Troubles de la Miction chez l`Enfant

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Examen Classant National / Programme Officiel (2013)
Question N° 49. Troubles de la miction chez lʼenfant
- Argumenter les principales hypothèses diagnostiques et justifier les
examens complémentaires pertinents
Dr Alice FAURE et Pr Thierry MERROT (Chirurgie Pédiatrique, Marseille) Pr Pierre MOURIQUAND (Chirurgie Pédiatrique, Lyon) et Pr Rémi BESSON (Chirurgie Pédiatrique, Lille) Novembre 2014 Plan 1. Introduction 2. Définitions 3. Physiologie du fonctionnement vésico -­‐sphinctérien 4. Interrogatoire 5. Examen clinique 6. Examens complémentaires 7. Etiologies des troubles de la miction et prise en charge thérapeutique 7.1 Les troubles du bas appareil urinaire diurne de l’enfant 7.2 Les malformations congénitales des voies urinaires /uropathie malformative 7.3 Neuro vessies congénitales 8. Diagnostic différentiel des troubles de la miction et l’énurésie primaire isolée 9. Conclusion 1.
Introduction Les troubles de la miction constituent un motif fréquent de consultation puisqu’entre l’âge de 6 ans et 8 ans, 10 à 15% des enfants présentent des fuites urinaires diurnes ou nocturnes. Si le plus souvent, il s’agit d’un problème fonctionnel, il ne faut pas perdre de vue qu’une cause neurologique ou urologique peut dans certain cas être à l’origine de ces anomalies mictionnelles. Une démarche clinique simple permet le plus souvent une prise en charge adaptée qui conduit à une guérison ou une amélioration. 2.
Définitions Une miction physiologique doit aboutir à une vidange complète de la vessie. Cette miction « normale » repose sur la coordination parfaite entre la contraction du détrusor et le relâchement de l’appareil sphinctérien. Ce contrôle nécessite l’intégrité d’une commande neurologique et de l'appareil urinaire. Les anomalies de la miction peuvent résulter de troubles du remplissage vésical (phase de stockage) ou de troubles de la vidange vésicale (miction). Il est classiquement admis de différencier les symptômes de la phase de remplissage et les symptômes de la phase de miction. Ces derniers sont bien identifiables après l’âge de 5 ans. -­‐ Les symptômes de la phase de remplissage : ce sont des symptômes ressentis pendant la phase de remplissage de la vessie. Plusieurs termes ont été définis : • Pollakiurie : augmentation de la fréquence mictionnelle pendant la journée sans augmentation de la quantité d'urine. Le nombre de mictions la journée chez un enfant continent est de 7. Ainsi, 8 mictions journalières ou plus doivent faire évoquer une pollakiurie. • Incontinence urinaire : fuite involontaire d’urine. Elle peut être permanente et doit faire systématiquement rechercher une malformation urinaire et/ou génitale associée. Elle peut être intermittente lorsqu’il s’agit de fuite en petite quantité. • L’énurésie nocturne est une miction involontaire durant le sommeil (nuit ou sieste) chez des enfants d’au moins cinq ans. • Urgenturie : désir soudain, impérieux et fréquemment irrépressible d’uriner. • Nycturie : besoin d’uriner réveillant l’enfant. -­‐ Les symptômes de la phase mictionnelle: ce sont des symptômes ressentis pendant la miction. • Jet hésitant : difficulté à l’initiation de la miction ou la nécessité pour l’enfant d’attendre un temps considérable avant l’initiation de la miction. • Miction par poussée : jet urinaire obtenu avec une poussée abdominale concomitante. Ce symptôme est pertinent à tout âge. • Faiblesse du jet : constatation d’une diminution de la force du jet pendant la miction. • Jet haché : miction interrompue à plusieurs reprises. Ce symptôme est considéré comme physiologique chez l’enfant jusqu’à l’âge de 3 ans s’il n’est pas accompagné d’une poussée. -­‐ Autres : -­‐
Sensation de vidange vésicale incomplète -­‐
Gouttes retardataires : perte involontaire d’urine survenant après la miction -­‐
