Ces molécules, découvertes en 1958 par Jean Dausset (Prix Nobel 1980) jouent en effet un
rôle clé dans les réponses immunes. D’autres arguments sont l’observation d’une
augmentation importante des cellules immunitaires dans l’épithélium intestinal par Anne
Ferguson en 1975, puis la mise en évidence d’anticorps dans le sérum contre le gluten
(anticorps anti-gliadines) puis contre une protéine endogène (anticorps anti-endomysium) au
début des années 1980.
C’est néanmoins seulement en 1997 que les travaux de Detlef Schuppan permettent
d’identifier la cible tissulaire reconnue par les anticorps anti-endomysium avec la
transglutaminase, démontrant qu’il s’agit d’une réponse auto-immune et autorisant la
production d’un nouveau test sérologique très spécifique. Le dépistage des anticorps anti-
endomysium ou anti-transglutaminase dans le sérum dans différentes populations conduit
alors de façon inattendue à détecter la maladie cœliaque chez de nombreux sujets
présentant peu, voire pas de symptômes ou des symptômes atypiques. Ces tests révèlent aussi
l’apparition possible de la maladie à tous les âges de la vie, comme cela avait été suggéré par
Arateus. La description clinique de la maladie change radicalement et la maladie cœliaque
devient un diagnostic à considérer par les gastro-entérologues de patients adultes mais aussi
par d’autres spécialistes.
Une étape importante dans la compréhension du mécanisme de la maladie cœliaque est
franchie en 1990 grâce aux travaux de Ludvig Sollid, qui identifie la molécule HLA-DQ2
comme le principal facteur génétique conférant le risque de développer la maladie. Ce
médecin chercheur montre ensuite en 1994 comment cette molécule HLA-DQ2, présente chez
90% des patients, peut accommoder les peptides du gluten et activer le système immunitaire.
Ces travaux sont confirmés et complétés par ceux d’autres chercheurs, notamment de Fritz
Koning, qui montrent le rôle comparable de la molécule HLA-DQ8, une autre molécule HLA
présente chez les 10% de sujets cœliaques qui n’ont pas la molécule HLA-DQ2. Ces chercheurs
montrent aussi comment la transglutaminase reconnue par les auto-anticorps caractéristiques
de la maladie, peut modifier les peptides du gluten pour promouvoir leurs interactions avec
les molécules HLA-DQ2 ou DQ8 et ainsi favoriser l’activation du système immunitaire.
Il apparaît néanmoins assez vite que le mécanisme découvert par Ludvig Sollid est nécessaire
mais non suffisant pour déclencher la maladie cœliaque. Une première hypothèse testée dans
les années 2002-2010 grâce aux progrès très rapides des approches génétiques à grande
échelle est l’intervention de facteurs génétiques complémentaires. Les études réalisées sur
des milliers de patients ont identifié à ce jour environ 50 régions du génome présentant des
variations qui modifient le risque de développer la maladie cœliaque. Néanmoins la majorité
de ces variations sont détectées à l’extérieur de gènes, gênant la compréhension de leurs
conséquences. En outre chacune modifie seulement de façon minime le risque de maladie et,
dans leur ensemble, ces variants rendent compte de moins de 14% du risque. Il apparaît donc
à ce jour que ces approches ne sont pas suffisantes pour éclairer précisément la pathogénie
de la maladie. Ces travaux suggèrent néanmoins que les facteurs génétiques de susceptibilité
de la maladie cœliaque sont très proches de ceux des maladies auto-immunes, une
observation qui conforte les observations cliniques puisqu’il est désormais établi que 20%
environ des patients cœliaques peuvent développer de telles maladies, notamment un
diabète de type I ou une thyroïdite.
Ces données ont conduit d’autres chercheurs et notamment notre équipe à chercher d’autres
mécanismes capables d’expliquer la rupture de tolérance au gluten, soit très tôt dans la vie
dès la première introduction du gluten, soit beaucoup plus tard après une longue période de
tolérance. Une première série de travaux nous ont conduits à identifier la production
anormale d’un facteur soluble appelée interleukine 15 dans l’intestin des patients.
Il apparaît aujourd’hui clairement que la production excessive de cette molécule peut
altérer les mécanismes de régulation dans l’intestin et indure une perte de tolérance à une