Chimiothérapie des cancers colo

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E. Samalin, M. Ychou
Chimiothérapie des cancers colo-rectaux métastatiques.
E. Samalin, M. Ychou
CRLC Val d’Aurelle - Parc Euromédecine
- Montpellier -
Résumé
Le traitement des cancers colorectaux métastatiques (CCRM) a changé ces dernières
années. L’utilisation de l’irinotecan et de l’oxaliplatine en association avec le 5 fluoro-uracile, les
chimiothérapies orales type capécitabine et uracile/tegafur (UFT) et récemment l’arrivée de nouvelles molécules ou thérapies ciblées comme le cetuximab ou le bevacizumab ont considérablement modifié les options thérapeutiques dans la prise en charge de ces cancers. Les différents
schémas de chimiothérapie ont permis une amélioration de la survie globale des patients atteints
de CCRM sans augmentation majeure de la toxicité. Cette mise au point a pour but de définir les
associations de drogues possibles en première ligne de traitement et de déterminer les stratégies
thérapeutiques actuelles des CCRM.
Cancer colorectal métastatique / Irinotecan / Oxaliplatine / Thérapies ciblées / 5fluoro-uracile
!Le seul traitement curatif des métastases des cancers colo-rectaux
(CCR) est chirurgical et nécessite une
résection de type R0. Cette résection
est possible dans environ 10 à 15%
des métastases hépatiques avec une
survie à 5 ans de 20 à 40%. Lorsque
les métastases des CCR ne sont pas
résécables, l’alternative est le traitement par chimiothérapie.
Pendant près de 40 ans le 5 Fluorouracile (5FU) a été le traitement de
référence. Les différents schémas
d’administration du 5FU ont permis
d’améliorer le taux de réponse mais
pas la survie des CCR métastatiques.
Depuis l’utilisation de l’Oxaliplatine,
agent cytotoxique appartenant à la
famille des sels de platine, et de
l’Irinotecan (Campto®) (CPT11), inhi-
biteur de la topoisomérase I en association avec le 5FU, les taux de réponse objective et les survies médianes ont augmenté. Récemment, l’accès à de nouvelles molécules comme
le Cetuximab (Erbitux®), anticorps
anti Récepteur de l’Epidermal Growth
Factor (EGFR) ou le Bevacizumab
(Avastin ®), anticorps anti Vascular
Endothelial Growth Factor (VEGF),
Correspondance : Professeur Marc Ychou
CRLC Val d’Aurelle - 208, rue des Apothicaires - Parc Euromédecine – 34298 Montpellier cedex 5.
Tel : 04 67 61 30 92 - Fax : 04 67 61 30 22. - E-mail : [email protected]
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Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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Chimiothérapie des cancers colo-rectaux métastatiques
ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques. La difficulté dans le
choix thérapeutique est de déterminer une première séquence de traitement, adaptée aux principaux facteurs
pronostiques (âge, état général, élévation des phosphatases alcalines) et à
la potentielle résection des métastases, puis de déterminer une stratégie
d’utilisation des différents drogues
disponibles.
LES PROTOCOLES
DE CHIMIOTHÉRAPIE UTILISÉS
5FU-AF
!L’association 5FU acide folinique
(AF) type FUFOL Mayo Clinic, AF 20
mg/m² en bolus suivi de 5FU 425 mg/
m² en bolus, 5 jours de suite tous les
28 jours a longtemps été considéré
comme le protocole de référence des
essais de phase III. En 1997, ce schéma
a été comparé à celui du LV5FU2 de
De Gramont, associant l’administration d’AF à 200 mg/m² en perfusion,
de bolus de 5FU à 400 mg/m² suivi
d’une perfusion continue de 5FU à
600 mg/m², répétés 2 jours consécutifs tous les 14 jours. Après 6 cycles
de traitement, le schéma LV5FU2 était
supérieur au FUFOL en terme de taux
de réponse (32,6 versus 14,5%, P =
0,0004), de survie sans progression
(27,6 versus 22 semaines, P = 0,0012)
et de toxicité grade 3-4 (11 versus
22,9%, P = 0,0004). En revanche, il n’y
avait pas de bénéfice sur la survie globale [1]. Un schéma simplifié avec
suppression du bolus de 5FU et de
la perfusion d’AF au deuxième jour
(J2), et un doublement de la dose d’AF
au premier jour (J1) a été proposé
dans une étude de phase II, présentée à l’ASCO en 1998 [2]. Pour l’instant, ce schéma n’a pas été validé dans
une étude de phase III mais est largement utilisé en pratique du fait de sa
facilité d’administration.
