1. Electrodiagnostic neuro-musculaire

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Amyotrophie
Le terme amyotrophie ou myatrophie désigne, en sémiologie neurologique, un
signe clinique consistant en une atrophie musculaire. Cette atrophie concerne les
muscles striés squelettiques mis en jeu volontairement. Selon le caractère diffus ou
localisé de l'amyotrophie et selon la répartition des muscles concernés, le
diagnostic de la maladie responsable peut être fait par le clinicien.
L'amyotrophie neurogène, à proprement parler, résulte d'une dénervation
(c'est-à-dire de la perte de l'innervation motrice) du muscle et ne doit donc pas être
confondue avec la perte de la masse musculaire observée dans la sarcopénie ou
d'autres myopathies cataboliques, ni avec l'atrophie musculaire qui accompagnes
certaines myopathies de type dystrophique.
Exemples de situations cliniques comportant une
amyotrophie neurogène






L'amyotrophie névralgique de l'épaule ou syndrome de Parsonage-Turner,
comporte une douleur et une faiblesse musculaire des muscles l'épaule. Il
s'agit d'une plexopathie inflammatoire aiguë du plexus brachial de cause
inconnue.
La poliomyélite laisse comme séquelle une amyotrophie du ou des membres
ayant été paralysés
La sclérose latérale amyotrophique (ou maladie de Charcot)
Les amyotrophies spinales proximales (ASP)
La polyneuropathie comporte une amyotrophie distale des membres
La neuropathie ulnaire comporte une amyotrophie des muscles interosseux
de la main.
Un syndrome neurogène périphérique.
Symptômes et signes cliniques
Les principaux symptômes sont une faiblesse d'un ou plusieurs membres, souvent
accompagnée de troubles sensitifs. Lors de l'examen neurologique, on retrouve en
particulier des déficits moteurs et sensitifs, une amyotrophie, des fasciculations
ainsi qu'une diminution des réflexes ostéo-tendineux.
1
Formes Topographique
Lésion du neurone moteur
La lésion est située au niveau de la corne antérieure de la moelle. Elle réalise
un syndrome neurogéne périphérique dit moteur pur. Il associe des crampes
et des fasciculations. Ces fasciculations témoignent en général d'une
dégénérescence du corps cellulaire au niveau de la corne antérieure de la
moelle.
Lésion d'une racine
Les symptômes vont dépendre de la localisation de la lésion. Une lésion au
niveau de la corne antérieure engendrera un déficit moteur de topographie
radiculaire,
Lésion d'un tronc nerveux
Elle est à l'origine d'un syndrome tronculaire sensitivo-moteur.
Lesion du plex
amyotrophiées de type Aran Duchenne (atrophie de tous les muscles
intrinsèques de la main, « main de singe ») avec des rétractions tendineuses
des fléchisseurs des doigts.
Syndrome myogène (myopathique)
Ensemble des symptômes et signes résultant d'une maladie du muscle lui-même
(myopathie)
I – Symptomes
1. Faiblesse musculaire
Retentit sur les activités motrices courantes : marcher, courir, gravir les escaliers,
se relever d'un siège, porter des charges lourdes, etc…
2
2. Douleurs musculaires (myalgies) et crampes (avec contraction en boule d'un
muscle)
II – Signes cliniques
1. Déficit moteur



Proximal et bilatéral
Prédomine à la racine des membres et sur la musculature axiale
o ceinture pelvienne et muscles paravertébraux
 marche dandinante, « en canard »
 difficulté à se relever de la position accroupie (le malade prend
appui avec ses mains sur les genoux et « grimpe » le long de ses
cuisses) ou de la position assise Gowers
 hyperlordose (atteinte des muscles paravertébraux)
o ceinture scapulaire et nuque
 déficit des deltoïdes, des biceps et triceps brachiaux
 scapula alata (décollement des omoplates par paralysie des
grands dentelés)
 déficit des fléchisseurs de la nuque
D'autres muscles peuvent être atteints, plus rarement :
o muscles de la face
 orbiculaires des paupières
 releveur de la paupière supérieure (ptosis)
 muscles oculomoteurs ou pharyngo-laryngés
o muscles distaux
o muscles respiratoires (syndrome restrictif)
o cœur (cardiomyopathie)
2. Modifications du volume musculaire
Amyotrophie



