Yves J
produits par les sujets sociaux sur la communication et mobilisés par eux dans
le cours de cette communication elle-même.
Ce point de vue conduit à relier deux questions scientiques souvent dis-
jointes: quelle prétention le chercheur en sciences anthroposociales émet-il
quant à l’analyse des pratiques et de leur sens? quelle place fait-il à la cir-
culation sociale de savoirs et jugements sur la communication? En eet, si
l’on admet qu’une réexivité —certes polymorphe— est exercée dans le
quotidien de la communication par les sujets sociaux et qu’elle engendre des
savoirs et des valeurs spéciques, on doit se demander quelles exigences la
prise en compte de cette pratique réexive ordinaire impose à une analyse des
interactions sociales.
En d’autres termes, l’analyse de la communication engage, non un geste
réexif unique, mais une réexivité au carré, une spécularité de la réexivité,
puisqu’elle entend rendre compte réexivement d’une activité elle-même
réexive. Il existe une mobilisation de fait des savoirs ordinaires sur la com-
munication, qui peut certes rester non élucidée —y compris dans certains
modèles théoriques de la communication— mais qui n’en est pas moins,
même inaperçue, une réalité structurante. Certains acteurs mobilisent et ins-
trumentent cette réexivité du côté des techniques professionnelles; certains
courants de recherche s’emploient, ce qui est très diérent, à la penser et à la
discuter de façon critique.
Si je me permets de proposer une réexion construite sur ce point, dans le
cadre de l’échange interdisciplinaire présenté dans cet ouvrage, c’est que les
sciences de l’information et de la communication ont rencontré de façon forte
et insistante cette réexivité ordinaire, qui concerne de fait toutes les sciences
anthroposociales. Cette question est pour cette discipline un point de passage
obligé: elle peut, moins que d’autres sciences, la contourner, même si c’est
pour elle une source de dicultés considérable: l’étendue communicationnelle
de la réexivité éclaire l’intensité épistémologique de la question qu’elle pose au
chercheur.
Je discuterai cette question en trois temps. Je partirai d’abord d’un exemple
d’actualité pour montrer que la place donnée à la réexivité ordinaire des
sujets de la communication départage les paradigmes scientiques en sciences
anthroposociales; je reviendrai ensuite sur la façon dont cette question a struc-
turé, parfois secrètement, l’identication de certains problèmes essentiels pour