Formes orales de 5FU
!Quatre études cliniques randomi-
96
sées ont comparé une monochimiothérapie orale à une chimiothérapie
par 5FU-AF bolus (type Mayo-Clinic)
dans le traitement des métastases des
CCR.
La capécitabine (Xeloda®) est une
prodrogue du 5FU qui est transformée en 5FU au niveau cellulaire par
une enzyme, la thymidine
phosphorylase. La dose recommandée est de 1250 mg/m² matin et soir
deux semaines sur trois. Une étude
européenne incluant 602 patients
objectivait un taux de réponse de 19%
en faveur de la capécitabine versus
15% pour le 5FU-AF [3]. La survie sans
progression et la survie globale
n’étaient pas différentes entre les 2
bras. En terme de toxicité, la capécitabine entraînait moins de mucite
mais était responsable de plus de syndrome mains-pieds.
L’UFT est une combinaison de tegafur,
précurseur du 5FU et d’uracile qui
est un inhibiteur compétitif de la
dihydropyrimidine-déshydrogénase,
l’enzyme de catabolisme du 5FU. Ce
blocage, permet l’activité du précurseur du 5FU. La dose recommandée
est de 300 mg/m² de tegafur et de 672
mg/m² d’uracile associés sous la
forme de comprimés d’UFT et de 90
mg d’acide folinique oral par jour, en
3 prises, 5 semaines sur 6. Un essai
européen, incluant 380 patients objectivait un taux de réponse de 11%
avec l’UFT versus 9% avec le 5FU-AF
Mayo-Clinic sans différence significative entre les 2 bras [4]. Il n’y avait
pas de différence entre les groupes
pour la survie sans progression et la
survie globale. La principale toxicité
de l’UFT était la diarrhée présente
chez 18% des patients.
5FU-AF + Irinotecan (Campto®)
(CPT11): FOLFIRI
!L’Irinotecan inhibe spécifiquement
la topoisomérase I et empêche ainsi
la progression de la réplication. La
conséquence est une rupture irréparable de l’ADN qui entraîne la mort
de la cellule. L’Irinotecan est une
prodrogue dont le métabolite actif, le
SN-38 est obtenu après hydrolyse par
Médecine Nucléaire -
des carboxylestérases. Le SN-38 est
ensuite transformé en forme inactivée par une uridine diphosphonate
glucoronosyl transferase 1A1
(UGT1A1) et excrétée par voie biliaire
et urinaire.
Trois essais randomisés de phase III
ont comparé en première ligne une
chimiothérapie par Irinotecan + 5FUAF à une chimiothérapie par 5FU-AF
seul. Dans l’essai multicentrique américain de Saltz et al., les patients ont
été randomisés entre une chimiothérapie par IFL (CPT11 125 mg/m² +
LV5FU 500 mg/m²), une chimiothérapie par Irinotecan seul (CPT11 125
mg/m²) et une chimiothérapie par
5FU-AF Mayo Clinic. Six cent soixante
sept patients sur 683 inclus ont été
évalués (environ 220 patients par
bras). Les résultats concernant le taux
de réponse objective, le temps jusqu’à progression et la survie médiane
étaient significativement supérieurs
chez les patients traités par CPT11 +
5FU-AF que chez les patients traités
par 5FU-AF seul, respectivement 39
versus 21% (P < 0,001), 7 versus 4,3
mois (P = 0,004) et 14,8 versus 12,6
Tableau II) [5]. Le
mois (P = 0,04) (T
profil des patients inclus n’était pas
trop restrictif avec 90 patients par bras
âgés de plus de 65 ans et 52 à 64 patients par bras d’état général OMS égal
à 2.
L’essai multicentrique européen rapporté par Douillard et al. a inclus 385
patients (338 évaluables) randomisés
entre un traitement par CPT11 + 5FUAF et un traitement par 5FU-AF seul
{6]. Le schéma de 5FU-AF était soit le
LV5FU2 soit un schéma hebdomadaire allemand (AIO : AF 500 mg/m²
IV en 2 heures + 5FU 2600 mg/m² IV
en perfusion continue 24h hebdomadaires 6 semaines sur 7). Le taux de
réponse, le temps jusqu’à progression et la survie globale étaient
significativement plus élevés dans le
bras CPT11 + 5FU-AF que dans le bras
5FU-AF seul, respectivement 35
versus 22% (P = 0,005), 6,7 versus 4,4
mois (P < 0,001) et 17,4 versus 14,1
Tableau II).
mois (P < 0,031) (T
Enfin, une étude de phase III de
L’EORTC (essai EORTC 40986) a com-
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Ta bleau I.