Même topographie que le déficit moteur ( proximal et bilatéral) et sévérité
variable
Parfois masquée par le panicule adipeux
Parfois absente (myopathies métaboliques)
Hypertrophie, plus rare, concernant surtout les mollets.
3
3. Anomalies de la contraction ou de la décontraction musculaire




Abolition du réflexe (ou contraction) idio-musculaire :
La percussion directe du muscle (avec un marteau à réflexes) ne provoque
plus la réponse normale (qu'est la contraction en masse du muscle suivie
d'une décontraction rapide)
Contraction anormale, « en boules »
Myotonie
o Lenteur de la décontraction musculaire, indolore
o Spontanée (le patient desserre lentement un objet ou la main de
l'examinateur) ou provoquée (par percussion de l'éminence thénar : le
pouce se met en adduction et ne revient que lentement à sa position
initiale).
o Inconstante, ne s'observe que dans certaines myopathies .
4. Rétractions tendineuses
5. Signes négatifs



Pas de déficit sensitif
Pas d'abolition des réflexes ostéo-tendineux (sauf à un stade évolué, quand
l'amyotrophie ne permet plus d'obtenir la réponse)
Pas de fasciculations
III - Examens complémentaires
1. Electrodiagnostic neuro-musculaire


Electromyogramme (EMG) : tracé myogène
o Anormalement riche en unités motrice par rapport à l'effort fourni (un
grand nombre d'unités sont recrutées : sommation spatiale)
o Potentiels polyphasiques, de brève durée et de faible amplitude
o Dans les myopathies avec myotonie, l'EMG comporte des salves
d'unité motrice rapprochées (bruit caractéristique de « rafale »)
Les vitesses de conduction nerveuse (VCN) motrices et sensitives sont
normales (Le nerf périphérique n'est pas concerné par le processus
pathologique).
4
Tracé
EMG
interférentiel
Tracé EMG myogène :
Myotonie :
2. Augmentation de la créatine kinase (CK) sérique
5
(normal) :



Quasi-constante
Due à la nécrose des fibres musculaires (d'où libération et passage dans le
sang de l'enzyme)
Parfois considérable (10 à 20 fois la normale, N < 70 UI/l)
3. Biopsie musculaire



Tous les fascicules sont atteints de façon inégale : coexistence de fibres
atrophiques et hypertrophiques ; aspect « bariolé » caractéristique
Présence de fibres nécrosées et de fibres en régénérescence (basophiles)
Fibrose et augmentation du tissu adipeux (« dégénérescence graisseuse » du
muscle à un stade évolué). De nombreuses autres anomalies peuvent
s'observer, certaines ayant valeur d'orientation étiologique.
IV - Diagnostic différentiel
1. Syndrome neurogène périphérique


Déficit moteur et atrophie sont communs au syndrome myogène et au
syndrome neurogène périphérique. En faveur du syndrome myogène :
o déficit proximal et bilatéral
o abolition du réflexe idéo-musculaire
o réflexes ostéotendineux conservés
o absence de déficit sensitif
o absence de fasciculations
Le DgD est parfois difficile, y compris avec les examens complémentaires.
2. Certaines amyotrophies d'inutilisation (alitement prolongé, atteintes du
système nerveux central, dénutrition, etc… )
V - Formes topographiques
Certaines myopathies sont particulières ou inhabituelles par leur distribution
topographique :




myopathies distales
formes très asymétriques
formes purement oculaires (ptosis, paralysie des muscles oculomoteurs)
formes purement cardiaques
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L'ESSENTIEL A RETENIR








Déficit moteur proximal et axial, parfois facial
Amyotrophie de même topographie, parfois hypertrophie
Myotonie (lenteur à la décontraction musculaire) inconstante
Signes négatifs (pas de déficit sensitif, ROT présents).
Tracé EMG riche (sommation spatiale) et peu volté
Elévation de la CK (créatine kinase) sérique
Biopsie musculaire : aspect bariolé, en mosaïque des fibres.
Diagnostic différentiel : le syndrome neurogène périphérique (déficit sensitif, ROT
abolis, fasciculations)
Mouvements anormaux involontaires
On appelle mouvements involontaires ou mouvements anormaux
involontaires une activité motrice indépendante de la volonté, survenant à l'état de
veille.
Pour la plupart d'entre eux, mais pas pour tous, ils résultent d'un
dysfonctionnement ou d'une lésion des noyaux gris centraux. Il en existe deux
grandes variétés : certains sont rythmés et réguliers (tremblements), d'autres sont
non rythmés.
I – Mouvements involontaires rythmés et réguliers
1. Tremblements
Définition : oscillations rythmiques involontaires que décrit tout ou partie du corps
autour de sa position d'équilibre.


