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Variances 47 - Mai 2013 Variances 47 - Mai 2013
DOSSIER DOSSIER
rémunérée auprès des banques oligopolistiques, 
nancent via les faibles taux de rémunération 
qu’ils perçoivent les prêts boniés accordés aux 
LGIV et aux entreprises d’Etat. 
Impasses fiscales et politiques 
entre gouvernement central et 
gouvernements locaux
On le voit, le mode de nancement des infras-
tructures en Chine repose sur une décentralisa-
tion scale insusante, qui oblige les collectivités 
locales à des montages nanciers complexes et 
risqués. Ce mode de fonctionnement dérive di-
rectement du système scal chinois, qui consiste 
en une redistribution des revenus entre l’Etat cen-
tral et les provinces : en eet, l’Etat central récu-
père environ 50 % des revenus scaux5 mais 85% 
des dépenses sont eectuées par les provinces. 
L’Etat central reverse donc une partie des reve-
nus scaux (environ 30 %) collectés initialement 
par les provinces : ce mécanisme permet ainsi à 
Pékin de garder le contrôle sur les provinces en 
redistribuant de façon discrétionnaire les fonds. 
Ce système rationnel du point de vue politique 
entraîne un étranglement nancier des provinces 
et encourage à mettre en place des montages -
nanciers pour trouver des capitaux. Ainsi, l’avenir 
des infrastructures en Chine passe par une remise 
à plat de la scalité des provinces et des modes 
de nancement et d’entretien des infrastructures. 
Ce système nancièrement acrobatique ne per-
met pas de rationaliser les investissements; 
en revanche, il faut lui reconnaître le mérite de 
permettre de redistribuer les ressources entre les 
provinces via le gouvernement central, et ainsi de 
soutenir des investissements en infrastructures 
dans les provinces les plus pauvres de l’Ouest et 
du Centre qui n’auraient pas été possibles sous 
un régime purement décentralisé avec une faible 
intervention de l’Etat central. 
Réforme des modes 
de financements et 
redéploiement des dépenses 
en infrastructures
Dans le 12ème plan quinquennal (2011-2015), 
le gouvernement chinois a déclaré vouloir pour-
suivre ses investissements et moderniser les 
infrastructures de transport, de télécommuni-
cations, d’approvisionnement en eau, électri-
cité et gaz, de chauage urbain, de traitement 
des déchets, etc. Ainsi, rien que pour les infras-
tructures de transport, le gouvernement a prévu 
6200 milliards RMB d’investissement, en por-
tant notamment le réseau autoroutier à 108 000 
kms et le réseau ferroviaire à grande vitesse à 
16000 km. 
Le congrès de l’Assemblée Nationale Populaire 
qui s’est tenu en mars dernier a conrmé de tels 
objectifs en y ajoutant de nouveaux domaines. 
Ainsi, le Conseil des Aaires d’Etat a rendu 
public le «plan à moyen terme sur la construc-
tion d’infrastructures majeures dans le domaine 
scientique». Sept secteurs importants (éner-
gie, sciences de la vie, environnement et sys-
tème terrestre, matériaux, physique nucléaire, 
espace et astronomie, ingénierie) sont considé-
rés comme prioritaires dans l’investissement en 
infrastructures. 
Comme souvent, le gouvernement chinois af-
che des objectifs très ambitieux mais n’aborde 
pas les points délicats sur le nancement ou le 
contrôle de la maîtrise d’oeuvre. Il est important 
pour la Chine de repenser le mode de nance-
ment de ses infrastructures sous peine d’obérer 
les budgets futurs par une dette insoutenable 
et mal gérée. Dans le cadre du rééquilibrage de 
l’économie vers plus de consommation et moins 
d’investissement, il est aussi fondamental pour 
l’Etat de mieux cibler les dépenses en infras-
tructures les plus socialement utiles (mais aussi 
de réduire les coûts des investissements publics, 
minés par la corruption) et de libérer l’épargne 
des ménages an d’accroître leur consommation. 
