52 Utilisation abusive des produits forestiers non ligneux (PFNL) et

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Revue Canadienne de Géographie Tropicale
Canadian Journal of Tropical Geography
RCGT (En ligne) / CJTG (Online)
ISSN : 2292-4108
Vol. 2 (2) : 52-59
http://laurentienne.ca/rcgt
Utilisation abusive des produits forestiers non ligneux (PFNL) et son impact
écologique sur la réserve de la biosphère de Dimonika (République du Congo)
Misuse of non-timber forest products (NTFPs) and ecological impact on the biosphere reserve of Dimonika
(Republic of Congo)
KIMBATSA Francelet Gildas
@ 2015 RCGT-CJTG Tous droits réservés /All rights reserved
Résumé:
La réserve de la biosphère de Dimonika1 regorge d’énormes potentialités en produits forestiers non ligneux (PFNL).
Ces ressources naturelles riches et variées sont utilisées de façon irrationnelle par les populations locales pour des
besoins alimentaires, sanitaires et économiques. Malheureusement, les produits forestiers non ligneux de la réserve
de la biosphère de Dimonika se dégradent à vue d’œil. Cette dégradation est due au mode de prélèvement de la
ressource naturelle et au commerce causant ainsi la disparition d’un grand nombre d’espèces floristiques et
fauniques. Après avoir cerné l’utilisation abusive des espèces floristiques et fauniques, cet article propose des
solutions à la gestion durable des produits forestiers non ligneux. Elles atténueront éventuellement l’impact de la
dégradation de la réserve de la biosphère de Dimonika.
Abstract:
The biosphere reserve of Dimonika has enormous potential in non-timber forest products (NTFPS). These rich and
varied natural resources are used irrationally by local people for food, health and economic. Unfortunately, the nontimber forest products of Dimonika Biosphere reserves are deteriorating visibly. This degradation due to the
sampling method of the natural resource and trade thereby causes the death of a large number of plant and animal
species. After identifying the misuse of plant and animal species, this article discusses solutions to the sustainable
management of non-timber forest products. They may mitigate the impact of the deterioration of the biosphere
reserve of Dimonika.
Mots clés / Keywords
Réserve de la biosphère de Dimonika, dégradation, impact, ressources naturelles, populations locales
Biosphere Reserve of Dimonika, degradation, impact, natural resources, local people
INTRODUCTION
La forêt tropicale contient une grande diversité de produits dits "produits forestiers non ligneux". Elle est
en outre la source de production de bois et elle constitue une réserve importante de terres arables. La
FAO (2003) définit les produits forestiers non ligneux comme des produits d’origine biologique autres que
le bois, dérivés des forêts et des arbres hors forêt. On les regroupe en quatre sous-groupes : 1) les
aliments (noix, champignons, fruits sauvages, herbes, épices, plantes aromatiques) ; 2) les végétaux
(fibres, lianes, fleurs) ; 3) les extraits de végétaux (raphia, bambou, rotin, liège, huiles essentielles) et
enfin 4) le gibier et ses produits dérivés (abeilles, miel, soie). Ces quatre sous-groupes de produits
contribuent de manière significative au développement et à la croissance durable des économies locale,
nationale et internationale (FAO, 2003). Retenant l’exemple de l’Afrique noire, on note que près de 300
millions de personnes tirent leurs moyens de subsistance des produits forestiers dont la valeur des
récoltes annuelles est estimée à 90 milliards de dollars (Pimentel et al. 1997). La réserve de la biosphère
1
Dimonika est le nom de la localité qui abrite le siège de la réserve de la biosphère de Dimonika.
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de Dimonika abrite une grande variété de produits forestiers non ligneux. Les plus importants sont les
plantes comestibles, les plantes médicinales, les plantes à divers usages (Diamouangana, 1995,
Moutsamboté, et al.1985, Feer, F., 1991). Ces produits jouent un rôle indéniable dans l’existence des
populations riveraines, car ils leur fournissent de la nourriture et des revenus. On constate à regret qu’au
cours des dernières années, les produits forestiers non ligneux de la réserve de la biosphère de Dimonika
s’épuisent vite à cause d’une exploitation irrationnelle.
Afin de mieux cerner les pressions anthropiques sur la réserve de la biosphère de Dimonika, l’article
abordera la présentation de la zone d’étude, le cadre méthodologique, l’intervention de l’État, les
résultats des observations, l’utilisation de PFNL, le mode de prélèvement des PFNL, leur
commercialisation, la gestion durable de PFNL et se terminera par une discussion.