Tremblement de repos = tremblement parkinsonien Tremblement
d'attitude
A l'inverse du tremblement de repos, il n'apparaît que dans le maintien
volontaire d'une attitude (bras tendus, index l'un face à l'autre) et il disparaît
totalement en position de repos, sauf quand il est très intense. Il est plus
rapide que le tremblement de repos et peut s'associer à un tremblement du
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chef ainsi qu'à une dysarthrie « chevrotante ». Un signe de la roue dentée
peut y être associé (traduisant les à-coups liés au tremblement), mais il n'ya
pas de véritable rigidité, ni non plus d'akinésie.


Tremblement d'action ou tremblement intentionnel


Il apparaît surtout lors du mouvement volontaire nécessitant une précision
du geste : épreuve doigt-nez, épreuve du verre d'eau : en portant un verre
d'eau à la bouche, le geste du malade est parasité par des secousses
rythmiques amples. Il peut augmenter à l'approche du but, à la différence du
tremblement d'attitude. Le type en est le tremblement cérébelleux. En fait,
le tremblement d'attitude et le tremblement d'action sont souvent associés :
dans les formes intenses, on parle parfois de « dyskinésie volitionnelle et
d'attitude ».
2. Myoclonies rythmés
Les myoclonies sont des contractions musculaires brèves et involontaires, avec
déplacement d'un segment de muscle, d'un muscle entier ou d'un groupe de
muscles.



Myoclonies épileptiques Elles peuvent s'inscrire dans le cadre d'une crise
d'épilepsie généralisée, ou dans le cadre des crises d'épilepsie partielles
motrices. Dans ce dernier cas, elles peuvent atteindre un hémicorps ou
uniquement un hémiface. Les myoclonies épileptiques proviennent d'un
foyer épipleptogène situé dans le cortex cérébral (voir chapitre Epilepsie).
Myoclonies métaboliques Le type en est le « flapping tremor » : le malade
ayant les bras tendus, on observe de brusques mouvements de flexionextension des poignets.
Myoclonies du voile du palais Très rares, elles résultent d'une lésion de
fibres réunissant l'olive bulbaire et le noyau dentelé du cervelet. Elles sont
habituellement lentes et peuvent s'étendre à la face, aux muscles oculaires,
au diaphragme.
II –Mouvements involontaires non rythmés
1. Mouvements lents

Dystonies
Elles réalisent une contraction musculaire prolongée, ou une pris de posture
8





anormale. Habituellement absentes au repos, elles apparaissent lors du
maintien d'une attitude ou lors du mouvement volontaires, qu'elles
parasitent.
Tous les segments musculaires de l'organisme peuvent être touchés. On
distingue les dystonies généralisées, très rares, des dystonies focales, les plus
fréquentes :
o Dystonies du cou : torticolis spasmodique, habituellement latérocolis
mais parfois antecolis ou retrocolis
o Dystonie de la main : crampe des écrivains apparaissant lors de
l'écriture, qui est l'exemple type de la dystonie de fonction.
o Le larynx : dysphonie spasmodique
o La paupière : blépharospasme
Athétose et pseudo-athétose
C'est un mouvement lent, irrégulier, incessant, mais surtout reptatoire et
distal. L'athétose est souvent associée à une dystonieL'athétose vraie est à
distinguer de la pseudo-athétose par déficit proprioceptif : les troubles de la
sensibilité profonde, quelle qu'en soit la topographie, peuvent entraîner des
mouvements involontaires qui ressemblent à l'athétose, mais disparaissent
lorsque le segment de membre repose sur un plan (main instable ataxique, ou
thalamique).
Syndrome des jambes sans repos
Les malades éprouvent des impressions pénibles, souvent difficiles à définir
(impatiences, douleurs), mais surtout survenant au repos (assis ou allongé),
le soir ou la nuit, et les obligeant à marcher pour soulager leurs symptomes.
Ce syndrome est très souvent associé à des mouvements périodiques des
jambes, la nuit.
2. Mouvements brusques et brefs



