LEÇON N˚ 60 :
Image d’un intervalle par une fonction
continue, cas d’un segment. Cas d’une
fonction continue strictement monotone.
Pré-requis :
Iest un intervalle si a, b I|a6b, [a, b]I;
Toute partie non vide et majorée de Radmet une borne supérieure ;
Théorème des gendrames;
Définition de la bijection (au sens injection et surjection).
Soit Iun intervalle de Rnon réduit à un point, et fune fonction à valeurs réelles définie sur I.
60.1 Image d’un intervalle par une fonction continue
60.1.1 Théorème des valeurs intermédiaires
Théorème 1 (T.V.I.) : Soient a, b Itels que a < b, et λun réel compris entre f(a)et f(b). Alors
il existe c[a, b]tel que f(c) = λ.
démonstration :Avant de commencer, nous allons énoncer et démontrer deux lemmes qui seront utiles :
Lemme 1 (propriété de la borne supérieure) : Soit Xune partie non vide et majorée de R. Soit csa
borne supérieure. Alors il existe une suite (xn)d’éléments de Xqui converge vers c.
démonstration :Comme cest la borne supérieure de X, il est le plus petit des majorants de X:
ε > 0,xX|cε < x 6c.
En particulier,
nN,xnX|c1
n< xn6c.
On en déduit (théorème des gendarmes) que la suite (xn)converge vers c.2
Lemme 2 : Soient Xune partie non vide de R,(xn)une suite d’éléments de Xqui converge vers un
réel X, et fune fonction continue en et à valeurs dans R. Alors la suite f(xn)converge
vers f().
démonstration :Soit ε > 0. Puisque fest continue en , on a que
η > 0| |x|< η ⇒ |f(x)f()|< ε.
Cependant, la suite (xn)converge vers , ce qui veut dire que pour ce réel ηci-dessus,
NN|n>N⇒ |xn|< η.
2Image d’un intervalle par une fonction continue
Par transitivité des implications, on trouve alors que n>N⇒ |f(xn)f()|< ε, ce qui prouve
que f(xn)converge bien vers f().2
Nous allons donc pouvoir commencer la démonstration du T.V.I. Déjà, si f(a) = f(b), alors on a
nécessairement λ=f(a) = f(b), et il suffit de choisir par exemple c=apour conclure. On peut donc
supposer dans la suite que f(a)< f(b)(quitte à choisir g=fsi jamais f(a)> f(b)). Notons
X={x[a, b]|f(x)6λ}.
Cet ensemble Xest non vide : en effet, d’après notre petite hypothèse, f(a)6λ, donc aX.
Cet ensemble Xest majoré par b: c’est clair, puisque Xest inclus dans [a, b].
Cet ensemble Xadmet donc une borne supérieure c[a, b].
Montrons que f(c)6λ: Comme c= sup X, il existe une suite xnd’éléments de Xqui converge vers
c. Mais puisque les xnsont dans X, ils vérifient l’inégalité f(xn)6λ. Et enfin, puisque fest continue
en c, le passage à la limite dans cette inégalité donne le résultat recherché : f(c)6λ.
Montrons que f(c)>λ: Notons déjà que si c=b, alors f(c) = f(b)>λ, et la démonstration
s’achève. Supposons alors que c < b. Puisque c= sup X, on a
x]c, b], x 6∈ X(c’est-à-dire f(x)> λ).
Soit alors (yn)une suite d’éléments de ]c, b]qui converge vers c(existe d’après le lemme 1 qu’on
peut très facilement adapter à la borne inférieure). On a donc f(yn)> λ. Comme précédemment, la
continuité de fau point cnous permet de passer cette inégalité à la limite afin d’obtenir f(c)>λ.
Conclusion : On arrive donc à f(c) = λ, ce qui achève cette démonstration.
Corollaire 1 : Si f:IRest une fonction continue, alors f(I)est un intervalle.
démonstration :Soient y1et y2dans f(I)tels que y16y2. Il s’agit de montrer que tout élément λ
de [y1, y2]est élément de f(I)(par définition d’un intervalle). Comme y1, y2f(I), il existe aet btels
que f(a) = y1et f(b) = y2. Puisque Iest un intervalle, on a [a, b]I. Il s’en suit que fcontinue sur
[a, b](en effet, [a, b]Iet fest continue par hypothèse sur I) implique que
λ[y1, y2],c[a, b]|f(c) = λ,
en utilisant le T.V.I. On en déduit directement que λf(I), d’où le résultat.
