Imagerie des prothèses discales: aspect normal et complications

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Imagerie des prothèses discales:
aspect normal et complications
JFR 2007
C. Pradel *, F. Jacquot §, E. Bridel *,
N. Jomaah *, P. Bienvenot *, L. Arrivé *,
J.M. Tubiana *
* Service de radiologie, § Service d’orthopédie
Hôpital Saint Antoine, Paris
Prothèses discales - Pourquoi ?
La discopathie dégénérative est une cause majeure de lombalgie,
pathologie actuellement de plus en plus fréquente.
En cas d’inefficacité du traitement médical le traitement chirurgical
classique repose sur la discectomie suivie d’une arthrodèse.
L’arthrodèse a l’inconvénient d’altérer la biomécanique du rachis et
d’entraîner une hyper sollicitation des étages adjacents (disques et
articulaires postérieures) elle même responsable de lésions
dégénératives à l’origine d’une récidive douloureuse.
La fusion peut également être parfois incomplète et source de
douleurs.
Prothèses discales - Pourquoi ?
La prothèse discale est une technique relativement récente
présentée comme une alternative à l’arthrodèse dans le
traitement de la lombalgie. Son objectif principal est de
restaurer une mobilité normale à l’espace intervertébral
pathologique et de protéger les niveaux adjacents d’une
charge excessive.
Elle peut également permettre la correction d’un
rétrécissement foraminal par la restauration de la hauteur
normale de l’espace intervertébral.
Prothèses discales - Historique
Première prothèse discale décrite par Hoogland en 1958.
CHARITE®: première prothèse discale commercialisée, développée dans
les années 80 par Büttner-Janz en Allemagne. La version actuelle
(Charite III®, DePuy Spine) est actuellement la prothèse la plus utilisée
dans le monde.
PRODISC®: prothèse développée par Marnay en France au début des
années 90. La version actuelle (Prodisc II®, Synthes Inc.) a reçu
l’agrément de la FDA et est également très utilisée à travers le monde.
Après de nombreuses études rétrospectives encourageantes, des
études prospectives randomisées récentes, dirigées par la FDA, ont
montré une supériorité sur plusieurs critères cliniques des prothèses
Charite III ®* et Prodisc II ®** par rapport à l’arthrodèse à 2 ans.
* Blumental et al. Spine 2005; 30 (14):1565-75
** Zigler et al. Spine 2007; 32 (11):1155-62
Prothèses discales - Pour qui ?
L’indication idéale est un patient jeune (< 45 ans), lombalgique
par discopathie (sans arthrose articulaire postérieure) sur un seul
niveau. Il faut que le traitement médical soit inefficace depuis au
moins 6 à 12 mois.
Certains chirurgiens étendent les indications aux discarthroses et
aux hernies discales non exclues (surtout si il existe un passé
lombalgique).
La pose de prothèses sur deux voire trois niveaux est possible
mais a montré des résultats significativement moins bons et de
plus nombreuses complications.
Prothèses discales – Contre-indications
Pathologies tumorales et infectieuses, anomalies corporéales
post traumatiques.
Obésité
Ostéoporose (risque d’impaction de la prothèse). La plupart
des études limitent l’âge des patients à 60 ans essentiellement
en raison de l’ostéoporose liée à l’âge.
Arthrose articulaire postérieure +++
Hernie discale exclue.
Lyse isthmique et/ou spondylolisthésis > grade 1
Antécédent d’arthrodèse lombaire.
Rétrécissement significatif du canal central.
+/- Discopathies trop prononcées (espace intervertébral < 5
mm) ou trop nombreuses.
Prothèses discales - Comment ?
Petit abord antérieur extra-péritonéal (refoulement des organes
intra péritonéaux et des vaisseaux rétropéritonéaux).
Discectomie sub-totale ne conservant qu’une partie des
portions latérales de l’anneau fibreux.
Distraction vertébrale et pose de la prothèse.
*
Noter la proximité de la prothèse
et de la veine iliaque gauche (*)
Imagerie pré-opératoire
Le bilan d’imagerie pré-opératoire comporte des
radiographies standard, un scanner et une IRM.
Le but de ce bilan est de:
Confirmer et évaluer la ou les discopathies.
Eliminer une arthrose postérieure importante,
une hernie exclue, des troubles de la
statiques importants.
Certains auteurs font également réaliser des
discographies pour confirmer la discopathie et
surtout son caractère symptomatique. La
discographie est positive si elle reproduit la
douleur habituelle. Elle est surtout utile si il existe
plusieurs discopathies pour déterminer la
(lesquelles) est (sont) symptomatique(s).
Suivi post-opératoire
Le suivi post opératoire repose essentiellement sur les radiographies standard.
Malgré les artefacts métalliques le scanner peut s’avérer utile, en particulier en cas de
migration de la prothèse.
Les pièces métalliques étant constituées de chrome-cobalt les artéfacts en IRM sont
majeurs et empêchent une exploration correcte de l’étage opéré.
Prothèse B Braun® L4-L5 en scanner et en IRM
Aspect normal: prothèse Charité®
La prothèse discale Charité® est composée de deux plateaux en
chrome-cobalt et d’une pièce centrale mobile de polyéthylène
de très haut poids moléculaire.
Un cercle métallique de repérage radiologique est inséré à la
périphérie de la pièce de polyéthylène.
Polyéthylène
Plateaux
métalliques
Cercle métallique
Aspect normal
Prothèse Charité®
Aspect normal: prothèse Charité®
Aspect normal: prothèse Prodisc®
La prothèse Prodisc® est composée de
deux plateaux en chrome-cobalt (*) et
d’une pièce centrale en polyéthylène (§)
clipsée sur le plateau inférieur.