Myoclonies
C'est la très grande brièveté du mouvement volontaire qui fait évoquer le
diagnostic. Tous les segments de la musculature peuvent être concernés. Il y
a des myoclonies généralisées, des myoclonies focales. Il y a également des
myoclonies physiologiques, lors de l'endormissement.
Tics
C'est un mouvement ou une vocalisation involontaire, de survenue soudaine,
bref, souvent explosif, stéréotypé chez un même patient, sans but apparent,
ressenti comme irrépressible mais pouvant être supprimé pendant un temps
variable par la volonté. Comme pour tous les mouvements involontaires, les
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tics peuvent être accrus par l'émotion et disparaissent pendant le sommeil.
Les tics surviennent souvent en salves.
Hémiballisme
Rare, c'est un mouvement involontaire brusque et rapide, caractérisé par sa
très grande amplitude, rotatoire, et le fait qu'habituellement il concerne tout
un hémicorps. Il est du à une lésion du noyau sous-thalamique.
Chorées et dyskinésies
Il s'agit également de mouvements involontaires brusques, brefs, très
variables dans leur distribution, leur fréquence et leur intensité. Ils
prédominent à la racine des membres ou sur la musculature axiale et
faciale et réalisent des « CONTORSIONS »..
La face est le siège de grimacements bizarres (dyskinésies bucco faciales) ,
le cou présente des mouvements variés de flexion-extension et rotation
(« oiseau aux aguets »), le tronc est animé de mouvements de flexion et
extension, les membres de mouvements de torsion ou de flexion-extension.
Les dyskinésies, cliniquement indistinguables des chorées, sont le plus
souvent dues à des médicaments, mais surviennent parfois spontanément,
comme les dyskinésies bucco-faciales des sujets âgés.





L'ESSENTIEL A RETENIR


Mouvements involontaires rythmés et réguliers
o Tremblement
 Tremblement de repos, parkinsonien
 Tremblement d'attitude
 Tremblement d'action, cérébelleux
o Myoclonies rythmées
Mouvements involontaires non rythmés
o Mouvements lents
 Dystonies (« spasmes »)
 Athétose et pseudo-athétose proprioceptive
 Syndrome des jambes sans repos (impatiences)
o Mouvements brusques et brefs
 Myoclonies (« secousses musculaires »)
 Tics
 Hémiballisme
 Chorées et dyskinésies (« contorsions »)
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Sémiologie des crises épileptiques
Définition : une crise d'épilepsie est la manifestation clinique d'une
hyperactivité paroxystique hypersynchrone d'un groupe plus ou moins étendu
de neurones, et de son éventuelle propagation sur le cortex cérébral.
Un groupe de neurones génère de façon synchrone des trains de potentiels. Cette
« décharge excessive » peut naître en n'importe quel point du cortex et peut se
propager, ou non, à distance, empruntant des réseaux neuronaux. Les crises
d'épilepsie (CE) sont donc très diverses, mais le plus souvent stéréotypées chez un
même malade..Ces décharges neuronales hypersynchrones peuvent être dues à
deux grands types de causes :


une lésion du cortex cérébral (tumeur par exemple) va entraîner une
épilepsie dite symptomatique.
une anomalie génétiquement déterminée de l'excitabilité neuronale va
entraîner une épilepsie dite idiopathique.
Il importe de distinguer d'une part une crise d'épilepsie, et d'autre part l'épilepsie
proprement dit, définie par la répétition des crises.
On distingue deux grand types de CE : les crises généralisées et les crises
focales.
I - Les crises d'épilepsie généralisées
La décharge paroxystique intéresse simultanément l'ensemble du cortex cérébral
(donc les deux hémisphères). Il existe donc toujours une perte de connaissance.
1. La crise généralisée tonico-clonique
se déroule en trois phases :

