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À la conquête
des sommets
«le Cerveau»: Quelle a été pour
vous la découverte la plus stu-
fiante de la recherche sur le
cerveau de ces dernières anes?
Prof. Alain Kaelin: Beaucoup de do-
maines ont connu une véritable explo-
sion de nouvelles connaissances. Pour
ma part, je retiens surtout les progrès
accomplis dans celui des maladies
neurodégénératives*. Nous disposons
pour la première fois pour des mala-
dies telles que l’alzheimer ou le par-
kinson d’un concept expliquant les
raisons pour lesquelles leur évolution
est si différente. Nous en savons da-
vantage sur les protéines qui semblent
jouer dans celles-ci le rôle principal
ainsi que sur la façon dont elles se
disséminent dans le cerveau.
L’une de vos spécialités sont les
troubles de la motricité, égale-
ment présents dans la maladie de
Parkinson. Avons-nous fait
un pas en avant vers la guérison
de cette maladie?
Un pas, oui. Je compare cela avec l’as-
cension d’une montagne: la moitié du
chemin est faite, mais le sommet est
encore très éloigné. Il y a 30 ou 40
ans, nous étions encore tout au fond
de la vallée. Aujourd’hui, au moins,
l’ennemi est identifié. Or un ennemi
connu est un ennemi à moitié vaincu.
Cest le cas pour la maladie d’Alzhei-
mer. On a vu pour la première fois,
cet é, une immunothérapie agir sur
l’évolution de cette maladie. Même si
la période d’observation était courte,
un pas important a été franchi. Mais
pour le parkinson comme pour l’alz-
heimer, le chemin menant à la guéri-
son est encore long est pentu.
Vous utilisez pour le traitement
du parkinson la stimulation
cérébrale profonde. Que faut-il
entendre par là?
Cela consiste à activer ou inhiber à
l’aide d’une électrode certains centres
situés dans les profondeurs du cer-
veau. La modulation de la fonction de
ces centres exerce un effet bénéfique
sur l’ensemble du système moteur.
Même s’il peut entraîner des effets
secondaires, c’est un traitement qui
marche très bien pour soulager le
patient, mais qui est purement sym-
ptomatique. La stimulation profonde
n’empêche malheureusement pas la
maladie d’évoluer, mais elle nous
donne une possibilité de plus d’aider
les patients.
Vous employez aussi la toxine
botulinique, autrement dit
le botox, dont la réputation n’est
pas fameuse.
Cela fait près de 30 ans que nous uti-
lisons cette toxine avec succès pour
combattre les troubles moteurs. Elle
permet d’atténuer les troubles spas-
tiques consécutifs à un AVC ainsi que
les dystonies (contractures muscu-
laires se manifestant par des crampes).
Restant peu connues, les dystonies
obligeaient souvent, dans le temps,
à sectionner les muscles, alors que
la toxine botulinique permet de les
détendre, ce qui représente un grand
soulagement pour les patients. Son
utilisation à des fins cosmétiques est
beaucoup plus récente, et en annon-
çant que la toxine botulinique fait
soudain son apparition dans la méde-
cine la presse se trompe.
Vous êtes entré l’an dernier
au comité de la Ligue suisse pour
le cerveau. Pourquoi?
La Ligue suisse pour le cerveau a
pour fonction d’informer le public.
Le cerveau est l’organe le plus com-
plexe qui soit. Il faut essayer de faire
comprendre cette complexité, et c’est
à quoi jaimerais contribuer.
Quel est pour le membre
du comité que vous êtes le but
à atteindre?
De profiter de mon expérience de mé-
decin et de chercheur pour faire avan-
cer la recherche sur le cerveau pra-
tiquée en Suisse et, surtout, de faire
comprendre combien la recherche sur
l’être humain est importante. Nous
Il est important de faire connaître
la recherche sur le cerveau à
un large public, dit Alain Kaelin. C’est
ce que fait la Semaine du cerveau.
Source: iStockphoto
Quels sont les résultats de la
recherche sur le cerveau de
ces dernières anes? Alain Kaelin,
membre du comité de la Ligue
suisse pour le cerveau, s’est prêté
au jeu des questions et des
ponses.
