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l’écriture à un robot montrent aussi que le fait d’endosser le
rôle d’éducateur a un effet sur sa propre qualité d’écri-
ture [40,41].
• Enn, le fait que l’on ait mis en lumière à partir des années
2000, la forte corrélation entre la capacité à produire du
texte de bonne qualité et l’écriture manuscrite a incité un
certain nombre d’auteurs à utiliser la composition comme
moyen de rééducation. Graham et al. [42,43] ont mis au point
le dispositif de développement d’une stratégie d’autorégu-
lation (Self-Regulated Strategy Development – SRSD). La
méthode consiste à permettre à l’enfant, dans un groupe
ou en individuel, de prendre plaisir à produire un texte et
d’améliorer ces productions écrites. Le SRSD repose sur un
enseignement explicite des stratégies nécessaires, de leur
utilisation et de leur gestion, réparti en six étapes dont
l’agencement est adapté aux besoins spéciques des per-
sonnes concernées. Les groupes sont autogérés, l’adulte
maintient le cadre et l’organisation temporelle des activités
proposées au sein de la séance. Les enfants développent
leurs connaissances sur la production de textes en partant
de ce qu’ils savent déjà, en recherchant des exemples dans
la littérature enfantine et en les analysant. Ils construisent
des scenarios en se servant, par exemple, d’une représenta-
tion graphique des textes qu’ils vont produire.
L’entrainement peut s’accompagner d’aides sous forme de
ches d’auto-instructions où sont notés les éléments sur les-
quels porter son attention lorsque l’on produit un texte.
Les dernières années ont vu apparaître des techniques qui,
tout en restant orientées sur la tâche, tentent de remettre du
perceptivo-moteur dans la rééducation. Au regard de ces nou-
velles orientations de la pratique psychomotrice qui mettent
l’accent sur la nécessité d’organiser, par un guidage verbal
orienté, des informations sensorielles pertinentes pour favori-
ser l’apprentissage de l’écriture du jeune enfant, deux tech-
niques complémentaires vont être décrites : l’apprentissage
multi-sensoriel des lettres (AMSL)
[44]
et la technique graphique
d’extension (TGE) [45].
L’apprentissage multi-sensoriel de la lettre aborde une
exploration multimodale des lettres. Elle vise à associer, de
façon systématique, le mode haptique avec les modalités
visuelles et auditives dans l’exploration de lettres mal connues
ou déformées de l’enfant et ayant une certaine fréquence
d’apparition dans le langage. Deux kits de lettres cursives sont
nécessaires, un kit de petites lettres permettant à l’enfant de
bien empaumer la lettre, un kit de lettres plus grandes per-
mettant une exploration plus systématisée de la lettre. Dans
un premier temps, l’exploration haptique est utilisée sans gui-
dage précis : l’enfant tient la lettre de petite taille dans la
main, lors d’une activité de discrimination auditive à partir de
petites phrases contenant plusieurs fois la lettre étudiée. Dans
un second temps, l’exploration haptique est guidée : l’enfant
suit les contours de la lettre de plus grande taille, selon le
tracé de l’écriture avec, puis sans contrôle visuel. Une dernière
phase consiste à retrouver la lettre étudiée placée sous un fou-
lard avec une autre lettre, servant de « distracteur », et dont
les caractéristiques sont plus ou moins proches de la lettre
étudiée. On introduit donc une modalité d’exploration (hap-
tique) que l’on sait adaptée pour discriminer nement les
formes et les orientations des objets et constituant même une
modalité d’exploration préférentielle chez les plus jeunes. Elle
permettrait donc de mieux stabiliser les caractéristiques inhé-
rentes à chaque lettre en améliorant sa représentation et ainsi
sa mémorisation.
La technique graphique d’extension aborde des éléments
toniques et posturaux, lors de tracés de grande amplitude réa-
lisés à la craie sur des supports muraux. Elle sollicite des traces
de base sur des mouvements d’extension : cercles, droites et
courbes abordables avec les plus jeunes. Le psychomotricien
introduit des conditions particulières de traçage neutralisant
certains paramètres d’exécution motrice pour en mettre
d’autres en exergue selon les objectifs thérapeutiques visés. La
nature de ces paramètres sera essentiellement sensorielle :
postural, tonique, visuel et kinesthésique. Ils sont portés à la
connaissance de l’enfant et servent de feedbacks. Ces feed-
backs inuenceront, par exemple, la distance au support,
l’orientation du corps pendant l’exécution de la trace, l’utilisa-
tion ou non du contrôle visuel, la tonicité du bras. An d’assu-
rer une meilleure intégration de ces feedbacks aux réalisations
suivantes, le principe d’apprentissage implicite par analogie
peut aider certains enfants à mieux s’en saisir ; il s’agit d’utili-
ser des images qui faciliteront cette intégration. Par exemple,
suggérer de « caresser un chat qui fait le dos rond » permet
de guider l’orientation de la trace et la gestion des appuis plus
aisément qu’une consigne directe sur les caractéristiques à
modier dans la posture et le mouvement. L’enfant sera invité
à observer sa trace et y faire correspondre une réponse
motrice plus ajustée pour en parfaire la uidité et la qualité.
Ces ajustements naitront des guidages verbaux explicites et/
ou implicites opérés sur les composantes perceptives du
mouvement.
Ces deux techniques visent à aider l’enfant dans sa phase
d’apprentissage de l’écriture. Leur complémentarité se situe
dans les types de mouvements qu’elles abordent ; l’AMSL sou-
tient les composantes morphocinétiques de l’écriture, à savoir
la formation de lettres de quelques centimètres, assurées par
le poignet et les doigts. La TGE participe, quant à elle, à la
gestion des composantes topocinétiques de l’écriture, qui
régissent les déplacements dans un espace graphique donné
(agencement, orientation, maintien de la ligne), assurés par
l’ensemble du bras.
De la trace écrite au mouvement d’écriture
Si, du point de vue du lecteur, une écriture dysgraphique se
résume à l’écriture de mots illisibles, elle peut également être
envisagée comme la conséquence d’un mouvement mal
maitrisé.
Depuis les années 1980, avec le développement des tablettes
graphiques, le regard originellement porté sur la qualité de la
trace statique sur le papier s’est tourné vers l’analyse du pro-
cessus d’écriture, c’est-à-dire vers les aspects moteur impli-
qués dans la formation de la trace écrite. D’un point de vue
technique, l’enregistrement du déplacement et de la pression
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- © Les entretiens de Bichat 2016
W Psychomotricité
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