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nutile de créer de faux
espoirs. La prudence
s’impose devant les
tentatives de “réparation” de
lésions de la moelle épinière.
En particulier devant celles
du Dr Carlos Lima (1) et de son
équipe. Elles portent, depuis
2001, sur 120 patients de 18 à
40 ans. Ces 72 tétraplégiques et
48 paraplégiques présentaient,
depuis 12 mois à 15 ans, des
lésions cervicales ou thoraci-
ques sévères. Mais si les résul-
tats semblent encourageants,
sont-ils validés et sont-ils
vraiment dus à l’intervention
chirurgicale réalisée ? Ces
questions restent posées.
« Notre second article rendant
compte des résultats sur
20 patients de plus est prêt. Je
démarche les revues médicales
pour le publier (2). Le premier
article était paru en 2006 dans
le Journal of Spinal Cord
Medecine », indiquait le prati-
cien fin décembre 2008. Les
résultats annoncés par l’équipe
de Lisbonne font rêver beaucoup
de blessés. Ses patients remar-
cheraient ils font au moins
quelques pas, avec un déambu-
lateur. Les plus jeunes, de 18 à
35 ans, auraient regagné plus de
motricité des jambes que leurs
aînés. « Plus de 60 % des patients
ont recouvré une sensibilité de
la vessie. Quelques-uns peuvent
avoir des contractions volontaires
du sphincter anal. Toutefois, le
contrôle de la miction et celui, plus
facile, de la défécation, restent à
travailler en éducation. Il faut se
souvenir du temps que le jeune
enfant met à devenir propre. »
La récupération serait minime
pour les membres supérieurs,
« quand les neurones moteurs de
la moelle étaient perdus dans les
segments touchés. » Par ailleurs,
en deux mois, les facultés olfac-
tives – dont l’altération est due
au prélèvement de la muqueuse
olfactive seraient revenues
complètement chez la plupart
des patients. « Deux d’entre eux
auraient subi une diminution de
leur odorat. Il avait fallu prélever
de la muqueuse des deux côtés
de leur nez, en raison de l’impor-
tance de leur lésion médullaire.
Aujourd’hui, nous n’intervenons
plus sur des blessures de pareille
dimension. »
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L’intervention chirurgicale
dure cinq heures pour chaque
patient. En plusieurs phases :
“nettoyage” de la cicatrice
gliale (formée après la lésion de
la moelle) ; prélèvement d’une
parcelle de muqueuse nasale
ensuite “hachée menue” ;
placement de cette muqueuse
entre les segments lésés de
la moelle au niveau des vertè-
bres cervicales pour les tétra-
plégies, thoraciques pour les
paraplégies.
La tête autant que les jambes des
opérés a ensuite s’engager
dans une phase de rééducation.
Elle a duré trois ans ou plus, à
raison de trois heures de travail
par jour, cinq jours sur sept,
sous les ordres et la surveillance
permanente de médecins, de
kinésithérapeutes et de psycho-
logues. La lenteur des progrès
exige un moral à toute épreuve.
« Sachant que les techniques
classiques n’aboutissaient pas,
nous avons abandonné les
appareils de suspension du corps,
la robotique et la stimulation
électrique. Au profit d’une réédu-
cation de conception entièrement
nouvelle. Exemples : le patient
devait faire porter tout le poids
de son corps sur ses jambes.
Au lieu de maintenir les jambes
raides, nous faisons beaucoup
travailler la flexion et l’extension
des genoux. Il est essentiel que
la moelle transmette les signaux
corrects nécessaires à de tels
mouvements. »
Des signaux de cette sorte, le
Dr Lima et son équipe les ont
captés par résonance fonction-
nelle. « Quand la voie directe,
principale, a été coupée, il n’y a
pas de régénération des grands
axes. Des liaisons secondaires,
des déviations, s’établissent,
avec des stations relais. On
distingue encore plus claire-
ment, dans le cerveau, des aires
cérébrales jusque-là inertes qui
se réactivent. »
Si les résultats paraissent
présents, viennent-ils de la greffe
ou de la rééducation presque
surhumaine, jamais pratiquée
auparavant, qui a suivi ? Pour le
savoir, il aurait fallu soumettre à
la même rééducation un nombre
équivalent de patients ayant des
lésions et des niveaux fonction-
nels comparables non greffés.
Un échec total des efforts de ces
derniers aurait certifié les effets
de la greffe.
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Faute d’un tel “groupe de
contrôle”, une bonne partie de
la communauté scientifique se
montre très réservée sur les
travaux du Dr Lima. Elle ne les
reconnaît pas comme des essais
cliniques. Elle lui reproche en
outre de ne pas “faire de tri”
dans la muqueuse nasale qu’il
greffe et donc de ne pouvoir
déterminer avec précision
quelles cellules sont greffées.
Toutes les garanties sont
au contraire accordées aux
recherches menées, au sein
d’une équipe australienne, par
le Pr François Féron (3). Elles
font l’objet d’un article publié
en octobre 2008 par la revue
anglo-saxonne de neurologie
Brain (4). Ces travaux ont porté
sur trois patients paraplégiques
présentant une lésion médullaire
depuis au moins six mois. Cette
lésion complète leur avait fait
perdre toute sensibilité et toute
motricité au niveau du sacrum.