La phase tonique (10 à 20 secondes), débute très soudainement par une
chute (pouvant entraîner un traumatisme), parfois concomitante d'un grand
cri, avec abolition de la conscience (perte de connaissance), contraction
tonique soutenue de l'ensemble de la musculature squelettique, d'abord en
flexion puis en extension, accompagnée d'une révulsion oculaire, d'une
11


apnée avec cyanose, de troubles végétatifs importants (tachycardie,
augmentation de la tension artérielle, mydriase, rougeur du visage,
hypersécrétion bronchique et salivaire). Une morsure du bord latéral de
langue est possible, de très grande valeur diagnostique (quasi
pathognomonique) mais inconstante. Progressivement, la « tétanisation » des
muscles se fragmente, conduisant à la phase clonique.
La phase clonique (20 à 30 secondes). Le relâchement intermittent de la
contraction tonique entraîne des secousses bilatérales, synchrones, intenses,
s'espaçant pour s'interrompre brutalement.
La phase résolutive (ou post-critique) dure de quelques minutes à
quelques dizaines de minutes (arrivée fréquente des secours à ce stade) :
coma profond, hypotonique, relâchement musculaire complet. Une perte des
urines (et parfois des selles) peut survenir. La respiration reprend, ample,
bruyante (stertor), gênée par l'hypersécrétion bronchique et salivaire (« bave
aux lèvres »). Lorsque le sujet reprend progressivement conscience, il existe
une confusion mentale parfois accompagnée d'agitation.
A la reprise d'une conscience claire, le sujet ne garde aucun souvenir
de sa crise ; il se plaint souvent de céphalées, de courbatures, voire de douleurs
en relation avec un traumatisme occasionné par la chute initiale.
L' Electro EncéphaloGramme (EEG), s'il est enregistré pendant la crise,
comporte une activité rapide, de bas voltage et d'amplitude croissante lors de la
phase tonique. Puis surviennent des polypointes ou des polypointes-ondes
progressivement ralenties pendant la phase clonique, en grande partie masquées
par des artéfacts musculaires. En phase post-critique, des ondes lentes s'installent
progressivement, qui peuvent persister plusieurs heures ou plusieurs jours.
2. Les absences
sont définies par une rupture du contact de quelques secondes (une dizaine en
moyenne), de début et de fin brusques contemporaine d'une activité EEG
caractéristique.
Le sujet, souvent un enfant, s'immobilise, interrompt l'activité en cours, le regard
vide, puis reprend immédiatement ses activités ne gardant aucun souvenir de
l'épisode. L'EEG confirme le diagnostic car les absences sont toujours très
nombreuses chez l'enfant. Il montre une décharge bilatérale, synchrone et
symétrique de pointes-ondes à 3 Hz, de début et fin brusques, interrompant un
tracé normal. Il existe des formes cliniques avec une composante motrice ou
quelques automatismes mais la traduction EEG est identique.
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II - Les crises d'épilepsie focales (crises focales : CF)
La décharge paroxystique intéresse initialement un secteur cortical limité. Les
caractéristiques électro-cliniques des crises dépendent de l'activation de réseaux
neuronaux. Les CF débutent par, ou comportent, ou sont suivies de signes ou
symptômes focaux. Le signal symptôme(ou « aura » épileptique), de grande valeur
localisatrice, renseigne sur la région corticale initialement concernée. Pendant la
crise, l'organisation des symptômes témoigne de la mise en jeu d'un réseau
neuronal. Les formules sémiologiques sont donc très variées d'un malade à un autre
mais dans l'ensemble sont stéréotypées chez un même malade. Les CF peuvent
s'étendre à l'ensemble du cortex : cette propagation est appelée généralisation
secondaire de type tonico-clonique. Après la crise, la symptomatologie déficitaire
témoigne de l'implication et de l'épuisement de la zone et/ou du réseau neuronal en
cause. Toutes les CF se caractérisent par leur caractère paroxystique, leur
brièveté, la stéréotypie des manifestations d'une crise à l'autre. On distingue les
CF simples, sans modification de la conscience (le malade peut décrire sa ou ses
crises du début à la fin) et les CF complexes avec altération de la conscience,
d'emblée ou secondairement (une partie ou la totalité de la symptomatologie ne
peut pas être restituée par le malade, mais l'interrogatoire de l'entourage peut le
permettre).
1. Les crises focales simples (CFS) :


