Corrigé : Comment peut-on analyser la crise économique de 2008

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Corrigé : Comment peut-on analyser la crise économique de 2008-2009 ?
Le 15 septembre 2008, la banque d’affaires américaine Lehman Brothers est mise officiellement en faillite, précipitant le monde dans une
crise financière, puis économique, dont l’ampleur ne peut se comparer qu’à celle de 1929.
1. La crise résulte de l’éclatement d’une gigantesque bulle spéculative
1.1. La bulle à l’origine de la crise
- Toutes les grandes crises financières découlent de l’éclatement d’une bulle. Une bulle spéculative peut se former sur n’importe quel
marché d’actif. La valeur d’un titre, d’un tableau ou d’un logement étant déconnectée de son coût de production, il n’y a pas de prix
« juste » ou « fondamental » dont le prix d’un actif ne pourrait pas trop s’écarter. Une bulle est possible à partir du moment où (1) les
agents anticipent que le prix d’un actif va augmenter ; (2) les liquidités nécessaires pour acheter cet actif et entretenir la hausse de son
prix existent.
- Dans les années 2000, les politiques monétaires expansionnistes menées par les banques centrales, en particulier aux Etats-Unis,
fournissent d’abondantes liquidités à la finance mondiale. Les transformations de la finance mondialisée y contribuent également. Une
bulle immobilière se forme en Espagne (multiplication par 2,4 en 9 ans), au Royaume-Uni (multiplication par 2,5 en 11 ans), en Irlande
(triplement en 11 ans) et dans d’autres pays. Aux Etats-Unis, où les prix immobiliers sont traditionnellement stables, la hausse est de 75%
en dix ans (document 2). Cette hausse s’appuie sur un développement déraisonnable du crédit hypothécaire, consenti à des ménages qui
n’ont pas les moyens de rembourser leurs dettes.
- D’autres bulles se forment, dans les matières premières comme le riz, le blé ou le pétrole (dont le cours passe de 40 $ environ par baril
au début des années 2000 à 150 $ à la veille de la crise) ou dans la finance des pays émergents (bourses de Shanghai ou Mumbai, par
exemple). De manière générale, ses bulles entraînent une croissance financée à crédit : plus la valeur d’un logement augmente, par
exemple, plus il est possible de s’endetter en utilisant ce logement comme garantie.
1.2. L’éclatement de la bulle entraîne une crise financière
- L’éclatement de la bulle se traduit par une baisse spectaculaire des prix des actifs, mais aussi par de nombreux défauts de paiement des
agents qui se sont endettés pour acheter des logements ou des titres. Les ménages pauvres qui ont pris des crédits subprime aux EtatsUnis, les promoteurs immobiliers qui possèdent des immeubles vides en Espagne figurent parmi les agents qui ne peuvent plus
rembourser leurs crédits.
- Les banques sont évidemment victimes de ces défauts de paiement, qui signifient que certaines créances qu’elles détiennent n’ont plus
aucune valeur. Bien souvent, les banques qui ont émis les crédits les ont ensuite titrisés et revendus à d’autres, qui ignorent ce qu’ils ont
acheté et quels risques ils ont pris. Des caisses d’épargne allemande ou des collectivités locales françaises ont ainsi acquis des prêts
« toxiques » sans le savoir et se retrouvent en mauvaise situation financière. Selon le principe du crédit hypothécaire, les banques peuvent
saisir les actifs servant de garantie. Mais la valeur de ces actifs a chuté et ne suffit pas à compenser les pertes. La vente précipitée de ces
actifs accentue par ailleurs la chute des prix.
- De nombreuses banques font faillite. D’autres sont fragilisées ou sont sauvées de justesse par les Etats, qui se retrouvent alors euxmêmes endettés. Du fait de la titrisation des crédits et de la complexité croissante des produits financiers, personne ne sait exactement
quel est l’état de santé des établissements de crédit ; si bien que les banques ont peur de se prêter de l’argent les unes aux autres. Le
marché interbancaire est gelé, ce qui ajoute aux difficultés des banques. Les bourses s’effondrent.
2. La crise financière se transforme en crise économique
2.1. L’effondrement du crédit casse la croissance
- Leur fragilité contraint les banques à restreindre brutalement leurs crédits. Selon l’enquête de la BCE, la liquidité de 24% des
établissements de la zone euro s’est dégradée début 2009 (document 1). Leur priorité est de restaurer leur situation financière et de se
désendetter, d’autant que l’accès des banques aux marchés financiers, qui leur permettrait de se procurer des liquidités, s’est dégradé
pour 37 % des banquiers interrogés. Les banques refusent donc de prêter, y compris à des clients solvables et honorablement connus.
Ainsi, sur le marché immobilier, les taux d’intérêt sont très bas, du fait de l’action des banques centrales, mais peu de prêts sont accordés,
ce qui freine le secteur de la construction. Plus grave encore, les crédits aux PME, indispensables à leur fonctionnement, sont rationnés
dans les deux-tiers des cas (document 1). L’activité économique est donc arrêtée par ce blocage du crédit, qui dure plusieurs mois fin
2008 – début 2009 et qui ne se résorbe que lentement.
- Le sauvetage des banques a coûté très cher à certains Etats (Irlande, Espagne, par exemple), ce qui les pousse à augmenter les impôts
pour réduire leurs déficits, ce qui accentue la chute de la demande, ou à emprunter. Mais les Etats eux-mêmes ont du mal à emprunter et
sont obligés de payer des taux d’intérêt élevés, ce qui aggrave leurs déficits. Les Etats ne sont donc pas toujours en mesure de jouer leur
rôle de relance de l’économie. Ainsi, en France, le document 3 montre que la contribution des administrations à la croissance est très
limitée en 2009 et quasiment nulle en 2010 et 2011.
2.2. Le climat des affaires se dégrade
- Touchées par la crise financière, les entreprises ne trouvent plus de financement auprès des banques ni sur les marchés financiers. De
plus, l’avenir apparaît particulièrement incertain. Les entreprises gèlent donc les embauches et réduisent brutalement leurs
investissements en 2009 ; c’est de loin le premier facteur de chute de la demande (document 3).
- Les ménages souhaitent en général maintenir un certain niveau de patrimoine, par sécurité ou pour les études de leurs enfants ou pour
leurs vieux jours. Pendant longtemps, les ménages américains ont pu augmenter leur patrimoine sans épargner, grâce à la hausse de la
valeur des actifs (logements, actions,…). La crise de 2008 inverse ce mécanisme : il faut désormais épargner pour reconstituer un
patrimoine dont la valeur baisse. Ce changement de comportement entraîne la baisse de la consommation. Or, la consommation
américaine était le moteur de la demande mondiale. En France également, le pessimisme des ménages, alimenté par la montée du
chômage, gèle la consommation, qui diminue pour la première fois depuis bien longtemps en 2008 et 2009 (document 3).
Conclusion
La taille de la bulle spéculative qui alimentait la croissance mondiale depuis des années explique l’ampleur de la crise de 2008. Dans la
plupart des pays, celle-ci n’est d’ailleurs toujours pas surmontée. A part pour la Grèce, la crise n’a pas eu les conséquences sociales
dramatiques de la crise de 1929, en particulier du fait de l’action vigoureuse des banques centrales. Mais les causes des déséquilibres
n’ont pas été traitées. Des liquidités massives circulent toujours dans l’économie mondiale et le contrôle de la finance n’est pas amélioré. Il
est donc possible que la crise soit surmontée, au moins dans certaines régions, mais un nouveau cycle de bulle et de crise peut repartir à
tout moment.
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