Douleurs des voies génitales et urinaires 3. Physiologie du fonctionnement vésico-­‐sphinctérien (Figure1) La vessie se vide pendant la vie fœtale par un réflexe mictionnel médullaire sacré. À la naissance, le nouveau-­‐né a plus de 20 mictions par jour qui sont déclenchées par la distension vésicale (stimulus proprioceptif), mais aussi par la stimulation cutanée périnéale (stimulus extéroceptif). Entre la naissance et l’âge de deux ans, ce réflexe mictionnel est progressivement inhibé par des influx descendant issus des centres médullaires sacrés, lombaires, dorsaux, bulbaires, tronculaires et enfin cérébraux. Ce contrôle mictionnel réduit le nombre de mictions de 6 à 8 par jour à l’âge de deux ans. Vers l’âge 18 mois, l’enfant peut retenir une miction réflexe par un contrôle volontaire du sphincter strié de l’urètre, cela aboutit à l’augmentation de sa capacité vésicale et l’inhibition de la contraction réflexe du détrusor. Cette maturation physiologique progressive du complexe neuromusculaire vésico-­‐sphinctérien entre l’âge de 18 mois et cinq ans, conduit à une continence diurne puis nocturne (synchronisation du cycle de la diurèse, de la capacité vésicale et de l’activité du détrusor) et de l'élévation du seuil de réveil. Figure 1 : représentation schématique du contrôle mictionnel. Quelques dates clés et définition de l’acquisition de la continence : Définitions de la continence : Faculté de retenir inconsciemment et volontairement les urines (Dictionnaire de l’académie de Médecine 2014). -­‐
à 18 mois l’enfant est habituellement mouillé, -­‐
à 24 mois contrôle diurne, -­‐
à 36 mois contrôle imparfait des mictions nocturnes, -­‐
à 42 mois propreté le jour et la nuit avec des « accidents » nocturnes occasionnels jusqu’à 6 ans. Ainsi, 80% des enfants sont continents la nuit à cinq ans. Données complémentaires sur la continence : -­‐
continence nécessite une adéquation entre le volume d’urine, la capacité vésicale et les moyens (musculaires et nerveux) de retenue. -­‐
Volume d’urine et son osmolarité varie selon le taux de sécrétion nycthéméral d’hormone antidiurétique (ADH) : le volume d’urines diurne est le double du volume nocturne et l’osmolarité urinaire est supérieur la nuit par rapport au jour. -­‐
La capacité vésicale (CV) théorique calculée selon la formule de Koff : CV ml= (30×âge en années) + 30 avant l’âge de 12 ans ou (âge + 1) 30 = CV. Le diagnostic d’un trouble mictionnel est clinique et repose essentiellement sur l’interrogatoire et l’examen physique au cours d’une ou plusieurs consultations après avoir rassurer l’enfant. 4.
Interrogatoire L’interrogatoire des parents et de l’enfant doit rechercher : -­‐
les notions d’uropathie malformative (valves de l’urètre postérieur, système urinaire double avec un uretère ectopique ou une urétérocèle, un épispadias, une exstrophie vésicale), de néphropathies et tubulopathies. -­‐
les antécédents de troubles fonctionnels chez les parents ou dans la fratrie -­‐
les antécédents néphrologiques (lithiase) -­‐
les modalités d’apprentissage et d’acquisition de la propreté -­‐
les modalités d’utilisation des toilettes scolaires (disponibilités, propreté, papier hygiénique) -­‐
le développement psychomoteur et statural de l’enfant, ses habitudes de vie, son régime hydrique quotidien (boissons gazeuses, soda), les conditions de scolarité et les loisirs, le statut familial -­‐
l’utilisation éventuelle de protections et le retentissement psychosocial -­‐
les signes fonctionnels urinaires avec la date d’apparition des troubles et la notion d’infection urinaire -­‐
les douleurs abdominales et troubles anorectaux (la fréquence des selles, constipation) -­‐
le sommeil de l’enfant (profondeur et durée, difficultés d’éveil, ronflement noc-­‐ turne, apnées). 5. Un examen clinique est complet avec : L’examen de l’appareil urinaire qui comprend -­‐
l‘inspection de la culotte à la recherche de stigmates de fuites urinaires ou de selles -­‐
la recherche d’un globe vésical -­‐