PRÉSENTATION DE LA ZONE D’ÉTUDE
La réserve de la biosphère de Dimonika est située dans la Sous-préfecture de Mvouti (forêt du
Mayombe)2, Département du Kouilou, en République du Congo. Elle est à cheval sur les villes de PointeNoire et de Dolisie, à l’extrême Sud-ouest du pays. La réserve de la biosphère de Dimonika est limitée au
Nord, par la rivière Loubomo, au Sud, par la Route Nationale n°1, à l’Est, par le méridien 12°12’ est,
entre la rivière Loubomo et la Route Nationale n°1, à l’Ouest, par le fleuve Kouilou, à la confluence des
rivières Loubomo et Ngoma-na-Ngoma, jusqu’à la Route Nationale n°1(Fig.1). La réserve de la biosphère
de Dimonika dispose d’importantes potentialités végétales, animales et minérales. Sa superficie est de
136000 hectares. Créée par décret du gouvernement congolais, elle vise à assurer la conservation des
ressources naturelles renouvelables et non renouvelables, à encourager la recherche fondamentale et
appliquée pour le développement des connaissances du milieu, la meilleure compréhension des
interactions entre les populations locales, l’environnement. La réserve comprend quatre zones : 1) la
zone centrale, 2) la zone d’influence, 3) la zone tampon n°1 et 4) et la zone tampon n°2. Ces quatre
zones ont pour vocation d’assurer la protection intégrale et la conservation des potentialités
biophysiques.
Figure 1 : Localisation de la Réserve de la biosphère de Dimonika
Selon le Centre National des Statistiques et des Études Économiques, en 2007, la population riveraine de
la réserve était de 18094 habitants. En 2012, elle est passée à 23926 habitants (Mairie de Mvouti, 2012).
On doit cette forte croissance (40,07 %) au bitumage de la Route Nationale n°1 (tronçon Pointe-Noire-
2
La forêt du Mayombe est le 3e secteur forestier (1.503.172 hectares) de la République du Congo. Elle a connu une surexploitation dans les années 30 du fait
de sa proximité avec le port autonome de Pointe-Noire. Pour conserver les écosystèmes forestiers, terrestres et aquatiques et toute la biodiversité de cette
forêt, le gouvernement du Congo a créé en 1988 la réserve de la biosphère de Dimonika.
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Dolisie) qui rend facile l’accès à la réserve. Les principales activités économiques des populations qui
vivent au contact de la réserve de la biosphère de Dimonka portent sur la culture du manioc et de la
banane, la cueillette, la chasse, la pêche et l’orpaillage.
CADRE MÉTHODOLOGIQUE ET ENQUÊTE TERRAIN
La méthodologique comprend deux volets. Le premier concerne la revue de la littérature. Elle a permis
non seulement de cerner la manière dont les précédents travaux ont abordé la question de l’utilisation
des produits forestiers non ligneux au Congo et ailleurs, mais aussi d’en relever les insuffisances. Le
deuxième volet a consisté en la collecte de données de terrain et à leur traitement. Un questionnaire
conçu en fonction des objectifs de l’étude a alors été distribué aux répondants. Le logiciel Microsoft Excel
a été utilisé pour dépouiller le questionnaire et pour analyser les résultats. Cette étape a permis
d’apprécier les flux migratoires des exploitants des produits forestiers non ligneux, le dynamisme de leurs
activités, les revenus générés ainsi que leurs impacts écologiques sur les ressources biologiques de la
réserve de la biosphère de Dimonika.
L’enquête de terrain s’est déroulée dans six villages sur les 24 que compte la réserve de la biosphère de
Dimonika. Il s’agit de Les saras3, de Mvouti, de Dimonika, de Pounga, de Malemba et de Makaba. Les six
villages comptaient 129684 personnes en 2012 (Mairie de Mvouti, 2012). Cette population se compose à
55% de jeunes âgés de 14 et 25 ans. Les adultes représentent 45% de la population. Leur âge varie
entre 30 et 59 ans. La population adulte se compose d’agriculteurs (50%), d’orpailleurs (22%), de
chasseurs (15%), de pêcheurs (2%), de fonctionnaires (1%), de retraités (3%), de chômeurs (5%) et
d’élèves (2%). Ces mêmes résultats indiquent quatre tendances dans le taux de scolarisation des
populations :1) niveau primaire (55%), 2) secondaire (35%), 3) supérieur (6%), 4) analphabète (4%).