Remarques 1 :
1. L’hypothèse « fest une fonction continue » est suffisante, mais pas nécessaire :
0 1 2 3 4 5 6 7
0
1
2
3
4
pas d’antécédent!
Condition suffisante... 0 1 2
0
1
2
...mais pas nécessaire!
Image d’un intervalle par une fonction continue 3
Dans le premier cas, la fonction fdéfinie sur [0,7] n’est pas continue, et on voit clairement que f(I)n’est pas
un intervalle.
Dans le second cas, la fonction gest définie par :
g: [0,2] [0,2]
x7−2xsi x < 1
x1si 16x
Cette fonction n’est pas continue mais f([0,2]) = [0,2] est bien un intervalle.
2. Ce théorème ne fonctionne pas non plus si In’est pas un intervalle. En effet, la fonction fdéfinie sur [1,0]
[1,2] par f(x) = xest bien continue, mais f(I) = [1,0] [1,2] n’est pas un intervalle.
3. Si Iest un intervalle d’un ensemble autre que R, le théorème ne fonctionnera pas : si fest le fonction définie
sur I= [0,2] Qpar f(x) = 2 x2, alors fest bien continue sur I, mais f(I)n’est pas un intervalle car 0
(qui vérifie bien f(0) <0< f(2)) n’admet pas d’antécédent par cette fonction.
4. Le T.V.I. donne un antécédent de λ, mais il n’est pas fornément unique. En effet, si fest la fonction définie sur
[2,2] par f(x) = 2 x2, alors on sait que 1a deux antécédents : 1et 1.
Voici les graphiques correspondant aux exemple des points 2, 3 et 4 :
1 21
1
2
1
Idoit être un intervalle!
1 2
1
2
1
2
0n’a pas d’antécédent
1 212
1
2
1
2
Deux antécédents
Exercices :
1. Montrer que si f: [a, b][a, b]avec a < b est une fonction continue, alors elle admet au moins un
point fixe.
2. Montrer que tout polynôme à coefficients réels et de degré impair admet au moins une racine.
Solution :
1. Définissons sur [a, b]la fonction gpar g(x) = f(x)x, de sorte que g(a) = f(a)a > 0(car f(a)[a, b]) et
g(b) = f(b)b < 0(car f(b)[a, b]). Puisque 0[g(b), g(a)], le T.V.I. nous assue l’existence d’un nombre c[a, b]tel
que g(c) = 0, c’est-à-dire f(c) = c.
2. Notons Pun tel polynôme. Puisqu’il est de degré impair, et quitte à considérer le polynôme Q=P, on peut supposer
que
lim
x→−∞
P(x) = −∞ et lim
x→∞ P(x) = .
Il existe donc deux réels aet btels que a < b,P(a)<0et P(b)>0. Comme précédemment, puisque 0[P(a), P (b)],
le T.V.I. nous donne une valeur c[a, b]tel que P(c) = 0.
4Image d’un intervalle par une fonction continue
60.1.2 Image d’un segment
Proposition 1 : Toute application continue f: [a, b]Rest bornée et atteint ses bornes.
démonstration :Montrons d’abord que fest bornée : Supposons le contraire. Alors
nN,un[a, b]|f(un)>n.
Mais on peut extraire (grâce au théorème de Bolzano-Weierstrass) une sous-suite (uϕ(n))qui converge
vers un réel λ[a, b]. Par le lemme 2, on aurait aussi que lim f(uϕ(n)) = f(λ), ce qui est une
contradiction : en effet, puisque ϕest par définition strictement croissante, on a que
f(uϕ(n))>ϕ(n)>n,
qui tend, lui, vers +.
Montrons ensuite que fatteint ses bornes : Soit M= sup f([a, b]). Alors, d’après le lemme 1 (page
1),
nN,xn[a, b]|lim
n→∞ xn=M.