Essais randomisés comparant 5FU-AF au 5FU-AF + CPT11 dans le traitement des cancers colorectaux métastatiques.
Randomized trials : 5FU versus 5FU + irinotecan in treatment of metastatic colorectal cancers.
paré une chimiothérapie de première
ligne selon le schéma allemand AIO
à une association AIO + CPT11 hebdomadaire à la dose de 80 mg/m² IV
en 30 minutes [7]. Parmi les 430 patients inclus, le taux de réponse objective et la survie sans progression
étaient améliorés dans le bras AIO +
CPT11, respectivement 54,2 versus
31,5% (P < 0,0001) et 8,5 versus 6,4
mois (P = 0,0001). En revanche il n’y
a pas eu d’amélioration significative
Tableau II).
sur la survie globale (T
patients ont été inclus. Le taux de réponse objective et la survie sans progression ont été significativement
améliorés chez les patients traités par
FOLFOX 4 par rapport à ceux traités
par LV5FU2 seul, respectivement, 50,7
versus 22,3% (P < 0,001) et 9 versus
Tableau II
6,2 mois (P < 0,0003) (T
II)
[8]. Concernant la survie globale, l’absence de différence significative entre bithérapie et monothérapie pouvait être expliquée par l’utilisation
d’une chimiothérapie de deuxième
ligne chez les patients traités par 5FUAF seul. En effet, 27,6% des patients
du bras LV5FU2 ont reçu un traitement à base d’Oxaliplatine en deuxième ligne et 20% des patients ont
reçu un traitement de deuxième ou
troisième ligne à base de CPT11 [8].
Les deux autres essais réalisés avec
d’autres schémas d’administration de
5FU rapportaient des résultats comparables [9, 10].
5FU-AF + Oxaliplatine :
protocole FOLFOX
!L’oxaliplatine est un analogue du
Cisplatine appartenant à la famille des
diaminocyclohexane (DACH) platine.
Il se différencie du Cisplatine de par
son efficacité in vitro et sa faible toxicité digestive et auditive. Il est dénué
de toxicité rénale et sa toxicité neurologique est transitoire, sensitive
cumulative et réversible, quand avec
une bonne expérience l’Oxaliplatine
est stoppée avant l’apparition d’une
neuropathie invalidante.
Trois essais randomisés ont comparé
une chimiothérapie associant
l’Oxaliplatine et le 5FU-AF à une chimiothérapie par 5FU-AF seul en première ligne métastatique des CCR.
L’essai français a comparé un schéma
LV5FU2 au FOLFOX 4 (LV5FU2 +
Oxaliplatine 85 mg/m² en perfusion
de deux heures pendant l’AF au J1
de chaque cycle). Quatre cent vingt
Médecine Nucléaire -
Ta bleau II.
amont et al. compar
ant LLV5FU2
V5FU2 et FOLFO
X 4 en
Essai rrandomisé
andomisé de De Gr
Gramont
comparant
FOLFOX
première ligne métastatique des cancers colorectaux {8].
Randomiz
ed tr
ial of De Gr
amont et al. : LLV5FU2
V5FU2 v
er
sus FOLFO
X 4 in ffir
ir
st
Randomized
trial
Gramont
ver
ersus
FOLFOX
irst
eatment ffor
or metastatic color
ectal cancer
s.
line tr
treatment
colorectal
cancers.
420 patients
LV5FU2
FOLFOX 4
P
22,3
50,7
< 0,001
6,2
9
< 0,0003
14,7
16,2
NS
0
18
< 0,001
5,3
9,5
41,7
10,5
< 0,001
NS
Taux de réponse (%)
Survie sans progression (mois)
Survie globale (mois)
Neuropathie spécifique (%)
Neutropénie grade 3-4 (%)
OMS 2 (%)
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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Chimiothérapie des cancers colo-rectaux métastatiques
L’étude américaine publiée en 2004
[11] comportait 3 bras de traitement
administrés à 795 patients : un bras
IFL [5], un bras FOLFOX 4 [8] et un
bras associant l’Oxaliplatine à 85 mg/
m² et l’Irinotecan à 200 mg/m² au J1
toutes les 3 semaines. Compte tenu
de la supériorité du FOLFOX 4 sur
l’IFL en terme de réponse objective,
de survie sans progression et de survie globale, l’étude a été interrompue.