l‘examen des organes génitaux externes : la palpation des testicules, l’aspect de la verge (méat urétral), recherche d’une vulvite, aspect des organes génitaux externes et du méat urétral -­‐
Aspect du jet urinaire en demandant à l’enfant d’uriner lors de la consultation si possible Puis la palpation abdominale à la recherche d’un encombrement stercoral (fécalome) Un examen neurologique complet (motricité des membres inferieurs et sensibilité périnéale) et recherche de stigmate cutanée au niveau de la région dorso-­‐lombaire (lipome, angiome, « touffe » de poils). Un examen neuro-­‐orthopédique (pied creux, inégalité de longueur des membres inférieurs, scoliose, troubles trophiques). Cet examen se complète utilement par une bandelette urinaire pour exclure une infection, et évaluer une baisse de la concentration urinaire (diabète insipide) ou une concentration excessive des urines (densité urinaire supérieure à 1020 par bandelette réactive). Cette dernière peut entrainer une dysfonction vésicale et/ou être la preuve d’une inversion du cycle de l’ADH (présent dans l’énurésie primitive). Un dosage de l’osmolarité urinaire peut être réalisé pour confirmer les données qualitatives. Sauf cas particulier, aucun examen complémentaire n’est nécessaire lors de la première consultation. Le calendrier mictionnel Il a pour objectif de mettre en évidence les habitudes d’élimination urinaire avec le recueil sur plusieurs jours des horaires, du volume des mictions (en ml) et de la présence de fuites urinaires, ainsi que les facteurs déclenchant ainsi que la prise de boissons. Il permet d’objectiver certains troubles urinaires et de différencier une pollakiurie d’une polyurie (diurèse supérieure à 50ml/Kg/24h). 6.
Examens complémentaires L’objectif des examens complémentaires est de confirmer dans certains cas, les troubles vésico-­‐sphinctériens et d’éliminer une origine organique. Deux types d’explorations peuvent être demandées dans certaines situations bien précises: les examens d’imagerie (échographie de l’appareil urinaire, cystographie, scintigraphie, IRM) et les explorations fonctionnelles urinaires non invasives (débitmétrie et électromyographie périnéale) ou invasives (uréthrocystomanométrie couplée à l’électromyographie). Echographie de l’appareil urinaire A vessie pleine, elle permet l’étude de l’épaisseur et la régularité de la paroi vésicale. L’examen du haut appareil urinaire recherche un éventuel retentissement du trouble vésico-­‐
sphinctérien avec une évaluation de l’aspect du parenchyme rénal et la recherche d’une dilatation des cavités pyélocalicielles et/ou urétérale. Enfin après miction, la recherche d’un résidu post-­‐mictionnel peut être difficile chez l’enfant. 7.
Etiologies des troubles de la miction 7.1. Les troubles du bas appareil urinaire diurne de l’enfant D’après la terminologie de l’International Children Continence Society, l’appellation « troubles du bas appareil urinaire diurne » (Lower Urinary Tract Symptoms ou LUTS) est le terme à utiliser pour les problèmes d’incontinence fonctionnelle chez l’enfant. Ces troubles peuvent être répartis en deux groupes, les anomalies de la phase de remplissage et celles de la phase mictionnelle: A. Anomalies de la phase de remplissage : • causes détrusoriennes (le plus souvent) Une contraction désinhibée du détrusor (CDD) primitive pendant le remplissage peut augmenter la pression vésicale au-­‐delà de la pression de clôture sphinctérienne et provoquer la fuite urinaire (anciennement dénommé vessie hyperactive ou instabilité vésicale). La CDD primitive est une cause fréquente de fuites urinaires diurnes et/ou nocturnes, d’urgentiurie et de pollakiurie due à une immaturité vésicale. Cette instabilité est parfois transitoire lors de l’apprentissage de la propreté diurne vers 24 mois et se résout le plus souvent ensuite. Ces contractions désinhibées du détrusor (CDD) primitives peuvent favoriser la survenue d’infections urinaires et/ou de reflux vésico-­‐urétéral. La CDD peut aussi être secondaire à