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Atelier d’éthique
Organisé par La CARSAT et les Réseaux AMPA et RESPECT
Mardi 6 Mai à 14h à la Maison des Réseaux
337, avenue du Bois au Coq 76620 LE HAVRE
Thème : Deuils et douleurs chroniques
Institutions présentes :
- AG3C
- Armée du Salut
- AMPA Association Multidisciplinaire Pour l’Antalgie
- CARSAT Normandie Caisse d’Assurance Maladie, Retraite et Santé au Travail
- CHI Caux Vallée de Seine
- Groupe Hospitalier du Havre Service Social
- Infirmière Libérale
- Réseau RESPECT - Réseau de Soins Palliatifs à Domicile de l’Estuaire
- SSR La Roseraie les Jonquilles
L’esprit dans lequel les ateliers sont menés :
- Mise en commun des situations permettant de créer et renforcer les liens entre les
structures du sanitaire et du social ainsi que les personnes, partager une éthique commune
du service aux usagers.
- Confronter les pratiques permet également de s’informer mutuellement et de solidariser
entre professionnels qui vivent des évènements lourds et délicats.
Texte écrit par une personne proche :
« Depuis plus de huit jours, tu as été admise à l’unité de soins palliatifs de l’hôpital de Gap,
dans la chambre A101.
Tu vas très mal. Tu as beaucoup changé physiquement. Tu sembles souffrir. Tu souffres. Tu
pleures. Tu gémis. Tu fais des gestes désordonnés. Tu sembles vouloir dire quelque chose. Je
ne comprends pas. Je ne sais pas. Je suis perdue. Je pleure. Je trouve ces moments passés à
tes côtés infiniment longs.
Interminables. « Insupportables ». J’admire ces infirmières qui œuvrent infiniment à ton
confort impossible. Mais par moment, Je leur en veux, de te réveiller, de t’inoculer des
produits afin de te garder en vie qui n’est pas une vie, je les tuerais pour qu’enfin elles te
laissent sans vie.
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J’ai honte de ne pas avoir honte d’entendre dans ma propre tête ces mots insensés, vivement-
que-tu-meures, j’ai l’impression que c’est te vouloir du bien et puis ce matin, cette autre voix
lumineuse a fait de la place, immense dans mon cœur, la voici, apaisée et aimante, je te
l’offre , et je l’offre aussi aux infirmières de l’unité de soins palliatifs de l’hôpital de Gap pour
leur demander pardon de mon impatience, même si je sais qu’elles l’ont comprise.
Marie,
Quelle est cette impatience à vouloir que tu meures ?
La mienne.
Quelle est cette souffrance que je veux abréger ?
La mienne. »
Intervention de Marjorie JOLIBOIS :
Lorsque les patients racontent leur histoire douloureuse, ils évoquent souvent des deuils,
différents types de deuils. Il s’agira de séparations (disputes avec un membre de la famille, par
exemple), de pertes (dommages, à savoir perte d’un travail, d’un statut social) et de deuils (la
mort d’un proche).
Nous pouvons constater que ces deuils surviennent de manière concomitante à la douleur.
I me raconte qu’elle a perdu son père il y a 10 ans. Un père dont elle était proche. Quand je
lui pose la question quand ont commencé ses douleurs de spondylarthrite, elle me répond il y
a 10 ans et ajoute vous pensez qu’il y a un lien ?
P me raconte qu’elle a perdu son travail, elle vient d’être licenciée pour inaptitude et tout
cela à cause de cette « fichue » algodystrophie. P ajoute, depuis je repense aux morts à tous
ceux que j’aime… j’ai l’impression qu’ils m’appellent.
Les deuils
Il faut se méfier des « mal-morts » et notamment des circonstances brutales d’un
décès comme les suicides ou les accidents.
N me raconte le jour où son grand-père s’est suicidé. Il était hospitalisé dans le cadre de son
cancer de la prostate, à priori métastatique aux dires des examens et de l’équipe soignante.
Selon N, il aurait entendu qu’il était « foutu » et ne l’a pas supporté, si bien qu’il a mis fin à
ses jours en se jetant de sa chambre d’hospitalisation. Cela fera 7 ans.
P me raconte dans quelles circonstances son plus jeune frère s’est suicidé et qu’elle n’a pas
pu lui dire au revoir. La longueur des procédures médico-légales ont abîmé le corps si bien
que son frère aîné lui aurait dit « il n’est pas beau à voir, tu vas être traumatisée ». P est
restée sur ces paroles et regrette. Cela va faire plus de 20 ans.
