L’intervention chirurgicale
dure cinq heures pour chaque
patient. En plusieurs phases :
“nettoyage” de la cicatrice
gliale (formée après la lésion de
la moelle) ; prélèvement d’une
parcelle de muqueuse nasale
ensuite “hachée menue” ;
placement de cette muqueuse
entre les segments lésés de
la moelle au niveau des vertè-
bres cervicales pour les tétra-
plégies, thoraciques pour les
paraplégies.
La tête autant que les jambes des
opérés a dû ensuite s’engager
dans une phase de rééducation.
Elle a duré trois ans ou plus, à
raison de trois heures de travail
par jour, cinq jours sur sept,
sous les ordres et la surveillance
permanente de médecins, de
kinésithérapeutes et de psycho-
logues. La lenteur des progrès
exige un moral à toute épreuve.
« Sachant que les techniques
classiques n’aboutissaient pas,
nous avons abandonné les
appareils de suspension du corps,
la robotique et la stimulation
électrique. Au profit d’une réédu-
cation de conception entièrement
nouvelle. Exemples : le patient
devait faire porter tout le poids
de son corps sur ses jambes.
Au lieu de maintenir les jambes
raides, nous faisons beaucoup
travailler la flexion et l’extension
des genoux. Il est essentiel que
la moelle transmette les signaux
corrects nécessaires à de tels
mouvements. »
Des signaux de cette sorte, le
Dr Lima et son équipe les ont
captés par résonance fonction-
nelle. « Quand la voie directe,
principale, a été coupée, il n’y a
pas de régénération des grands
axes. Des liaisons secondaires,
des déviations, s’établissent,
avec des stations relais. On
distingue encore plus claire-
ment, dans le cerveau, des aires
cérébrales jusque-là inertes qui
se réactivent. »
Si les résultats paraissent
présents, viennent-ils de la greffe
ou de la rééducation presque
surhumaine, jamais pratiquée
auparavant, qui a suivi ? Pour le
savoir, il aurait fallu soumettre à
la même rééducation un nombre
équivalent de patients ayant des
lésions et des niveaux fonction-
nels comparables non greffés.
Un échec total des efforts de ces
derniers aurait certifié les effets
de la greffe.
Faute d’un tel “groupe de
contrôle”, une bonne partie de
la communauté scientifique se
montre très réservée sur les
travaux du Dr Lima. Elle ne les
reconnaît pas comme des essais
cliniques. Elle lui reproche en
outre de ne pas “faire de tri”
dans la muqueuse nasale qu’il
greffe et donc de ne pouvoir
déterminer avec précision
quelles cellules sont greffées.
Toutes les garanties sont
au contraire accordées aux
recherches menées, au sein
d’une équipe australienne, par
le Pr François Féron (3). Elles
font l’objet d’un article publié
en octobre 2008 par la revue
anglo-saxonne de neurologie
Brain (4). Ces travaux ont porté
sur trois patients paraplégiques
présentant une lésion médullaire
depuis au moins six mois. Cette
lésion complète leur avait fait
perdre toute sensibilité et toute
motricité au niveau du sacrum.
Le premier en juin 2002, le
dernier en 2005, ces patients
ont bénéficié d’une greffe de
cellules engainantes soigneu-
sement isolées et purifiées, à
partir de la muqueuse nasale.
Afin d’écarter tout risque de
tétraplégie, l’intervention s’est
déroulée entre les niveaux
thoraciques T4 et T10. Autour
et de chaque côté de la lésion.
« Deux phases composaient
notre essai qui s’est poursuivi sur
trois ans, explique le Pr Féron. La
première consistait à s’assurer de
la faisabilité et de la sécurité de
notre procédure. Elle s’est révélée
réalisable sans difficulté particu-
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