sont bien conservées à travers le règne
vivant et on les représente par des
séquences consensus où apparaissent
les bases communes: par exemple, un
intron commence toujours par une
guanine et un uracile. En revanche,
les séquences des silenceurs et des acti-
vateurs varient notablement et on ne
les identifie qu’au cas par cas.
La maturation des ARN prémessa-
gers met en jeu cinq petites particules
ribonucléoprotéiques nucléaires
(PRNpn), composées d’ARN et de pro-
téines, nommées U1, U2, U4, U5 et U6,
qui fonctionnent en synergie avec un
grand nombre d’autres protéines. Ces
complexes reconnaissent sur les ARN
prémessagers plusieurs endroits (voir
la figure 3): l’extrémité 5’ des introns,
constituée de quatre bases ; une
séquence de branchement, d’environ
dix bases, et un enchaînement de 14
bases pyrimidiques, la cytosine et l’ura-
cile, proches de l’extrémité 3’ (cet
enchaînement est parfois ponctué de
quelques bases puriques); enfin, l’ex-
trémité 3’ elle-même, longue de quatre
bases, qui marque la fin de l’intron.
Les intermédiaires de l’assemblage
des différents complexes sur les ARN
prémessagers ont été mis en évidence
et ont révélé les étapes de l’épissage
(voir l’encadré de la page 48). Peu à peu,
des molécules, dont les PRNpn U1, U2,
U4, U5 et U6, mais aussi des protéines
nommées SR, dotées d’un domaine
dit SR riche en acides aminés sérine et
arginine, se lient à l’ARN prémessager,
le replient, puis éliminent les introns.
Cette succession d’événements est le
propre de l’épissage constitutif. Com-
ment devient-il alternatif?
Les protéines du destin
Dans certains cas (voir l’encadré de la
page 49), notamment quand la séquence
de bases pyrimidiques est interrom-
pue par des bases puriques, la recon-
naissance d’un site d’épissage requiert
la fixation de protéines SR sur des
séquences activatrices d’épissage situées
dans les exons. Or, ces séquences sont
aussi la cible d’autres protéines, telles
les protéines PRNhn A1 qui influent sur
l’épissage: selon que les protéines SR
sont plus (ou moins) abondantes dans
le noyau que les protéines PRNhnA1, un
seul intron ou un exon flanqué de deux
introns, est éliminé.
La compétition entre les protéines
à domaine SR et les protéines PRNhn A1
est ainsi le facteur essentiel de l’épissage
alternatif. En amont, le fonctionnement
de ces protéines, et, par conséquent,
l’épissage alternatif lui-même, est com-
mandé par les différents chemins de
signalisation cellulaire où une molécule
messagère extracellulaire, entraîne, par
sa fixation à un récepteur membranaire,
une cascade de réactions intracellulaires.
Les chemins de signalisation cellu-
laire modifient notamment la phos-
phorylation (la fixation de groupes
acides phosphoriques) des protéines SR
et des protéines PRNhn. Par exemple, la
phosphorylation des protéines PRNhnA1
entraîne leur reconnaissance par des pro-
téines du cytoplasme qui les empêchent
de pénétrer dans le noyau où les pro-
téines SF2/ASF sont donc en excès rela-
tif. Puisqu’elles favorisent l’excision des
introns seuls, tous les exons sont conser-
vés. Toutefois, les différentes protéinesSR
sont également modifiées par des phos-
phorylations qui changent leur affi-
nité pour l’ARN.
L’épissage alternatif, par la diver-
sité qu’il offre, participe pour une grande
part à l’orientation du destin des cel-
lules, telles la mort cellulaire program-
mée, nommée apoptose, ou la
différenciation cellulaire. Ainsi, la
toxicité des céramides, des molécules
qui dérivent des lipides membranaires,
est reliée à une diminution de la phos-
phorylation des protéines SR qui
entraîne une modification de l’épissage
des ARN prémessagers des pro-
téinesBclx et de la caspase 9. Ces deux
protéines sont des facteurs essentiels de
l’apoptose: la première est une protéine
anti-apoptose ; la seconde est une
enzyme qui dégrade les protéines, une
sorte d’«exécuteur» présent en perma-
nence dans la cellule sous une forme
inactive. En l’absence de céramides,
les protéines codées empêchent l’apop-
tose, alors qu’en présence des compo-
sés toxiques, les nouvelles isoformes
protéiques résultant de la modifica-
tion de l’épissage participent directe-
ment à la mort cellulaire. Par exemple,
les nouvelles isoformes des caspases
sont actives et dégradent les protéines
des cellules qui meurent.
L’épissage alternatif est adapté aux
nécessités de la multiplicité des pro-
grammes de différenciation. Les spé-
cialisations cellulaires nécessaires à la
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© POUR LA SCIENCE - N° 296 JUIN 2002
APyr.
EXON 1
EXON 2
5'
EXTRÉMITÉ 5'
DE L'INTRON
EXTRÉMITÉ 3'
DE L'EXON
EXTRÉMITÉ 3'
DE L'INTRON
SÉQUENCE ACTIVATRICE
DE L'ÉPISSAGE
EXTRÉMITÉ 5'
DE L'EXON 2
INTRON
SÉQUENCE DE
BRANCHEMENT
ENCHAÎNEMENT DE
BASES PYRIMIDIQUES
3'
G U A G
3. L’ARN PRÉMESSAGER est une succession de nucléotides (ci-contre),
composés d’une base azotée purique (adénine ou guanine) ou pyri-
midique (uracile ou cytosine), d’un sucre, le ribose, et d’acide
phosphorique qui les relie entre eux selon une direction 5’ vers 3’.
Cet enchaînement constitue une succession d’exons (ci-dessus,
en vert) et d’introns (en rouge). On distingue plusieurs régions
qui participent à l’épissage : les jonctions entre les exons et les
introns, où la guanine (G) et l’uracile (U) marquent le début des
introns (extrémité 5’) ; les jonctions entre les introns et les exons
où l’adénine (A) et la guanine (G) indiquent la fin des introns (extré-
mité 3’) ; enfin, dans chaque intron, une séquence de branchement,
reconnue par les molécules participant à l’épissage et qui contient tou-
jours une adénine (A) et un enchaînement de bases pyrimidiques (Pyr). Par
ailleurs, les exons contiennent aussi des séquences activatrices de l’épissage.
SUCRE
BASE PURIQUE BASE PYRIMIDIQUE
ATOME 5'
DU SUCRE
ATOME 3'
DU SUCRE
ACIDE
PHOSPHORIQUE
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