Cependant, on peut extraire de (xn)une sous-suite (xϕ(n))qui converge vers un réel λ[a, b](car
[a, b]est fermé). Toujours par le lemme 2, la limite de f(xϕ(n))est f(λ). On en déduit que f(λ) = M,
[a, b], et la borne supérieure est atteinte. Un raisonnement analogue permet de montrer que la
borne inférieure est aussi atteinte.
Définition 1 : Un segment de Rest un intervalle fermé et borné de R.
Théorème 2 : L’image d’un segment par une application continue est un segment.
démonstration :f(I)est un intervalle d’après le corollaire 1, et cet intervalle est borné et fermé
d’après la proposition 1.
Remarques 2 :
1. Une fonction non continue sur un intervalle n’est pas forcément bornée. Considérer la fonction
f: [0,1] R
x7−(1
xsi x > 0
0sinon.
2. Si l’intervalle considéré dans le théorème n’est pas un segment, alors on ne pourra pas conclure : soit parce que
la fonction n’atteindra pas ses bornes, soit plus simplement parce qu’elle n’est pas majorée.
3. Comme dans la remarque précédente, la continuité n’est qu’une condition suffisante dans la proposition 1 et le
théorème 2. On peut se contenter du même exemple déjà donné (reparque 1, point 1)...
Image d’un intervalle par une fonction continue 5
60.2 Fonctions continues strictement monotones
Proposition 2 : Si fest monotone sur Iet si f(I)est un intervalle, alors fest continue sur I.
démonstration :Supposons pour cette démonstration que fest croissante. Nous allons raisonner par
l’absurde en supposant de plus que fn’est pas continue en un certain point x0. Dans ce cas, on aura
nécessairement
lim
xx
0
f(x)< f(x0) ()ou lim
xx
0
f(x)> f(x0) ().
On ne va étudier que ce premier cas (), l’autre se démontrant de manière analogue. Soit yun nombre
de l’intervalle ] limxx
0f(x), f(x0)[. Puisque In’est pas réduit à un point, il existe un réel u
I]− ∞, x0[qui vérifie f(u)6limxx
0f(x)puisque fest croissante. f(I)étant un intervalle
(par hypothèse), il devrait contenir le réel y. On devrait donc avoir ]f(u), f(x0)[I. Cependant, pour
tout réel x < x0, on a que f(x)6limxx
0f(x)et pour tout réel x>x0, on a f(x)>f(x0), ce qui
prouve que y6∈ ] limxx
0f(x), f(x0)[, ce qui est en contradiction avec ce qui est écrit légèrement plus
haut.
Théorème 3 : Soit f:IRune fonction strictement monotone sur I. Alors :
(i) fréalise une bijection de Isur f(I).
(ii) La fonction réciproque f1est continue (même strictement monotone) sur f(I)et de même
sens de variations que f.
(iii) Si fest dérivable en un point x0Iet si f(x0)6= 0, alors f1est dérivable en f(x0), et
(f1)f(x0)=1
f(x0).
démonstration :
(i) Supposons fnon injective. Il existe donc αet βdans Iavec α6=βtels que f(α) = f(β). Ceci
contredit le fait que fsoit strictement monotone. fréalise donc bien une bijection de Isur f(I),
car f:If(I)est clairement surjective.
(ii) Soient a, b f(I)tels que a < b. On suppose fstrictement croissante. Il existe donc αet βdans
I, avec α < β, tels que f(α) = a, f (β) = b. On en déduit que α=f1(a)et β=f1(b), donc
que f1(a)< f1(b). Cec isignifie que f1est strictement croissante (et a donc le même sens
de variations que f). La proposition précédente s’occupe de conclure que f1est continue sur
f(I): en effet, f1f(I)=Iest bien un intervalle, et les hypothèses de la proposition sont bien
remplies.
(iii) Pour simplifier les notations, on pose X0=f(x0)et X=f(x). Alors
f1(X)f1(X0)
XX0
=f1f(x)f1f(x0)
f(x)f(x0)=xx0
f(x)f(x0)=1
f(x)f(x0)
xx0
.
Puisque X6=X0f1(X)6=x0, le théorème de composition des limites permet de conclure
lim
XX0
f1(X)f1(X0)
XX0
= lim
xx0
1
f(x)f(x0)
xx0
=1
f(x0),
d’où le résultat.
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