Amyotrophie Le terme amyotrophie ou myatrophie désigne, en sémiologie neurologique, un signe clinique consistant en une atrophie musculaire. Cette atrophie concerne les muscles striés squelettiques mis en jeu volontairement. Selon le caractère diffus ou localisé de l'amyotrophie et selon la répartition des muscles concernés, le diagnostic de la maladie responsable peut être fait par le clinicien. L'amyotrophie neurogène, à proprement parler, résulte d'une dénervation (c'est-à-dire de la perte de l'innervation motrice) du muscle et ne doit donc pas être confondue avec la perte de la masse musculaire observée dans la sarcopénie ou d'autres myopathies cataboliques, ni avec l'atrophie musculaire qui accompagnes certaines myopathies de type dystrophique. Exemples de situations cliniques comportant une amyotrophie neurogène L'amyotrophie névralgique de l'épaule ou syndrome de Parsonage-Turner, comporte une douleur et une faiblesse musculaire des muscles l'épaule. Il s'agit d'une plexopathie inflammatoire aiguë du plexus brachial de cause inconnue. La poliomyélite laisse comme séquelle une amyotrophie du ou des membres ayant été paralysés La sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot) Les amyotrophies spinales proximales (ASP) La polyneuropathie comporte une amyotrophie distale des membres La neuropathie ulnaire comporte une amyotrophie des muscles interosseux de la main. Un syndrome neurogène périphérique. Symptômes et signes cliniques Les principaux symptômes sont une faiblesse d'un ou plusieurs membres, souvent accompagnée de troubles sensitifs. Lors de l'examen neurologique, on retrouve en particulier des déficits moteurs et sensitifs, une amyotrophie, des fasciculations ainsi qu'une diminution des réflexes ostéo-tendineux. 1 Formes Topographique Lésion du neurone moteur La lésion est située au niveau de la corne antérieure de la moelle. Elle réalise un syndrome neurogéne périphérique dit moteur pur. Il associe des crampes et des fasciculations. Ces fasciculations témoignent en général d'une dégénérescence du corps cellulaire au niveau de la corne antérieure de la moelle. Lésion d'une racine Les symptômes vont dépendre de la localisation de la lésion. Une lésion au niveau de la corne antérieure engendrera un déficit moteur de topographie radiculaire, Lésion d'un tronc nerveux Elle est à l'origine d'un syndrome tronculaire sensitivo-moteur. Lesion du plex amyotrophiées de type Aran Duchenne (atrophie de tous les muscles intrinsèques de la main, « main de singe ») avec des rétractions tendineuses des fléchisseurs des doigts. Syndrome myogène (myopathique) Ensemble des symptômes et signes résultant d'une maladie du muscle lui-même (myopathie) I – Symptomes 1. Faiblesse musculaire Retentit sur les activités motrices courantes : marcher, courir, gravir les escaliers, se relever d'un siège, porter des charges lourdes, etc… 2 2. Douleurs musculaires (myalgies) et crampes (avec contraction en boule d'un muscle) II – Signes cliniques 1. Déficit moteur Proximal et bilatéral Prédomine à la racine des membres et sur la musculature axiale o ceinture pelvienne et muscles paravertébraux marche dandinante, « en canard » difficulté à se relever de la position accroupie (le malade prend appui avec ses mains sur les genoux et « grimpe » le long de ses cuisses) ou de la position assise Gowers hyperlordose (atteinte des muscles paravertébraux) o ceinture scapulaire et nuque déficit des deltoïdes, des biceps et triceps brachiaux scapula alata (décollement des omoplates par paralysie des grands dentelés) déficit des fléchisseurs de la nuque D'autres muscles peuvent être atteints, plus rarement : o muscles de la face orbiculaires des paupières releveur de la paupière supérieure (ptosis) muscles oculomoteurs ou pharyngo-laryngés o muscles distaux o muscles respiratoires (syndrome restrictif) o cœur (cardiomyopathie) 2. Modifications du volume musculaire Amyotrophie Même topographie que le déficit moteur ( proximal et bilatéral) et sévérité variable Parfois masquée par le panicule adipeux Parfois absente (myopathies métaboliques) Hypertrophie, plus rare, concernant surtout les mollets. 