une inflammation de l’urothélium vésical par une infection, des cristalluries ou lithiases, ou la présence d’un résidu post-­‐mictionnel. De même, l’émission de sables urinaires (hypercalciurie) provoque une dysfonction vésicale avec parfois dysurie, pollakiurie, incontinence diurne, urgence mictionnelle et infections urinaires récurrentes. Cette anomalie est corrigée par une prise de boissons adaptée et la suppression de toute vitamine D médicamenteuse, mais aussi alimentaire. . Etiologies sphinctériennes L’instabilité urétrale par la chute brutale de la pression urétrale pendant le remplissage peut provoquer une contraction détrusorienne réflexe et une fuite urinaire d’importance variable. Cette dernière est souvent liée à l’hyperémotivité. B. Anomalies de la phase de vidange : .Etiologies sphinctériennes (les plus fréquentes) L’hypertonie sphinctérienne est due à de mauvaises habitudes mictionnelles (enfants «rétentionnistes»). Ce défaut de relâchement périnéal lors de la miction aggrave les troubles mictionnels, et favorise l’apparition d’un résidu post-­‐mictionnel. Sa persistance peut aboutir à une grande vessie rétentionniste à mictions rares par hypo contractilité détrusorienne. Les troubles du bas appareil urinaire diurne sont souvent associés à des troubles ano-­‐
rectaux avec une constipation, une douleur défécatoire et une encoprésie. La constipation et les troubles mictionnels se regroupent dans le syndrome de dysfonction éliminatoire (pathologie globale des émonctoires). Les troubles du bas appareil urinaire diurne peuvent être à l’origine de complications urologiques parfois sévères : vessie de lutte (trabéculations et/ou diverticules de vessie), reflux vésico-­‐urétéral, insuffisance rénale dans les formes les plus graves (syndrome de Hinman). C. Démarche diagnostique et thérapeutique globale des troubles du bas appareil urinaire diurne : Diagnostic Le diagnostic est fait par l’anamnèse, l’interrogatoire et l’examen clinique. Le calendrier mictionnel, la débimétrie +++ avec mesure du résidu post-­‐mictionnel et l’échographie de l’appareil urinaire permettent dans la majorité des cas d’exclure une autre étiologie. En l’absence d’amélioration après la mise en place d’un traitement initial, une réévaluation clinique est recommandée et un bilan fonctionnel urodynamique pourra être discuté. Dans d’autre cas sévère avec un retentissement vésical, rénal, une cystographie, ainsi qu’une IRM de la moelle lombo-­‐sacrée sera nécessaire. Parfois une évaluation psychosociale est utile. Traitement On distingue : -­‐
Les thérapeutiques standard : une information claire et une démystification de la gène occasionnée, une explication du mécanisme à l’origine du trouble, une régularisation des habitudes hydriques et alimentaires, (apports en eau soit 50 ml/kg/j, constipation, hygiène mictionnelle), une amélioration des postures mictionnelles : cinq à sept mictions par jour, au calme, chez un enfant bien installé sur le siège des toilettes (réducteur de siège pour les plus petits), vêtements baissés ne comprimant pas les organes génitaux et permettant l’écart des jambes. Ces règles sont parfois difficilement applicables dans les toilettes des établissements scolaires et il faut parfois faire un certificat permettant à l’enfant d’appliquer ces règles hygiéno-­‐diététiques. Elles doivent être accompagnées d’encouragements réguliers. Un taux de succès de 80% a été rapporté. -­‐
Les thérapeutiques spécifiques : « l’urothérapie » : exercices de kinésithérapie (contraction et relâchement du pelvis, biofeedback), alarmes, neuro-­‐stimulation transcutanée, et rarement : traitement médicamenteux (anticholinergiques, antispasmodiques, alpha-­‐bloquants). 7.2 Les malformations congénitales des voies urinaires Certaines uropathies malformatives se traduisent par des troubles de la continence et/ou de la miction. Valves de l’urètre postérieur (VUP) Les valves de l’urètre postérieur constituent la première étiologie des obstacles sous-­‐
