6 le Cerveau 4/2016
À la conquête
des sommets
«le Cerveau»: Quelle a été pour
vous la découverte la plus stupé-
fiante de la recherche sur le
cerveau de ces dernières années?
Prof. Alain Kaelin: Beaucoup de do-
maines ont connu une véritable explo-
sion de nouvelles connaissances. Pour
ma part, je retiens surtout les progrès
accomplis dans celui des maladies
neurodégénératives*. Nous disposons
pour la première fois pour des mala-
dies telles que l’alzheimer ou le par-
kinson d’un concept expliquant les
raisons pour lesquelles leur évolution
est si différente. Nous en savons da-
vantage sur les protéines qui semblent
jouer dans celles-ci le rôle principal
ainsi que sur la façon dont elles se
disséminent dans le cerveau.
L’une de vos spécialités sont les
troubles de la motricité, égale-
ment présents dans la maladie de
Parkinson. Avons-nous fait
un pas en avant vers la guérison
de cette maladie?
Un pas, oui. Je compare cela avec l’as-
cension d’une montagne: la moitié du
chemin est faite, mais le sommet est
encore très éloigné. Il y a 30 ou 40
ans, nous étions encore tout au fond
de la vallée. Aujourd’hui, au moins,
l’ennemi est identifié. Or un ennemi
connu est un ennemi à moitié vaincu.
C’est le cas pour la maladie d’Alzhei-
mer. On a vu pour la première fois,
cet été, une immunothérapie agir sur
l’évolution de cette maladie. Même si
la période d’observation était courte,
un pas important a été franchi. Mais
pour le parkinson comme pour l’alz-
heimer, le chemin menant à la guéri-
son est encore long est pentu.
Vous utilisez pour le traitement
du parkinson la stimulation
cérébrale profonde. Que faut-il
entendre par là?
Cela consiste à activer ou inhiber à
l’aide d’une électrode certains centres
situés dans les profondeurs du cer-
veau. La modulation de la fonction de
ces centres exerce un effet bénéfique
sur l’ensemble du système moteur.
Même s’il peut entraîner des effets
secondaires, c’est un traitement qui
marche très bien pour soulager le
patient, mais qui est purement sym-
ptomatique. La stimulation profonde
n’empêche malheureusement pas la
maladie d’évoluer, mais elle nous
donne une possibilité de plus d’aider
les patients.
Vous employez aussi la toxine
botulinique, autrement dit
le botox, dont la réputation n’est
pas fameuse.
Cela fait près de 30 ans que nous uti-
lisons cette toxine avec succès pour
combattre les troubles moteurs. Elle
permet d’atténuer les troubles spas-
tiques consécutifs à un AVC ainsi que
les dystonies (contractures muscu-
laires se manifestant par des crampes).
Restant peu connues, les dystonies
obligeaient souvent, dans le temps,
à sectionner les muscles, alors que
la toxine botulinique permet de les
détendre, ce qui représente un grand
soulagement pour les patients. Son
utilisation à des fins cosmétiques est
beaucoup plus récente, et en annon-
çant que la toxine botulinique fait
soudain son apparition dans la méde-
cine la presse se trompe.
Vous êtes entré l’an dernier
au comité de la Ligue suisse pour
le cerveau. Pourquoi?
La Ligue suisse pour le cerveau a
pour fonction d’informer le public.
Le cerveau est l’organe le plus com-
plexe qui soit. Il faut essayer de faire
comprendre cette complexité, et c’est
à quoi j’aimerais contribuer.
Quel est pour le membre
du comité que vous êtes le but
à atteindre?
De profiter de mon expérience de mé-
decin et de chercheur pour faire avan-
cer la recherche sur le cerveau pra-
tiquée en Suisse et, surtout, de faire
comprendre combien la recherche sur
l’être humain est importante. Nous
Il est important de faire connaître
la recherche sur le cerveau à
un large public, dit Alain Kaelin. C’est
ce que fait la Semaine du cerveau.
Source: iStockphoto
Quels sont les résultats de la
recherche sur le cerveau de
ces dernières années? Alain Kaelin,
membre du comité de la Ligue
suisse pour le cerveau, s’est prêté
au jeu des questions et des
réponses.