Interactions des médicaments anti-infectieux avec l’alimentation
Beaucoup pensent encore à tort que la prise des antibiotiques en cours de repas doit être la règle.
Si la prise des médicaments durant les repas facilite la compliance, il ne faut pas négliger le risque
d’interactions entre la prise de médicaments, les constituants alimentaires et l’ensemble des
phénomènes physiologiques impliqués dans la digestion.
Les interactions les plus fréquentes sont associées à une réduction de l’efficacité du médicament
liée à une diminution de sa biodisponibilité. Cela peut conduire à un risque d’échec thérapeutique
(concentration plasmatique sous la CMI), surtout si les pathogènes présentent une certaine
résistance au médicament, associé à une hospitalisation prolongée.
D’autres interactions peuvent augmenter l’effet du médicament avec en conséquence la survenue
d’effets secondaires et le risque que le patient interrompe son traitement.
D’autre part, la prise simultanée de nourriture permet de réduire certains effets secondaires
(apparition de nausées lors de l’administration de certains macrolides ou de l’association
amoxicilline – acide clavulanique)
La prise simultanée d’aliments peut entraîner des interactions pharmacocinétiques (modification de
l’absorption, le métabolisme et l’élimination des antibiotiques) et des interactions
pharmacodynamiques, plus rares, par lesquelles la nourriture modifie l’action des médicaments au
niveau du récepteur.
1. Interactions modifiant l’absorption des antibiotiques
Ce type d’interactions dépend d’une part des variations de l’acidité gastrique et de la composition
de la nourriture et d’autre part des propriétés physicochimiques du médicament.
1.1.Effets physiologiques de la nourriture sur l’absorption
La prise d’un repas a pour conséquence d’augmenter les sécrétions gastrointestinales et donc de
diminuer le pH gastrique. La dissolution et l’absorption des médicaments basiques (macrolides,
aminosides, tétracyclines, …) sont ainsi accélérés contrairement aux médicaments acides
(quinolones, …). De même, la dégradation des médicaments acido-labiles s’en trouve amplifiée
(érythromycine).
La vidange gastrique est accélérée par la prise de grandes quantités de liquide, les aliments froids,
les fibres, mais est réduite par la prise d’un repas conséquent, l’alcool, les aliments chauds,
acides, …
Une diminution de la vidange gastrique peut avoir des effets défavorables : augmentation de la
dégradation des médicaments instables à faible pH mais aussi bénéfiques : augmentation du temps
d’absorption de certains dicaments (principalement médicaments à faible vitesse de
dissolution).
Les solutions et suspensions d’antibiotiques sont peu affectées par ces phénomènes car elles se
retrouvent rapidement au niveau de l’intestin où l’absorption a lieu.
1.2.Influence de la composition de la nourriture
Le meilleur exemple est certainement la diminution d’absorption des fluoroquinolones et des
tétracyclines liée à la formation de chélates insolubles lors de la prise concomitante de cations bi-
et trivalents que l’on retrouve dans les produits laitiers et dans les préparations anti-acides.
La consommation d’aliments riches en tyramine (gruyère, cheddar, emmental camembert, foie de
bœuf, chianti, …) avec l’isoniazide
De même il existe un risque de formation de nitrosamines cancérogènes lors de l’administration
d’aliments riches en nitrites (viandes, fromages, …) et de médicaments « nitrosables »
(tétracycline)
2. Interactions modifiant le métabolisme
L’absorption d’un repas riche en protéines va augmenter le flux sanguin hépatique ainsi que
l’activité du cytochrome P450 avec en conséquence une diminution de la biodisponibilté des
antibiotiques, inversement pour un repas riche en glucides ou en lipides.
Les aliments cuits au feu de bois de même que certains végétaux (choux, choux-fleur, navets,
brocoli, …) renferment des dérivés qui vont augmenter l’activité des enzymes de métabolisation et
diminuer la biodisponibilité des antibiotiques.