La pièce de polyéthylène comporte un
petit marqueur métallique médian à sa
partie antérieure.
Vue anté
antérieure
*§
*
Vues de profil
Arr Avt
Aspect normal: prothèse Prodisc®
Noter la visualisation du repère métallique à la partie
antérieure du polyéthylène, à proximité de la pièce
métallique inférieure (
)
Prodisc® cervicale
Plusieurs fabricants ont également développé des prothèses discales
cervicales utilisées comme alternative à l’arthrodèse après discectomie.
Autres prothèses
Prothèse B Braun®
(2 plateaux métalliques + 1 pièce centrale en PE)
Autres prothèses
Prothèse Maverick®
2 plateaux métalliques sans PE
Complications
Infections, hématomes de paroi ou rétropéritonéaux.
Radiculalgies d’étirement: douleurs habituellement rapidement
résolutives.
Liées à la voie d’abord antérieure
Complications vasculaires (plaies ou thromboses veineuses
ou artérielles).
Éjaculation rétrograde, troubles de l’érection.
Thrombose veineuse iliaque en post opératoire
d’une reprise de prothèse discale L4-L5
Complications liées à la prothèse (1)
L’impaction intracorporéale d’un implant métallique est une complication
relativement fréquente favorisée par l’ostéoporose, une malposition ou une
taille trop petite de la prothèse.
Comme pour la hanche, des ossifications hétérotopiques peuvent se
développer autour de la prothèse, le plus souvent sans conséquence.
Certaines peuvent cependant entraîner une diminution de mobilité voire une
ankylose de l’espace intersomatique.
La fracture corporéale verticale est une complication exceptionnelle (2 cas
décrits) favorisée par la quille des implants métalliques. Le risque augmente
en cas de prothèses multiples.
La malposition des implants prothétiques n’est pas à proprement parler une
complication mais est corrélée à un mauvais résultat clinique. La prothèse doit
être centrée par rapport aux plateaux vertébraux dans le plan frontal et dans
le plan sagittal.
Il n’y a pas de cas d’usure du polyéthylène ou de réaction à corps étranger
rapporté dans la littérature.
Impaction intracorporéale d’un implant
Prothèses Prodisc® sur 3 niveaux
Impaction de l’implant inférieur de la
prothèse L3-L4 dans le corps
vertébral de L4
+ volumineuses ossifications
périprothétiques (évolution vers
l’ankylose de l’étage L3-L4)
Malposition de la prothèse
Prothèse Prodisc® L3-L4
excentrée vers la gauche
Complications liées à la prothèse (2)
Migration antérieure d’un implant:
La migration vers l’avant d’un plateau métallique ou du
polyéthylène central est une complication rare mais grave en
raison de la proximité des vaisseaux rétropéritonéaux.
Elle nécessite une reprise chirurgicale qui est toujours difficile en
raison de la présence d’importantes adhérences périprothétiques.
L’ablation de la prothèse est suivie le plus souvent d’une
arthrodèse.
Aucune migration postérieure de prothèse n’a été rapportée dans
la littérature.
Migrations de matériel prothétique
Exemple 1
Patient de 42 ans. Migration antérieure du polyéthylène d’une prothèse
Prodisc® L4-L5 2 ans après l’intervention.
Aspect normal initial
Migration
Noter la visualisation en position anormale du repère métallique ponctiforme
marquant le bord antérieur du PE (
) et le spondylolisthésis L4-L5, favorisé
par un antécédent de laminectomie.
Migrations de matériel prothétique
Exemple 1 (suite)
Malgré les artéfacts métalliques le scanner montre bien la pièce de polyéthylène
migrée (structure hypodense pré vertébrale) et la compression de la veine iliaque
primitive gauche.
Migrations de matériel prothétique
Exemple 1 (suite)
Après reprise chirurgicale: retrait de la prothèse L4-L5 et arthrodèse.
Noter l’impaction du plateau supérieur de la prothèse L3-L4 associée à des
ossifications paravertébrales.
Migrations de matériel prothétique
Exemple 2
Patiente de 45 ans. Migration antérieure des plateaux métalliques de
deux prothèses B Braun® L3-L4 et L4-L5 un mois après l’intervention.
Post opératoire immédiat
Migration précoce de la prothèse L3-L4
et de la prothèse L4-L5
Migrations de matériel prothétique
Exemple 2 (suite)
Le scanner montre bien le rapport étroit de la
prothèse migrée et de l’aorte
Après reprise chirurgicale: retrait de
la prothèse et arthrodèse en L3-L4,
changement de prothèse en L4-L5.
L’intervention, très difficile, a
nécessité un pontage aorto-iliaque
gauche.
Conclusion
La prothèse discale est une technique maintenant répandue aux États-Unis
mais qui reste assez confidentielle en France. Les études rétrospectives et
prospectives actuellement publiées montrent de bons résultats cliniques et
des complications graves très rares. Le recul de ces études semble
cependant encore insuffisant.
Nous serons probablement de plus en plus souvent confrontés à ces
prothèses dans les années qui viennent, en particulier si des études
prospectives à long terme (10 à 15 ans de recul) venaient confirmer ces
bons résultats.
Les indications restent cependant limitées et toutes les études insistent sur
le fait que les résultats sont directement liés à une sélection rigoureuse du
patient.
Enfin, le devenir à très long terme (30, 40 ans…) de ces prothèses, posées
chez des patients jeunes ayant une grande espérance de vie, est
totalement inconnu.
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