Les populations qui vivent dans ou proche de la réserve biosphère de Dimonika exploitent de façon
abusive les produits forestiers non ligneux (PFNL). L’exploitation intense des PFNL se fait à l’aide d’outils
rudimentaires. Elle concerne surtout les espèces floristiques et fauniques. Au total 9087 des personnes
dénombrées lors de l’enquête exploitent les PFNL dans les six localités enquêtées. Les femmes
représentent 90% des effectifs contre 10% pour les hommes. Les origines ethniques des exploitants des
PFNL montrent une grande hétérogénéité même si cinq groupes sont fortement représentés. Il s’agit des
Yombés, les vilis5, des Bembé, des Pounou, des Tsangui, des Soundi.
INTERVENTION DE L’ÉTAT DANS LA RÉSERVE DE LA BIOSPHÈRE DE DIMONIKA
Depuis quelques années, le conservateur de la réserve de la biosphère de Dimonika fait face à de sérieux
problèmes de gestion. Ces problèmes se sont accentués entre les années 1993 et 2000, périodes au
cours desquelles le Congo a connu des troubles sociopolitiques qui ont empêché l’installation de l’équipe
autonome de gestion prévue par l’État. Il s’agit principalement de : 1) l’absence d’une coordination ; 2) la
pénurie des structures nécessaires de gestion durable de la biodiversité ; 3) la faiblesse du cadre
juridique ; 4) l’absence de protection de la réserve, favorisant l’accès des riverains à l’utilisation
anarchique des ressources naturelles. En 2008, un accord international délimite un espace géographique
transfrontalier protégé entre la RDC (Luki), l’Angola (Cabinda) et le Congo. Au Congo la réserve de la
biosphère de Dimonika constitue depuis 2009 le laboratoire naturel de l’ONG WWF. On constate que
malgré l’existence de cet accord, la gestion de la réserve de la biosphère de Dimonika n’a point changé.
RÉSULTATS DES OBSERVATIONS : INVENTAIRES DES PRODUITS RÉCOLTÉS
ESPÈCES FLORISTIQUES
Les produits végétaux récoltés dans la réserve se composent de produits alimentaires (fruits sauvages,
noix de palme, feuilles de marantacées, etc.), de plantes médicinales et de plantes à divers usages. Les
techniques de récolte varient d’un produit à l’autre.
Fruits sauvages et plantes sauvages-La cueillette et la consommation de fruits sauvages contribuent à
plus de 80% à l’équilibre alimentaire des populations locales. Quatre types de fruits sont cueillis dans la
3
Les saras, Mvouti, Dimonika, Pounga, Malemba et Makaba sont les noms des localités qui se trouvent autour de la réserve de la biosphère de Dimonika.
Toutes sont situées dans la Sous-préfecture de Mvouti, Département du Kouilou.
4
. Ce chiffre (12968) est exclusivement des six villages enquêtés
5
Les Yombés et des vilis sont ici dans leur terroir après avoir chassé les pygmées, premiers occupants du massif forestier du Mayombe avant l’arrivée du
colonisateur et la construction du chemin de fer Congo Océan (Ngoie-Ngalla, 1989). Les autres peuples cités, actuellement installés dans le Mayombe, sont
étrangers à la zone. Ils viennent soient des départements du Congo, soient de l’Afrique de l’ouest ou du centre.
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réserve : 1) les fruits acidulents, 2) les fruits acides, 3) les fruits sucrés et 4) les fruits oléagineux. De
tous ces fruits, les Afromomum, les Landolphias communément appelées «malombo » en langue locale
sont les plus consommés. Les fruits à pulpe et à graines se consomment cru ou cuit. Les pêcheurs et les
chasseurs utilisent des plantes sauvages l’Anthoclesitaspp, le Pentaclethramacrophylla, le Tetraptera
comme adjuvant dans la pêche et la chasse alors que, l’Allanbiackia leur sert surtout d’appât.