vésicaux avec une incidence estimée à 1/4000 naissances. Il s’agit d’une pathologie présente chez le garçon qui correspond à la persistance d’un (ou plusieurs) repli muqueux urétro-­‐
génital au dessous du veru montanum (Figure 2). Ces valves réalisent un obstacle urétral à l’écoulement de l’urine. Suivant le degré d’obstruction, elles peuvent entrainer l’apparition d’une vessie de lutte et une dégradation de la fonction rénale. Figure 2: aspect macroscopique d’une valve de l’urètre postérieur. Sur le plan clinique, plusieurs grands tableaux cliniques doivent être individualisés : -­‐ le diagnostic de VUP peut être suspecté pendant la vie fœtale devant la découverte échographiques d’une mégavessie avec dilatation urétéro-­‐pyélocalicielles. -­‐ le diagnostic peut être posé en période néonatale devant la découverte d’un globe vésical avec un jet urinaire faible ou des mictions par regorgements goutte à gouttes présentes dans 77% des cas avec un risque d’insuffisance rénale. -­‐ plus tard dans les premières années de vie, une VUP peut être découverte lors du bilan d’une infections urinaire, d’une distension abdominale, de fuites urinaires diurnes et nocturnes, un retard de croissance. -­‐ A l’adolescent, les troubles mictionnels sont dominants associés à des douleurs génitales. L’échographie de l’appareil urinaire met en évidence une paroi vésicale épaissie, souvent une dilatation urétéro-­‐pylocalicielle, parfois des altérations de la différenciation corticomédullaire et un urètre postérieur dilaté. La cystographie mictionnelle confirme le diagnostic. Lors de la miction, l’urètre postérieur, en amont des valves, est très dilaté. Elle permet également souvent de visualiser une vessie de lutte, trabéculée, associée parfois à un reflux vésico-­‐urétéral (Figure 3). Figure 3 : cystographie mictionnelle. Le traitement initial de cette malformation est chirurgical, l’objectif est de libérer les voies urinaires en reséquant les valves par voie endoscopique dans un premier temps. Un suivi médico-­‐chirurgical est nécessaire à moyen et long terme. Un bilan urodynamique (débitmétrie, cystomanométrie couplée à un enregistrement électromyographique du sphincter) est systématique à la recherche de l’existence de contractions non inhibées du détrusor, de la prise de pression de remplissage, per-­‐mictionnelles, de la pression de fuite et de vidange. Ces informations permettent d’orienter et d’adapter les thérapeutiques. Le pronostic à long terme est dominé par le risque d’insuffisance rénale terminale dont le pourcentage est de 10% à 10 ans et 38% à 20ans. 7.3 Neurovessies congénitales Le contrôle mictionnel s’acquière progressivement par le passage d’une vessie avec un comportement automatique à un comportement sous contrôle cortical. Le fonctionnement vésico-­‐sphinctérien normal nécessite l’intégrité des voies nerveuses. Les altérations des voies de conductions aboutissent à une situation de vessie neurologique. On distingue les maladies médullaires congénitales et les maladies médullaires acquises. -­‐
Les maladies médullaires congénitales ou dysraphismes spinaux sont des anomalies de fermeture sur la ligne médiane du rachis, de la peau ou des corps vertébraux. Les dysraphismes spinaux dit « ouverts » correspondent à une myéloménigocèle (spina-­‐
bifida). Ils peuvent être « occultes » ou « fermés » (Figure 4) et correspondent à un lipome du cône médullaire, un filum terminal, une diastématomyélie, un sinus dermique, une agénésie sacrée. Figure 4 : lipome présacré suspect de dysraphisme occulte. -­‐ Les maladies médullaires acquises sont secondaires à des tumeurs médullaires (astrocytome) ou rachidiennes (sarcome d’Ewing, ostéosarcome). Rarement chez l’enfant, on retrouve une cause traumatique ou septique. L’examen clinique neuro-­‐orthopédique et essentiel. Tous les symptômes en relation avec des troubles mictionnels de la phase de remplissage et de miction peuvent être