QTc supérieur à 440 ms. L’ECG obtenu au repos en 12 dérivations est l’examen clé du diagnostic. L’allongement du QT est associé à des anomalies de morphologie de l’onde T, variables selon les gènes en cause. Il est parfois difficile d’établir avec certitude le diagnostic sur un simple ECG. Dans ce cas, l’enregistrement holter avec la mesure de l’intervalle QT sur des périodes de rythme cardiaque stable à 60 bpm ainsi que l’analyse de la morphologie de l’onde T permettent de poser le diagnostic. La réalisation d’une épreuve d’effort avec la mesure d’un intervalle QTc supérieur à 440 ms à la quatrième minute de récupération est également un élément diagnostique. Le recueil de l’histoire familiale est essentiel, à la recherche de syncope, d’antécédent de MS, de noyade, ou de MS inexpliquée du nourrisson. Plusieurs paramètres sont associés à un mauvais pronostic, c’est-à-dire à la survenue de troubles du rythme ventriculaire graves : la forme génétique, le type de mutation, la durée de l’intervalle QTc, le sexe et l’âge. E H Toute activité de compétition est contre-indiquée. Cette recommandation concerne également les patients asymptomatiques, diagnostiqués sur l’ECG ou au cours d’un bilan familial génétique. Certaines pratiques sportives de loisirs peuvent être autorisées, sous couvert d’un traitement bêtabloquant, conformément aux recommandations publiées. ■ R Activités sportives À D Le diagnostic de SQTL reste avant tout clinique et l’identification d’une mutation chez les sujets atteints permet de le confirmer. Si la mutation familiale est connue, elle doit être recherchée chez tous les ascendants et descendants de cette famille afin d’établir la prise en charge. La mutation influe en effet sur les choix thérapeutiques et sur la stratification du risque. Néanmoins, un test génétique négatif chez un patient cliniquement atteint ne remet pas en cause le diagnostic. Le traitement bêtabloquant a transformé le pronostic du SQTL avec un effet très significatif sur la diminution des syncopes et des MS (3). Seuls les sujets à très faible risque de MS (patients âgés, asymptomatiques avec un intervalle QTc dans les limites de la normale, diagnostiqués à l’occasion d’un bilan familial), peuvent probablement ne pas être traités, mais ils justifient d’un suivi. Tous les autres patients relèvent d’un traitement bêtabloquant instauré à vie, dont la posologie est à adapter en fonction des résultats du bêtablocage induit (épreuve d’effort, holter), permettant de documenter une baisse de la fréquence cardiaque de 20 % environ et un plafonnement des fréquences cardiaques à l’effort à 130 bpm. Il convient, chez tous les patients atteints de SQTL, d’éviter toute prescription susceptible d’allonger la repolarisation, dont la liste est actualisée sur Internet (www.qtdrugs.org). L’indication du défibrillateur automatique implantable (DAI) reste exceptionnelle et concerne les patients avec SQTL et MS récupérée, tout particulièrement lorsque l’intervalle QTc est supérieur à 500 ms (indication de type I) [tableau]. C Valeur diagnostique et pronostique du test génétique Traitement A Niveau I T Niveau IIA Défibrillateur automatique implantable É Recommandations C 3. Vincent MG, Schwartz PJ, Denjoy I et al. High efficacy of beta-blockers in the long QT syndrome type 1: contribution of noncompliance and QT-prolonging drugs to the occurrence of beta-blocker treatment "failures". Circulation 2009;119:215-21. I 1. Goldenberg I, Moss AJ. Long QT syndrome. J Am Coll Cardiol 2008;51:2291-300. 2. Morita H, Wu J, Zipes DP. The QT syndromes: long and short. Lancet 2008;372: 750-63. H E Références bibliographiques F n ° 12 p ra t i q u e f i c h e Tableau. Recommandations pour la prise en charge du SQTL. II | La Lettre du Cardiologue • n° 457 - septembre 2012