De même le jus de pamplemousse renferme des inhibiteurs du cytochrome P450 avec pour
conséquence une augmentation de la biodisponibilité de certains médicaments (érythromycine,
saquinavir, …). L’augmentation de la biodisponibilité peut être mise à profit dans le cas des
médicaments antisida : pour atteindre des concentrations plasmatiques similaires la dose d’anti
HIV prise avec du jus de pamplemousse est inférieure à la dose normale prise sans jus de
pamplemousse.
De même la prise d’alcool est contre-indiquée chez les patients traités par des antiparasitaires
appartenant à la famille des nitro-imidazolés (métronidazole, kétoconazole, tinidazole, …)en raison
du risque d’effet antabuse.
3. Interactions modifiant l’élimination
Certains aliments peuvent modifier le pH urinaire : les poissons, les fromages, les crustacés, la
volaille, les viandes, les raisins diminuent le pH urinaire et augmentent l’ionisation et l’élimination
rénale des médicaments basiques tandis que les produits laitiers augmentent le pH urinaire avec en
conséquence une élimination accrue des médicaments acides.
Ce type d’interactions est cependant faible.
PRISE DES MEDICAMENTS ANTI-INFECTIEUX ORAUX PAR RAPPORT AUX REPAS
1. Antibactériens
1.1. Bêta-lactames
1.1.1. Pénicillines
1.1.1.1. Pénicillines sensibles aux bêta-lactamases
Nom commercial Principe(s) actif(s) Prise en fonction des repas Raison - Remarques
Péni-oral® *Phénoxyméthyl-pénicilline K Pas d’influence Les taux sanguins sont légèrement + élevés en cas d’administration à jeun
Rixapen®Clométocilline Pendant repas Diminution de l’intolérance digestive lors de l’administration pendant
repas
1.1.1.2. Pénicillines résistantes aux bêta-lactamases
Floxapen® *
Staphycid®
Flucloxacilline 1 heure avant repas L’absorption est réduite lors de l’administration pendant repas
Orbenin®
Penstaphon®
Cloxacilline 1 heure avant repas ou 2 heures après L’absorption est retardée lors de l’administration pendant repas
1.1.1.3. Aminopénicillines
Clamoxyl® *
Flemoxin®
Novabritine®
Amoxicilline Pas d'influence -
Penbritin®
Pentrexyl®
Ampicilline 1 heure avant repas ou 2 heures après L’absorption est réduite lors de l’administration pendant repas
1.1.2. Céphalosporines
1.1.2.1. Première génération
Cefaperos®Céfatrizine Pas d'influence Diminution de l’intolérance digestive éventuelle lors de l’administration
pendant repas
Ceporex®
Keforal®
Céfalexine Pas d'influence L’absorption est retardée lorsque la céfalexine est administrée pendant
repas mais elle n’est pas diminuée
Duracef® *Céfadroxil Pas d'influence -
1.1.2.2. Deuxième génération
Ceclor®Cefaclor Pas d'influence L’alimentation ralentit la vitesse d’absorption et réduit la hauteur des pics
sériques sans modifier la quantité totale résorbée (ASC)
Zinnat® *Cefuroxime 15 à 30 minutes après repas L’alimentation augmente la biodisponibilité (37% à jeun versus 52% après
repas)
1.1.3. Bêta-lactames + inhibiteur des bêta-lactamases
Augmentin® *
Clavucid®
Acide clavulanique +
Amoxicilline
Pendant repas Réduction des effets secondaires
La résorption de l’amoxicilline n’est pas influencée par l’absorption
de nourriture tandis que celle de l'acide clavulanique est optimale
lors de l'administration tout au début du repas
1.2. Macrolides
Erythrocine®
Erythroforte®
Erythromycine ½ heure avant repas L’érythromycine est détruite en milieu acide
Le jus de pamplemousse augmente la biodisponibilité
Biclar® *
Héliclar®
Maclar®
Clarithromycine Pendant repas La nourriture diminue la vitesse d’absorption mais réduit
l’intolérance digestive