C’est ainsi que la Chine pourra rééquilibrer son 
modèle économique tout en soutenant le déve-
loppement nécessaire de ses infrastructures, tant 
pour son équilibre social que pour ses perspec-
tives de croissance. 
foncier, qui sert de collatéral aux prêts. La hausse 
de l’immobilier s’est répercutée sur la valeur de 
ce foncier ; ceci a permis aux LGIV (et in ne 
aux collectivités) d’accroître non seulement leurs 
revenus, mais aussi leur capacité d’endettement. 
A l’inverse, toute forte baisse de l’immobilier 
engendrerait non seulement une réduction des 
revenus des collectivités, mais accroîtrait aussi 
l’eet de levier, en réduisant la valeur du collaté-
ral. La dynamique des LGIV freine par ailleurs 
les possibilités d’interventions restrictives : la 
plupart des investissements en matière d’infras-
tructure contribue à la valorisation des terrains 
et renforce l’incitation à l’endettement. Les deux 
hausses soumises à un risque de bulle – du fon-
cier et de l’investissement – s’entretiennent donc 
mutuellement. L’économie est soumise, du fait 
de cette dette, à un risque de choc via deux types 
d’ajustements : 
• Un durcissement de la politique moné-
taire, qui réduirait l’accès des LGIV au cré-
dit, compromettrait la viabilité des projets 
engagés et donc leur actif. Cette restric-
tion du crédit, s’ajoutant aux mesures de 
ralentissement de l’immobilier, réduirait par 
contrecoup la valeur du foncier. 
• Une correction du marché foncier : la 
baisse des prix ferait chuter à la fois la va-
leur du collatéral et le revenu des LGIV et 
des collectivités. L’eet de levier des LGIV 
déséquilibrerait leur bilan. 
Dans l’immédiat, il semble que le risque d’ef-
fondrement du système soit limité. Du fait du 
ralentissement de l’économie chinoise, le gou-
vernement n’a aucune incitation à resserrer sa 
politique monétaire, ce qui laisse la bride lâche 
pour l’endettement des gouvernements locaux. 
Par ailleurs, du fait de la pression démogra-
phique et des motifs de spéculation, la pression 
sur les prix est très élevée sur le foncier, for-
çant d’ailleurs Pékin à contraindre les autori-
tés locales à mettre en place des politiques de 
contrôle des prix. A court terme les risques sont 
limités ; comme le souligne Qu Hongbin, le 
problème n’est pas tant le niveau de dette que 
sa gestion. On doit aussi rajouter que les eets 
distortifs d’un tel nancement sont importants 
: en captant les prêts bancaires pour nancer des 
infrastructures, les gouvernements locaux créent 
un énorme eet d’éviction vers la dette publique 
(bien que classiée comme privée, puisque les 
LGIV sont ociellement des entreprises…). 
Or ces capitaux auraient pu être utilisés ail-
leurs avec un gain social plus grand. Le gou-
vernement chinois soutient que cette politique 
a permis de relancer l’économie via une stimu-
lation de la demande publique au moment où 
la demande privée échissait du fait de la crise 
internationale. 
Il n’empêche cependant qu’une diversication 
des sources de nancement serait la bienvenue 
: en particulier, faire contribuer davantage le pri-
vé (en limitant la part des entreprises d’Etat et en 
cessant de leur octroyer des prêts subventionnés) 
et développer le nancement via le marché obli-
gataire obligeraient les maîtres d’oeuvre à plus 
de transparence et d’ecacité dans la gestion des 
fonds publics. Cela permettrait aussi de mieux 
allouer le capital : en eet, indirectement le sys-
tème fait reposer sur les ménages l’intégralité 
du coût du nancement des projets publics. 
Ces derniers, dont l’épargne est captive et mal 
Les infrastructures en Chine et leur financement Les infrastructures en Chine et leur financement
5 - Selon une estimation assez récente de 
Lou Jiwei parue en chinois dans Caijing en 
mars 2012