3 3. Anomalies de la contraction ou de la décontraction musculaire Abolition du réflexe (ou contraction) idio-musculaire : La percussion directe du muscle (avec un marteau à réflexes) ne provoque plus la réponse normale (qu'est la contraction en masse du muscle suivie d'une décontraction rapide) Contraction anormale, « en boules » Myotonie o Lenteur de la décontraction musculaire, indolore o Spontanée (le patient desserre lentement un objet ou la main de l'examinateur) ou provoquée (par percussion de l'éminence thénar : le pouce se met en adduction et ne revient que lentement à sa position initiale). o Inconstante, ne s'observe que dans certaines myopathies . 4. Rétractions tendineuses 5. Signes négatifs Pas de déficit sensitif Pas d'abolition des réflexes ostéo-tendineux (sauf à un stade évolué, quand l'amyotrophie ne permet plus d'obtenir la réponse) Pas de fasciculations III - Examens complémentaires 1. Electrodiagnostic neuro-musculaire Electromyogramme (EMG) : tracé myogène o Anormalement riche en unités motrice par rapport à l'effort fourni (un grand nombre d'unités sont recrutées : sommation spatiale) o Potentiels polyphasiques, de brève durée et de faible amplitude o Dans les myopathies avec myotonie, l'EMG comporte des salves d'unité motrice rapprochées (bruit caractéristique de « rafale ») Les vitesses de conduction nerveuse (VCN) motrices et sensitives sont normales (Le nerf périphérique n'est pas concerné par le processus pathologique). 4 Tracé EMG interférentiel Tracé EMG myogène : Myotonie : 2. Augmentation de la créatine kinase (CK) sérique 5 (normal) : Quasi-constante Due à la nécrose des fibres musculaires (d'où libération et passage dans le sang de l'enzyme) Parfois considérable (10 à 20 fois la normale, N < 70 UI/l) 3. Biopsie musculaire Tous les fascicules sont atteints de façon inégale : coexistence de fibres atrophiques et hypertrophiques ; aspect « bariolé » caractéristique Présence de fibres nécrosées et de fibres en régénérescence (basophiles) Fibrose et augmentation du tissu adipeux (« dégénérescence graisseuse » du muscle à un stade évolué). De nombreuses autres anomalies peuvent s'observer, certaines ayant valeur d'orientation étiologique. IV - Diagnostic différentiel 1. Syndrome neurogène périphérique Déficit moteur et atrophie sont communs au syndrome myogène et au syndrome neurogène périphérique. En faveur du syndrome myogène : o déficit proximal et bilatéral o abolition du réflexe idéo-musculaire o réflexes ostéotendineux conservés o absence de déficit sensitif o absence de fasciculations Le DgD est parfois difficile, y compris avec les examens complémentaires. 2. Certaines amyotrophies d'inutilisation (alitement prolongé, atteintes du système nerveux central, dénutrition, etc… ) V - Formes topographiques Certaines myopathies sont particulières ou inhabituelles par leur distribution topographique : myopathies distales formes très asymétriques formes purement oculaires (ptosis, paralysie des muscles oculomoteurs) formes purement cardiaques 6 L'ESSENTIEL A RETENIR Déficit moteur proximal et axial, parfois facial Amyotrophie de même topographie, parfois hypertrophie Myotonie (lenteur à la décontraction musculaire) inconstante Signes négatifs (pas de déficit sensitif, ROT présents). Tracé EMG riche (sommation spatiale) et peu volté Elévation de la CK (créatine kinase) sérique Biopsie musculaire : aspect bariolé, en mosaïque des fibres. Diagnostic différentiel : le syndrome neurogène périphérique (déficit sensitif, ROT abolis, fasciculations) Mouvements anormaux involontaires On appelle mouvements involontaires ou mouvements anormaux involontaires une activité motrice indépendante de la volonté, survenant à l'état de veille. Pour la plupart d'entre eux, mais pas pour tous, ils résultent d'un dysfonctionnement ou d'une lésion des noyaux gris centraux. Il en existe deux grandes variétés : certains sont rythmés et réguliers (tremblements), d'autres sont non rythmés. I – Mouvements involontaires rythmés