L’augmentation de la survie globale
dans le bras FOLFOX 4 peut être expliqué par le fait que 60% des patients
de ce bras de traitement ont reçu une
deuxième ligne de chimiothérapie à
base d’irinotecan alors que 24% des
patients du bras IFL ont reçu une chimiothérapie à base d’oxaliplatine.
THÉRAPIES CIBLÉES
!Des études in vitro ont permis de
mettre en évidence au sein même du
tissu tumoral des sites moléculaires
susceptibles d’être des cibles spécifiques de traitement des CCR métastatiques. Le but de ce type de thérapeutique est le blocage de la croissance cellulaire tumorale. Deux classes de thérapies ciblées ont été introduites dans le traitement des
CCR métastatiques : les anticorps antiEGF Récepteur et les inhibiteurs
angiogéniques (anticorps anti-VEGF).
[12]. Afin de déterminer si l’efficacité
du cetuximab était due à son association avec l’irinotecan ou à son activité intrinsèque, les mêmes auteurs
ont traité 60 patients par l’anticorps
seul et le taux de réponse objective
était de 10% [13]. Ces résultats ont
mené à la réalisation d’une étude randomisée chez des patients lourdement prétraités et dont la tumeur exprimait le récepteur de l’EGF [14]. La
randomisation était de 2/1 entre
cetuximab + irinotecan (218 patients)
et cetuximab seul (111 patients). Le
schéma d’irinotecan administré dépendait de celui précédemment reçu
avant la progression de la maladie et
pouvait être de 180 mg/m² toutes les
2 semaines, de 350 mg/m² toutes les
trois semaines ou de 125 mg/m² toutes les semaines. Le cetuximab était
administré à 400 mg/m² à la première
cure puis à 250 mg/m² aux cures suivantes. Le traitement combiné induisait un meilleur taux de réponse objective, 22,9 versus 10,8% (P=0,0074)
et de contrôle de la maladie (réponse
+ stabilité), 55,5 versus 32,4%
(P=0,0001). La survie sans progression était augmentée de façon significative, 4,1 versus 1,5 mois (P<0,00
1). La survie globale n’était pas statistiquement différente entre les deux
groupes : 8,6 versus 6,9 mois (P=0,48).
La toxicité la plus caractéristique du
cetuximab était une pseudo-acné
(80% dans chaque groupe). La toxicité induite par le traitement combiné
n’était pas supérieure à celle induite
par un traitement d’irinotecan seul.
avec un traitement de deuxième ligne. Les patients randomisés dans le
bras IFL + bevacizumab avaient un
taux de réponse significativement
supérieur aux patients randomisés
dans le bras IFL + placebo : 44,8
versus 34,8% (P=0,004). La survie sans
progression et la survie globale
étaient significativement améliorées :
10,6 versus 6,2 mois (P<0,001) et 20,3
versus 15,6 mois (P<0,001), respectivement. La principale toxicité du
bevacizumab était une hypertension
artérielle de grade 3 chez 11% des
patients versus 2,3% dans le groupe
placebo. Kabbinavar et al., ont comparé dans un essai de phase III un traitement par 5FU-AF associé au
bevacizumab à un traitement par 5FUAF seul [16]. La survie sans progression était significativement meilleure
dans le bras bevacizumab + 5FU-AF
que dans le bras 5FU-AF seul : 9,2
versus 5,5 mois (P<0,001). En revanche, le taux de réponse objective et
la survie globale n’étaient pas
significativement différents entre les
2 bras de traitement.
Récemment, l’association du bevacizumab au FOLFOX comparée au
FOLFOX seul a fait la preuve de son
efficacité en 2e ligne de chimiothérapie après un traitement à base
d’irinotecan [17].
STRATÉGIES THÉRAPEUTIQUES
ACTUELLES ET PERSPECTIVES
Cetuximab
!Le cetuximab (Erbitux®) est un anticorps monoclonal humanisé d’administration intraveineuse qui inhibe
le récepteur de l’Epidermal growth
factor (EGF) de par sa forte affinité
avec le domaine extra-cellulaire du
récepteur. Le récepteur à l’EGF est un
récepteur transmembranaire de type
I doté d’une activité tyrosine kinase,
exprimé par les cancers colorectaux
dans 60 à 80% des cas. Une étude de
phase II a montré qu’une association
irinotecan-cetuximab chez 121 patients atteints d’un CCR métastatique
en progression avec un schéma de
5FU + irinotecan permettait d’obtenir 19% de taux de réponse objective
98
Le Bevacizumab (Avastin®)
!Le bevacizumab est un anticorps
anti VEGF qui bloque l’angiogenèse.
