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produisant des molécules
toxiques qui abîment encore
davantage les cellules de la
moelle. « Des acides aminés
excitateurs, comme le gluta-
mate, et des radicaux libres sont
libérés et l’inondent en quelques
heures. On connaît une grande
palette d’antagonistes mais il
reste à comprendre comment,
où et quand ces molécules sont
libérées pour mieux les piéger. »
Les chercheurs suivent cela
de près grâce à l’imagerie par
résonance magnétique (IRM) qui
leur permet de regarder en temps
réel la progression de lésions
réalisées chez l’animal.
Déjà, un premier essai a été
mené chez l’homme en France.
Le produit utilisé était un antago-
niste du glutamate, la gacycli-
dine. Il n’a provoqué aucun effet
secondaire indésirable mais son
efficacité n’a pas été concluante.
Le laboratoire Ipsen a décidé
d’abandonner l’essai. Mais
comme « les critères d’effica-
cité utilisés étaient discutables »,
selon le Dr Privat, la recherche
publique pourrait prendre la
relève. Le seul problème de cette
technique, si elle devait prouver
son efficacité, c’est qu’elle
suppose une prise en charge
rapide, dans les 6 heures suivant
la blessure.
Une autre piste laisserait une
semaine supplémentaire aux
médecins pour agir : les ARN
interférents. Leur but est d’éviter
qu’une “cicatrice” se forme dans
les jours suivant la lésion. Des
protéines sont en effet synthé-
tisées par les cellules gliales
qui entourent les neurones et
forment une barrière infranchis-
sable par les axones, ces très fins
prolongements qui partent d’une
jusqu’à 70 cm chez l’homme »,
poursuit-il. Cependant, « avec
ces quelques centimètres, un
tétraplégique peut regagner
l’usage de ses doigts. »
Dernière piste : les macro-
phages, les cellules poubelles du
système immunitaire. L’objectif
est de les utiliser dans les trois
premières semaines pour favoriser
le “nettoyage” des tissus lésés.
D’autant qu’on soupçonne ces
cellules de libérer des facteurs
nourriciers qui favoriseraient la
survie des neurones. Un essai a
eu lieu en Israël, aux États-Unis
et en Belgique. En France, les
chercheurs estiment les preuves
chez l’animal insuffisantes.
« On ne condamne pas cet essai
mais il n’y a pas de consensus
sur l’innocuité des macro-
phages activés. Ils pourraient
avoir des effets délétères, par
exemple digérer des cellules
en bon état ou déclencher une
réaction immunitaire », explique
le Dr Privat.
Viennent ensuite les recher-
ches qui intéressent le plus grand
nombre de malades : récupérer
les fonctions perdues une fois
la lésion installée. L’une des
“tête” de neurones pour aller
transmettre la commande à un
autre neurone. Elles empêchent
ainsi leur régénération. Parmi
ces protéines, on peut citer
la vimentine et la GFAP dont
le rôle a été mis en évidence
par les équipes d’Alain Privat
à Montpellier et de Jacques
Mallet, directeur du labora-
toire de génétique moléculaire
de la neurotransmission et des
processus neurodégé-
nératifs de l’hôpital de
la Pitié-Salpêtrière à
Paris. Des rongeurs
qui n’expriment pas
ces protéines parce qu’on
a inactivé les gènes qui les
codent, réussissent à régénérer
leurs neurones après section de
la moelle. Chez l’homme, qui
possède ces gènes, l’objectif
est d’en bloquer l’expression
avec ces fameux ARN inter-
férents. D’après les résultats
chez l’animal, « on a la preuve
de principe qu’il s’agit d’outils
appropriés », explique le Dr Privat.
Mais évidemment, pas de miracle
possible, « les axones ne repous-
sent que de quelques centimè-
tres or la moelle épinière mesure
Des ponts
et des greffes
...
Au-delà du handicap moteur, la blessure médullaire provoque d’autres à-côtés qui gâchent
bien vite la vie et pour lesquels la recherche progresse aussi. De nouveaux médicaments
voient le jour : on retiendra la toxine botulique et les cannabinoïdes. Pour la toxine botulique,
connue comme anti-ride, la nouvelle indication étonnera : c’est l’incontinence urinaire ! Un
essai a montré que l’injection de toxine dans la vessie a un effet durable (6 à 9 mois), et
permet de réduire les épisodes d’incontinence chez 80% des patients. Une bonne nouvelle
pour les 30% de patients réfractaires aux autres traitements. Quant aux cannabinoïdes, ils
font leurs preuves, sous forme de sprays sublinguaux, outre-Atlantique, dans le traitement
de la douleur neuropathique. Ce produit,
« vraiment nouveau pour la neuropathie »
n’est
cependant
« pas anodin »
, souligne Nadine Attal, neurologue à la clinique de la douleur de
l’hôpital Ambroise Paré à Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine), et sans doute pas disponible
en France avant quelque temps. Mais là aussi, tout espoir est permis…
La