et réguliers 1. Tremblements Définition : oscillations rythmiques involontaires que décrit tout ou partie du corps autour de sa position d'équilibre. Tremblement de repos = tremblement parkinsonien Tremblement d'attitude A l'inverse du tremblement de repos, il n'apparaît que dans le maintien volontaire d'une attitude (bras tendus, index l'un face à l'autre) et il disparaît totalement en position de repos, sauf quand il est très intense. Il est plus rapide que le tremblement de repos et peut s'associer à un tremblement du 7 chef ainsi qu'à une dysarthrie « chevrotante ». Un signe de la roue dentée peut y être associé (traduisant les à-coups liés au tremblement), mais il n'ya pas de véritable rigidité, ni non plus d'akinésie. Tremblement d'action ou tremblement intentionnel Il apparaît surtout lors du mouvement volontaire nécessitant une précision du geste : épreuve doigt-nez, épreuve du verre d'eau : en portant un verre d'eau à la bouche, le geste du malade est parasité par des secousses rythmiques amples. Il peut augmenter à l'approche du but, à la différence du tremblement d'attitude. Le type en est le tremblement cérébelleux. En fait, le tremblement d'attitude et le tremblement d'action sont souvent associés : dans les formes intenses, on parle parfois de « dyskinésie volitionnelle et d'attitude ». 2. Myoclonies rythmés Les myoclonies sont des contractions musculaires brèves et involontaires, avec déplacement d'un segment de muscle, d'un muscle entier ou d'un groupe de muscles. Myoclonies épileptiques Elles peuvent s'inscrire dans le cadre d'une crise d'épilepsie généralisée, ou dans le cadre des crises d'épilepsie partielles motrices. Dans ce dernier cas, elles peuvent atteindre un hémicorps ou uniquement un hémiface. Les myoclonies épileptiques proviennent d'un foyer épipleptogène situé dans le cortex cérébral (voir chapitre Epilepsie). Myoclonies métaboliques Le type en est le « flapping tremor » : le malade ayant les bras tendus, on observe de brusques mouvements de flexionextension des poignets. Myoclonies du voile du palais Très rares, elles résultent d'une lésion de fibres réunissant l'olive bulbaire et le noyau dentelé du cervelet. Elles sont habituellement lentes et peuvent s'étendre à la face, aux muscles oculaires, au diaphragme. II –Mouvements involontaires non rythmés 1. Mouvements lents Dystonies Elles réalisent une contraction musculaire prolongée, ou une pris de posture 8 anormale. Habituellement absentes au repos, elles apparaissent lors du maintien d'une attitude ou lors du mouvement volontaires, qu'elles parasitent. Tous les segments musculaires de l'organisme peuvent être touchés. On distingue les dystonies généralisées, très rares, des dystonies focales, les plus fréquentes : o Dystonies du cou : torticolis spasmodique, habituellement latérocolis mais parfois antecolis ou retrocolis o Dystonie de la main : crampe des écrivains apparaissant lors de l'écriture, qui est l'exemple type de la dystonie de fonction. o Le larynx : dysphonie spasmodique o La paupière : blépharospasme Athétose et pseudo-athétose C'est un mouvement lent, irrégulier, incessant, mais surtout reptatoire et distal. L'athétose est souvent associée à une dystonieL'athétose vraie est à distinguer de la pseudo-athétose par déficit proprioceptif : les troubles de la sensibilité profonde, quelle qu'en soit la topographie, peuvent entraîner des mouvements involontaires qui ressemblent à l'athétose, mais disparaissent lorsque le segment de membre repose sur un plan (main instable ataxique, ou thalamique). Syndrome des jambes sans repos Les malades éprouvent des impressions pénibles, souvent difficiles à définir (impatiences, douleurs), mais surtout survenant au repos (assis ou allongé), le soir ou la nuit, et les obligeant à marcher pour soulager leurs symptomes. Ce syndrome est très souvent associé à des mouvements périodiques des jambes, la nuit. 2. Mouvements brusques et brefs Myoclonies C'est la très grande brièveté du mouvement volontaire qui fait évoquer le diagnostic. Tous les segments de la musculature peuvent