reste du pays, jusqu’alors délaissé par les pouvoirs publics. Et puis regardez cet autre document qui
est très intéressant, il date de 2009 : c’est une carte anamorphosée, c’est-à-dire que la taille des
provinces chinoises est représentée proportionnellement au nombre d’habitants. Vous voyez, la
population est très inégalement répartie sur le territoire chinois. Elle se concentre principalement sur
le littoral, et demeure assez faible à l’ouest du pays. À cette inégalité de répartition démographique se
superpose une inégalité de richesse. Les provinces les plus foncées sont celles où le PIB par habitant
est le plus élevé, et les plus claires, celles où il est le plus faible. Alors, on le voit très bien, la
production de richesses est beaucoup plus importante dans les provinces côtières par rapport au
centre ou plus encore à l’ouest du pays. Alors pourquoi ? Et bien parce que c’est là qu’à partir des
années 80 ont été implantées les premières zones économiques spéciales. Les régions du littoral ont
ainsi capté l’essentiel des investissements publics et étrangers. Et la croissance induite a généré des
inégalités, créé des tensions et des conflits ouverts à l’intérieur même de ces zones. Les
revendications portent sur les salaires, la pollution, les droits sociaux, la corruption et plus rarement
sur les droits démocratiques, sujets qui, on le sait, restent tabous en Chine. Cette pression sociale a
eu aussi pour conséquence une hausse des salaires. Par exemple, entre 2009 et 2011, le salaire
minimum dans la province du Guangdong a augmenté de près de 20 % par an.
Alors, est-ce que la Chine risque de perdre progressivement cet avantage d’une main-d’œuvre à faible
coût ? La hausse relative des salaires, en effet, a poussé de nombreuses entreprises et chinoises et
étrangères à délocaliser leur production vers d’autres pays d’Asie.
Foxconn
, sous-traitant d’Apple, a
ainsi réorienté une partie de sa production vers le Vietnam et nombre d’entreprises du textile sont
parties vers le Bangladesh où les salaires sont nettement moins élevés.
Bien, résumons nos diagnostics d’essoufflement : inégalités et instabilité sociales relatives,
préoccupations environnementales, dépendance énergétique, baisse de la demande extérieure. Alors,
les nouveaux dirigeants chinois sont contraints de revoir partiellement leur modèle économique. Car il
y a une inquiétude autour des prévisions de croissance. On peut le déduire en regardant ce schéma
prévisionnel pour les 20 prochaines années : le taux de croissance annuel moyen aujourd’hui est de
8,6 %, il serait de 7 % à la fin de la décennie puis tomberait à moins de 6 puis à 5 % d’ici 2030. Et si
ces projections sont exactes, la baisse est très nette par comparaison avec les années 2000. Or, si la
croissance ne se maintient pas à un niveau suffisamment élevé, il y a risque de tensions sociales, car
le pacte tacite, c’est-à-dire la direction politique pour le Parti, en échange de garantie de croissance
pour tous, serait rompu. Et bien face à cela, une première réforme a été entreprise depuis le début
des années 2000, c’est ce qu’on appelle la politique du Go West. Cette politique est liée au territoire et
se comprend en reprenant notre carte anamorphosée. On l’a vu, les zones côtières sont plus
densément peuplées et plus riches que la Chine de l’intérieur ou la Chine de l’Ouest. C’est aussi dans
les provinces côtières que les hausses de salaire ont été les plus importantes. Or, à l’intérieur du pays,
il existe un énorme réservoir de main-d’œuvre, moins chère que sur les côtes. Donc les dirigeants
vont orienter les investissements vers l’intérieur de la Chine avec trois objectifs : poursuivre le
développement du pays, conserver l’avantage de l’offre d’une main-d’œuvre bon marché et enfin,
dissuader les Chinois de l’intérieur de migrer vers les villes des provinces côtières. L’ambition, en
somme, est de redéployer le système productif chinois vers l’Ouest grâce à une sorte de délocalisation
interne. C’est cela, ce qu’on appelle la politique du Go West. Cette politique d’aménagement du
territoire s’accompagne d’une vague d’investissements publics dans les infrastructures de transport.
Bien, revenons maintenant à une carte de géographie physique où nous faisons figurer les lignes
ferroviaires à grande vitesse. Pour l’année 2013, 79 milliards d’euros en investissements publics
devraient être engagés dans ce secteur. Ils permettront, entre autres, la construction de nouvelles
lignes qui s’inscrivent dans cette politique du Go West.