Palmier à huile (Elaesis guineenensis)-Il produit aussi bien des noix que du vin de palme. Ce dernier n’est
autre chose que la sève du palmier que l’on recueille artisanalement au niveau de la canopée, plus
précisément sur la partie où les plus jeunes palmes se rattachent au tronc. La récupération directe de
cette sève se fait soit après abattage du palmier, soit sans abattage. Les outils qui concourent à la
récupération artisanale de vin sont la bouteille d’un litre ou un vieux bidon de cinq litres, ou encore une
calebasse, un couteau, une machette, une hache, des lianes. Les feuilles ou l’écorce du "weli" servent à
la fermentation du jus de palmier. Une fois fermenté, il donne un vin consommé par plus de 30% de la
population locale. Plus de 50% des personnes interrogées affirment que le goût de ce vin est différent et
plus délicieux que celui des autres vins locaux. Les palmes servent à la fabrication des balais à brindilles
et de "la mouambe"6. Le stipe en décomposition des palmiers abattus porte souvent la chanterelle qui se
récolte aussi bien en saison des pluies qu’en saison sèche. Outre la chanterelle mentionnons que dans la
réserve de la biosphère de Dimonika, on trouve également des amanites des Césars, des psalliotes, des
morilles et des hydnes.
Mfumbu ou koko, feuilles des marantacées-Le Mfumbu ou Koko (Gnetum africanum) se constitue de
feuilles d’une liane très consommées en République du Congo et dans les pays voisins d’Afrique centrale
(tableau n°1 et 2). En 2013, on a dénombré 10 256 cueilleurs koko (Gnetum africanum) dans la réserve
de la biosphère de Dimonika. Ils ont prélevé 120 600 sacs. La technique de prélèvement consiste à tirer
la liane pour ensuite la dégager des tiges autour desquelles elle s’enroule. L’activité photosynthétique de
la liane complètement défeuillée se trouve ainsi sérieusement perturbée. À peine de nouvelles feuilles
apparaissent qu’elles sont récoltées à nouveau. Cette méthode de récolte, bien que moins destructrice
que celle pratiquée sur d’autres produits forestiers non ligneux, a une incidence non négligeable sur la
croissance et la capacité de régénération de la plante.
Espèces
Gnetum
Africanum
Marantacée
Période de
forte
pression
Effectifs
des
acteurs
Saison de pluie
10 256
Saison de
pluie
11 500
Source : Enquête de terrain, 2011-2013.
Quantités
Jour
2
S
2
R
Sem
12
S
960
R
Mois
360
S
28 800
R
Sacs-Paquet-Tas
Rouleaux
Année
120 600
S
9 676 800
R
S-R
1
S
P
150
1
R
80
T
300
-
Légende S = Sac, P = Paquet, T = Tas, R = Rouleau
Tableau 1 : Quantité de Gnetum africanum et de Marantacée pendant la période de forte
pression dans la zone d’étude
Espèces
Gnetum
Africanum
Marantacée
Période de
basse
pression
Saison sèche
Effectifs
des acteurs
Saison sèche
11 897
Quantités
Jr
9357
1
S
1
R
Sem
6
S
480
R
Mois
180
S
14 400
R
Année
60 480
S
4 838 400
R
Sacs-Paquets-TasRouleaux
S-R
P
T
1S
100
300
1R
-
80
Source : Enquête de terrain, 2011-2013.
Tableau 2 : Quantité de Gnetum africanum et de Marantacée pendant la période de basse
pression dans la zone d’étude
Les tableaux 1 et 2 indiquent une exploitation abondante des feuilles de marantacées dans la réserve de
Dimonika. Les 9 676 800 rouleaux récoltés en 2012 par 11 500 récolteurs font du Mayombe (3e secteur
forestier du Congo) un grand pourvoyeur de feuilles de marantacées distribuées dans les villes de PointeNoire et Dolisie.
6
Sauce dérivée des noix de palme pilées.
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Les feuilles de marantacées ne sont pas comestibles. Elles servent à emballer les beignets de farine, les
arachides grillées, les fruits aigres et la pâte de manioc (chicouangue). Les feuilles de marantacées les
plus exploitées sont les Megaphrynium macrostachyumet les Sarcophrynium brachystachys, qui poussent
naturellement dans le sous-bois en forêt, les bas-fonds très humides et les bords des cours d’eau. Les
interviews avec les acteurs locaux ont révélé des indices de la raréfaction croissante de cette ressource.