être concernés. Il y a des myoclonies généralisées, des myoclonies focales. Il y a également des myoclonies physiologiques, lors de l'endormissement. Tics C'est un mouvement ou une vocalisation involontaire, de survenue soudaine, bref, souvent explosif, stéréotypé chez un même patient, sans but apparent, ressenti comme irrépressible mais pouvant être supprimé pendant un temps variable par la volonté. Comme pour tous les mouvements involontaires, les 9 tics peuvent être accrus par l'émotion et disparaissent pendant le sommeil. Les tics surviennent souvent en salves. Hémiballisme Rare, c'est un mouvement involontaire brusque et rapide, caractérisé par sa très grande amplitude, rotatoire, et le fait qu'habituellement il concerne tout un hémicorps. Il est du à une lésion du noyau sous-thalamique. Chorées et dyskinésies Il s'agit également de mouvements involontaires brusques, brefs, très variables dans leur distribution, leur fréquence et leur intensité. Ils prédominent à la racine des membres ou sur la musculature axiale et faciale et réalisent des « CONTORSIONS ».. La face est le siège de grimacements bizarres (dyskinésies bucco faciales) , le cou présente des mouvements variés de flexion-extension et rotation (« oiseau aux aguets »), le tronc est animé de mouvements de flexion et extension, les membres de mouvements de torsion ou de flexion-extension. Les dyskinésies, cliniquement indistinguables des chorées, sont le plus souvent dues à des médicaments, mais surviennent parfois spontanément, comme les dyskinésies bucco-faciales des sujets âgés. L'ESSENTIEL A RETENIR Mouvements involontaires rythmés et réguliers o Tremblement Tremblement de repos, parkinsonien Tremblement d'attitude Tremblement d'action, cérébelleux o Myoclonies rythmées Mouvements involontaires non rythmés o Mouvements lents Dystonies (« spasmes ») Athétose et pseudo-athétose proprioceptive Syndrome des jambes sans repos (impatiences) o Mouvements brusques et brefs Myoclonies (« secousses musculaires ») Tics Hémiballisme Chorées et dyskinésies (« contorsions ») 10 Sémiologie des crises épileptiques Définition : une crise d'épilepsie est la manifestation clinique d'une hyperactivité paroxystique hypersynchrone d'un groupe plus ou moins étendu de neurones, et de son éventuelle propagation sur le cortex cérébral. Un groupe de neurones génère de façon synchrone des trains de potentiels. Cette « décharge excessive » peut naître en n'importe quel point du cortex et peut se propager, ou non, à distance, empruntant des réseaux neuronaux. Les crises d'épilepsie (CE) sont donc très diverses, mais le plus souvent stéréotypées chez un même malade..Ces décharges neuronales hypersynchrones peuvent être dues à deux grands types de causes : une lésion du cortex cérébral (tumeur par exemple) va entraîner une épilepsie dite symptomatique. une anomalie génétiquement déterminée de l'excitabilité neuronale va entraîner une épilepsie dite idiopathique. Il importe de distinguer d'une part une crise d'épilepsie, et d'autre part l'épilepsie proprement dit, définie par la répétition des crises. On distingue deux grand types de CE : les crises généralisées et les crises focales. I - Les crises d'épilepsie généralisées La décharge paroxystique intéresse simultanément l'ensemble du cortex cérébral (donc les deux hémisphères). Il existe donc toujours une perte de connaissance. 1. La crise généralisée tonico-clonique se déroule en trois phases : La phase tonique (10 à 20 secondes), débute très soudainement par une chute (pouvant entraîner un traumatisme), parfois concomitante d'un grand cri, avec abolition de la conscience (perte de connaissance), contraction tonique soutenue de l'ensemble de la musculature squelettique, d'abord en flexion puis en extension, accompagnée d'une révulsion oculaire, d'une 11 apnée avec cyanose, de troubles végétatifs importants (tachycardie, augmentation de la tension artérielle, mydriase, rougeur du visage, hypersécrétion bronchique et salivaire). Une morsure du bord latéral de langue est possible, de très grande valeur diagnostique (quasi pathognomonique) mais inconstante. Progressivement, la « tétanisation » des muscles se fragmente, conduisant à la phase clonique. La phase clonique (20 à 30 secondes). Le relâchement intermittent de la contraction tonique entraîne des secousses bilatérales, synchrones, intenses, s'espaçant pour s'interrompre brutalement. La phase résolutive (ou post-critique) dure de quelques minutes à quelques dizaines de minutes (arrivée fréquente des secours à ce stade) : coma profond, hypotonique, relâchement musculaire complet. Une perte des urines (et parfois des selles) peut survenir. La respiration reprend, ample, bruyante (stertor), gênée par l'hypersécrétion bronchique et salivaire (« bave aux lèvres »). Lorsque le sujet reprend progressivement conscience, il existe une confusion mentale parfois accompagnée d'agitation. A la reprise d'une conscience claire, le sujet ne garde aucun souvenir de sa crise ; il se plaint souvent de céphalées, de courbatures, voire de douleurs en relation avec un traumatisme occasionné par la chute initiale. L' Electro EncéphaloGramme (EEG), s'il est enregistré pendant la crise, comporte une activité rapide, de bas voltage et d'amplitude croissante lors de la phase tonique. Puis surviennent des polypointes ou des polypointes-ondes progressivement ralenties pendant la phase clonique, en grande partie masquées par des artéfacts musculaires. En phase post-critique, des ondes lentes s'installent progressivement, qui peuvent persister plusieurs heures ou plusieurs jours. 2. Les absences sont définies par une rupture du contact de quelques secondes (une dizaine en moyenne), de début et de fin brusques contemporaine d'une activité EEG caractéristique. Le sujet, souvent un enfant, s'immobilise, interrompt l'activité en cours, le regard vide, puis reprend immédiatement ses activités ne gardant aucun souvenir de l'épisode. L'EEG confirme le diagnostic car les absences sont toujours très nombreuses chez l'enfant. Il montre une décharge bilatérale, synchrone et symétrique de pointes-ondes à 3 Hz, de début et fin brusques, interrompant un tracé normal. Il existe des formes cliniques avec une composante motrice ou quelques automatismes mais la traduction EEG est identique. 12 II - Les crises d'épilepsie focales (crises focales : CF) La décharge paroxystique intéresse initialement un secteur cortical limité. Les caractéristiques électro-cliniques des crises dépendent de l'activation de réseaux neuronaux. Les CF débutent par, ou comportent, ou sont suivies de signes ou symptômes focaux. Le signal symptôme(ou « aura » épileptique), de grande valeur localisatrice, renseigne sur la région corticale initialement concernée. Pendant la crise, l'organisation des symptômes témoigne de la mise en jeu d'un réseau neuronal. Les formules sémiologiques sont donc très variées d'un malade à un autre mais dans l'ensemble sont stéréotypées chez un même malade. Les CF peuvent s'étendre à l'ensemble du cortex : cette propagation est appelée généralisation secondaire de type tonico-clonique. Après la crise, la symptomatologie déficitaire témoigne de l'implication et de l'épuisement de la zone et/ou du réseau neuronal en cause. Toutes les CF se caractérisent par leur caractère paroxystique, leur brièveté, la stéréotypie des manifestations d'une crise à l'autre. On distingue les CF simples, sans modification de la conscience (le malade peut décrire sa ou ses crises du début à la fin) et les CF complexes avec altération de la conscience, d'emblée ou secondairement (une partie ou la totalité de la symptomatologie ne peut pas être restituée par le malade, mais l'interrogatoire de l'entourage peut le permettre). 