Il est important de se pencher également sur la relation entretenue entre le patient et
leurs morts, récents ou plus anciens. De la séparation de ces relations dépend la
guérison, le soulagement. Cette relation peut se définir sur plusieurs aspects :
o Premièrement au moment du « passage » quels sont les gestes faits, les paroles dites, la
présence offerte. Ce sont des moments essentiels qui renvoient aux rituels et aux
traditions qui ont une fonction protectrice. Des traditions qui, parfois, se perdent dans la
culture moderne qui craint la mort, les morts, qu’elle oublie le plus vite possible. Cette
mort vécue comme un échec de la médecine « on n’a rien pu faire pour le sauver ». C’est
dans ce moment-là où des souffrances difficiles à guérir naissent.
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o Deuxièmement, qui est mort ? La nature du deuil dépend des relations établies entre le
défunt et l’endeuillé. Si ces liens étaient précaires, basés sur la dépendance ou s’ils étaient
conflictuels, ambivalents, le deuil sera d’autant plus complexe.
o Troisièmement, que deviennent les morts après ? la position scientifique parle de mort
biologique. Après la mort, il n’y a rien… mais les gens, les vrais de tous les jours,
confrontés à la mort, à la transmission ne sont pas scientifiques. Souvent, ils parlent d’un
autre monde, d’un monde inaccessible aux vivants. Quel que soit notre conception, il
semble que la position éthique du thérapeute est d’accepter la réalité du patient et ses
croyances. Car si personne n’en sait rien, c’est tout de même pratique de se représenter
les défunts quelque part, de combler le vide de notre intérieur, cela peut être une forme
de soulagement. Les gens gardent une forme de relation, de communication malgré tout.
La notion de fantôme
Il existe souvent chez les patients douloureux chroniques des deuils, mais ces patients ne font
pas souvent le lien avec la souffrance qu’ils peuvent éprouver actuellement. On retrouve souvent
des morts particulières ou bien le défunt était une figure d’attachement centrale.
La relation avec leurs morts revêt soit un caractère envahissant, et dans ce cas nous sommes face
à des problématiques de deuil prolongé ou traumatique. Mais il se peut que cette relation revête,
au contraire, une neutralité émotionnelle. Et dans ce cas, nous sommes face à des morts qui sont
à la fois totalement absents tout en étant extrêmement présent au point de générer un
retentissement psychosocial majeur dans la vie des patients : « un mort à la fois présent et
absent…un fantôme ». Parfois, les morts deviennent des fantômes, mais vous me direz les
fantômes n’existent pas. Tout se passe comme si le défunt « s’incorporait » dans un caveau
secret, psychique et corporel, chez le patient douloureux chronique.
Remarques et commentaires :
La douleur chronique vient souvent s’insinuer à la place de ce qui n’est plus. Perte d’un être cher,
d’une illusion, d’un sentiment, d’un état antérieur qui serait de « bonne santé », etc…
Les rituels étaient destinés à symboliser la perte et retisser les vides de manière culturelle et
collective.
Les « malemorts », les deuils pathologiques sont souvent liés à un sentiment de rupture brutale, sans
que la transmission ait pu se faire.
Dominique Nelson entend souvent parler de ces cas chez les personnes qu’elle rencontre dans la
cadre de son travail
La place des rituels et leur utilité :
Transmettre les valeurs ancestrales,
Mettre en forme, comme une trame collective la temporalité et les sentiments et émotions de
manière à éviter les ruptures sociales et individuelles.
Ils permettent de :
Vivifier la mémoire
Retrouver l’ordre social
Libérer la parole
Evoquer le défunt
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Relier
Rappeler les liens entre le défunt avec chacun (commun il avait contribué à construire nos vies)
Inscription dans l’histoire
Mémoire
Envisager un ailleurs
Renvoyer chacun à sa propre finitude.
Ce que voudrait évacuer actuellement le collectif à travers la personne qui meurt et
aboutit à :
Des dépressions de plus en plus fortes 1 sur 2
Partir, c’est mourir un peu, mais ce n’est pas disparaître tout-à-fait ; ce n’est pas laisser un vide
rempli aussitôt des choses de l’oubli.
Le lien qui unit les êtres, quoi qu’ils en disent, ne saurait s’effacer selon le bon vouloir des
idéologies, d’où qu’elles viennent
Prochains ateliers :
9 septembre CADA personnes en exil
14 Octobre Unité de soins palliatifs au GHH
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