rencontrés, cependant les mictions avec poussées abdominales sont fortement suspectes de vessie neurologique. Les examens complémentaires (échographie, cystographie, scintigraphie) permettront d’apprécier le retentissement de la dysfonction vésico-­‐sphinctérienne sur l’appareil urinaire (recherche d’une vessie de lutte, d’un reflux vésico-­‐rénal) Une débimétrie couplée à un EMG du périnée est utile pour mettre en évidence une dyscoordination vésico-­‐sphinctérienne. Un bilan urodynamique permet de faire le bilan fonctionnel initial précis de l’appareil vésico sphinctérien et d’en assurer le suivi. Les données manométriques avec les notions de tonus vésical, de compliance, d’activité vésicale, de sensation de besoin permettent de caractériser le type de vessie neurologique. Les résistances sphinctériennes sont analysées ainsi que le seuil de fuites (leak point pressure des Anglo-­‐Saxons) obtenu lors de la manométrie vésicale. Ce dernier est utile puisqu’il permet de déterminer le seuil (supérieur à 40cm d’eau) au delà duquel le haut appareil urinaire peut se dégrader. Ces explorations peuvent être complétées par l’étude des potentiels évoqués somesthésiques. Une prise en charge médico-­‐chirurgicale spécifique continue s’impose. 8. Diagnostics différentiels des troubles de la miction et énurésie primaire isolée A. Certaines fuites urinaires sont faussement prises pour des troubles mictionnels : -­‐ Les incontinences permanentes, gouttes à gouttes, par des abouchements ectopiques des voies urinaires (vaginal) ; chez la fille, ces troubles s’accompagnent le plus souvent d’une duplication de la voie urinaire sus-­‐jacente. -­‐ Les pertes d’urine après une miction normale (après le rhabillage) évoquent une miction vaginale chez la fille, favorisée par une miction «cuisses serrées», une coalescence des petites lèvres. Chez le garçon, il peut s’agir de miction prépuciale (phimosis) ou de verge « coincée » dans les sous-­‐vêtements ; -­‐la pollakiurie comportementale avec 20 à 30 mictions par jour sans fuite ni dysurie. Il s’agit d’un trouble réactionnel du comportement (émotivité, excès de boissons acides dont le jus d’orange, de tomate, ou riches en oxalate dont le thé). B. L’énurésie nocturne primaire isolée L’énurésie nocturne primaire et isolée est une affection fréquente qui touche 5 à 10% des enfants et un taux de résolution spontané de 15% par an. Définition Toute fuite involontaire d’urine pendant le sommeil survenant chez un enfant âgé d’au moins 5 ans. L’énurésie est dite primaire si l’enfant n’a jamais eu de nuit sèche sur une période d’au moins 6 mois. La reprise d’une incontinence urinaire nocturne après 6 mois de contrôle mictionnel est une énurésie secondaire. L’énurésie primaire est dite isolée ou monosymptomatique s’il n’existe aucun autre symptôme associé, en particulier diurne pouvant faire évoquer un contexte neurologique ou malformatif. L’Enurésie primaire isolée peut être associée aux troubles avec un déficit d’attention et une hyperactivité (TDAH) : environ 20% des enfants ayant un TDAH ont une énurésie primaire isolée et 10% des énurésies primaires isolées ont un TDAH. L’Enurésie primaire isolée peut être qualifiée de : -­‐
modérée (moins d’un épisode par semaine) -­‐
moyenne (un ou deux épisodes par semaine) -­‐
sévère (au moins trois épisodes par semaine). Physiopathologie On distingue trois formes principales d’énurésies primaires isolées chez l’enfant ayant un apport hydrique approprié et harmonieusement reparti dans la journée : -­‐
La forme polyurique pure (énurésie diurèse dépendant). L’inversion du rythme nycthéméral de la sécrétion de ADH est le mécanisme physiopathologique le mieux connu, mais n’est probablement pas le seul facteur. Cette forme est sensible à la réduction des apports hydriques et à la desmopressine. -­‐