CFS avec signes moteurs :
o Crise somato-motrice jacksonienne : archétype des CP décrites à la
fin du XIXème siècle par Jackson (zone motrice primaire
controlatérale) : clonies unilatérales avec extension selon la
somatotopie ; la « marche » jacksonienne dure quelques dizaines de
secondes (moins d'une minute). Une séquence chéiro-orale des clonies
est très évocatrice.
o Crise motrice avec clonies ou un spasme tonique sans marche
jacksonienne (cortex moteur primaire et régions pré-motrices).
o Crise "versive", ou adversive : déviation de tout ou partie du corps
voire gyration du corps (région pré-frontale controlatérale).
o Crise phonatoire : impossibilité de parler, ou vocalisation.
CFS avec signes sensitifs ou sensoriels : toutes ont en commun des
« hallucinations » (perceptions sans objet), et/ou des illusions (perceptions
déformées), qui sont bien reconnues et critiquées par le malade,
contrairement aux hallucinations psychiatriques.
13
Crise somato-sensitive : progression semblable aux crises motrices
jacksoniennes avec paresthésies (sensations de picotements,
fourmillements) ou engourdissements : cortex pariétal primaire.
o Crise visuelle : hallucinations élémentaires « positives » (phosphènes
à type de points brillants, étoiles, cercles colorés, parfois rythmiques)
ou « négatives » (scotome, hémianopsie, amaurose) : cortex occipital
péri-calcarin opposé ; illusions visuelles, impression de grossissement
(macropsies), de diminution de taille (micropsies avec effets zooms),
d'éloignement (téléopsie) ou hallucinations complexes (objet,
personnages ou véritables scènes); « palinopsie" (hallucination d'une
perception visuelle antérieure), « héautoscopie » (le sujet voit tout ou
partie de son propre corps en miroir, le plus souvent le visage).
o Crise
auditive :
hallucinations
élémentaires,
acouphènes
(bourdonnement, sifflement, bruits rythmiques) ou illusions
(déformation des voix, éloignement des sons) ou manifestations plus
élaborées (musique, voix), rarement latéralisées : aire auditive
primaire (première circonvolution temporale (T1), gyrus de Heschl).
o Crise olfactive : odeur désagréable (cacosmie) souvent indéfinissable
(odeur de corne brûlée) : cortex orbito-frontal.
o Crise gustative difficile à différencier des précédentes ; le plus
souvent hallucination gustative (goût amer ou acide) : région
operculaire, souvent associée à une hyper-salivation.
CFS avec signes végétatifs : cardio-vasculaires, respiratoires, très
communs, en pratique difficilement repérables, possibilités de troubles du
rythme cardiaque, horripilation ; manifestations digestives mieux identifiées
: hyper-salivation d'origine operculaire, pesanteur épigastrique remontant
jusqu'à la gorge, premier signe fréquent des crises temporales internes.
CFS avec signes psychiques : état de rêve (« dreamy state » de Jackson),
impressions mal définissables d'étrangeté, d'irréalité ou de vécu du présent
sur un mode onirique, (impression de déjà vu, de jamais vu, de déjà vécu, de
jamais vécu) : origine temporale interne.
o