Par exemple un vendeur des Marantacées a fait observer, lors d’une interview (marché de "Les Saras"),
que ses fournisseurs prennent de plus en plus de temps pour répondre à chaque nouvelle commande. Il
faut se déplacer toujours plus loin à la recherche des feuilles à cueillir. De même, une commerçante
grossiste des feuilles de Gnetum indique qu’à présent, il lui faut parcourir 6 à 9 km au moins pour
rassembler une cargaison, alors qu’on récoltait ces feuilles à 1 km seulement des habitations il y a 10
ans.
RACINES DE PLANTES COMESTIBLES
Certaines racines de plantes comestibles rentrent dans la préparation des épices. On les conserve après
cuisson et séchage. Elles sont ensuite distribuées pendant plusieurs mois (Boundzanga, 1999).
Coula edulis et noix de cola-Arbre fruitier de la famille des coulaceae, le coula edulis produit des drupes
contenant une noix qui peut être consommée fraîche ou pas. Les Yombé, apprécient fort bien les noix
des coulaceae qui parfois remplacent l’arachide. Les fruits séchés à l’air libre et conservés dans de
grandes corbeilles peuvent être consommés pendant les moments de loisir ou se retrouvés sur le marché.
Quant aux noix de cola, elles sont également très recherchées par les peuples négro-africains qui les
utilisent lors des cérémonies de mariage ainsi que dans des rituels traditionnels. On trouve les colatiers et
les coula edulis dans la quasi-totalité de la réserve de la biosphère de Dimonika.
Rotin-Plante épiphyte (rotang), recherchée et récoltée pour sa tige flexible, le rotin s’utilise en vannerie.
Ainsi, sert-il à la confection de divers objets domestiques, commerciaux (paniers, corbeille, meubles).
Dans la réserve de la biosphère de Dimonika, la tige de rotin sert également à fabriquer les pièges à
gibiers. Les genres mukawa en langue Yombé (Ancistrophyllum) et mbamba (Eresmopatha) sont les plus
utilisés. Ces deux espèces croissent en pleine forêt, au bord des cours d’eau et sur les lisières forestières.
Certaines lianes de forêt comme le Cossus dinklagei, Tracera podotricha et Costus ligularis qui disposent
d’une grande capacité de rétention d’eau retiennent également l’attention.
Fibres et tiges-Les fibres sont extraites des feuilles de nombreuses espèces végétales directement ou
après rouissage. Elles servent à la fabrication de cordes, de ficelles, de pièges, de filets de chasse et de
pêche, de nasses et de tissus. Les tiges de petit diamètre proviennent presque toutes de deux genres de
palmiers-lianes de la famille des Arecaceae : l’Eremospatha et le Laccospernia. Alors que les plus grosses
servent à la fabrication d’axes rigides dans la production de meubles et de paniers « Mutete », les rotins
les plus fins ou lianes typiques sont les plus utilisés pour le cannage des meubles, la fabrication des
pièges et des nasses. Comme il a été déjà noté, ces lianes servent aussi à la fabrication des murs de
cases des campements de chasse, de pêche et à la construction des paillotes. Ces dernières années, le
marché des meubles de rotin s’est beaucoup développé dans toutes les grandes villes du pays,
notamment Brazzaville, Pointe-Noire et Dolisie.
Les rondins récoltés et transportés par les femmes proviennent très souvent du parasolier (Musanga
cecropioides), du concombre africain (Anthocleista), du chaulmoogra africain (Caloncoba glauca). Outre
la fonction de chauffe, le bois sert à la fabrication de divers outils agricoles, ménagers, de pêche et de
chasse ainsi qu’aux instruments de musique et de transport. Son exploitation commerciale existe dans la
réserve en dépit des interdictions gouvernementales.
Photo 1: Billes de bois de chauffe et rouleaux de
marantacées à Mvouti (Cliché : F.G. Kimbatsa, 2013)
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PLANTES MÉDICINALES
Les plantes médicinales les plus récoltées sont le bambou-bananier ou benzolive (Moringa Oleifera) et le
parasolier (Musanga cecropioides). Les tradi-praticiens les utilisent dans le traitement des troubles
gastro-intestinaux, les douleurs diverses (rhumatisme, courbatures, céphalées et analogismes, maux de
dents), les parasitoses, les maladies sexuellement transmissibles, les ophtalmies, les fièvres et fatigues.
Les études de pharmacologie, réalisées par le CERVE et l’ORSTOM, indiquent que près de 1500
médicaments à base de plantes sont préparés par les tradi-praticiens congolais (Boundzanga, 1999).