Le jus de pamplemousse augmente la biodisponibilité
Claramid®
Rulid®
Roxithromycine 1/4 heure avant de préférence L'administration doit être la plus proche possible des repas mais pas
pendant repas (car modification de la biodisponibilité)
Ketek®Télithromycine Pas d'influence -
Merced®Miomycine Pas d'influence -
Rovamycine®Spiramycine Pas d'influence -
Unibac®Dirithromycine Pendant ou immédiatement après repas Biodisponibilité augmentée
Zitromax®Azithromycine Comprimé : pas d’influence
Suspension orale : 1 heure avant ou 2
heures après repas
Comprimé : diminution des effets secondaires gastro-intestinaux lors de
la prise simultanée de nourriture
1.3. Clindamycine et lincomycine
Dalacin C® *Clindamycine Pas d'influence Eviter les cyclamates (édulcorants) qui formeraient des complexes
insolubles
Lincocin®Lincomycine 1 heure avant ou 2 heures après repas L’administration pendant les repas diminue la résorption
Eviter les cyclamates (édulcorants) qui formeraient des complexes
insolubles
Nom commercial Principe(s) actif(s) Prise en fonction des repas Raison - Remarques
1.4. Quinolones
Avelox® *
Proflox®
Moxifloxacine Pas d'influence Au moins 2 heures avant ou après les sels de fer, les antiacides, le
sucralfate ou les préparations contenant de l’Al, du Mg ou du Ca en raison
du risque de diminution d’absorption
Ciproxine®Ciprofloxacine Pas d’influence Les comprimés seront pris à jeun si on veut accélérer la résorption.
En effet, la nourriture retarde la vitesse d’absorption mais l’ASC
est inchangée
Au moins 2 heures avant ou après les sels de fer, les antiacides, le
sucralfate ou les préparations contenant de l’Al, du Mg ou du Ca en
raison du risque de diminution d’absorption
Tarivid®Ofloxacine Pas d'influence cf. Avelox®
Tavanic® *Lévofloxacine Pas d’influence cf. Avelox®
Zoroxin®Norfloxacine 1 heure avant ou 2 heures après repas cf. Avelox®, mais l’interaction serait plus prononcée avec la norfloxacine
1.5. Sulfamidés antibactériens
Eusaprim® *
Bactrim®
Sulfaméthoxazole +
Trimethoprime
Après repas de préférence La prise après repas permet de réduire d’éventuels troubles gastro-
intestinaux sans diminuer la résorption
1.6. Tétracyclines
Mino 50®
Minocin®
Minotab®
Minocycline Pas d’influence Eviter position couchée immédiatement après la prise
Eviter l’administration simultanée avec des antiacides ou des
préparations contenant du fer, des sels de Ca, Al ou Mg qui
entraînent la formation de complexes et diminuent la résorption
Tétralysal®Tétracycline 1 heure avant repas Eviter l’administration simultanée avec des antiacides ou des préparations
contenant du fer, des sels de Ca, Al ou Mg
Vibratab® *Doxycycline Pas d’influence Diminution des effets secondaires éventuels lors de l’administration
pendant repas
Eviter l’administration simultanée avec des antiacides ou des
préparations contenant du fer, des sels de Ca, Al ou Mg
Eviter position couchée immédiatement après la prise
1.7. Rifamycines
Mycobutin®Rifabutine Pas d'influence Un repas riche en graisses retarde l’absorption
Diminution de l’intolérance digestive lors de l’administration pendant
repas
1.8. Divers
Fucidin® *Fusidate Na Avant repas Meilleure absorption
Furadantine MC®Nitrofurantoïne Pendant repas L’absorption est augmentée lors de l’administration pendant repas
Hiprex®Méthénamine Pas d'influence Une alimentation alcalinisant les urines (lait, crèmes, …) peut réduire
l’efficacité
Monuril®Fosfomycine A jeun (ou 2 à 3 heures avant repas),
après miction
-