Son association avec le 5FU-AF ou le
5FU-AF + irinotecan a été évaluée dans
deux essais de phase III en 1ère ligne
métastatique. L’essai rapporté par
Hurwitz et al. a randomisé 813 patients entre un traitement par IFL +
bevacizumab et un traitement par IFL
+ placebo [15]. La dose de bevacizumab était de 5 mg/kg tous les 15 jours.
A progression, les patients sous
bevacizumab pouvaient continuer à
recevoir cet anticorps en association
Médecine Nucléaire -
Faut-il faire une bithérapie en
première ligne métastatique ?
!Les résultats des études précédemment citées s’accordent en faveur des
bithérapies par Oxaliplatine ou CPT11
associés au 5FU-AF avec un gain de
20 à 30% en terme de taux de réponse
objective et une amélioration de 2 à
3 mois pour la survie sans progression (5,6). Il est cependant possible
qu’une chimiothérapie de 2e ou 3e ligne systématique après une monothérapie par 5FU-AF soit aussi efficace
avec une toxicité plus faible, un coût
moins élevé et moins de contrainte
pour les patients. En effet, la méta-ana-
Imagerie fonctionnelle et métabolique - 2005 - vol.29 - n°2
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lyse de Grothey et al. a rapportée que
l’utilisation des trois drogues de chimiothérapie (5FU-AF, irinotecan et
oxaliplatine) quel que soit l’ordre
d’administration [18], comparée à
l’absence de 2e ligne de traitement
était corrélée de façon positive à la
survie globale. De plus, un essai randomisé récemment présenté au
Gastrointestinal Cancers Symposium
2005 a comparé des patients traités
par 5FU-AF seul puis par irinotecan
seul en 2e ligne (groupe A), des patients traités par 5FU-AF seul en 1ère
ligne suivi d’une 2e ligne par FOLFOX
ou FOLFIRI (groupe B) et des patients
traités par FOLFIRI puis FOLFOX et
son inverse (groupe C) [19]. Le critère de jugement principal était la
survie globale. Il n’y avait pas de différence statistiquement significative
en terme de survie entre les différents
bras en 1ère ligne de traitement. Actuellement, un essai de la Fédération
francophone de cancérologie digestive (FFCD) est en cours. Il s’agit d’un
essai de stratégie comparant un
groupe de patients traités par LV5FU2
simplifié puis FOLFOX6 puis FOLFIRI
à un groupe traité par FOLFOX6 puis
FOLFIRI suivi d’une 3e ligne éventuelle (FFCD 2000-05).
Faut-il remplacer le 5FU-AF
par du Xeloda
dans les bithérapies ?
!La place des monochimiothérapies
orales dans le traitement des CCR métastatiques est restreinte compte tenu
de la franche utilisation des bithérapies. D’autre part, aucun essai n’a comparé le LV5FU2 aux chimiothérapies
orales. En 1ère ligne, elles sont réservées à des profils de patients particuliers comme ceux qui ont une maladie disséminée non résécable et qui
sont très âgés ou altérés. Des essais
de phase II ont évalué l’utilisation du
Xeloda en association avec l’irinotecan (XELIRI) ou l’oxaliplatine
(XELOX) en première ligne de traitement à la place du 5FU-AF intraveineux classique. Les résultats sont
encourageants avec des taux de réponse objective de 35 à 55% et une
toxicité acceptable [20, 21]. Des études de phase III sont en cours comparant les schémas XELOX versus
FOLFOX et XELIRI versus FOLFIRI. Il
faut en attendre les résultats avant de
recommander l’utilisation de Xeloda®
dans ces combinaisons.
Quelles bithérapies faut-il
réaliser en première ligne ?