2. Crises focales complexes (CFC)
La rupture du contact et l'amnésie sont immédiats ou suivent un début partiel
simple dont l'analyse est primordiale. La suite comporte souvent une réaction
d'arrêt moteur : le sujet reste immobile, les yeux hagards, indifférent aux
sollicitations extérieures. Ailleurs, le comportement moteur est différent avec
apparence d'automatismes oro-alimentaires (mâchonnement, déglutition,
pourléchage) ou déclenchement d'une activité motrice nouvelle, dirigée vers le
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patient (grattage, froissement de vêtements) ou vers son entourage, son
environnement immédiat (agrippement, manipulation). Les automatismes gestuels
complexes réalisent des séquences plus élaborées : déboutonner les vêtements,
fouiller dans les poches, ranger des objets ; automatismes verbaux (onomatopées,
chantonnements), ambulatoires (marcher, sortir sans raison comme un automate)
ou sexuels (masturbation) ou des séquences comportementales plus élaborées et
spectaculaires, volontiers nocturnes (agitation incoordonnée, gesticulation…)
L'origine topographique des CPC est variée, non exclusivement temporale.
3. Aspects EEG des crises focales
Si une crise est enregistrée, il existe le plus souvent une activité rapide de très
faible voltage donnant l'apparence d'un aplatissement transitoire plus ou moins
focalisé selon l'origine de la décharge, suivi d'une décharge d'amplitude
progressivement croissante de pointes-ondes et d'ondes lentes de terminaison
brutale.
III - Etat de mal épileptique
Définition :
crise
d'épilepsie
prolongée
(ou
crises
subintrantes)
Cela concerne les crises généralisées, avec ou sans myoclonies (en l'absence de
myoclonies, la présentation clinique peut être une confusion mentale isolée), ou
focales (le syndrome de Kojewnikov réalise des myoclonies localisées incessantes
d'une partie d'un hémicorps, souvent la main et la face).
IV - Diagnostic
1. Diagnostic positif
Le diagnostic des crises d'épilepsie est avant tout clinique, éventuellement
conforté par l'EEG, enregistré pendant une crise ou entre les crises. Mais un EEG
inter critique normal n'élimine pas le diagnostic.
Le diagnostic repose donc quasi exclusivement sur l'interrogatoire du malade et/ou
de témoins.
En cas de crise généralisée tonico-clonique, le meilleur argument du diagnostic,
en l'absence de témoin de la crise, est représenté par la durée de la perte de
conscience (incluant la confusion post-critique), qui est telle que, très
généralement, le premier « souvenir » des malades est leur présence dans
15
l'ambulance ou au service des urgences. En dehors de ce fait, la soudaineté du
début, la chute traumatisante et la morsure du bord latéral de la langue, si elles
existent, ont une grande valeur diagnostique, de même que la confusion mentale et
les courbatures post-critiques. La perte d'urines n'a pas de valeur diagnostique,
puisqu'elle peut survenir en cas de syncope (cf ce chapitre). Evidemment, la
description, par un témoin, de la séquence tonico-clonique, de la révulsion
oculaire, de la cyanose, de la respiration stertoreuse est capitale, mais il n'y a pas
toujours de témoin..
En cas de crise focale simple, le diagnostic est généralement aisé, puisque le
malade peut décrire sa crise du début à la fin..
En cas de crise focale complexe, le diagnostic est plus difficile. L'interrogatoire
d'un témoin précise l'altération de la conscience (perceptivité, réactivité),
l'existence d'automatismes moteurs..
Simples ou complexes, les crises focales sont brèves et stéréotypées chez un
même malade.
2. Diagnostic différentiel
En cas de crise généralisée tonico-clonique, le principal diagnostic différentiel
est représenté par les syncopes, qui s'en distinguent principalement par leur durée
beaucoup plus brève, puisque la perte de conscience n'excède pas quelques
minutes, de sorte que les malades reprennent une conscience claire sur les lieux
mêmes de l'évènement (+++). Cependant, certaines syncopes peuvent comporter
quelques secousses cloniques, ou entraîner une crise d'épilepsie généralisée tonicoclonique (syncope convulsivante).
L'autre diagnostic différentiel est représenté par les « pseudo crises
épileptiques », ou crises névrotiques, caricatures de la crise généralisée tonicoclonique, avec opisthotonos théâtral, agitation désordonnée, durée beaucoup plus
prolongée. Mais d'authentiques crises généralisées tonico-cloniques peuvent
alterner, chez un même malade, avec des pseudo-crises. L'induction par
hyperventilation ou injection de placebo et enregistrement d'une Video-EEG
permet parfois de trancher..
En cas de crise focale simple, le diagnostic peut être difficile avec une crise de
migraine avec aura (mais l'aura migraineuse est plus longue – dizaines de minutes
– que l'aura épileptique – 1 ou 2 minutes – et elle est suivie d'une céphalée
migraineuse) ou un accident ischémique transitoire, qui est plus long (20 à 30
16
minutes), et purement déficitaire. Mais un déficit post épileptique parfois prolongé
d'une ou plusieurs heures peut parfois s'observer (paralysie de Todd)..
En cas de crise focale complexe, le diagnostic peut hésiter avec une crise
d'agitation ou de colère (la « crise de nerfs »), une crise d'angoisse, des
parasomnies (somnambulisme). L'ictus amnésique est très différent, le malade
ayant un comportement adapté, mais posant toujours la même question (« quelle
heure est-il ? » par exemple), pendant plusieurs heures, en raison d'un « oubli à
mesure » dont la physiopathologie demeure incertaine.
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