1. Les crises focales simples (CFS) : CFS avec signes moteurs : o Crise somato-motrice jacksonienne : archétype des CP décrites à la fin du XIXème siècle par Jackson (zone motrice primaire controlatérale) : clonies unilatérales avec extension selon la somatotopie ; la « marche » jacksonienne dure quelques dizaines de secondes (moins d'une minute). Une séquence chéiro-orale des clonies est très évocatrice. o Crise motrice avec clonies ou un spasme tonique sans marche jacksonienne (cortex moteur primaire et régions pré-motrices). o Crise "versive", ou adversive : déviation de tout ou partie du corps voire gyration du corps (région pré-frontale controlatérale). o Crise phonatoire : impossibilité de parler, ou vocalisation. CFS avec signes sensitifs ou sensoriels : toutes ont en commun des « hallucinations » (perceptions sans objet), et/ou des illusions (perceptions déformées), qui sont bien reconnues et critiquées par le malade, contrairement aux hallucinations psychiatriques. 13 Crise somato-sensitive : progression semblable aux crises motrices jacksoniennes avec paresthésies (sensations de picotements, fourmillements) ou engourdissements : cortex pariétal primaire. o Crise visuelle : hallucinations élémentaires « positives » (phosphènes à type de points brillants, étoiles, cercles colorés, parfois rythmiques) ou « négatives » (scotome, hémianopsie, amaurose) : cortex occipital péri-calcarin opposé ; illusions visuelles, impression de grossissement (macropsies), de diminution de taille (micropsies avec effets zooms), d'éloignement (téléopsie) ou hallucinations complexes (objet, personnages ou véritables scènes); « palinopsie" (hallucination d'une perception visuelle antérieure), « héautoscopie » (le sujet voit tout ou partie de son propre corps en miroir, le plus souvent le visage). o Crise auditive : hallucinations élémentaires, acouphènes (bourdonnement, sifflement, bruits rythmiques) ou illusions (déformation des voix, éloignement des sons) ou manifestations plus élaborées (musique, voix), rarement latéralisées : aire auditive primaire (première circonvolution temporale (T1), gyrus de Heschl). o Crise olfactive : odeur désagréable (cacosmie) souvent indéfinissable (odeur de corne brûlée) : cortex orbito-frontal. o Crise gustative difficile à différencier des précédentes ; le plus souvent hallucination gustative (goût amer ou acide) : région operculaire, souvent associée à une hyper-salivation. CFS avec signes végétatifs : cardio-vasculaires, respiratoires, très communs, en pratique difficilement repérables, possibilités de troubles du rythme cardiaque, horripilation ; manifestations digestives mieux identifiées : hyper-salivation d'origine operculaire, pesanteur épigastrique remontant jusqu'à la gorge, premier signe fréquent des crises temporales internes. CFS avec signes psychiques : état de rêve (« dreamy state » de Jackson), impressions mal définissables d'étrangeté, d'irréalité ou de vécu du présent sur un mode onirique, (impression de déjà vu, de jamais vu, de déjà vécu, de jamais vécu) : origine temporale interne. o 2. Crises focales complexes (CFC) La rupture du contact et l'amnésie sont immédiats ou suivent un début partiel simple dont l'analyse est primordiale. La suite comporte souvent une réaction d'arrêt moteur : le sujet reste immobile, les yeux hagards, indifférent aux sollicitations extérieures. Ailleurs, le comportement moteur est différent avec apparence d'automatismes oro-alimentaires (mâchonnement, déglutition, pourléchage) ou déclenchement d'une activité motrice nouvelle, dirigée vers le 14 patient (grattage, froissement de vêtements) ou vers son entourage, son environnement immédiat (agrippement, manipulation). Les automatismes gestuels complexes réalisent des séquences plus élaborées : déboutonner les vêtements, fouiller dans les poches, ranger des objets ; automatismes verbaux (onomatopées, chantonnements), ambulatoires (marcher, sortir sans raison comme un automate) ou sexuels (masturbation) ou des séquences comportementales plus élaborées et spectaculaires, volontiers nocturnes (agitation incoordonnée, gesticulation…) L'origine topographique des CPC est variée, non exclusivement temporale. 