Le tabagisme est-il un frein à la sénescence immunitaire protectrice chez les sujets asthmatiques âgés ?
L'inflammation asthmatique est caractérisée par une infiltration à éosinophiles et à lymphocytes Th2 ; l'identification des facteurs qui peuvent initier
ou augmenter cette infiltration est importante pour la prise en charge de l'asthme, et des études suggèrent que l'exposition à la fumée de tabac
peut être un de ces facteurs.
L'immuno-sénescence, c'est-à-dire la décroissance du système immunitaire liée à l'âge, est un concept récent ; les auteurs ont émis l'hypothèse
que les taux sériques d'IgE et l'inflammation à éosinophiles diminuent avec l'âge chez les asthmatiques n'ayant jamais fumé, alors que cette
diminution est absente chez ceux qui ont fumé ou qui fument encore.
A cet effet, les auteurs ont évalué l'évolution des taux des IgE, des éosinophiles et de l'oxyde d'azote dans l'air exhalé (FENO), en fonction du
tabagisme et de l'âge, de façon transversale chez 307 sujets asthmatiques naïfs de corticoïdes ; ils ont mesuré aussi le taux de lymphopoïétine
thymique (LST) dans les expectorations, cette lymphokine étant induite par le tabagisme et jouant un rôle dans le maintien de l'immunité à Th2.
Les ex-fumeurs étaient définis par un sevrage du tabac depuis au moins 1 an.
Les résultats montrent que :
• les taux d'IgE, d'éosinophiles et de FENO diminuaient avec l'âge chez les sujets n'ayant jamais fumé, ce qui n'était pas observé chez les
fumeurs
• le tabagisme et les taux plus élevés d'IgE étaient des facteurs de risque indépendants d'augmentation des éosinophiles dans le sang
• chez les patients atopiques, le déclin des IgE lié à l'âge était moins net chez les ex-fumeurs, et les comptes d'éosinophiles et la FENO
étaient plus élevés, quel que soit l'âge
• les taux de LST étaient proportionnels aux taux des éosinophiles dans les expectorations et au nombre de paquets-années
• les fumeurs et les ex-fumeurs avaient des niveaux de LST plus élevés que ceux n'ayant jamais fumé.
Ces résultats suggèrent que le tabagisme, et à moindre degré les antécédents de tabagisme, peuvent atténuer la diminution des taux sériques
d'IgE liée à l'âge, et maintenir des taux d'IgE élevés chez les asthmatiques les plus âgés, en particulier s'ils sont atopiques ; ils peuvent aussi
maintenir une inflammation à éosinophiles, dans laquelle, la LST peut jouer un rôle, peut-être par le biais d'une modification épigénétique des
cellules épithéliales bronchiques.
Les mécanismes favorisant l'augmentation des effets du tabagisme sur l'inflammation à éosinophiles chez les asthmatiques atopiques ex-fumeurs
ne sont pas connus ; ils pourraient faire intervenir les lymphocytes T mémoires.
Même si cette étude peut avoir des facteurs de limitation (étude transversale et non de cohorte pouvant être source de facteurs confondants,
tabagisme évalué par des auto-questionnaires, patients fumeurs ou ex-fumeurs les plus âgés pouvant avoir une BPCO associée), les auteurs
concluent que le tabagisme peut atténuer l'immuno-sénescence et maintenir l'inflammation à éosinophiles chez les asthmatiques, et que celle-ci
doit être prise en compte dans la prise en charge des sujets âgés exposés au tabagisme, particulièrement s'ils sont atopiques.
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