Le premier en juin 2002, le
dernier en 2005, ces patients
ont bénéficié d’une greffe de
cellules engainantes soigneu-
sement isolées et purifiées, à
partir de la muqueuse nasale.
Afin d’écarter tout risque de
tétraplégie, l’intervention s’est
déroulée entre les niveaux
thoraciques T4 et T10. Autour
et de chaque côté de la lésion.
« Deux phases composaient
notre essai qui s’est poursuivi sur
trois ans, explique le Pr Féron. La
première consistait à s’assurer de
la faisabilité et de la sécurité de
notre procédure. Elle s’est révélée
réalisable sans difficulté particu-
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
lière. Nous avons aussi montré
qu’elle ne provoquait ni douleur,
ni infection supplémentaire et
qu’elle n’induisait pas de tumeur.
Accessoirement, il n’y a pas eu la
moindre diminution de l’odorat.
Nous n’avions d’ailleurs aucune
crainte à ce sujet : ce phénomène
n’a jamais été observé dans des
conditions identiques. » Essai
concluant, donc, en phase 1
(vérification de la sécurité de la
procédure pour les patients).
Tout “facteur confondant” comme
la rééducation ou l’ajout, dans
la greffe, de cellules d’une autre
sorte, a été volontairement exclu
pour ne pas brouiller les résultats.
La phase “2A” servait à déceler
d’éventuelles améliorations. Au
moyen de tests classiques, tous
les six mois, sur la motricité et
la sensibilité. Cette dernière est
évaluée, d’une part, en stimu-
lant, par impulsion magnétique,
certaines régions du cortex. Chez
une personne valide, une impul-
sion peut déclencher le mouve-
ment d’un doigt ou d’un pied.
D’autre part, des picotements,
avec une aiguille, permettent
d’éprouver la sensibilité des
membres inférieurs.
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Un groupe de contrôle de trois
patients non greffés servait
de référence. Les évaluateurs
ignoraient si le patient qu’ils
testaient avait été ou non
greffé. Les résultats sont cotés à
l’inverse de la pratique scolaire.
Le A, si convoité par les bons
élèves, correspond au stade
le patient reste sans motricité
ni sensibilité. Le E signifie qu’il
possède tous ses moyens.
« L’un de nos patients a récupéré
de la sensibilité à partir de 4,5 cm
au-dessous du niveau de la
lésion. » (Exemple : à partir de
T6 si la lésion se situait en T5).
« Il a notamment des sensations
au niveau des pieds. Mais rien
n’a changé côté motricité, ni
dans la sphère uro-génitale. Rien
non plus n’a été constachez
les deux autres patients. » En
d’autres termes, aucun patient
n’a changé de stade.
Les recherches du Pr Féron
vont néanmoins se poursuivre.
Avec une équipe européenne et
selon des méthodes légèrement
différentes. « Deux autres essais
cliniques [NDLR : lire l’encadré]
montrent que les interventions
moins de 30 jours après la lésion
donnent les meilleurs résultats.
Nous étions à plus de six mois. Nous
allons donc changer de fenêtre
thérapeutique. » En somme, dans
ce domaine, le temps semble
jouer un rôle majeur. l
La muqueuse olfactive, dans la cavité nasale, possède la propriété de
produire en permanence de nouveaux neurones remplaçant ceux qui ont
été endommagés. Ces nouveaux neurones émettent un axone, sorte de
ligne de transmission, qui va rejoindre le bulbe olfactif. L’axone est nourri
et guidé vers sa cible par des cellules engainantes. Ce sont ces cellules-là
qu’utilise le Pr Féron. D’autres pistes sont explorées.
En Israël, en Belgique et aux États-Unis*, des équipes de chercheurs
travaillent conjointement sur des cellules macrophages. Contenues dans
le sang, elles agissent contre les inammations. Greffés 14 jours après
leur lésion, trois patients sont passés du stade A au C : la marche avec
déambulateur. Difcile de déterminer dans quelle mesure il ne s’agit pas
d’une récupération spontanée. L’essai est actuellement suspendu.
En République tchèque et en Corée, quatre patients d’autres équipes ont atteint le même stade.
Après avoir reçu, en intra-artériel, dans les 30 jours suivant la lésion, des cellules de moelle osseuse
accompagnées d’un facteur de croissance (des cellules susceptibles de faire pousser les axones).
* Se reporter au site www.proneuron.com signet “Clinical Studies”.
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(1) Le Dr Carlos Lima est neuropathologiste à l’hôpital public Egas Moniz - 126, rua da Junqueira - 1349-019 Lisboa (Portugal)
Tél. : 351 21 043 10 00 www.hegasmoniz.min-saude.pt
(2) En novembre 2007, le Dr Lima annonçait déjà la parution prochaine de cet article, très attendu par la communauté scientique
et médicale (voir suite de l’article).
(3) Le Pr François Féron est professeur de neurobiologie à la faculté de médecine de Marseille et chercheur à l’Institut Jean Roche
51, boulevard Pierre Dramard - 13916 Marseille cedex 20 - Tél. : 04 91 69 87 70 http://ifrjr.nord.univ-mrs.fr
(4) http://brain.oxfordjournals.org
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