Actualités pharmaceutiques
• n° 551 • décembre 2015 •
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pratique
suivi offi cinal
F Le sodium augmentant la pression
artérielle, son apport journalier chez
l’hypertendu ne devrait pas dépasser
6g. Un apport alimentaire trop impor-
tant (plats cuisinés, sel de table, char-
cuteries…) interfère avec les
traitements antihypertenseurs. Une
interaction par potentialisation est éga-
lement possible avec les formes effer-
vescentes de certains médicaments.
F Les aliments riches en potas-
sium (abricot, banane, asperge, avo-
cat, cacahuètes…) peuvent provoquer
une accumulation chez les patients
sous traitement hyper kaliémiant: sel
de potassium, diurétiques hyperkalié-
miants, IEC, sartans, ciclosporine…
F Lors de l’administration de
fluor en prévention de la carie den-
taire, il est important de tenir compte
de l’apport alimentaire (eau, sel de
table fluoré) dans la posologie quoti-
dienne (maximum 2mg/jour) afin
d’éviter toute fluorose (altération
des dents et des os) [9].
Les nutriments
L’alimentation peut influencer la
tolérance et l’efficacité des médica-
ments associés en atténuant, ralen-
tissant ou renforçant leurs effets.
F Un repas riche en lipides ralentit
le péristaltisme intestinal, favorise la
dissolution de certains principes
actifs et stimule la sécrétion biliaire,
augmentant ainsi la biodisponibilité
de certains médicaments lipo-
solubles comme la griséofulvine, la
ciclosporine, le phénytoïne, la carba-
mazépine ou encore l’albendazole.
F Une alimentation riche en
fibres retarde l’absorption de la
digoxine dans les six heures suivant
la prise et diminue celle des anti-
dépresseurs tricycliques
F L’acide phytique contenu
notamment dans le pain complet
peut réduire l’absorption de nom-
breux cations, en particulier du zinc
et du calcium. Il est donc important
d’espacer les prises des minéraux
de la consommation de pain
complet d’au moins deux heures.
F Une alimentation riche en vita-
mine K peut interférer avec les
anticoagulants oraux AVK (warfa-
rine, acénocoumarol, fluindione);
c’est le cas des betteraves, de la
laitue, des épinards, de la chou-
croute, du chou frisé, du chou de
Bruxelles, des brocolis et du foie.
Aucun aliment n’est strictement
interdit, mais une irrégularité des
apports alimentaires peut provo-
quer une instabilité de l’INR [10,11].
F Un apport important en tyra-
mine peut être source d’interactions
avec certains médicaments. En effet,
la tyramine est retrouvée dans les fro-
mages fermentés, les viandes et les
poissons fumés ou faisandés, la
sauce soja ou la choucroute. Il s’agit
d’une amine sympathomimétique qui
induit la libération de la noradrénaline.
Lanoradrénaline et la tyramine sont
métabolisées par l’isoenzyme A de
lamonoamine-oxydase (MAO).
L’ingestion d’aliments contenant de
la tyramine associée à l’iproniazide
(IMAO non sélectif) est déconseillée
car l’inhibition des MAO empêche la
destruction de la noradrénaline qui
s’accumule, provoquant une éléva-
tion de la pression artérielle accom-
pagnée de violentes migraines, de
bouffées vasomotrices, de palpita-
tions ou de nausées. C’est “l’effet fro-
mage” qui s’observe une demi-heure
à deux heures après leur consom-
mation.
F Une alimentation enrichie en
acide nicotinique (vitamine B3),
essentiellement présente dans la
viande, le foie, les champignons ou
les fruits secs, augmente le risque
de rhabdomyolyse avec les statines
à fortes doses [7].
L’alcool
F Les médicaments ralentissent
le métabolisme de l’alcool, aug-
mentant le phénomène de toxicité.
Ilest alors question d’effet antabuse,
caractérisé par des bouffées conges-
tives du visage, des vomissements,
des céphalées et une tachycardie.
Ledisulfirame est utilisé, pour cet effet
secondaire, dans la prévention des
rechutes au cours de l’alcoolodépen-
dance, mais d’autres molécules ont
un effet antabuse non souhaité:
lechloramphénicol, les nitrofuranes,
la griséofulvine, le métronidazole,
lekétoconazole, l’isoniazide ou les
sulfamides hypoglycémiants.
F L’alcool agit sur le métabolisme
des médicaments, augmentant ou
ralentissant leur destruction. À forte
dose, il retarde l’évacuation gastrique,
diminuant la résorption de certaines
molécules.
Une consommation aiguë d’une dose
élevée d’alcool peut ainsi inhiber le
métabolisme d’un médicament et
retarder son élimination. L’effet sédatif
de l’alcool est alors majoré par les
dépresseurs du système nerveux cen-
tral (interaction pharmaco dynamique):
antidépresseurs, antihistaminiques,
sédatifs, benzodiazépines, barbituriqu
es,hypnotiques,anxiolytiques,neuro-
leptiques, morphiniques…
Au contraire, un alcoolisme chro-
nique peut activer les enzymes du
métabolisme du médicament et ainsi
accélérer son élimination. Uneposo-
logie supérieure à la normale est
alors nécessaire afin d’obtenir l’effet
thérapeutique attendu.
F L’alcool majore les risques
d’acidose lactique lors de la prise
de metformine [12]. w
Cas particulier des traitements
homéopathiques
Les médicaments homéopathiques
doivent être pris de préférence à dis-
tance des repas (15 minutes avant ou
30 minutes après), dans de l’eau miné-
rale pour les gouttes et les triturations.
Contrairement aux idées répandues,
la menthe, le thé et le café absorbés à
distance de la prise n’antidotent pas
leur action.
Pour les enfants de moins de 2ans,
les doses et les granules peuvent être
dissoutes dans de l’eau minérale, puis
administrées à l’aide d’une pipette ou
d’une cuillère.
Références
[6] Afssaps. Mise au point
sur l’interaction médicaments
et jus de pamplemousse.
Octobre2008. http://ansm.
sante.fr/var/ansm_site/
storage/original/application/6c
e69646d8057c4b0bba19dea0
500a16.pdf
[7] Dahmoune A, Smati D.
Aliments et médicaments:
principales interactions.
5eCongrès international sur
les plantes aromatiques et
médicinales (CIPAM 2014);
17-20mars 2014, Zarzis,
Tunisie. www.ummto.dz/IMG/
pdf/Dahmoune.pdf
[8] Fattinger K, Meier-
Abt A. Interactions entre
phytothérapie et médicaments.
Forum Med Suisse.
2003;29/30:693-700.
[9] Locong A, Ruel D. Guide
des interactions médicaments,
nutriments et produits naturels.
Québec (Canada): Les Presses
de l’Université Laval; 2003
[10] La revue
Prescrire.Interactions des
antivitamines K avec des
aliments et des médicaments.
2013;33(353):193-4.
[11] Afssaps.
Lesmédicaments
antivitamineK (AVK):
conseils pratiques pour
le personnel soignant.
Avril2009. www.omedit-
centre.fr/
NEVEREVENTAVK_
web_gen_web/res/
avkConseilsPersonnelSoignant__1_.
pdf
[12] Peters J. Alcool et
médicaments. Société
scientifi que des pharmaciens
francophones. Juillet2012.
http://sspf.claroline.com/
claroline/backends/download.
php?url=L1RleHRlX2FsY29vb
F9ldF9t6WRpY2FtZW50cy5w
ZGY%3D&cidReset=true&cidR
eq=GEN2012ALCOO
Déclaration de liens d’intérêts
L’auteur déclare ne pas avoir
de liens d’intérêts.