La forme à faible capacité vésicale ou énurésie détrusor dépendant (réduction de 70% de la capacité vésicale fonctionnelle). -­‐ La forme en relation avec des perturbations de la « maturation de sommeil » qui se traduit par des modifications du« seuil de réveil » et de la qualité du sommeil. Ces dernières témoignent d’une altération du dialogue entre la vessie et le cerveau. Des facteurs génétiques ont également été identifiés et des antécédents familiaux d’énurésie sont présents dans 30 à 60% des cas. Diagnostic Le diagnostic positif d’énurésies primaires isolées est clinique (cf. définition). Il repose sur l’interrogatoire et l’examen clinique. Aucun examen complémentaire d’imagerie n’est nécessaire en première intention au diagnostic d’énurésie primaire isolée. Un calendrier mictionnel de 48 heures et un calendrier des nuits avec énurésie est recommandé pour confirmer ou corriger le diagnostic, apprécier l’intensité de l’énurésie et orienter la décision thérapeutique. Traitement -­‐Hygiène de vie : il faut réduire les boissons après 18heures en évitant les boissons gazeuses, sucrées, les aliments chargés en sel (Na+, Ca++), tout en gardant des apports hydriques quotidiens de 50ml/kg par jour. Ces mesures corrigent 20% des énurésies primaires isolées en six à huit semaines. Si à l’issue de ces premières mesures, on note peu ou pas amélioration, un traitement complémentaire adapté au type d’énurésie primaires isolées peut être proposé : -­‐La desmopressine (1-­‐deamino-­‐cys-­‐8-­‐D-­‐arginine-­‐ vasopressine [DDAVP]), analogue synthétique de l’ADH est le traitement de choix de la forme avec polyurie nocturne. Le médecin doit informer du risque d’intoxication par l’eau (surveillance du poids), surtout en cas de surdosage. -­‐ les thérapies de conditionnement par alarme peuvent être indiquées dans l’énurésie primaire isolée à capacité vésicale réduite. Les premières gouttes d’urine de l’épisode énurétique ferment un circuit électrique et une sonnerie se déclenche. La famille doit être pleinement associée et prête à être aussi réveillée. -­‐ L’oxybutinine est indiquée en présence d’une énurésie primaire associée à une hyperactivité vésicale. L’association de l’oxybutinine/desmopressine est parfois indiquée (énurésie diurèse-­‐détrusor dépendant).
-­‐ D’autres monothérapies peuvent être proposées en seconde intention : °Les antidépresseurs tricycliques (hors AMM) sont efficaces, réservés à certains cas particuliers (adolescents, résistance aux traitements antérieurs, participation active nécessaire). Leur utilisation doit être prudente en raison du risque de cardiotoxicité. ° L’acupuncture, la phytothérapie, l’hypnose, la mésothérapie, l’homéopathie et l'ostéopathie sont parfois proposées mais la preuve de leur efficacité doit être l’objet d’évaluation scientifique. 9. Conclusion Les troubles mictionnels de l’enfant regroupent un ensemble de tableaux cliniques variés. Dans l’immense majorité des cas, ces troubles sont fonctionnels en relation avec une perturbation de l’acquisition du contrôle mictionnel. Leurs diagnostics reposent sur un examen clinique complet afin d’éliminer une pathologie sous jacente malformative ou acquise. Dans ces dernières situations, une évaluation spécialisée est nécessaire. Quelques références : Guidelines on Paediatric Urology (2012) Neveus T, von Gontard A, Hoebeke P, Hjalmas K, Bauer S, Bower W, et al. The standardization of terminology of lower urinary tract function in children and adolescents: Report from the standardization committee of the International Children’s Continence Society (ICCS). J Urol 2006;176:314-­‐24. Neveus T, Eggert P, Evans J, Macedo A, Rittig S, Tekgül S, et al. Evaluation of and Treatment for Monosymptomatic Enuresis: A Standardization Document From the International Children’s Continence Society. J Urol 2010;183:441-­‐447. Aubert D, Berard E, Blanc JP, Lenoir G, Liard F, Lottmann H. Énurésie nocturne primaire isolée : diagnostic et prise en charge. Recommandations par consensus formalisé d’experts. Prog Urol 2010;20:343-­‐349. 
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