Du “tabou de la mort” à l`accompagnement de fin de vie.

Anthropologie & Santé
12 (2016)
Incertitude médicale, prise de décision et accompagnement en fin de vie
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Pauline Launay
Du “tabou de la mort” à
l’accompagnement de fin de vie.
La mise en scène du mourir dans une Unité de Soins
Palliatifs française
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Référence électronique
Pauline Launay, «Du “tabou de la mort” à l’accompagnement de fin de vie.», Anthropologie & Santé [En ligne],
12|2016, mis en ligne le 30 mai 2016, consulté le 31 mai 2016. URL: http://anthropologiesante.revues.org/2094;
DOI: 10.4000/anthropologiesante.2094
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Du “tabou de la mort” à l’accompagnement de fin de vie. 2
Anthropologie & Santé, 12 | 2016
Pauline Launay
Du “tabou de la mort” à l’accompagnement
de fin de vie.
La mise en scène du mourir dans une Unité de Soins Palliatifs française
Introduction
1Depuis son institutionnalisation en 1986, la médecine palliative française trouble le rapport
dialectique du soin et de la guérison au sein du champ médical contemporain. Née d’une
critique de la gestion médicale du mourir qui avait alors cours, elle confronte nouvellement
l’art de guérir aux “incurables” et aux “mourants”, jusqu’alors signes de l’impuissance
médicale. Les Unités de Soins Palliatifs (USP) sont les premières structures palliatives à
émerger. Depuis, plusieurs plans de développement nationaux1 ont entraîné une hétérogénéité
du palliatif: la médecine palliative, les phases palliatives d’une maladie, les soins à visée
palliative et les institutions palliatives ne recouvrent pas les mêmes réalités. Malgré cet
éclatement du champ, les USP y conservent une place caractéristique: elles sont le seul lieu
clos qui accueille spécifiquement des patients en phases avancées et terminales de maladies
graves, évolutives et incurables (c’est-à-dire lors de la période d’évolution d’une maladie
la qualité de la survie a plus d’importance que sa durée).
2À travers l’étude spatiale (architecture, topographie et ambiance) d’une USP2, il s’agit
d’analyser la manière dont ce dispositif suppose une épistémè médicale particulière et révèle
un certain rapport à la mort, faisant nôtre le postulat foucaldien selon lequel l’architecture
« constitue uniquement un élément de soutien, qui assure une certaine distribution des gens
dans l’espace, une canalisation de leur circulation, ainsi que la codification des rapports qu’ils
entretiennent entre eux. L’architecture ne constitue donc pas seulement un élément de l’espace:
elle est précisément pensée comme inscrite dans un champ de rapports sociaux, au sein duquel
elle introduit un certain nombre d’effets spécifiques» (Foucault, 1994).
3Dès l’origine du mouvement, les acteurs du champ palliatif et architectes sollicités dans
la création de lieux dédiés à la fin de vie se heurtent à des difficultés, ou plutôt à des
vides (Genyk, 2006). Sans modèle institué, ces unités « se sont souvent adaptées aux
différentes caractéristiques existantes, donnant lieu à une certaine diversité tant en terme
d’architecture, que de situation au sein de l’infrastructure hospitalière» (Castra, 2003: 125)3.
Derrière une apparente hétérogénéité, elles présentent cependant une situation topographique
commune : construites à la marge des structures hospitalières, proches des services de
psychiatrie, des parcs d’ambulances ou des morgues. Cette relégation vis-à-vis des services
curatifs et technologiques révèle les hiérarchies entre secteurs médicaux (Castra, 2003).
4L’USP étudiée a ouvert ses portes en 2008 et constitue une extension architecturale d’un Centre
de Soins de Suite et de Réadaptation (CSSR). À l’instar des 140 USP en France, elle assure par
une équipe pluridisciplinaire une triple mission de recherche, de formation et de soin, et réserve
sa capacité d’admission de douze patients aux situations les plus complexes ou difficiles4. Les
USP sont dès lors appréhendées comme l’institution dans laquelle on entre pour y mourir. Ce
qui va dans le sens des faits: entre 2009 et 2011, l’unité a accueilli environ 232 patients par an
pour une durée moyenne de 16 jours. Atteints à 83,5% de cancer, ils y ont été admis à environ
50% pour un»accompagnement de fin de vie», à 25% pour une «adaptation du traitement
symptomatique» et à 25% pour un «séjour de répit». Environ 65% des hospitalisations se
sont conclues par un décès au sein de l’unité5.
5À sa construction, l’administration a réservé au CSSR l’entrée principale située sur un
boulevard assez fréquenté et à l’USP l’entrée secondaire, positionnée en contrebas à l’écart
de la ville.
6Davantage qu’une clarification de la fonction de chacun des services cliniques, l’absence de
signalétique dans la ville et l’éloignement de l’entrée de l’USP des axes de circulation et de
l’accès au site occultent son existence et provoquent au contraire nombre de malentendus chez
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les usagers. Ces obstacles à une meilleure intégration se traduisent dans les relations épineuses
qu’entretiennent les deux services.
7Les tensions se cristallisent spatialement autour du couloir vitré, baptisé par des soignants des
deux services le «couloir de la mort», qui les relie et les sépare, sans introduire véritablement
d’espace d’accueil commun:
«[Avec le CSSR], il y a cette proximité avec cette espèce de méfiance, de défiance, dès qu’on
est arrivé. [Ici], c’est les “presque morts”... ça fait trois ans et il n’y en a pas une [soignante] qui
essaie juste de savoir ce que c’est, ce qu’on y fait et comment on travaille: “Les soins palliatifs, je
ne sais pas, je ne veux pas. Je ne sais pas ce que c’est, mais je ne veux pas y aller”. C’est comme
si quand on traverse le couloir, on est mort. Le couloir de la mort. Tu passes du côté obscur. On
passe du côté obscur» (Infirmier de l’USP).
Google map 2016
Vue aérienne du site de l’USP et du CSSR
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Didier Salon
Vue aérienne du site de l’USP et du CSSR
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Didier Salon
Couloir d’entrée de l’USP la reliant au CSSR
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