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avons maintenant la possibilité d’ob-
server l’activité du cerveau humain
sans prendre de risque. Des procédés
neurophysiologiques complexes per-
mettent de le voir fonctionner «en
direc, ce dont résultent des possi-
bilités que l’on naurait osé imaginer
il y a 10 ans.
Il y a quelques anes, la NZZ am
Sonntag reprochait à la recherche
sur le cerveau de promettre
depuis 50 ans des avancées
révolutionnaires et des grisons
qui sont reses lettre morte. Que
répondez-vous à cela?
Que régnait autrefois une certaine
naïveté. Prenons l’exemple de l’ac-
teur Christopher Reeve, Superman à
l’écran. Resté tétraplégique à la suite
d’un accident, il créa une fondation
censée rendre la marche d’ici quelques
anes à tous ceux qui avaient subi
le même sort que lui. Cest triste à
dire, mais cela tenait évidemment de
l’utopie. En 1990, les États-Unis pro-
clamaient la «Décennie du cerveau»,
promettant sous dix ans, comme
pour les vols sur la lune, des résultats
spectaculaires. C’était éveiller de faux
espoirs. Mais il y a également eu des
choses positives, comme la «Semaine
du cerveau», qui n’a jamais cessé d’in-
former le public sur ce qui concerne cet
organe. Sans tout ce remue-ménage,
la recherche elle-même n’aurait sans
doute pas avancé comme elle l’a fait.
La recherche sur le cerveau
travaille souvent sur des processus
se déroulant au niveau moléculaire.
Quel profit peut-on en espérer
pour le traitement des maladies et
des traumatismes du cerveau?
On doit à la recherche en biologie
cellulaire une connaissance beaucoup
plus profonde des facteurs biologiques
de la neurodégénérescense. Mais c’est
une recherche qui, selon moi, ne suffit
pas. Il est aussi besoin de comprendre
l’ensemble du système. Comparons
cela à une cathédrale: aujourd’hui, la
recherche étudie et connaît fort bien
les différentes pierres, mais sans que
cela sufse pour comprendre l’archi-
tecture d’une cathédrale en tant que
tout. Le sujet est d’une complexité
telle que l’on a souvent l’impression
que la recherche n’avance pas. Cest
que beaucoup de choses se passent
en coulisses. Et voilà que surgissent
soudainement des découvertes sur-
prenantes, d’un intérêt certain pour
le traitement des maladies du cer-
veau. Par exemple pour le parkinson,
au sujet duquel on sest aperçu que
l’acide urique – une substance endo-
gène – pourrait avoir des propriétés
neuroprotectrices. Selon les données
cliniques les plus récentes, une subs-
tance réputée nocive pour l’organisme
pourrait donc avoir un effet de pro-
tection sur le cerveau! La médecine a
besoin de la recherche fondamentale
pour expliquer les mécanismes de
base. Mais de là à comprendre l’utilité
de chacune des pierres de l’édifice, le
chemin est long et le besoin de temps
très grand.
Le Professeur Dr. Dr. Alain Kaelin a fondé et dirigé de 2004 à 2013 le Centre
des troubles de la motricité de l’Hôpital de l’Île à Berne. Il a pris en 2014 la
direction du Neurocentre de la Suisse italienne à Lugano. Il s’intéresse surtout
au diagnostic et au traitement de la maladie de Parkinson et des troubles de
la motricité. Alain Kaelin appartient depuis 2015 au comité de la Ligue suisse
pour le cerveau.
«Ennemi connu, ennemi à moitié
vaincu», dit le professeur Alain Kaelin
parlant de la maladie de
Parkinson et de celle d’Alzheimer.
Source: Martin Bichsel
*Maladies neurodégénératives:
maladies du système nerveux à évolu-
tion généralement lente, incurables à
ce jour, caractérisées par une destruc-
tion progressive des cellules nerveuses
(neurodégénérescense). En font partie,
la maladie d’Alzheimer et la maladie
de Parkinson.
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