!Le GERCOR a tenté de répondre à
cette question au travers d’une étude
de stratégie. Cet essai, a inclus 226
patients ; la moitié des patients ont
reçu le schéma FOLFOX 6 (LV5FU
simplifié + Oxaliplatine 100 mg/m²
en perfusion de 2 heures) puis lorsque la maladie progressait le schéma
FOLFIRI (LV5FU simplifié + 180 mg/
m² de CPT11 en perfusion de 2 heures) ; l’autre moitié des patients a reçu
la séquence inverse : FOLFIRI suivi à
progression de FOLFOX 6 [22]. Les
taux de réponse objective étaient
identiques pour le FOLFOX6 et pour
le FOLFIRI (56% versus 54%, respectivement). La survie sans progression
après la deuxième ligne thérapeutique n’était pas différente entre les 2
séquences. La médiane de survie globale était supérieure à 20 mois dans
les 2 bras (20,6 mois pour la séquence
FOLFOX6-FOLFIRI et 21,5 mois pour
Tableau III
la séquence inverse) (T
III).
En 1ère ligne thérapeutique, 34% des
patients ont eu une toxicité neurologique de grade 3 spécifique à l’oxaliplatine. Cette toxicité touchait 19%
des patients traités par FOLFOX6 en
2e ligne de chimiothérapie. Au total,
cette étude ne permet pas de répondre à la question de quelle bithérapie
utilisée en 1ère ligne de chimiothérapie si ce n’est un profil de toxicité
plus acceptable avec la séquence
FOLFIRI-FOLFOX6 (moins de
neuropathies).
Ta bleau III.
Essai de stratégie thérapeutique. Schémas à base d’oxaliplatine versus schémas à base d’irinotecan.
Trial of ther
apeutic str
ateg
y. Schedules with o
xaliplatin v
er
sus schedules with ir
inotecan.
therapeutic
strateg
ategy
oxaliplatin
ver
ersus
irinotecan.
Essai
Patients
(n)
Tournigand et al.
2004 [21]
FOLFIRI-FOLFOX6 (109/113)
53
8,5
20,4
FOLFOX6-FOLFIRI (111/113)
49
(NS)
8,1
(NS)
21,5
(NS)
Médecine Nucléaire -
Taux de réponse
(%)
Survie sans progression
(mois)
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Survie globale
(mois)
99
Chimiothérapie des cancers colo-rectaux métastatiques
Comment utiliser
les thérapies ciblées ?
!Pour l’instant, le bevacizumab est
utilisé aux USA et vient d’obtenir une
AMM européenne. Son efficacité a été
démontrée en 1ère ligne métastatique
avec un schéma de 5FU-AF +
irinotecan ou de 5FU-AF seul [15, 16].
Les patients traités étaient en bon état
général (OMS 0 ou 1) dans 99% des
cas. Compte tenu des effets secondaires vasculaires à type d’hypertension
artérielle, de thrombophlébite, d’embolie pulmonaire et de protéinurie,
la population des patients à traiter
devra être sélectionnée.
Le cetuximab a obtenu l’AMM le 30
juin 2004 après la parution de l’étude
de Cunningham et al.. Son utilisation
est indiquée après échec d’une chimiothérapie à base d’irinotecan. Notre expérience et l’attente d’essais en
1ère et en 2e ligne métastatique nous
incite à administrer le cetuximab en
association avec l’irinotecan en 3e ligne de chimiothérapie après échec
des bithérapies habituellement utilisées.
L’introduction de nouvelles molécules associées au 5FU-AF a permis
d’améliorer considérablement le traitement de première ligne des CCR
métastatiques. La médiane de survie
globale était de 6 mois en l’absence
de traitement, puis de 10 à 12 mois
avec le 5FU-AF seul. Elle atteint 14 à
16 mois avec l’association 5FU-AF +
oxaliplatine ou 5FU-AF + irinotecan
et devient supérieure à 20 mois avec
la combinaison bevacizumab + 5FUAF + irinotecan.
L’émergence de combinaisons des
molécules ciblées avec les meilleures chimiothérapies laisse espérer de
nouvelles stratégies thérapeutiques et
de nouveaux progrès dans la prise en
charge des CCR métastatiques.
Chemotherapy in metastatic colorectal cancers.
The treatment of metastatic colorectal cancers (MCRC) has changed in the last years by
using irinotecan and oxaliplatin combined with 5 fluorouracil or oral fluoropyrimidines
(capecitabine and uracil/tegafur), and most recently the availability of new targeted biologic agents
as cetuximab or bevacizumab. A number of options are now available for the management of
MCRC. The different schedules of treatment have improved the survival without dramatically
increase the toxicity. This overview describes the combinations of chemotherapy agents in first
line treatment and the therapeutic strategies options in MCRC.
Metastatic colorectal cancer / Irinotecan / Oxaliplatin / Targeted biologic agents / 5 fluorouracil
RÉFÉRENCES
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