3. Aspects EEG des crises focales Si une crise est enregistrée, il existe le plus souvent une activité rapide de très faible voltage donnant l'apparence d'un aplatissement transitoire plus ou moins focalisé selon l'origine de la décharge, suivi d'une décharge d'amplitude progressivement croissante de pointes-ondes et d'ondes lentes de terminaison brutale. III - Etat de mal épileptique Définition : crise d'épilepsie prolongée (ou crises subintrantes) Cela concerne les crises généralisées, avec ou sans myoclonies (en l'absence de myoclonies, la présentation clinique peut être une confusion mentale isolée), ou focales (le syndrome de Kojewnikov réalise des myoclonies localisées incessantes d'une partie d'un hémicorps, souvent la main et la face). IV - Diagnostic 1. Diagnostic positif Le diagnostic des crises d'épilepsie est avant tout clinique, éventuellement conforté par l'EEG, enregistré pendant une crise ou entre les crises. Mais un EEG inter critique normal n'élimine pas le diagnostic. Le diagnostic repose donc quasi exclusivement sur l'interrogatoire du malade et/ou de témoins. En cas de crise généralisée tonico-clonique, le meilleur argument du diagnostic, en l'absence de témoin de la crise, est représenté par la durée de la perte de conscience (incluant la confusion post-critique), qui est telle que, très généralement, le premier « souvenir » des malades est leur présence dans 15 l'ambulance ou au service des urgences. En dehors de ce fait, la soudaineté du début, la chute traumatisante et la morsure du bord latéral de la langue, si elles existent, ont une grande valeur diagnostique, de même que la confusion mentale et les courbatures post-critiques. La perte d'urines n'a pas de valeur diagnostique, puisqu'elle peut survenir en cas de syncope (cf ce chapitre). Evidemment, la description, par un témoin, de la séquence tonico-clonique, de la révulsion oculaire, de la cyanose, de la respiration stertoreuse est capitale, mais il n'y a pas toujours de témoin.. En cas de crise focale simple, le diagnostic est généralement aisé, puisque le malade peut décrire sa crise du début à la fin.. En cas de crise focale complexe, le diagnostic est plus difficile. L'interrogatoire d'un témoin précise l'altération de la conscience (perceptivité, réactivité), l'existence d'automatismes moteurs.. Simples ou complexes, les crises focales sont brèves et stéréotypées chez un même malade. 2. Diagnostic différentiel En cas de crise généralisée tonico-clonique, le principal diagnostic différentiel est représenté par les syncopes, qui s'en distinguent principalement par leur durée beaucoup plus brève, puisque la perte de conscience n'excède pas quelques minutes, de sorte que les malades reprennent une conscience claire sur les lieux mêmes de l'évènement (+++). Cependant, certaines syncopes peuvent comporter quelques secousses cloniques, ou entraîner une crise d'épilepsie généralisée tonicoclonique (syncope convulsivante). L'autre diagnostic différentiel est représenté par les « pseudo crises épileptiques », ou crises névrotiques, caricatures de la crise généralisée tonicoclonique, avec opisthotonos théâtral, agitation désordonnée, durée beaucoup plus prolongée. Mais d'authentiques crises généralisées tonico-cloniques peuvent alterner, chez un même malade, avec des pseudo-crises. L'induction par hyperventilation ou injection de placebo et enregistrement d'une Video-EEG permet parfois de trancher.. En cas de crise focale simple, le diagnostic peut être difficile avec une crise de migraine avec aura (mais l'aura migraineuse est plus longue – dizaines de minutes – que l'aura épileptique – 1 ou 2 minutes – et elle est suivie d'une céphalée migraineuse) ou un accident ischémique transitoire, qui est plus long (20 à 30 16 minutes), et purement déficitaire. Mais un déficit post épileptique parfois prolongé d'une ou plusieurs heures peut parfois s'observer (paralysie de Todd).. En cas de crise focale complexe, le diagnostic peut hésiter avec une crise d'agitation ou de colère (la « crise de nerfs »), une crise d'angoisse, des parasomnies (somnambulisme). L'ictus amnésique est très différent, le malade ayant un comportement adapté, mais posant toujours la même question (« quelle heure est-il ? » par exemple), pendant plusieurs heures, en raison d'un « oubli à mesure » dont la physiopathologie demeure incertaine. 17