Urfadyn PL® *Nifurtoïnol Pendant repas L’absorption est augmentée lors de l’administration pendant repas
Urfamycine®Thiamphénicol Pas d’influence -
Zyvoxid®Linézolide Pas d’influence Eviter aliments riches en tyramine (fromages, extraits de levure, boissons
alcoolisées non distillées, produits à base de fèves, de soja fermentés)
1.9. Antituberculeux
Myambutol® *Ethambutol Pas d’influence Eviter aliments riches en nitrites (charcuterie, épinards, salades, …) qui
pourraient donner naissance à des nitrosamines (substances
potentiellement cancérigènes)
Nicotibine® *Isoniazide 1 heure avant ou 2 heures après repas L’absorption est réduite lors de l’administration pendant repas
Eviter aliments riches en tyramine (fromages, vins rouges)
Alcool contre-indiqué (effet disulfiram et augmentation de
l'hépatotoxicité)
Rifadine® *Rifampicine 30 minutes avant ou 2 heures après
repas
L’absorption est réduite par la nourriture ou les antiacides
Tebrazid® *Pyrazinamide Pendant repas Réduction des nausées, toutefois la nourriture réduit la biodisponibilité
* = médicaments inscrits au formulaire thérapeutique du CHU
= médicaments inscrits au formulaire thérapeutique pour lesquels l’influence de l’alimentation est significative
Abréviations :
ASC : aire sous la courbe
Cmax : concentration maximale de l’antibiotique
Tmax : temps auquel la Cmax est atteinte
Al : aluminium
Mg : magnésium
Ca : calcium
Références :
1. Compendium 2005, AGIM
2. Drug-Food Interactions, Journal of the Pharmacy Society of Wisconsin, 1998
3. Médicaments et alimentations, CAPP-INFO, 15, 2000
4. Les antibiotiques : comprendre pour mieux conseiller, 77, 2003
5. Food-drug interactions, Drugs & Therapy Perspectives, 19, 9, 2003
PRISE DES MEDICAMENTS ANTI-INFECTIEUX ORAUX PAR RAPPORT AUX REPAS
2. Antimycosiques
Nom commercial Principe(s) actif(s) Prise en fonction des repas Raison - Remarques
Daktarin® *Miconazole Comprimé : pas d’influence
Gel oral : après repas
-
Diflucan® *Fluconazole Pas d’influence -
Lamisil Terbinafine Pas d’influence -
Nilstat® *Nystatine A distance des repas -
Nizoral® *Kétoconazole Pendant repas En raison de la lipophilie du produit, l’absorption sera meilleure
lorsque les comprimés sont pris juste avant ou pendant un repas
comportant des graisses
Alcool contre-indiqué (effet disulfiram)
Eviter administration concomitante d’antacides car un milieu acide
nécessaire à l’absorption du produit
Sporanox® *Itraconazole Gélule : immédiatement après repas
Solution : au moins 1 heure avant
Gélule :
Résorption maximale avec repas
Eviter l’administration concomitante d’antacides car un milieu acide
est nécessaire à l’absorption du produit
Solution : biodisponibilité diminuée avec repas
Vfend®Voriconazole 1 heure avant ou 1 heure après L’absorption de doses multiples de Vfend et d’un repas riche en graisses
réduit la Cmax et l’ASC de 34 à 24 % respectivement
* = médicaments inscrits au formulaire thérapeutique du CHU
= médicaments inscrits au formulaire thérapeutique pour lesquels l’influence de l’alimentation est significative
Abréviations :
ASC : aire sous la courbe
Cmax : concentration maximale de l’antibiotique
Tmax : temps auquel la Cmax est atteinte
Al : aluminium
Mg : magnésium
Ca : calcium
Références :
1. Compendium 2005, AGIM
2. Drug-Food Interactions, Journal of the Pharmacy Society of Wisconsin, 1998
3. Médicaments et alimentations, CAPP-INFO, 15, 2000
4. Les antibiotiques : comprendre pour mieux conseiller, 77, 2003
5. Food-drug interactions, Drugs & Therapy Perspectives, 19, 9, 2003
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