TAXONOMIE, ATTITUDES ET COMPETENCES

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TAXONOMIE, ATTITUDES ET COMPETENCES
FEVRIER 2000
Définir une taxonomie (ou taxinomie) signifie la mise au point d’une classification
hiérarchique dans un système donné. Le terme avait été mis à la mode au début des années 80
dans les milieux médicaux universitaire et professionnel.
Une préoccupation était alors la formation pédagogique des enseignants en médecine
et des organisateurs de formation continue.
Deux thèmes ressortaient particulièrement au sein de cette formation pédagogique : la
planification par objectifs(s) et la docimologie *.
L’utilité et les limites des objectifs pédagogiques ont déjà été abordées dans ces
colonnes [Rev. Prat. (Paris) 1997 ; 47, 661-662]. Leur appliquer une taxonomie, c’est-à-dire
les classer, permettait de distinguer trois domaines distincts et complémentaires dans lesquels
on pouvait orienter une formation et définir des objectifs. La figure ci-dessous rappelle ces
trois domaines qui sont désormais assez bien connus sous les termes de SAVOIR, SAVOIRÊTRE et SAVOIR-FAIRE.
Au cours des années 80, il était habituel de constater que la majorité des objectifs de
formation d’une faculté de médecine était de l’ordre du SAVOIR et que les deux autres
domaines, SAVOIR-ÊTRE (attitudes) et SAVOIR-FAIRE (gestes pratiques) étaient souvent
marginalisés.
La même constatation pouvait d’ailleurs être faite en analysant les méthodes et les
questions des examens que les étudiants devaient réussir pour obtenir leur diplôme.
Il reste que cette taxonomie des objectifs ou des questions d’examen –sans être
inutile– était tout de même décalée par rapport à la réalité.
Ce décalage n’échappait d’ailleurs pas à J.J. Guilbert (conseiller technique au
ministère de l’éducation dans les années 60, avant de devenir au sein de l’Organisation
Mondiale de la Santé le chantre de la «pédagogie moderne ») qui indiquait  : « Ces
classifications n’ont d’autre but que de permettre une analyse du processus d’apprentissage
et d’aider les enseignants à prendre des décisions pédagogiques. En effet, il faut bien
*néologisme proposé dans les années 60 par un auteur français, Henri Pieron, pour désigner
l’étude scientifique des méthodes d’examen.
admettre que le comportement humain peut rarement être divisé nettement en attitudes, en
gestes et en connaissances. Cette division des objectifs est quelque peu artificielle. Ni les
professeurs, ni les responsables des programmes ne les séparent entièrement… »
Pour autant, la formation des (futurs) médecins dans le domaine du SAVOIR-ÊTRE
(attitudes) reste encore partielle dans la quasi totalité des pays économiquement développés,
même si des évolutions sont perceptibles, notamment en Amérique du Nord  ou en
Scandinavie.
C’est la raison pour laquelle les programmes de formation continue permettant aux
médecins de développer leurs compétences relationnelles et d’«améliorer » leurs relations
avec les patients sont de plus en plus nombreux.
Cependant, l’efficacité réelle de ces programmes reste incertaine. Un travail vient donc
d’être publié , afin d’apprécier sur le mode d’un essai randomisé et contrôlé l’efficacité
éventuelle d’un tel programme.
Un cursus composé de deux ateliers de quatre heures chacun, menés par des cliniciensexperts en communication «patient-médecin » a été proposé à des professionnels de santé
essentiellement médecins ; au cours de l’intervalle d’un mois entre les deux ateliers, chaque
participant avait l’occasion d’enregistrer et d’analyser plusieurs de ses propres consultations à
son cabinet.
Par ailleurs, un groupe contrôle comparable mais ne bénéficiant d’aucune formation
avait été constitué.
Parallèlement, les patients consultant les médecins soit participant au cursus de
formation soit appartenant au groupe témoin recevaient par la poste (dans les dix jours suivant
une consultation) un questionnaire anonyme leur proposant d’apprécier les qualités
relationnelles du praticien auquel ils venaient de s’adresser, (ce modèle de questionnaire est
reproduit ci-dessus).
Les résultats sont intéressants.
D’abord sur une échelle de type LIKERT comportant cinq niveaux allant de 1 à 5, les
participants à la formation l’ont jugé «modérément utile» (moyenne arithmétique à 3,26) ;
ensuite ces mêmes participants ont indiqué sur des auto-questionnaires qu’ils pensaient avoir
amélioré leur attitude avec leurs patients notamment en ce qui concerne leur confiance en
eux-mêmes et l’attention qu’ils portaient aux malades.
Surtout, l’analyse des questionnaires anonymes remplis par des patients (avant ou
après formation des médecins) n’a pas montré de «modifications significatives» qui auraient
pu être rapportées au cursus suivi. Au contraire, c’est dans les questionnaires correspondant
aux médecins du groupe contrôle que les progrès les plus importants ont été observés !
Evidemment de telles études comportent de nombreuses limites qui sont bien
identifiées dans l’article cité et dans l’éditorial qui s’y rapporte.
Il reste que de telles études –qui sont organisées aux Etats-Unis dans le cadre des
Health Maintenance Organization (H.M.O.), où les médecins s’accommodent plus ou moins
bien des contraintes des financeurs privés – marquent bien l’importance de maintenir et
développer la qualité de la relation entre un malade et son médecin.
Jean-Michel CHABOT
Hôpital Européen Georges Pompidou
 GUILBERT J.J. Guide pédagogique pour les personnels de santé. GENEVE OMS. 1981 p 139.
 BARZANSKY B, JONAS H.S, ETZEL S.I. Educational programs in US medical schools. 1995-1996 ; 276 :
714-719.
 BROWN JB, BOLES M ; MULLOLY J.P, LEVINSON W. Effect of clinician communication skills troining
on patient satisfaction. Ann. Intern. Med. 1999 ; 131 : 822-829.
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