L’utilisation de certains végétaux lors des pratiques mystiques aide également à soigner les
envoutements et à éloigner les mauvais esprits.
ESPÈCES FAUNIQUES ET MODES DE PRÉLÈVEMENT DES PRODUITS VÉGÉTAUX
Le prélèvement de gibiers se fait par la chasse au fusil ou à la trappe. Il concerne les céphalophes bleus
ou Sitatunga, les primates, les reptiles et les oiseaux. L’enquête menée a permis de dénombrer 80
chasseurs qui disposent de 60 fusils de chasse utilisés dans la réserve (20 à Les Saras, 19 à Mvouti, 6 à
Makaba, 10 à Pounga, 4 à Malemba et 1 à Dimonika). Au moins, 83% des chasseurs affirment disposer
chacun entre 350 et 450 pièges qui leur permettent de capturer 4 à 8 gibiers par semaine.
Quatre méthodes servent à prélever des produits végétaux utilisés à des fins diverses. Elles
comprennent : 1) le prélèvement sur pied de l’arbre, 2) l’abattage d’arbres, 3) l’arrachage d’espèces
végétales, 4) le ramassage et la cueillette.
VENTE DES PFNL ET REVENUS DES PAYSANS
L’exploitation des PFNL dans la réserve couple les économies formelle et informelle de nombreux acteurs
à la recherche d’une amélioration de leurs revenus. Selon nos enquêtes, le revenu quotidien d’un vendeur
de produits PFNL est d’environ 5790 FCFA. Dans certaines circonstances la vente du Gnetum africanum et
de feuilles de marantacée retient l’attention puisque le revenu annuel de plus de 40% des vendeurs de
Gnetum africanum varie entre 200 000 et 400 000 FCFA. Selon 29% des personnes interrogées, le prix
des produits forestiers non ligneux destinés à divers usages varie entre 10 000 et 20 000 FCFA. Le prix
du gibier au village se situe entre 2 000 et 9 000 FCFA ; sur les marchés éloignés du village ces mêmes
prix se négocient entre 2 500 et 17 000 FCFA alors qu’en milieu urbain ils varient entre 10 000 et 24 000
FCFA.
IMPACT ÉCOLOGIQUE DE L’EXPLOITATION DES PFNL ET GESTION DURABLE DES
RESSOURCES DANS LA RÉSERVE DE LA BIOSPHÈRE DE DIMONIKA
L'exploitation abusive des PFNL de la réserve de la biosphère de Dimonika présente de nombreuses
répercussions écologiques, parmi lesquelles une réduction de 30% des plantes, une diminution de 25%
du taux de régénération des espèces végétales récoltées; une diminution de 30% des espèces animales
et la disparition de 15% des végétaux comestibles. Les personnes-ressources Yombé originaires du
Mayombe ne manquent pas de mentionner cet impact négatif dans leurs conversations. Elles attirent
l’attention sur la disparition progressive de diverses essences d’arbres, de lianes et d’herbes qui n’ont pas
assez de temps de régénération.
Quant à la gestion durable, pour assurer la durabilité des ressources biologiques et atténuer l’impact
écologique de l’exploitation des produits forestiers non ligneux dans la réserve de la biosphère de
Dimonika, l’État congolais doit renforcer le cadre institutionnel, réglementaire et appliquer les
conventions internationales sur la protection de l’environnement. La loi n°003/91 du 23 avril 1991
promulguée par le gouvernement congolais sur la protection de l'environnement stipule à son article 2,
que tout projet de développement économique en République populaire du Congo doit comporter une
étude d'impact sur l'environnement. Par ailleurs, le gouvernement congolais devrait encourager l’initiative
de la création de la réserve transfrontalière entre la RDC, l’Angola et le Congo, initiative dont la réserve
de la biosphère de Dimonika a servi pour la partie congolaise de terrain d’observation en 2009, par l’ONG
WWF. Relancer le projet Mayombe afin de relancer la production des cultures vivrières (banane, manioc,
taro). L’État congolais devrait mettre sur pied un programme de formation dans la lutte contre la
destruction de l’environnement et la protection de la réserve de la biosphère de Dimonika.
