Le statut des savoirs ordinaires dans l`analyse des

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Comité de lecture international
Anne Bayert-Geslin (Université de Limoges), Laurence Brogniez
(Université Libre de Bruxelles), Bertrand Daunay (Université Lille 3),
Pablo Decock (Université Catholique de Louvain), Édouard Delruelle
(Université de Liège), Pascal Durand (Université de Liège), Nathalie
Roelens (Université du Luxembourg), Jean-Paul Thibaud (CNRS, École
Nationale Supérieure d’Architecture de Grenoble), David Vrydaghs
(Facultés universitaires Notre-Dame de la Paix, Namur), Damien Zanone
(Université Catholique de Louvain)
ISBN ---- ISSN - D/2012/12.839/8
MethIS. Méthodes et Interdisciplinarité en Sciences humaines
Methis est la revue du groupe Intersection, dont l’objectif est l’exposition
et la discussion, dans un cadre interdiscipliniaire, des recherches en
cours des doctorants et jeunes docteurs en Philosophie et lettres et en
Sciences humaines et sociales de l’Université de Liège. Un tel cadre in-
terdisciplinaire exige, afin d’assurer un échange scientifique rigoureux,
que les questions de méthode soient clairement posées et soumises à la
perspicacité des regards croisés entre les différentes disciplines.
Courrier scientique
Revue MethIS Céline Letawe
Université de Liège Place du -Août, 7 B 4000 Liège
Courriel : cletaw[email protected]
Diusion, vente au numéro et abonnement
Presses Universitaires de Liège
Place du -Août, 7 B 4000 Liège
Tél. : +32 (0)366 50 22 P[email protected] http://www.presses.ulg.ac.be
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La revue est intégralement disponible en Open Access à l’adresse suivante :
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© Intersection, septembre 2012
Avec le soutien du Conseil de la recherche et de la Faculté de Philosophie et lettres de
l’Université de Liège
Comité de rédaction
Céline Letawe (secrétaire), Grégory Corman, Björn-Olav Dozo, Stéphane
Polis, Daria Tunca, Baudouin Stasse
MethIS
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Volume  ()
Presses Universitaires de Liège
édité par
C.Letawe, E. Mouratidou & V.Stiénon
MethIS,  (), p.–.
Le statut des savoirs ordinaires dans LanaLyse
des pratiques de communication
Yves Jeanneret
(CELSA— Université Paris-Sorbonne)
Résumé. Cet article part du constat selon lequel la communication est une pra-
tique réexive, non seulement pour les chercheurs mais aussi pour les sujets qui
la mettent en œuvre au quotidien. Souvent non élucidés, leurs savoirs ordinaires
sur la communication n’en sont pas moins une réalité structurante. Un exemple
d’actualité, celui de la querelle à propos d’une expérience de jeu télévisé extrême,
montre l’écart qui sépare les conceptions du processus de communication faisant
une place aux savoirs, d’autres conceptions fondées sur la seule considération des
comportements observables. L’article relit ensuite plusieurs débats théoriques des
sciences sociales à la lumière de la considération accordée à la réexivité ordinaire,
en particulier avec la notion d’attention oblique chez Hoggart. La suite de l’ana-
lyse considère l’approche de la production de recherche en sciences sociales comme
polygraphie et aborde l’étude des échanges entre discours ordinaires, académiques
et professionnels comme composante d’une économie politique de la circulation
des savoirs (trivialité).
La visée et l’étendue de la réexivité sont ici abordées de façon particulière.
Il s’agit d’envisager la communication, dans ses formes courantes, comme
une pratique réexive. C’est pourquoi la catégorie de la réexivité ne sera
pas sollicitée pour caractériser certaines productions signiantes par rapport à
d’autres, mais tenue pour structurante dans l’analyse de toute forme de com-
munication sociale.
Selon cette thèse, indiscutablement risquée, toute description des processus
de communication repose sur des hypothèses, élucidées ou naturalisées, quant
à la façon dont les sujets impliqués dans ces processus qualient ces derniers.
Adopter un point de vue communicationnel sur les échanges signiants en
société consisterait alors à proposer une lecture savante des savoirs ordinaires
 Yves J
produits par les sujets sociaux sur la communication et mobilisés par eux dans
le cours de cette communication elle-même.
Ce point de vue conduit à relier deux questions scientiques souvent dis-
jointes: quelle prétention le chercheur en sciences anthroposociales émet-il
quant à l’analyse des pratiques et de leur sens? quelle place fait-il à la cir-
culation sociale de savoirs et jugements sur la communication? En eet, si
l’on admet qu’une réexivité —certes polymorpheest exercée dans le
quotidien de la communication par les sujets sociaux et qu’elle engendre des
savoirs et des valeurs spéciques, on doit se demander quelles exigences la
prise en compte de cette pratique réexive ordinaire impose à une analyse des
interactions sociales.
En d’autres termes, l’analyse de la communication engage, non un geste
réexif unique, mais une réexivité au carré, une spécularité de la réexivité,
puisqu’elle entend rendre compte réexivement d’une activité elle-même
réexive. Il existe une mobilisation de fait des savoirs ordinaires sur la com-
munication, qui peut certes rester non élucidée —y compris dans certains
modèles théoriques de la communicationmais qui n’en est pas moins,
même inaperçue, une réalité structurante. Certains acteurs mobilisent et ins-
trumentent cette réexivité du côté des techniques professionnelles; certains
courants de recherche s’emploient, ce qui est très diérent, à la penser et à la
discuter de façon critique.
Si je me permets de proposer une réexion construite sur ce point, dans le
cadre de l’échange interdisciplinaire présenté dans cet ouvrage, c’est que les
sciences de l’information et de la communication ont rencontré de façon forte
et insistante cette réexivité ordinaire, qui concerne de fait toutes les sciences
anthroposociales. Cette question est pour cette discipline un point de passage
obligé: elle peut, moins que d’autres sciences, la contourner, même si c’est
pour elle une source de dicultés considérable: l’étendue communicationnelle
de la réexivité éclaire l’intensité épistémologique de la question qu’elle pose au
chercheur.
Je discuterai cette question en trois temps. Je partirai d’abord d’un exemple
d’actualité pour montrer que la place donnée à la réexivité ordinaire des
sujets de la communication départage les paradigmes scientiques en sciences
anthroposociales; je reviendrai ensuite sur la façon dont cette question a struc-
turé, parfois secrètement, l’identication de certains problèmes essentiels pour
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