DISCUSSION
Les données recueillies lors des travaux de terrain montrent que les produits forestiers non ligneux de la
réserve de la biosphère de Dimonika sont soumis à une surexploitation. Le nombre des exploitants des
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PFNL recensé dans les localités autour de la réserve varie entre 18 500 et 20 000. Cet effectif comparé à
la superficie7 de la réserve de la biosphère de Dimonika prouve une forte pression de la cueillette et du
ramassage dans la réserve de la biosphère de Dimonika. Le rapport du MEFDD8 (2009) mentionne la
disparition rapide des produits forestiers non ligneux de la réserve de la biosphère de Dimonika. On lie
cette rapide disparition aux activités humaines incontrôlées. Elles représentent une réelle menace pour
l’existence de la réserve. D’après Diamouangana (1995), l’origine des menaces actuelles les produits
forestiers non ligneux de la réserve de la biosphère de Dimonika remontent aux années 20. Ces années
marquent le début des travaux de construction du CFCO9 entre Pointe-Noire et Brazzaville. Ce chemin de
fer longe une partie de la réserve de Dimonika. Il a favorisé l’installation de petites communautés qui se
livrent à la cueillette et au ramassage non réglementé des PFNL. L’arrivée du chemin de fer et
l’installation de nouvelles communautés ont alors accéléré la disparition et la raréfaction des espèces
végétales et animales (Samba Kimbata, 1978 ; Koyo, 1982 ; Zinga, 1998 ; Profizi et al. 1993 ; Boungou,
et al. 1989 ; Oyo, 1991 ; Kimpolo et Toudika, 2003).
CONCLUSION
La réserve de la biosphère de Dimonika est un écosystème terrestre de forêt dense humide et
sempervirente. Ses ressources biologiques riches et variées sont utilisées de façon irrationnelle par les
populations locales. Depuis quelques années, la réserve de la biosphère de Dimonika fait face à de
sérieux problèmes de gestion par le conservateur. Ces problèmes se sont accentués entre 1993 et 2000,
période au cours de laquelle le Congo a connu des troubles sociopolitiques empêchant ainsi l’installation
de l’équipe autonome de gestion.
La cueillette, le ramassage et la chasse sont pratiqués dans la réserve de la biosphère de Dimonika. Ils
causent d’énormes pressions humaines sur les produits forestiers non ligneux. La pratique non
réglementée de ces activités humaines perturbe l’écosystème forestier et terrestre de la biosphère. La
cueillette et le ramassage dégradent et menacent la stabilité de la réserve. L’exploitation des PFNL dans
la réserve de la biosphère de Dimonika intègre également une forme d’économie grâce à laquelle de
nombreux acteurs accroissent leurs revenus. L’impact de la cueillette et le ramassage dans la réserve est
la disparition et la raréfaction des espèces végétales et animales. Les axes prioritaires retenus pour la
sauvegarde de la réserve de la biosphère de Dimonika devraient servir de pistes aux pouvoirs publics
pour atténuer les pressions humaines identifiées sur les PFNL.
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7
La superficie de la réserve de la biosphère de Dimonika est de 136 km2 soit 136.000 hectares
Ministère de l’Économie forestière et du Développement durable
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Chemin de fer Congo Océan. Les travaux de construction de ce chemin de fer avaient commencé en 1921 et pris fin en 1934.
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RCJT/CJTG, Université Laurentienne/Laurentian University, Géographie/Geography, Sudbury, Ontario, P3E 2C6, Canada. ISSN : 22924108. Vol. 2(2) : 52-59. Copyright @ 2015 RCGT-CJTG Tous droits réservés/All rights reserved.
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Pour citer cet article
Référence électronique
Francelet Gildas KIMBATSA. «Utilisation abusive des produits forestiers non ligneux (PFNL) et son impact
écologique sur la réserve de la biosphère de Dimonika-République du Congo». Revue canadienne de
géographie tropicale/Canadian journal of tropical geography [En ligne], Vol. (2) 2. Mis en ligne le 15
Novembre 2015, pp. 52-59. URL: http://laurentienne.ca/rcgt
Auteur
KIMBATSA Francelet Gildas
Département de Géographie
Faculté des Lettres et des Sciences Humaines
Université Marien Ngouabi, République du Congo
Courriel : [email protected]
RCJT/CJTG, Université Laurentienne/Laurentian University, Géographie/Geography, Sudbury, Ontario, P3E 2C6, Canada. ISSN : 22924108. Vol. 2(2) : 52-59. Copyright @ 2015 RCGT-CJTG Tous droits réservés/All rights reserved.
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